Recharge d'un véhicule électrique

Le stockage d’énergie stationnaire : besoins, opportunités et défis

Dossier : Les énergies renouvelablesMagazine N°730 Décembre 2017
Par Yann LAOT (02)

Le stock­age d’énergie sta­tion­naire est l’une des sources de flex­i­bil­ité d’un mix élec­trique. Des solu­tions sont déjà en ser­vice y com­pris pour de gross­es puis­sances (pom­page hydraulique) et pour la mobil­ité élec­trique avec les bat­ter­ies ion-lithi­um. Des recherch­es sont entre­pris­es sur des mul­ti­tudes de solu­tions et il est espéré que cer­taines d’en­tre elles déboucheront prochainement.

Si la prémisse du stock­age sta­tion­naire est sim­ple : déplac­er dans le temps la disponi­bil­ité d’une quan­tité d’énergie, la diver­sité des angles d’approche est grande, que ce soit par le prisme des appli­ca­tions pos­si­bles (arbi­trage, report ou écrê­tage de pointe, ren­force­ment de l’autoconsommation, etc.), des acteurs impliqués (pro­duc­teurs d’énergie, opéra­teurs de réseaux, con­som­ma­teurs, etc.), des sché­mas de monéti­sa­tion (arbi­trage, rémunéra­tion de capac­ité, coûts évités, etc.), du type de solu­tions tech­niques ou même des enjeux réglementaires. 

“ Des opportunités très différentes selon les zones géographiques et l’horizon de temps considéré ”

Cette diver­sité explique l’adaptabilité mais aus­si la var­iété des tech­nolo­gies pos­si­bles : stock­age sous forme de chaleur ou de froid, d’énergie poten­tielle ou mécanique (sta­tion de trans­fert d’énergie par pom­page-turbinage hydraulique, air com­primé, volants d’inertie), d’énergie élec­trique (super­con­den­sa­teurs, supra­con­duc­teurs), d’énergie élec­trochim­ique (bat­ter­ies lithi­um-ion, plomb, nick­el, redox-flow…), chim­ique (hydrogène ou gaz naturel…). 

REPÈRES

Avec une croissance continue depuis 2012 de + 54 %/an des nouvelles capacités déployées de stockage stationnaire (toutes technologies confondues), le marché du stockage stationnaire devient significatif en 2016 avec +1,4 GW, même s’il est encore modeste au regard des renouvelables (+70 GW de photovoltaïque et +55 GW d’éolien pour la seule année 2016).

DES BESOINS VARIABLES SELON LES RÉGIONS

L’évolution en OCDE des mix élec­triques et des régle­men­ta­tions (essor des renou­ve­lables, com­péti­tiv­ité du char­bon face au gaz hors régle­men­ta­tion CO2) tend à court terme à favoris­er les besoins en stock­age décen­tral­isé liés à l’intégration des renou­ve­lables, ain­si qu’à l’optimisation des réseaux. 

LE LITHIUM-ION

Cette technologie domine aujourd’hui la mobilité électrique et voit ses coûts diminuer drastiquement grâce aux effets d’échelle permises par le secteur automobile : ‑70 % sur les sept dernières années.
Avec la volonté affichée de la Chine de devenir le leader mondial du secteur et la croissance importante des capacités de fabrication depuis trois ans dans le monde, le coût du stockage par lithium-ion va poursuivre sa décroissance, ouvrant de nouvelles applications et favorisant l’essor des renouvelables.

Cette ten­dance est favor­able aux tech­nolo­gies très mod­u­laires (de quelques kW/kWh à quelques dizaines de MW/ MWh, pour des durées moyennes de décharge de 15 min­utes à 4 heures) comme les bat­ter­ies lithi­um-ion, même si le mix actuel mon­di­al reste encore très large­ment dom­iné par les sta­tions de pom­page hydraulique (STEP) avec plus de 98 % de la base instal­lée (env­i­ron 145 GW). 

