Trois réformes pour rendre compréhensible hors de France le cursus polytechnicien et y attirer d’excellents étudiants de tous pays

Dossier : ExpressionsMagazine N°626 Juin/Juillet 2007
Par François Xavier MARTIN (63)

La for­ma­tion poly­tech­ni­ci­enne, ain­si d’ailleurs que celle assurée par les autres grandes écoles d’ingénieurs français­es, se trou­ve en ce début du XXIe siè­cle dans une sit­u­a­tion paradoxale : 


 la fil­ière des class­es pré­para­toires et des écoles d’ingénieurs n’est pas touchée par la désaf­fec­tion crois­sante pour les études sci­en­tifiques que con­nais­sent actuelle­ment les pays occi­den­taux (dont la France) ; cet état de fait a per­mis à l’X, et plus générale­ment aux meilleures écoles d’ingénieurs français­es, de main­tenir un niveau de recrute­ment excep­tion­nelle­ment élevé, 
 l’X et la plu­part de ces écoles ont déjà mis en œuvre des pro­grammes de réno­va­tion de leur enseigne­ment qui cor­re­spon­dent assez bien aux recom­man­da­tions des études inter­na­tionales les plus récentes sur la for­ma­tion idéale d’ingénieurs répon­dant aux besoins des futures décen­nies, mais simul­tané­ment le main­tien de cer­taines spé­ci­ficités (qu’elles soient réelles ou résul­tent sim­ple­ment d’une présen­ta­tion tra­di­tion­nelle dépassée) nuit grave­ment à l’in­tel­li­gi­bil­ité et à l’at­trac­tiv­ité hors de France de ces for­ma­tions, et donc au recrute­ment d’é­tu­di­ants étrangers d’ex­cel­lent niveau (en par­ti­c­uli­er dans les pays dévelop­pés). Force est de con­stater que Paris­Tech, qui établit une coopéra­tion entre écoles d’ingénieurs français­es sans impos­er à cha­cune d’en­tre elles de se réformer, rend plus vis­i­bles les étab­lisse­ments par­tic­i­pants dans cer­tains pays-cibles, mais n’améliore pas la lis­i­bil­ité des par­cours correspondants.

Le présent arti­cle pro­pose trois mesures qui devraient per­me­t­tre de porter remède à cette défi­cience d’im­age hors de France. Il décrit ce que pour­rait être une « Uni­ver­sité poly­tech­nique Poin­caré » issue de l’É­cole poly­tech­nique et capa­ble de rivalis­er avec les meilleures insti­tu­tions étrangères, que ce soit seule ou dans le cadre de ParisTech.

La formation des ingénieurs français vue par des étrangers : « Ils sont fous ces Gaulois ! »

Lequel d’en­tre nous, prié par des col­lègues étrangers d’ex­pli­quer le cur­sus uni­ver­si­taire l’ayant con­duit à son diplôme d’ingénieur, ne s’est pas au moins une fois lancé dans des expli­ca­tions qui se sont vite révélées laborieuses pour essay­er de faire com­pren­dre à ses inter­locu­teurs qu’il n’avait jamais mis les pieds dans une uni­ver­sité, mais que sa for­ma­tion après la fin de ses études sec­ondaires avait com­mencé par deux ou trois années de lycée sup­plé­men­taires, qu’il avait ensuite pu ren­tr­er après un con­cours très dif­fi­cile dans la meilleure école d’ingénieurs de France, qu’après avoir obtenu le diplôme de cette dernière, il avait suivi pen­dant deux ans une for­ma­tion spé­cial­isée cor­re­spon­dant à son futur méti­er et dis­pen­sée par une autre école d’ingénieurs, générale­ment con­sid­érée comme étant d’un niveau inférieur, et où il aurait pu entr­er directe­ment sans grande dif­fi­culté quelques années plus tôt ?

