Formation à l'informatique

Un tremplin vers le supérieur

Dossier : Les prépasMagazine N°703 Mars 2015
Par Sylvie BONNET

Les class­es pré­para­toires sont sin­gulières sur le plan insti­tu­tion­nel : leurs étu­di­ants relèvent de l’enseignement supérieur et leurs pro­fesseurs de l’enseignement secondaire.

En temps nor­mal, un tel entre-deux insti­tu­tion­nel est juste incon­fort­able, mais dès qu’une opéra­tion lourde est néces­saire, le rat­tache­ment admin­is­tratif des uns à la DGESIP et des autres à la DGESCO devient pour le moins un fac­teur limitant.

REPÈRES

Les obstacles à l’accès de certains élèves aux classes prépas sont nombreux et complexes. Il en est un qu’il faut dénoncer : dans certains lycées, l’objectif est le baccalauréat, dans d’autres, c’est la poursuite d’études supérieures. On devine comment se dessine la frontière.
Et on ne comprend pas que l’Éducation nationale et le Supérieur ne coopèrent pas mieux pour la faire disparaître.

Une mission laborieuse

Nous en avons eu un exem­ple avec la dernière écri­t­ure de pro­grammes. La réforme du lycée devait amen­er au bac­calau­réat 2013 des bache­liers S for­més très dif­férem­ment de leurs prédécesseurs, et rendait néces­saire une réno­va­tion des pro­grammes de class­es pré­para­toires scientifiques.

“ Les étudiants relèvent de l’enseignement supérieur et leurs professeurs de l’enseignement secondaire ”

Côté « sec­ondaire », l’Inspection générale, bien au fait des dif­fi­cultés de l’exercice, puisque tra­di­tion­nelle­ment chargée des réformes de pro­grammes dans l’Éducation nationale, voy­ait se rap­procher l’échéance de la ren­trée 2013 sans pou­voir se saisir de cette ques­tion avant d’en avoir reçu mis­sion de la DGESIP.

La DGESIP, de son côté, n’avait pas dans sa cul­ture la ges­tion de pro­grammes nationaux, ni dans ses ser­vices l’expertise pour pilot­er un tel chantier.

Le démar­rage de la mis­sion de réno­va­tion des pro­grammes a été laborieux et la ques­tion du pilotage, épineuse. Les résul­tats n’en sont pas moins aboutis. Mais nous con­sta­tons à l’usage que cette genèse dif­fi­cile a lais­sé des traces.

L’appui des grandes écoles

Ces dif­fi­cultés peu­vent être absorbées par le sys­tème. Les pro­fesseurs con­tin­u­ent de se for­mer avec un appui mas­sif des grandes écoles, qui ont offert les stages que l’institution ne pou­vait met­tre en place. Les équipes péd­a­gogiques se sont organ­isées pour mutu­alis­er les ressources, à l’intérieur des étab­lisse­ments, mais aus­si via les réseaux asso­ci­at­ifs, en par­ti­c­uli­er celui de l’UPS, qui regroupe 95 % des pro­fesseurs sci­en­tifiques de ces classes.

C’est la grande cohé­sion entre pro­fesseurs de class­es pré­para­toires, leur con­science aiguë de leur rôle auprès de leurs étu­di­ants, ain­si que le sou­tien des grandes écoles, attachées aux class­es pré­para­toires qui sont à la source de leur iden­tité, qui com­pensent les fragilités institutionnelles.

On retrou­ve là les ingré­di­ents qui ont per­mis de sur­mon­ter la crise de décem­bre 2013 sur le statut des pro­fesseurs, dont les médias se sont large­ment fait l’écho.

Un outil d’ouverture sociale

Cette crise et la flam­bée médi­a­tique qu’elle a sus­citée ont réac­tivé les idées reçues sur les class­es pré­para­toires. Pour dis­créditer les pro­fesseurs et leurs asso­ci­a­tions dans leur bras de fer avec le min­istre, on ressor­tait les vieilles cri­tiques : les class­es pré­para­toires sélec­tion­nent à out­rance, brisent les étu­di­ants, les for­ma­tent, et fab­riquent de l’échec et de la frustration.