Si l’équation d’évaluation des besoins en stock­age est uni­verselle, les solu­tions peu­vent sig­ni­fica­tive­ment vari­er selon la géo­gra­phie con­sid­érée et les poli­tiques adop­tées. Ain­si la Chine (crois­sance de la demande en élec­tric­ité, poli­tique ambitieuse sur le véhicule élec­trique et les bat­ter­ies lithi­um-ion), le Japon (pas d’interconnexions), ou la plu­part des pays d’Afrique (réseau élec­trique peu éten­du, oppor­tu­nités nom­breuses pour des micro­grids hybrides à base de diesel) con­naîtront prob­a­ble­ment un chem­ine­ment dif­férent de l’Europe (réseau d’électricité très inter­con­nec­té, large réseau de gaz favor­able au P2G) ou des États-Unis (gaz de schiste abondant). 

DISTINGUER BESOINS ET OPPORTUNITÉS


La tech­nolo­gie lithi­um-ion domine aujourd’hui la mobil­ité électrique.
© SCHLIERNER / FOTOLIA.COM

L’expérience de ter­rain de ces dernières années mon­tre l’importance des consomm’acteurs (dis­posant de moyens décen­tral­isés de pro­duc­tion : pho­to­voltaïque, biogaz, etc.). Ain­si plus des deux tiers du marché alle­mand du stock­age déployé en 2016 ont été rac­cordés en aval du comp­teur, essen­tielle­ment dans le secteur résidentiel. 

Cou­plée aux pos­si­bil­ités offertes par le numérique (en par­ti­c­uli­er l’agrégation de nom­breux stock­ages dis­tribués en une cen­trale virtuelle de stock­age), cette ten­dance pour­rait sig­ni­fica­tive­ment accélér­er le déploiement du stock­age distribué. 

Il est impor­tant de rap­pel­er aus­si l’enjeu régle­men­taire : là où l’Allemagne a autorisé le stock­age rési­den­tiel et l’a même sub­ven­tion­né via la banque KfW, la Cal­i­fornie l’a au con­traire forte­ment ralen­ti en pro­longeant le Net Ener­gy Meter­ing (NEM, qui trans­forme le réseau en stock­age « gratuit »). 

LE LITHIUM-ION : POSSIBILITÉ D’UN EFFET BOULE DE NEIGE ?

Il n’existe pas de tech­nolo­gie de stock­age d’énergie idéale, répon­dant à l’ensemble des spé­ci­fi­ca­tions req­ui­s­es par l’ensemble des appli­ca­tions. Néan­moins, une famille tech­nologique aujourd’hui se détache du lot : le lithium-ion. 

“ Les prix du lithium-ion ont baissé de 77 % en sept ans ”

Cer­taines ques­tions restent cepen­dant encore sans réponse (disponi­bil­ité de matières pre­mières cri­tique comme le cobalt ; com­péti­tiv­ité pour des décharges de longues durées et/ou peu fréquentes), lais­sant la porte ouverte à d’autres tech­nolo­gies (pow­er-to-gas, redox-flow…). 

Le stock­age sta­tion­naire con­naît donc un con­texte por­teur, qui s’explique entre autres par la mul­ti­pli­ca­tion de poli­tiques publiques volon­taristes (Cal­i­fornie, Mass­a­chu­setts, Alle­magne, France, Japon, etc.), par un investisse­ment con­tinu dans la R & D et les démon­stra­teurs tech­nologiques, par la mat­u­ra­tion des mod­èles d’affaires et de nou­velles offres inno­vantes (mul­ti­ap­pli­ca­tions pour un même sys­tème de stock­age, agré­ga­tion, sec­onde vie de bat­ter­ies de véhicules élec­triques), mais aus­si par des syn­er­gies avec de larges marchés con­nex­es en crois­sance forte (mobil­ité électrique/ bat­ter­ies lithium-ion).

Poster un commentaire