Si la con­ver­sa­tion se pro­longe, il sera bien dif­fi­cile de jus­ti­fi­er le fait qu’après la fer­me­ture des dernières mines de fer et de char­bon français­es, après l’ab­sorp­tion de l’in­dus­trie de l’a­lu­mini­um et de la sidérurgie nationales par des groupes étrangers, alors qu’in­verse­ment un grand équipemen­tier français de télé­com­mu­ni­ca­tions vient de racheter son prin­ci­pal con­cur­rent améri­cain, que des tech­niques orig­i­naires de France telles que la com­mu­ta­tion numérique et le GSM se sont imposées dans le monde entier, il soit tou­jours forte­ment recom­mandé à un élève de l’X doué et soucieux d’ac­céder aux plus hautes respon­s­abil­ités pro­fes­sion­nelles de ter­min­er ses études d’ingénieur par deux ans à l’É­cole des mines plutôt qu’à l’É­cole des télécommunications !

Évolution mondiale des normes universitaires : le système LMD

Actuelle­ment, le monde entier (y com­pris les uni­ver­sités français­es) achève la mise en place d’une nor­mal­i­sa­tion uni­verselle dite LMD (licence, mas­ter, doc­tor­at) en struc­turant l’ensem­ble des cur­sus uni­ver­si­taires (dont les for­ma­tions d’ingénieurs) en trois cycles menant en trois ans à la licence (bach­e­lor), en cinq ans au mas­ter et en huit ans au doc­tor­at (PhD).

Les Français doivent bien com­pren­dre que, vis-à-vis de cette norme mon­di­ale, dire hors de France que l’on est ingénieur diplômé de telle ou telle école française ne four­nit plus qu’une infor­ma­tion très insuff­isante sur la nature et le niveau du cur­sus cor­re­spon­dant, d’au­tant plus que bien sou­vent le con­tenu réel de l’en­seigne­ment dis­pen­sé par cer­taines écoles ne cor­re­spond pas à leur nom historique.

Pour faire recon­naître à l’é­tranger la valeur d’une for­ma­tion française, il est main­tenant indis­pens­able de fournir trois éléments :

 le grade uni­ver­si­taire (licence, mas­ter ou doctorat),
 la spé­cial­ité (génie civ­il, ingénierie élec­trique, ingénierie aéro­nau­tique, etc.),
• le nom de l’étab­lisse­ment d’en­seigne­ment supérieur ayant délivré le diplôme.

Conséquences du caractère inintelligible du cursus polytechnicien pour des étrangers

Cette absence d’im­age com­préhen­si­ble à l’é­tranger a mis l’X, ain­si que les autres grandes écoles d’ingénieurs français­es dans une pos­ture défen­sive, où elles se con­tentent de revendi­quer pour leur diplôme de fin d’é­tudes un banal statut inter­na­tion­al de mas­ter1. En l’ab­sence de réforme, il sera bien dif­fi­cile de décider des étu­di­ants de pays dévelop­pés à se lancer dans un cur­sus long et réputé (à juste titre) dif­fi­cile, et dont le diplôme final paraît aus­si quelconque.

En sup­posant qu’un étu­di­ant étranger souhaite mal­gré tout entre­pren­dre un tel cur­sus, mais soit rebuté par la répu­ta­tion de spé­ci­ficité et de cli­mat extrême­ment com­péti­tif des class­es pré­para­toires français­es (par ailleurs toutes fran­coph­o­nes !), la seule propo­si­tion qui peut lui être faite est de com­mencer un 1er cycle sci­en­tifique dans une uni­ver­sité de bon niveau, puis de ten­ter quelques années plus tard d’en­tr­er dans une grande école d’ingénieurs française. Il y a de fortes chances qu’à cette époque il ne com­prenne plus trop l’in­térêt de cette démarche, et qu’il con­tin­ue ses études dans l’u­ni­ver­sité où il les a com­mencées, surtout si elle décerne des diplômes con­nus et appréciés.

