les 3 cofondateurs de Wingly.

Coavionnage : un marché prêt à décoller

Dossier : TrajectoiresMagazine N°713 Mars 2016Par : Bertrand Joab-Cornu (M2016), Lars Klein et Emeric de Waziers, les cofondateurs de Wingly.et les 10 questions par Hervé KABLA (84)

Wing­ly est au coavion­nage ce que est BlaBlaCar est au cov­oiturage. Avec plus le désir de mon­tr­er la France d’en haut que d’ef­fectuer des déplacements.
Le gros prob­lème est que la DGAC assim­i­le cette activ­ité à du trans­port com­mer­cial ce qui bloque le développe­ment en France.. Mais l’Alle­magne a don­né son feu vert. 


Lars Klein, Bertrand Joab-Cor­nu et Emer­ic de Waziers, les cofon­da­teurs de Wing­ly.

Quel est le principe du coavionnage ?

Le coavion­nage fonc­tionne sur le même principe que le cov­oiturage de BlaBlaCar mais appliqué à l’aviation légère que l’on souhaite démocratiser. 

Les pilotes d’avions de tourisme pos­tent sur Wing­ly leurs vols prévus, en y indi­quant le nom­bre de places libres, pour trou­ver des pas­sagers sup­plé­men­taires afin de mutu­alis­er les coûts et partager leur passion. 

Le coavion­nage, c’est aus­si une activ­ité de loisir plutôt que de trans­port, prin­ci­pale­ment pour effectuer des balades aéri­ennes per­me­t­tant de décou­vrir l’aviation et la terre vue du ciel. 

Cela s’adresse-t-il à tous les pilotes ?

Oui, tous les pilotes d’avions légers et même d’hélicoptères, désireux de partager leurs frais et leur pas­sion sont les bien­venus, à con­di­tion d’avoir au moins leur licence PPL (Pri­vate Pilote Licence) à jour, ain­si que d’avoir une expéri­ence suff­isante, que nous avons fixée à 100 heures de vol au min­i­mum et une expéri­ence récente d’au moins 1 heure dans les deux derniers mois. 

Concrètement, qui peut en profiter ?

Beau­coup de gens : des pas­sion­nés du ciel, des amoureux en escapade, des aven­turi­ers ayant soif de nou­velles sen­sa­tions, de sim­ples curieux, etc. 

Notre idée est à la fois de faciliter les déplace­ments et de faire décou­vrir l’aviation légère à tra­vers des vols locaux, pour aller admir­er la France façon Yann Arthus-Bertrand. 

Quels sont les freins à l’expansion du coavionnage ?

Le prin­ci­pal frein est aujourd’hui d’ordre régle­men­taire. En effet, l’activité, du fait de son car­ac­tère nou­veau, n’est pas spé­ci­fique­ment encadrée par des lois exis­tantes, qui sont alors sujettes à interprétation. 

“ Aller admirer la France façon Yann Arthus-Bertrand ”

La Direc­tion générale de l’aviation civile (DGAC) assim­i­le, dans un rap­port sur le coavion­nage, les vols qui passent par notre plate­forme à du trans­port aérien commercial. 

Cela imposerait d’une part à nos pilotes de pos­séder une licence com­mer­ciale et d’autre part nous imposerait d’obtenir un Cer­ti­fi­cat de trans­porteur aérien, nor­male­ment réservé aux com­pag­nies aéri­ennes qui exploitent des avions. 

Or, nous ne sommes qu’un site Inter­net, un inter­mé­di­aire de mise en rela­tion entre pilotes et pas­sagers. C’est un obsta­cle presque infran­chiss­able, pour être franc. Pour­tant, une loi de 1981 autorise un pilote privé à emporter des pas­sagers et à partager ses coûts avec lui, mais elle ne men­tionne pas explicite­ment le coavion­nage ren­du pos­si­ble par une plate­forme Web. 

Bien sûr, d’autres freins exis­tent, mais ils sont actuelle­ment sec­ondaires, comme la taille du marché, lever des fonds, et grossir le plus vite pos­si­ble en main­tenant un équili­bre entre pilotes et pas­sagers, ce qui implique de bien maîtris­er son marketing. 

Et vos recettes pour contourner ces freins ?

Le marché français, sous la pres­sion de lob­bies et par peur de l’inconnu régle­men­taire, ne sem­ble aujourd’hui pas vouloir de nous. Mais nous avons obtenu un feu vert régle­men­taire de l’Allemagne et l’un des trois asso­ciés de Wing­ly est allemand. 

un avion de tourisme
Notre idée est à la fois de faciliter les déplace­ments et de faire décou­vrir l’aviation légère à tra­vers des vols locaux.

