L’énergie solaire photovoltaïque : nouvelles perspectives européennes

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°765 Mai 2021
Par Roch DROZDOWSKI-STREHL

L’Ins­ti­tut Pho­to­vol­taïque d’Île-de-France (IPVF) s’engage pour faire de la recherche et de l’innovation pour ses clients un véri­table levier de per­for­mance éco­no­mique pour ses clients, et pour per­mettre à l’Europe d’asseoir un posi­tion­ne­ment fort et cohé­rent dans son ambi­tion de tran­si­tion éner­gé­tique. Le point avec Roch Droz­dows­ki-Strehl, direc­teur géné­ral de l’IPVF et vice-pré­sident de la Euro­pean Tech­no­lo­gy & Inno­va­tion Plat­form for Pho­to­vol­taics (ETIP PV).

L’Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF) a pour ambition de devenir un acteur incontournable de la recherche et de l’innovation dans le domaine de l’énergie solaire photovoltaïque. Comment cela se traduit-il en termes d’objectifs et de missions ?

J’ai pris la direc­tion de l’IPVF à mon retour de Sin­ga­pour, en février 2019. Ce « der­nier né » en Europe de la R&D solaire pho­to­vol­taïque (PV) reflète la dyna­mique très concur­ren­tielle de ce sec­teur, ain­si que le posi­tion­ne­ment des forces fran­çaises dans cette course. Labé­li­sé Ins­ti­tut de Tran­si­tion Éner­gé­tique (ITE), l’IPVF ras­semble les équipes fran­çaises du CNRS, de l’École Poly­tech­nique, d’EDF, de Total et d’autres entre­prises de toutes tailles. Toutes nos équipes, 200 per­sonnes envi­ron, par­tagent une convic­tion, l’union fait la force, et une ambi­tion com­mune, sor­tir de nos labo­ra­toires les pro­chaines solu­tions photovoltaïques. 

Nos reve­nus pro­viennent de nos clients qui par­ti­cipent à la R&D col­la­bo­ra­tive que nous orga­ni­sons, ain­si que de l’État, sous la forme d’une sub­ven­tion. L’objectif de l’IPVF est de se spé­cia­li­ser dans les liens qui asso­cient Recherche & Indus­trie, Science & Ver­rous Tech­no­lo­giques qui se trouvent sur le che­min de déve­lop­pe­ment des solu­tions actuelles et futures de nos clients. Nous les accom­pa­gnons dans la créa­tion de nou­veaux pro­duits et l’amélioration de ceux qui existent en capi­ta­li­sant sur la science.

Qu’en est-il des projets emblématiques que l’IPVF a mis en place dans ce cadre ?

Notre acti­vi­té repose sur un pro­gramme de R&D trien­nal, struc­tu­ré en six piliers com­plé­men­taires. Le déve­lop­pe­ment de nou­velles tech­no­lo­gies dans le domaine de l’énergie solaire PV est au cœur de notre action. Face à la limite de per­for­mance à laquelle se heurte le mar­ché mon­dial, l’IPVF déve­loppe de nou­velles géné­ra­tions de maté­riaux : les cel­lules tan­dem tout d’abord. Celles-ci se com­posent de maté­riaux pérovs­kites ou III‑V. En paral­lèle, le solaire pho­to­vol­taïque se retrouve dans une varié­té crois­sante d’applications : bâti­ment, véhi­cule, agriculture… 

À titre d’exemple, l’industrie s’intéresse à l’évolution de la tuile solaire en la décli­nant sous plu­sieurs for­mat et cou­leurs, tout en opti­mi­sant ses per­for­mances éner­gé­tiques. Nous étu­dions éga­le­ment le domaine du tex­tile où le « light-to-power » est embar­qué aux vête­ments et aux acces­soires. De façon géné­rale, nous accom­pa­gnons nos par­te­naires et nos clients qui se posent la ques­tion de la manière dont ils peuvent deve­nir acteurs de la tran­si­tion éner­gé­tique à tra­vers leurs produits. 

Cela implique une forte proxi­mi­té avec les métiers, des essais et des recherches fluides afin de conce­voir des maté­riaux per­for­mants, stables dans le temps et à des coûts rai­son­nables. Si la concur­rence inter­na­tio­nale est forte, l’IPVF se dif­fé­ren­cie par la force de frappe de ses équipes de pointe et son ambi­tion de créer une « équipe de France » autour de nos enjeux. Nous avons déjà obte­nu, en 4 ans seule­ment, des résul­tats struc­tu­rants en la matière.