“ Il y a autant de places aux concours d’entrée dans les écoles d’ingénieurs que de candidats ”

Il suf­fit pour­tant de quelques chiffres très sim­ples pour voir que les class­es pré­para­toires sci­en­tifiques sont un choix d’orientation qui offre une grande sécu­rité aux étu­di­ants : il y a autant de places aux con­cours d’entrée dans les écoles d’ingénieurs que de candidats.

Un bache­li­er qui entre en classe pré­para­toire sci­en­tifique est ain­si assuré, s’il prend sa for­ma­tion au sérieux, d’accéder à un emploi de cadre, diplômé au moins à bac + 5, tit­u­laire d’un titre d’ingénieur ou d’un master.

Les con­cours assurent la répar­ti­tion des can­di­dats entre des écoles d’une grande var­iété, et en cela, ils restent un fac­teur de stim­u­la­tion des étu­di­ants, mais ils n’éliminent pas, ils ne for­ma­tent pas.

Gommer les différences

Les class­es pré­para­toires ne sont pas non plus respon­s­ables de la repro­duc­tion des « élites ». Pour pos­tuler en classe pré­para­toire sci­en­tifique, il faut être bache­li­er S, et très naturelle­ment, la soci­olo­gie de ces class­es est la même que celle des ter­mi­nales S, ni plus, ni moins.

For­mer les élèves à l’informatique relève du défi.
© GOODLUZ — FOTOLIA.COM

Un suivi de cohorte de l’Inspection générale a mon­tré que les écarts de moyenne relevés entre can­di­dats bour­siers et non bour­siers pas­saient de 2 à 1 point sur 20 entre le bac­calau­réat et l’écrit des con­cours. Loin de creuser les iné­gal­ités, les class­es pré­para­toires gom­ment les dif­férences instal­lées au fil des niveaux d’éducation. Qui le sait ?

La voix est ouverte

On s’interroge sur le phénomène d’autocensure qui empêche cer­tains jeunes de choisir cette voie. Des efforts sont faits pour détecter et motiv­er les élèves qui auraient la pos­si­bil­ité de suiv­re une classe pré­para­toire avec prof­it, à tra­vers des dis­posi­tifs comme les « cordées de la réus­site », ou les actions de tutorat et de sou­tien menées par les étu­di­ants des grandes écoles dans les lycées.

Sur le ter­rain, les pro­fesseurs de class­es pré­para­toires sil­lon­nent les académies pour aller à la ren­con­tre de tous les futurs bache­liers, tant sci­en­tifiques que tech­nologiques, et tâch­er de les con­va­in­cre que cette voie exigeante, mais grat­i­fi­ante et por­teuse d’avenir, leur est ouverte.

ENSEIGNER L’INFORMATIQUE EN PRÉPA ?

Sous l’impulsion des grandes écoles, de la CGE qui participait au pilotage de l’opération, et de la DGESIP, l’informatique était enfin devenue une discipline d’enseignement dans toutes les classes préparatoires scientifiques. Un horaire avait été affecté à cet enseignement, des programmes avaient été conçus.
Mais qui allait enseigner ces programmes ? L’enseignement secondaire ne reconnaît pas l’informatique comme une discipline, et n’a pour l’informatique ni professeurs, ni dispositifs de formation continue opérationnels, ni inspection générale dédiée, ni agrégation, ni même CAPES.
Il a donc été décidé que les professeurs scientifiques de classes préparatoires allaient prendre en charge cet enseignement en plus de leur service, et commencer par assurer leur propre formation. Pour les professeurs de classes préparatoires, il s’agissait de s’investir pour la réussite de leurs étudiants. On ne sera pas surpris qu’à la rentrée 2013 tous les étudiants aient eu en face d’eux des professeurs en mesure d’enseigner cette nouvelle discipline, au prix quelquefois de services pléthoriques. Une telle situation n’est soutenable que de manière transitoire.
Or la DGESCO persiste à refuser le statut de discipline à l’informatique, peut-être par crainte des répercussions sur l’ensemble des niveaux de l’Éducation nationale. L’Inspection générale et les proviseurs sont amenés à gérer la situation en morcelant l’enseignement de l’informatique, au risque de le dénaturer et de lui faire perdre de son efficacité. Il est à craindre que la formation en informatique des étudiants de classes préparatoires ne soit moins homogène que celle qu’ils reçoivent dans les autres disciplines.

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