Smartphone, produisant des données non structurées en IA utilisées dans la banque

Mieux servir la clientèle de particuliers dans les banques

Dossier : L'intelligence artificielleMagazine N°733 Mars 2018
Par Édouard d'ARCHIMBAUD (04)

Depuis des décen­nies, les ban­ques et surtout les ban­ques de par­ti­c­uliers sont par­mi les plus gros util­isa­teurs des out­ils numériques. Il est donc naturel pour elles de se tourn­er vers les out­ils issus de l’intelligence arti­fi­cielle et ce d’autant plus que leur marché attire une con­cur­rence nou­velle de sociétés nova­tri­ces, les fin­techs.

Les ban­ques dis­posent d’énormément de don­nées non struc­turées qu’elles n’ex­ploitaient pas jusqu’i­ci. Les apports de l’in­tel­li­gence arti­fi­cielle vont donc per­me­t­tre de le faire avec pour con­séquences une meilleure sat­is­fac­tion client, une trans­for­ma­tion des sys­tèmes d’in­for­ma­tion et l’automatisation des tâch­es répéti­tives à faible valeur ajoutée.

De façon générique, la promesse de l’intelligence arti­fi­cielle est la capac­ité de répli­quer l’intelligence humaine. Pour une banque, c’est la capac­ité de traiter à échelle indus­trielle des don­nées non struc­turées pour en extraire des ser­vices à valeur ajoutée.

C’est ain­si que nous avions jusqu’ici dévelop­pé une grande exper­tise de traite­ment des don­nées dites struc­turées, nous per­me­t­tant de gér­er au mieux les risques liés à l’accompagnement de nos clients.

Nous allons désor­mais employ­er cette exper­tise, com­binée à des capac­ités infor­ma­tiques et dig­i­tales ren­for­cées, pour traiter des don­nées dites non struc­turées (textes, voix, images, etc.). Les don­nées non struc­turées représen­tent 80 % du vol­ume glob­al des don­nées. Le traite­ment de ces don­nées va nous per­me­t­tre d’améliorer l’expérience client et notre effi­cac­ité opérationnelle.

Pour une banque, l’intelligence arti­fi­cielle présente donc un nou­veau levi­er de traite­ment de ces don­nées. Mais nous devons veiller à garder tou­jours un sens aigu de la pro­tec­tion des don­nées de nos clients.


REPÈRES

Les grandes banques de particuliers disposent de masses de données considérables sur leurs clients et ont développé une grande expertise dans l’exploitation des données structurées (séries historiques de crédit, impacts de scénarios complexes de marché, etc.).
Mais l’utilisation des données non structurées qui représentent 80 % du total est très peu ou pas automatisée. C’est un domaine dans lequel les apports de l’intelligence artificielle sont très attendus.

DES LEVIERS D’ACTION TRÈS IMBRIQUÉS

Les oppor­tu­nités de développe­ment que l’intelligence arti­fi­cielle offre à une banque s’articulent autour de 5 grands leviers très imbriqués : amélior­er l’expérience client, ren­forcer son effi­cac­ité opéra­tionnelle, mieux utilis­er ses don­nées, dévelop­per des modes de tra­vail nou­veaux et trans­former ses sys­tèmes d’information.

La rapid­ité de ser­vices ain­si ren­for­cée con­tribuera à l’amélioration de l’expérience de nos clients. L’intelligence arti­fi­cielle a égale­ment un poten­tiel réel pour ren­dre les ser­vices des ban­ques encore plus per­for­mants mais aus­si pour en créer de nouveaux.Le ren­force­ment de l’efficacité opéra­tionnelle passe par l’automatisation de cer­taines tâch­es répéti­tives à faible valeur ajoutée comme la pro­duc­tion de cer­taines doc­u­men­ta­tions et de cer­tains rap­ports financiers, ou encore les sim­u­la­tions d’offres commerciales.

Ces per­spec­tives amè­nent cer­taines grandes ban­ques, dont la mienne, à créer de véri­ta­bles lab­o­ra­toires d’intelligence arti­fi­cielle, où se côtoient des per­son­nes d’horizons dif­férents (data sci­en­tists, développeurs soft­ware, web design­ers, ban­quiers). De pre­miers ser­vices d’intelligence arti­fi­cielle appa­rais­sent ain­si sur le marché.