Quels sont les principaux défis liés au développement de nouvelles technologies de rupture dans le domaine photovoltaïque ?

À ce jour, la tech­no­lo­gie domi­nante, le sili­cium, est limi­tée en théo­rie à 29 % de ren­de­ment. Les tech­no­lo­gies tan­dems peuvent, quant à elles, dépas­ser des ren­de­ments de 42 %. En effet, la tech­no­lo­gie de « tan­dem » consiste à asso­cier deux couches consti­tuées de maté­riaux dif­fé­rents et com­plé­men­taires. Pour une sur­face don­née, ceci per­met au module de cap­ter un spectre lumi­neux plus large pour géné­rer de l’électricité.

L’enjeu est donc de trou­ver la bonne com­bi­nai­son pour que cet assem­blage de maté­riaux puisse valo­ri­ser davan­tage de l’énergie solaire reçue, sans dégra­der la capa­ci­té de cha­cune des couches consti­tu­tives. Nos tra­vaux s’intéressent tout par­ti­cu­liè­re­ment aux pérovs­kites qui sont rela­ti­ve­ment peu chères à pro­duire, mais dont la sta­bi­li­té dans le temps doit être assu­rée. En paral­lèle, nous explo­rons de nou­velles pistes afin de pro­duire les élé­ments III‑V qui sont sou­vent uti­li­sés dans l’industrie aéro­spa­tiale. Il s’agit de maté­riaux très per­for­mants mais chers à pro­duire. Nous col­la­bo­rons avec le CNRS afin de trou­ver des nou­velles voies de pro­duc­tion III‑V à bas coûts.

Nous tra­vaillons éga­le­ment sur les dif­fé­rents ver­rous tech­no­lo­giques qui cor­res­pondent aux besoins d’intégration du PV à des appli­ca­tions spé­ci­fiques. L’agrivoltaïque en est une excel­lente illus­tra­tion : il s’agit d’étudier les condi­tions dans les­quelles les filières agri­cole et solaire pho­to­vol­taïque peuvent, grâce à la tech­no­lo­gie, gagner en per­for­mance de façon conco­mi­tante. Selon la zone géo­gra­phique, des pan­neaux semi-trans­pa­rents adap­tés peuvent ain­si per­mettre de pro­té­ger les cultures, lais­ser pas­ser la par­tie du spectre lumi­neux essen­tielle à la per­for­mance d’une culture don­née, tout en per­met­tant de géné­rer de l’énergie sans arti­fi­cia­li­sa­tion des sols. 

L’enjeu est de trou­ver la com­bi­nai­son spé­ci­fique à chaque type de végé­tal. Le domaine du bâti­ment est pas­sion­nant lui aus­si car il repré­sente des contraintes archi­tec­tu­rales bien pré­cises. Nous pou­vons peut-être ame­nés à tra­vailler sur des teintes homo­gènes, ciblant une cou­leur brique par exemple, tout en opti­mi­sant la per­for­mance du toit ou du mur en termes de géné­ra­tion d’électricité.

Plus particulièrement, quelle est la valeur ajoutée de votre approche de R&D pour les acteurs industriels ?

La R&D col­la­bo­ra­tive est consti­tu­tive de notre ADN. Grâce au label Ins­ti­tut pour la Tran­si­tion Ener­gé­tique (ITE), nos clients, quelle que soit leur taille, qu’ils dis­posent ou non d’équipes de R&D, peuvent accé­der au meilleur de ce que la recherche peut offrir, pour une frac­tion du coût puisqu’il s’agit d’un effort col­la­bo­ra­tif. Nos valeurs com­munes, le par­tage des coûts et des bonnes pra­tiques, per­mettent aux acteurs de l’industrie de déve­lop­per leurs pro­duits de manière beau­coup plus rapide que ce qu’ils auraient pu faire seuls. Notre cata­logue de recherche col­la­bo­ra­tive se décline ain­si en deux offres :

IPVF Enable : pour éva­luer le poten­tiel des pro­jets inté­grants des tech­no­lo­gies pho­to­vol­taïques à tra­vers une étude rapide, effi­cace et concrète. Sa méthode peut être adap­tée à des pro­blé­ma­tiques mul­tiples : scien­ti­fiques, tech­niques, com­mer­ciales, ou même des pro­blé­ma­tiques d’usage. À l’image d’une étude de pré-amor­çage, le pro­gramme l’IPVF Enable cible les équipes sou­hai­tant inté­grer le solaire PV à leurs produits ;

