Un tour du monde et quelques milles de plus

Dossier : TrajectoiresMagazine N°698 Octobre 2014
Par Flora VOURCH (12)

La Marine à tout prix

Je suis entrée à l’X avec une forte moti­va­tion pour m’engager dans la Marine. J’avais soif de décou­vertes et un pro­fond désir de voy­ages. Je tenais à ce que ces courts mois de for­ma­tion humaine con­stituent une réelle rup­ture, géo­graphique et sociale, avec mon univers d’origine.

S’est ensuite imposée ma fas­ci­na­tion pour la mer, les voy­ages : la Marine me per­me­t­trait d’allier ces deux fascinations.

“ Une réelle rupture, géographique et sociale ”

Après quelques semaines de for­ma­tion à l’École navale à l’issue de notre for­ma­tion mil­i­taire ini­tiale, j’ai embar­qué sur le Mis­tral. Porte-héli­cop­tères, bâti­ment amphi­bie, bâti­ment de com­man­de­ment et bâti­ment hôpi­tal, c’est le pre­mier des trois bâti­ments de pro­jec­tion et de com­man­de­ment (BPC) de la Marine française.

Son spec­tre de mis­sions est très large : opéra­tions aéro­mo­biles, opéra­tions amphi­bies, con­duite d’opérations ou sou­tien san­té, mais aus­si mis­sions de ges­tion des crises et trans­port opéra­tionnel ou de fret.

Deux tableaux, Deux vécus

UNE PERMANENCE FRANÇAISE

Le Mistral était prévu pour assurer le 119e mandat de la mission Corymbe – mission de permanence française dans le golfe de Guinée. Nommée officier chargé de l’action civilo-militaire (ACM) du bâtiment, j’étais responsable de l’organisation des actions menées pendant les escales au profit de l’environnement civil et des actions humanitaires.
Ces actions s’inscrivent dans le cadre de la politique d’influence de la France, qui se traduit par la présence quasi permanente d’un bâtiment de la flotte dans cette région-clé du monde. Elle est généralement conduite en parallèle d’un soutien sanitaire aux populations.
Dans le cas du BPC dont l’équipage compte systématiquement une équipe médicale, cette assistance médicale est bien entendu toujours proposée.

Au large de Dakar, notre pre­mière escale, nous avons toute­fois mis cap au nord. De nou­velles con­traintes opéra­tionnelles avaient changé la donne et com­mandaient au Mis­tral de faire demi-tour.

Lais­sés par le com­man­de­ment dans une igno­rance savam­ment orchestrée de la nature de notre nou­velle mis­sion, nous étions quelques semaines plus tard au cœur de l’actualité, de l’autre côté du con­ti­nent africain pour la « Mis­sion noire ». Jusqu’au matin de l’opération, nous n’avons pas soupçon­né la grav­ité de notre implication.

Le Mis­tral était bien impliqué dans cette opéra­tion de con­tre-ter­ror­isme en Soma­lie, pre­mier tableau de mon stage. La mis­sion achevée, notre périple était en effet loin d’être terminé.

Une fois franchi le cap de Bonne-Espérance et rejoint le fam­i­li­er Atlan­tique, le Mis­tral a ain­si relevé un nou­veau défi de per­ma­nence française.

Ce pas­sage sur le Mis­tral aura été par­ti­c­ulière­ment riche de décou­vertes et d’apprentissages. Ces deux mis­sions vécues dans leur inté­gral­ité m’en ont présen­té les deux faces : out­il mil­i­taire déployé dans des con­flits de haute inten­sité, mais aus­si instru­ment d’influence au ser­vice de la diplo­matie nationale.

“ Un outil militaire et un instrument d’influence ”

J’ai ain­si eu la chance d’approcher ce monde incon­nu sous deux angles rad­i­cale­ment dif­férents mais com­plé­men­taires, puisqu’ils reflè­tent l’essentiel de l’activité de la Marine aujourd’hui : de la con­duite d’opérations à la pour­suite d’activités de rayonnement.

Des leçons de vie

Mem­bre d’un équipage déployé dans le cadre d’une opéra­tion exigeant la fer­me­ture totale des tuyaux de com­mu­ni­ca­tion pen­dant soix­ante-deux jours, j’ai vécu les con­traintes de l’embarquement à leur plus haute inten­sité : les leçons de vie qui en découlent se sont imposées d’elles-mêmes.

Con­fron­tée à l’incertitude, je pense avoir beau­coup pro­gressé en maîtrise de moi-même. Rad­i­cale­ment coupée de mon univers habituel, propul­sée au sein d’un envi­ron­nement duquel je ne pou­vais atten­dre aucun con­seil, j’ai dû appren­dre à trou­ver seule une ligne de con­duite que j’avais cou­tume de peser, ques­tion­ner, dis­cuter avec mes proches. J’en sors aus­si grandie.

“ Des leçons de vie d’une valeur rare ”

L’armée est là pour nous défendre con­tre des men­aces réelles, con­tre de « vrais méchants ». Cela peut faire sourire – j’ai enfin appris la gravité.

L’expérience des ACM dans le deux­ième volet s’est, quant à elle, révélée source d’un savoir-faire pré­cieux dans les domaines de la con­duite de pro­jets et de la direc­tion d’équipes.

J’ai été amenée à for­muler des recom­man­da­tions con­crètes qui puis­sent être mis­es en œuvre de façon sim­ple et effi­cace. J’ai pris con­science de la valeur du tra­vail manuel et des con­nais­sances tech­niques, trop sou­vent dimin­uées par le sys­tème édu­catif français.

Des orphe­lins du Con­go aux pêcheurs des îles de Loos, j’ai approché un cer­tain sens des réalités.

Une expérience inestimable

Le 15 avril 2013 à 15 heures, le Mis­tral accoste au quai d’honneur de l’arsenal de Toulon, de retour de cent trente-deux jours d’absence.

Le chef d’état-major de la Marine est à bord pour accueil­lir les familles. Il a remis le matin même à l’équipage une cita­tion pour son action de jan­vi­er. Le 14 Juil­let, les marins du Mis­tral défileront sur les Champs-Élysées. Le rideau peut tomber sur ces qua­tre mois et demi.

L’argument fut com­plexe, les per­son­nages nom­breux. Je garde le sou­venir d’une expéri­ence unique, pleine de décou­vertes et d’apprentissages.

Le Bâti­ment de pro­jec­tion et de com­man­de­ment Mis­tral, au large de Cape Town.

L’ACM restera le point d’orgue de mon stage de for­ma­tion humaine : source de com­pé­tences essen­tielles mais aus­si d’un pré­cieux savoir-être.

Mon regard sur l’Afrique et le monde en a été boulever­sé en pro­fondeur. Je sors aus­si grandie du pre­mier tableau. Les leçons de vie qui en découlent sont d’une valeur rare.

Le par­cours poly­tech­ni­cien est un chemin aux nom­breux détours. Quoiqu’il soit pour moi très loin d’être ter­miné, je suis d’ores et déjà pro­fondé­ment recon­nais­sante à l’École du pré­cieux cadeau de vie qu’a représen­té pour moi cette pre­mière année.

Nettoyage d’un dépotoir sauvage dans la cour du lycée Adidogomé 2 à Lomé.
Net­toy­age d’un dépo­toir sauvage dans la cour du lycée Adi­do­gomé 2 à Lomé.

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