Une folle solitude

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°619 Novembre 2006Par : Olivier Rey (83)Rédacteur : JR

Tout au long du XXe siè­cle, les enfants, dans leurs pous­settes, ont fait face à l’adulte qui les prom­e­nait. Jusqu’aux années soix­ante-dix, où un retourne­ment mas­sif est inter­venu : brusque­ment, on s’est mis à ori­en­ter les enfants vers l’avant. Pourquoi cette inversion ?

La ques­tion, sous ses apparences anodines, nous entraîne dans une enquête inat­ten­due et pas­sion­nante au coeur du monde con­tem­po­rain. La démoc­ra­tie et la sci­ence, nos références car­di­nales, ont con­tribué con­join­te­ment au retourne­ment ; l’une et l’autre priv­ilé­giant un sujet libéré du poids du passé, des entrav­es tra­di­tion­nelles, un sujet regar­dant d’emblée vers l’avant et auto-construit.

Sommes-nous pour autant devenus des surhommes qui tirent leur être d’eux-mêmes et éla­borent de façon autonome leurs valeurs ? Ou bien sommes-nous restés des hommes qui, à récuser toutes les autorités, risquent de s’abandonner aux déter­min­ismes aveu­gles et aux fan­tasmes régres­sifs que, vaille que vaille, les civil­i­sa­tions s’efforçaient d’apprivoiser ?

Pour Olivi­er Rey, les réc­its inven­tés depuis un demi-siè­cle par la sci­ence-fic­tion sont moins fan­tai­sistes qu’on ne le pense : ils nous instru­isent sur un réel qui, sous des dehors rationnels, est plus que jamais gou­verné par l’inconscient. Ses analy­ses éclairent les ori­en­ta­tions actuelles de la biolo­gie qui, s’emparant de la repro­duc­tion humaine, a entre­pris de matéri­alis­er des théories infan­tiles, de nous affranchir des chaînes généalogiques et de l’obscurité de l’origine sex­uelle. L’examen des doc­trines éduca­tives en usage, pro­mou­vant un enfant délivré de la tutelle des adultes, con­struc­teur de ses savoirs et de lui-même, nous per­met de mesur­er à quel point l’utopie de l’autofondation a pénétré notre monde.

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