IPVF Plat­form : pour per­mettre à nos clients d’accéder à des ser­vices scien­ti­fiques d’exception, com­bi­nant notre équi­pe­ment de pointe et l’expertise de nos cher­cheurs afin d’accélérer leurs pro­jets de recherche pho­to­vol­taïques ou micro­élec­tro­niques. Cette offre est des­ti­née aux équipes de R&D spé­cia­li­sées en pho­to­vol­taïque ain­si qu’aux start-ups et aux scientifiques.

Enfin, nous avons inau­gu­ré le 19 novembre 2020 IPVF UNITE. Il s’agit du réseau qui réunit et fait tra­vailler autour d’intérêts com­muns les acteurs de notre filière, pour accé­lé­rer les pro­jets pho­to­vol­taïques et dyna­mi­ser le pro­grès tech­nique en s’appuyant sur la recherche. IPVF UNITE s’adresse donc aux grands groupes comme aux start-ups, pres­ta­taires de ser­vices ou indus­triels. Récem­ment, nous avons orga­ni­sé dans le cadre de ce club deux ren­contres vir­tuelles d’une heure, pour cou­vrir l’actualité euro­péenne des pérovs­kites, ain­si que les oppor­tu­ni­tés à sai­sir dans le cadre du pro­gramme Hori­zon Europe. Toutes deux ont ren­con­tré un franc suc­cès et sont dis­po­nibles à la demande sur notre site inter­net ipvf.fr.

Le confinement vous a obligé à reporter à 2021 la journée de l’industrie solaire. Quelles sont les implications d’une telle décision ?

Cette jour­née très impor­tante, pla­cée sous le haut patro­nage de Mon­sieur Emma­nuel Macron, Pré­sident de la Répu­blique, a pour voca­tion de réunir tous les acteurs de la filière pho­to­vol­taïque afin de faire émer­ger, ren­for­cer et bâtir la filière solaire de demain. Cette année, nous avons ajus­té le for­mat de cette jour­née pour l’adapter aux contraintes sani­taires. À la sor­tie de la crise, elle aura comme objec­tif de faire visi­ter les labo­ra­toires de l’IPVF et de pré­sen­ter le concret de nos tra­vaux de recherche. 

Ce qui est très impor­tant pour nous, et que nous retrou­ve­rons lors de cette jour­née, est la dimen­sion euro­péenne de notre enga­ge­ment. Les der­nières pré­vi­sions confirment en effet la pour­suite du rapide déve­lop­pe­ment du mar­ché mon­dial du solaire au cours des pro­chaines décen­nies. En Europe, cette dyna­mique n’a pas entraî­né de crois­sance simi­laire de la capa­ci­té de fabri­ca­tion du pho­to­vol­taïque. Alors que 30 % de la fabri­ca­tion mon­diale de pro­duits pho­to­vol­taïques était réa­li­sée en Europe en 2007, ce chiffre est tom­bé à moins de 3 % aujourd’hui.

Le lan­ce­ment, le 23 février 2021, de la Euro­pean Solar Ini­tia­tive par les Com­mis­saires Thier­ry Bre­ton, Kadri Sim­son, ain­si que la Secré­taire d’État Agnès Pan­nier-Runa­cher, consti­tue un moment his­to­rique du déve­lop­pe­ment de la filière solaire euro­péenne. Pour les tech­no­lo­gies clefs de la tran­si­tion éner­gé­tique euro­péenne, le « made in Europe » consti­tue une oppor­tu­ni­té et un ren­dez-vous que la France ne doit pas manquer. 

C’est tout l’objet du call to action bap­ti­sé « Solar Europe Now » que nous avons lan­cé et qui a réuni plus de 120 cosi­gna­taires, et que vous retrou­ve­rez sur notre site ipvf.fr. En matière de solaire, en France, en Europe et au-delà, l’union fait la force !


En bref

  • Inau­gu­ré en décembre 2018 à Saclay
  • Une sur­face de 8 000 m², dont 3 500 m² de labo­ra­toires en salles blanches
  • Une tren­taine de bre­vets et de décla­ra­tions d’inventions à date
  • Une équipe de 200 per­sonnes de 25 natio­na­li­tés, dont 150 chercheurs
  • ipvf.fr

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