Drone israelien d'Elbit

Une industrie des hautes technologies marquée par une forte empreinte militaire

Dossier : Israël : Les X et la Start-up NationMagazine N°728 Octobre 2017
Par Jonathan AFLALO (06)

L’économie israéli­enne est en plein essor, tirée par les hautes tech­nolo­gies. Cela provient d’un état d’e­sprit par­ti­c­uli­er, mélange d’au­dace et de culot où Tsa­hal y joue un rôle par­ti­c­uli­er, avec une for­ma­tion au cours d’un ser­vice mil­i­taire long, avec ses unités de recherche recru­tant les meilleurs élé­ments et un bras­sage des caté­gories sociales.

La réus­site dans le développe­ment et la créa­tion de tech­nolo­gies qu’a atteinte Israël, petit pays sans ressources naturelles, entouré de pays pour la plu­part enne­mis, est assez surprenante. 

Les sources de cette réus­site sont divers­es. Qu’il s’agisse de la for­ma­tion uni­ver­si­taire, qui met un point d’honneur à inté­gr­er des étu­di­ants très tôt dans des groupes de recherche et à créer de nom­breux parte­nar­i­ats avec l’industrie, ou de la for­ma­tion mil­i­taire où, à peine le bac en poche, cer­tains jeunes sont inté­grés dans des unités d’élite tech­nologique spé­cial­isées dans de nom­breux domaines comme la cyber­sécu­rité, la com­put­er vision, le traite­ment des sig­naux, ou encore le développe­ment de drones, la volon­té de créer, d’innover, et surtout d’oser, est une com­posante clef de la scène tech­nologique israélienne. 

REPÈRES

Israël, petit pays de 8,5 millions d’habitants, compte le nombre de start-up par habitant le plus élevé au monde.
Depuis sa création, les investissements dans le secteur de la high-tech ne cessent de croître, se manifestant sous la forme de centres de R & D avancés de grandes entreprises telles qu’Amazon, Google, Facebook, IBM, Yahoo, Samsung, Apple ou sous forme d’injections de capitaux et de rachats de start-up.
La Start-up Nation, telle qu’elle est souvent dénommée, fait d’ailleurs l’objet d’un livre de titre éponyme, coécrit par Dan Senor et Saul Singer.

L’ARMÉE EST UN PUISSANT MOTEUR D’INNOVATION

L’armée joue un rôle pri­mor­dial dans le monde de l’entreprise israélien. La fameuse unité 8 200 de ren­seigne­ment est aujourd’hui la plus grosse de Tsa­hal. L’impact de l’armée sur la créa­tion de start-up et sur l’innovation tech­nologique tient à deux facteurs. 

Le pre­mier est le fait que cer­tains jeunes, de 18 ans à peine, devi­en­nent officiers et sont très tôt amenés à diriger et gér­er des groupes d’hommes, ou des pro­jets d’envergure dont, pour cer­tains, des vies peu­vent dépendre. 

“ L’armée joue un rôle primordial dans le monde de l’entreprise ”

Cette for­ma­tion pro­duit une future généra­tion d’entrepreneurs qui n’hésitent pas à pren­dre des risques ain­si que des respon­s­abil­ités man­agéri­ales dans des grandes entre­pris­es. La ges­tion d’hommes n’est pas nou­velle pour eux, ni la prise de risque. 

La sec­onde con­tri­bu­tion de l’armée à l’effervescence de la high-tech et la créa­tion de start-up est l’avancée tech­nologique de Tsa­hal. Tous les ans, des recru­teurs de l’armée sil­lon­nent les meilleurs lycées du pays pour recruter dans des pro­grammes spé­ci­aux (comme Tal­pi­ot) les meilleurs élé­ments pour les inté­gr­er juste après le bac dans des unités de recherche. 

Cer­taines entre­pris­es comme Check­point (un des lead­ers mon­di­aux en matière de cyber­sécu­rité) ont même été créées par d’anciens col­lègues de ces unités de l’armée qui ne sont pas passés par la case uni­ver­sité. Le nom­bre de start-up créées par des anciens du pro­gramme Tal­pi­ot est excep­tion­nelle­ment élevé. 

De nom­breux domaines sci­en­tifiques sont cou­verts par ces unités, comme la cryp­tolo­gie, le traite­ment de sig­nal, l’analyse d’image, les sys­tèmes de nav­i­ga­tion, répon­dant à des besoins tac­tiques et stratégiques liés à la sécu­rité du pays, qui est mise à l’épreuve en permanence. 

