Un stage de sapeur-pompier, face aux réalités

Dossier : TrajectoiresMagazine N°700 Décembre 2014
Par Aymeric BOUZY (12)

Les objec­tifs du stage de for­ma­tion humaine étaient de décou­vrir un milieu jusqu’alors incon­nu, de prendre des res­pon­sa­bi­li­tés, de ren­for­cer des capa­ci­tés de contact humain.

“ La qualité essentielle des pompiers est le contact humain ”

J’y ajou­tais mes objec­tifs per­son­nels : vivre une expé­rience de ser­vice, auprès des plus dému­nis, sur le plan maté­riel, social ou fami­lial ; acqué­rir des connais­sances, notam­ment en secou­risme ; entre­te­nir une condi­tion sportive.

La prise de responsabilités

Il est tout à fait excep­tion­nel que la Bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris (BSPP) ait pro­po­sé un stage qui réunisse toutes mes attentes. Ce stage a été une avan­cée réelle et impor­tante dans ma vie d’adulte.

© RICHARD – FOTOLIA

La prise de res­pon­sa­bi­li­té en est un fac­teur essen­tiel : sur inter­ven­tion, la vie des vic­times m’était confiée, ou au moins leur san­té. J’étais éga­le­ment res­pon­sable de la sécu­ri­té des deux autres sapeurs-pom­piers qui m’accompagnaient, ain­si que de l’intégrité du maté­riel, par­fois très coûteux.

Pas­sé l’excitation ini­tiale d’avoir un casque de sapeur-pom­pier, de des­cendre au poste de veille opé­ra­tion­nel par la perche de feu, d’enfiler le pan­ta­lon sur les bottes d’incendie pour pou­voir s’habiller en moins d’une minute la nuit et d’actionner soi-même la sirène à deux tons de l’engin, être sapeur-pom­pier s’est révé­lé être bien davan­tage que les cli­chés que je pou­vais incons­ciem­ment en avoir.

La qua­li­té essen­tielle est le contact humain, que ce soit avec les vic­times, les témoins, les subor­don­nés ou les supérieurs.

J’ai éga­le­ment appris énor­mé­ment sur moi-même, dans ma capa­ci­té à res­ter calme pour gérer l’urgence et à don­ner des consignes claires à mes équipiers.

La formation au secours

La for­ma­tion au « secours à vic­time » s’est éta­lée sur sept semaines au cours des­quelles il a fal­lu acqué­rir beau­coup de notions théo­riques et de réflexes pra­tiques. L’objectif était de savoir recon­naître cer­taines patho­lo­gies pour les­quelles nous pou­vions être appe­lés à inter­ve­nir afin d’avoir une conduite adap­tée, ain­si que de connaître la gra­vi­té de cer­tains trau­ma­tismes, par­fois sous-estimée.

Toutes ces connais­sances devaient ensuite être mises en pra­tique dans des situa­tions de simu­la­tion, copiées sur de véri­tables inter­ven­tions aux­quelles les sapeurs-pom­piers avaient été confrontés.

Alors qu’acquérir des connais­sances théo­riques ne m’avait pas posé trop de pro­blème, grâce au côté très sco­laire de la for­ma­tion, gérer une inter­ven­tion lors des cas concrets m’a mis en dif­fi­cul­té. Il fal­lait bien sûr pen­ser à poser toutes les ques­tions néces­saires, mais aus­si don­ner des direc­tives aux deux autres membres de l’équipe, et assu­rer la sécu­ri­té de cha­cun, y com­pris des témoins, par­fois peu coopératifs.

Avec le temps, j’ai gagné de l’assurance, ain­si que la capa­ci­té d’estimer rapi­de­ment la situa­tion en gar­dant mon sang-froid ; c’est le rôle du « chef d’agrès » que d’être calme pour ras­su­rer son équipe, « absor­beur de stress, dif­fu­seur de sérénité ».

Une présence rassurante

Lors de mes pre­mières gardes, je res­sen­tais un très fort contraste entre ce que nous avions appris et ce que nous étions ame­nés à faire sur le terrain.