DES DÉBUTS PROMETTEURS

Pour évo­quer le type de ser­vices pro­posés par l’intelligence arti­fi­cielle, je par­ti­rai de mon expéri­ence. Récem­ment, nous avons dévelop­pé un out­il de lec­ture automa­tique de nos con­trats com­mer­ci­aux. Cet out­il analyse en quinze sec­on­des un con­trat de 150 pages.

“ Dans les banques, les données non structurées représentent 80 % du volume global des données ”

Nous avons aus­si dévelop­pé un out­il de tra­duc­tion automa­tique en nous appuyant sur l’apprentissage pro­fond et les tech­nolo­gies open source. Il utilise un algo­rithme d’un lab­o­ra­toire de recherche améri­cain, disponible en libre accès.

Après une phase de test de cet out­il de tra­duc­tion « mai­son », nous avons obtenu un mod­èle plus appro­prié aux spé­ci­ficités d’une banque, qui donne de meilleurs résul­tats que les tra­duc­teurs stan­dards exis­tant sur le marché. Pour un groupe présent dans 74 pays, c’est un réel atout.

UNE COMPLÉMENTARITÉ RENFORCÉE ENTRE L’HOMME ET LA MACHINE

Ces développe­ments soulèvent des craintes pour l’emploi et la per­son­nal­i­sa­tion de la rela­tion bancaire.

Je pense qu’en fait ils vont ren­forcer la com­plé­men­tar­ité entre l’homme et la machine en per­me­t­tant d’automatiser les tâch­es les plus répéti­tives et à faible valeur ajoutée, et de libér­er du temps humain pour les tâch­es non répéti­tives et à forte valeur ajoutée.

Ils vont égale­ment ren­dre intel­li­gi­bles et util­is­ables par l’homme un plus grand nom­bre de don­nées, source de nou­velles analy­ses. Et ils vont per­me­t­tre de fournir des répons­es encore plus per­for­mantes aux besoins exis­tants, et de génér­er de nou­velles idées de ser­vices pour nos clients.


DES MILLIARDS D’INVESTISSEMENTS ET D’ÉCONOMIES

BNP Paribas a un plan d’investissement de 3 milliards d’euros, autofinancé par des économies de coûts et générant 2,7 milliards d’euros d’économies récurrentes chaque année à partir de 2020.
À Paris, la banque a créé un laboratoire d’intelligence artificielle, composé de quelques dizaines de personnes, travaillant en partenariat avec d’autres laboratoires d’intelligence artificielle comme celui de l’X.

Aujourd’hui, tous les métiers de la banque recru­tent déjà des tal­ents dig­i­taux, dans les marchés, dans la banque de détail dans l’assurance et dans tous ses ser­vices spécialisés.

Dictionnaires contre traducteur automatique utilisant une IA
Les out­ils de tra­duc­tion automa­tique rem­pla­cent avan­tageuse­ment les dic­tio­n­naires. © MAKSYM YEMELYANOV

Demain, nous ver­rons émerg­er de nou­veaux emplois tels que « sci­en­tifiques des don­nées », « ges­tion­naires des don­nées », « pro­tecteurs des don­nées », et bien d’autres qui n’existent pas encore.

L’ÉMERGENCE DES FINTECHS

Dans ce monde dom­iné par la tech­nolo­gie, l’apparition de nou­veaux acteurs – les fin­techs – n’est pas une sur­prise. Pour des ban­ques établies, ces sociétés représen­tent une oppor­tu­nité si l’on sait les regarder, et les saisir.

Alors qu’émergent de nou­velles façons de con­som­mer des ser­vices financiers, les ban­ques nouent des parte­nar­i­ats avec des fin­techs, en ont racheté d’autres ou encore ont créé leurs pro­pres jeunes pousses.

C’est ain­si que BNP Paribas a annon­cé le lance­ment du porte­feuille élec­tron­ique Lyf Pay, et acquis une « néobanque », Compte-Nick­el. Car aujourd’hui, la vitesse de prop­a­ga­tion d’une inno­va­tion est essen­tielle ; pou­voir s’appuyer sur le porte­feuille de clients d’un grand groupe et ain­si propager rapi­de­ment son inno­va­tion peut à un moment don­né être une option intéres­sante pour une fin­tech.

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