LA CULTURE DE L’AUDACE

La men­tal­ité des Israéliens, et leur légendaire chutz­pah (culot), y est aus­si pour quelque chose. 

Totale­ment libérées de for­mal­isme et de codes soci­aux con­ven­tion­nels pro­pres aux entre­pris­es européennes, la com­mu­ni­ca­tion et la prise de déci­sion s’effectuent de façon beau­coup moins hiérar­chique – et plus efficace. 

LES PARCOURS SCIENTIFIQUES SONT VALORISÉS

Le concept d’over qualification pour des docteurs ayant obtenu leur thèse et en recherche d’emploi est quasi absent de la scène technologique israélienne.
Le ministre de l’Éducation, lui-même un ancien fondateur de start-up, a récemment lancé une campagne visant à inciter les jeunes bacheliers à choisir cinq crédits de mathématiques au baccalauréat (qui constituent le plus haut niveau de mathématiques au lycée) expliquant qu’un haut niveau en mathématiques est un bagage indispensable pour l’innovation dans le secteur technologique.

L’armée bras­sant une pop­u­la­tion de toutes les caté­gories sociales et de dif­férentes généra­tions, l’efficacité dans la com­mu­ni­ca­tion y est pri­mor­diale, et les bar­rières hiérar­chiques exis­tent mais n’y sont pas des murs de béton. 

L’approche israéli­enne du secteur de la high-tech est avant tout aven­tureuse. L’échec d’une start-up n’est pas con­sid­éré comme un mal en soi, mais comme une expéri­ence. De nom­breux entre­pre­neurs comme le fon­da­teur de Waze n’ont pas per­cé dès la pre­mière aventure. 

Dans cer­taines entre­pris­es, le fait d’avoir échoué après avoir fondé une start-up est même perçu comme un atout lors de recrute­ments car c’est une preuve d’esprit aven­tureux et entreprenant. 

Le cli­mat de Start-up Nation encour­age aus­si beau­coup de jeunes à se lancer, ne se sen­tant pas seuls dans ce genre d’entreprise, car « mon­ter sa boîte » est pra­tique assez courante. 

L’UNIVERSITÉ, FERMENT DE L’INNOVATION

Les uni­ver­sités israéli­ennes, avec leurs nom­breux incu­ba­teurs et toutes les aides qu’elles four­nissent à leurs étu­di­ants désireux de se lancer dans la créa­tion de start-up, ont aus­si beau­coup d’impact sur ce secteur. 

“ L’échec d’une start-up n’est pas considéré comme un mal en soi, mais comme une expérience ”

L’Université de Tel-Aviv a été classée en 2017 par­mi les dix pre­mières uni­ver­sités au monde pour son nom­bre de diplômés devenus entre­pre­neurs. Mais le rôle des uni­ver­sités ne se lim­ite pas à encour­ager les étu­di­ants à se lancer dans la créa­tion d’entreprise.

La plu­part des insti­tu­tions académiques sci­en­tifiques israéli­ennes met­tent un point d’honneur à encour­ager leurs étu­di­ants à faire de la recherche, et à ne pas se lim­iter à une sim­ple licence ou à un mas­ter sans thèse. 

Con­traire­ment au sys­tème des grandes écoles, qui a pour but de for­mer des cadres dirigeants et qui ne pousse pas tou­jours les étu­di­ants à se diriger vers des doc­tor­ats, l’élite israéli­enne de la high-tech est con­sti­tuée pour la plu­part de docteurs. 


Les drones d’Elbit sont à la pointe des tech­nolo­gies militaires.

L’innovation passe avant tout par la recherche, et non pas unique­ment par les capac­ités managériales. 

Néan­moins, si les Israéliens savent innover, la capac­ité de pass­er de petite et moyenne entre­prise au stade de multi­na­tionale fait défaut, et lim­ite la pos­si­bil­ité des entre­pris­es de s’étendre et de s’ouvrir à de nou­veaux marchés. 

La plu­part des start-up israéli­ennes se font racheter par des gros groupes (sou­vent américains). 

Cela est dû à la fois à une mon­di­al­i­sa­tion qui priv­ilégie les très grandes entre­pris­es et con­stitue un bar­rage dif­fi­cile­ment fran­chiss­able pour des entre­pris­es de taille moyenne, mais aus­si à un manque de patience car­ac­téris­tique des Israéliens, désireux de faire leur « exit », afin de dis­pos­er d’un coup d’un cap­i­tal de plusieurs mil­lions de dol­lars leur per­me­t­tant de pour­suiv­re leur aven­ture entrepreneuriale.

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