“ Une intervention prompte et efficace ”

D’une manière géné­rale, les inter­ven­tions où il y a un dan­ger immé­diat sont rares. Ajou­tée à cela, la très forte sol­li­ci­ta­tion opé­ra­tion­nelle engendre de la fatigue phy­sique et men­tale qui peut mal­heu­reu­se­ment être au détri­ment de la qua­li­té de nos gestes et de notre empa­thie pour la victime.

Pour autant, l’intervention prompte et effi­cace des sapeurs-pom­piers de Paris dans ces situa­tions d’urgence modé­rée est la rai­son majeure de la popu­la­ri­té de la Bri­gade auprès de la popu­la­tion parisienne.

Dans ces inter­ven­tions du quo­ti­dien où le sapeur-pom­pier est ser­viable auprès de ceux qui se trouvent dans le besoin, j’ai trou­vé une autre satis­fac­tion que celle de sau­ver des vies, la satis­fac­tion d’être une pré­sence rassurante.

Des détresses sociales

Les détresses aux­quelles nous sommes confron­tés ne sont pas que médi­cales. Nous sommes sou­vent pla­cés en face de détresses psy­cho­lo­giques. Les qua­li­tés de com­mu­ni­ca­tion sont alors rude­ment mises à l’épreuve.

GARDER SON SANG-FROID

Certaines interventions se détachent de l’ordinaire. La vie de la victime est réellement en danger.
J’ai appris dans de telles situations à garder mon sang-froid pour avoir la vue d’ensemble nécessaire au commandement. En effet, le risque est de se focaliser uniquement sur la victime. On peut alors oublier des facteurs de risques pour le personnel ou les témoins.
De même, en ne donnant pas assez d’ordres à ses équipiers, on n’exploite pas suffisamment les ressources humaines que l’on a à disposition. Si l’on demande des moyens en renfort, il faut anticiper sur leur engagement et la mission qui leur sera confiée. Le travail du « chef d’agrès » dans une situation de détresse vitale est donc paradoxalement moins médical que dans une situation d’urgence modérée.

Nous avons aus­si beau­coup de détresses sociales. Nous sommes appe­lés régu­liè­re­ment pour des sans domi­cile fixe, bien enten­du, qui uti­lisent l’accueil des urgences des hôpi­taux comme abri pour la nuit.

En revanche, je m’attendais moins à entrer dans des loge­ments presque insa­lubres, où l’on n’ose rien poser ni tou­cher, compte tenu des exi­gences sani­taires dans les véhi­cules. Cela a été pour moi une prise de conscience de l’environnement social dans lequel nous évo­luons quotidiennement.

Nous sommes même appe­lés pour des situa­tions où la véri­table détresse est un dif­fé­rend fami­lial : des femmes bat­tues, des dif­fi­cul­tés à gérer un enfant, des per­sonnes âgées que les enfants n’arrivent plus à gérer, etc.

En prise avec la réalité

Alors que le stage repré­sen­tait un véri­table défi per­son­nel par ses exi­gences phy­siques et men­tales, j’ai pu dépas­ser mes limites et gagner en cha­risme, adap­ta­bi­li­té et esprit d’initiative. Tout était réuni pour me faire déve­lop­per des qua­li­tés d’intelligence rela­tion­nelle dans un milieu tout à fait nouveau.

Être en prise avec la réa­li­té est le point le plus mar­quant de ce stage. Afin de conser­ver ce lien avec le concret, essen­tiel pour prendre des déci­sions de stra­té­gie comme j’espère être ame­né à le faire dans ma car­rière pro­fes­sion­nelle future, je me suis por­té volon­taire pour conti­nuer de prendre des astreintes à la Brigade.

Ain­si, j’ai conti­nué de vivre les valeurs des sapeurs-pom­piers que sont le ser­vice, le dévoue­ment, la dis­po­ni­bi­li­té, le cou­rage, l’humilité et l’excellence, pen­dant encore quelques mois.

La brigade de sapeurs-pompier
C’est le rôle du « chef d’a­grès » que d’être calme pour ras­su­rer son équipe.

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