Nous allons donc lancer notre activ­ité out­re- Rhin et revenir en France lorsque nous aurons fait nos preuves sur ce marché. Bien sûr, nous con­tin­uerons de nous bat­tre en France qui demeure le deux­ième marché mon­di­al du secteur, après les États-Unis. 

La DGAC nous oppose des argu­ments de fond, sécu­ri­taires. Nous devons aus­si être irréprochables sur ce domaine. Nous avons dans un même temps étudié la lit­téra­ture spé­cial­isée dans l’accidentologie des vols en avi­a­tion légère afin d’identifier les mesures les plus à même de réduire le risque d’accident.

Notre objec­tif est de par­venir à amélior­er sig­ni­fica­tive­ment la sécu­rité de l’aviation légère grâce à l’introduction de nou­veaux canaux de com­mu­ni­ca­tion, et donc de sen­si­bil­i­sa­tion, que nous amenons avec notre service. 

Nous voulons d’une part aug­menter le vol­ume des heures de vol effec­tué en démoc­ra­ti­sant l’aviation légère, et d’autre part réduire le taux d’accident relatif. C’est ambitieux, mais c’est un objec­tif que nous pen­sons réalisable. 

Comment réunit-on plus de 20 000 fans sur Facebook en moins de six mois ?

Il n’y a pas de recette mag­ique. Un peu de chance, sûre­ment, mais surtout beau­coup de tra­vail, de pré­pa­ra­tion et aus­si un bud­get mar­ket­ing. Depuis main­tenant un an, Face­book est notre canal d’acquisition prin­ci­pal, chaque post ou pub­lic­ité est mûre­ment réfléchi. 

Sur Face­book, il y a un engoue­ment très impor­tant parce que nous pro­posons une expéri­ence extra­or­di­naire, qui fait rêver. Nous explorons donc ce filon grâce à du con­tenu de qual­ité, de très belles pho­tos, des témoignages poignants. 

Mais nous n’avons rien à inven­ter, c’est la magie du ciel qui convainc. 

Sur Face­book, nous max­imisons les out­ils d’analyse à notre dis­po­si­tion, que nous per­son­nal­isons et enrichissons au fur et à mesure, afin d’affiner le ciblage, aug­menter les taux de réten­tion et de conversion. 

Qui visez-vous en premier, les pilotes ou les passagers ?

Prin­ci­pale­ment des pas­sagers. Mais pas sim­ple­ment. Beau­coup de gens curieux aus­si, des pas­sion­nés d’aéronautique, des per­son­nes qui ont enten­du par­ler de nous dans les médias ou par le bouche à oreille. 

Quel rôle jouent les aéroclubs ?

Ils jouent un rôle clé. Ils sont le relais immé­di­at entre la plate­forme et le pilote, la cour­roie de trans­mis­sion si l’on peut dire. La grande majorité des pilotes qui utilisent Wing­ly ne sont pas pro­prié­taire de leur avion mais le louent dans l’aéroclub dont ils sont membres. 

“ Ne pas savoir si notre activité sera autorisée est très frustrant ”

C’est égale­ment un point de ren­con­tre physique. On s’y retrou­ve, on échange, on dis­cute à la fin du vol, on y appré­cie une vie asso­cia­tive et une dynamique de pas­sion­nés. C’est cru­cial pour nous d’avoir l’accord et, au-delà, le sou­tien des aéro­clubs puisque ce sont eux qui peu­vent égale­ment inter­dire ou non cette activité. 

C’est pour cela que l’on entre­tient avec eux un dia­logue per­ma­nent. C’est aus­si pour cela que nous avons tout d’abord sondé les prési­dents d’aéroclubs ain­si que les pilotes pour avoir leurs retours, leurs idées, pour mieux les comprendre. 

Qu’est-ce qui a été le plus dur depuis la création de la société ?

L’incertitude régle­men­taire qui est née alors même que nous con­nais­sions notre pic de crois­sance et de cou­ver­ture médi­a­tique. Depuis, évoluer sans savoir si notre activ­ité sera autorisée est dif­fi­cile et très frustrant. 

On dépense du temps et des cap­i­taux qui auraient pu servir à amélior­er notre pro­duit et à se rap­procher davan­tage de nos clients. 

Pour finir, une anecdote sur un vol particulièrement remarquable ?

Le vol le plus remar­quable fut indé­ni­able­ment celui qui a per­mis à un jeune cou­ple de faire sa demande en mariage dans l’avion. Cela au cours d’un vol d’une heure et demi pour 90 euros par per­son­ne qui les ame­nait à Belle-Île-en-Mer pour pass­er un beau week-end de septembre.

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