Valeur intrinsèque de la formation d’ingénieurs « à la française »

Cet état de fait est d’au­tant plus regret­table que, si on analyse les travaux effec­tués au niveau inter­na­tion­al pour définir la for­ma­tion idéale de l’ingénieur répon­dant aux besoins atten­dus au XXIe siè­cle2, on con­state que l’X et nos grandes écoles d’ingénieurs ont déjà inté­gré dans leurs pro­grammes la plu­part des recom­man­da­tions pro­posées par ces études : 

 acqui­si­tion d’une solide base sci­en­tifique pluridis­ci­plinaire, afin que l’en­seigne­ment du méti­er d’ingénieur ne se lim­ite pas à l’ap­pren­tis­sage de « règles de cuisine »,
 acqui­si­tion de com­pé­tences hors du domaine tech­nique (gestion,communication, direc­tion d’équipes, etc.),
 for­ma­tion effec­tuée par­tielle­ment sous forme de stages et de par­tic­i­pa­tion à des pro­jets industriels,
 sen­si­bil­i­sa­tion à la mon­di­al­i­sa­tion impli­quant la pra­tique d’au moins une langue étrangère (ce dernier objec­tif ayant été jusqu’à main­tenant ignoré par les for­ma­tions d’ingénieurs anglosaxonnes).

D’autre part, la fil­ière française class­es pré­para­toires + écoles d’ingénieurs a jusqu’à main­tenant échap­pé à la désaf­fec­tion générale pour les études sci­en­tifiques que con­nais­sent actuelle­ment les pays occi­den­taux, ce qui a assuré le main­tien d’un niveau excep­tion­nelle­ment élevé des élèves admis dans les écoles les plus recherchées.

Il est donc désolant de con­stater la dif­fi­culté que ren­con­trent, face à la con­cur­rence des grandes uni­ver­sités anglo-sax­onnes, l’X et les autres écoles d’ingénieurs français­es pour recruter d’ex­cel­lents élèves étrangers (cette dif­fi­culté étant mise en évi­dence par la très faible pro­por­tion d’é­tu­di­ants venant de pays développés).

Un pro­duit de qual­ité (la for­ma­tion d’ingénieurs « à la française ») n’ayant pas généré une grande attrac­tiv­ité inter­na­tionale : à l’év­i­dence la pro­mo­tion du pro­duit n’a pas su être convaincante.

Réformes proposées

Il nous sem­ble que quelques réformes pour­raient con­tribuer à cor­riger cette situation.

Elles découlent d’idées très simples : 

 de la même manière que le recrute­ment d’élèves provenant de quartiers défa­vorisés passe par la créa­tion de class­es pré­para­toires dans les lycées de ces quartiers, le recrute­ment d’é­trangers passe par la créa­tion de sec­tions équiv­a­lentes aux class­es pré­para­toires dans les pays-cibles,
 toute offre de for­ma­tion pro­posée à des étrangers doit s’in­scrire dans le sché­ma LMD,
pour attir­er d’ex­cel­lents étu­di­ants, qui sont sou­vent cour­tisés par des uni­ver­sités étrangères réputées, il est néces­saire de mon­tr­er que la for­ma­tion française pro­posée offre des avan­tages dis­tinc­tifs, qui doivent être exprimés en util­isant le lan­gage LMD. 

Les trois mesures proposées sont les suivantes :  


1 - Don­ner à des class­es pré­para­toires rénovées établies essen­tielle­ment à l’é­tranger un statut de 1er cycle uni­ver­si­taire d’ex­cel­lence délivrant en 3 ans une dou­ble licence de math­é­ma­tiques et de physique. 
2 - Don­ner au cycle poly­tech­ni­cien un statut de 2e cycle uni­ver­si­taire délivrant un dou­ble master :
— mas­ter de sci­ences et de direc­tion technologique,
— mas­ter d’ingénierie spé­cial­isée (la mise en place rapi­de par l’X d’un large éven­tail de mas­ters spé­cial­isés impli­quant vraisem­blable­ment l’in­té­gra­tion de cer­taines écoles d’ap­pli­ca­tion existantes).
 3 - À l’international :
— insis­ter sur la con­for­mité de ce cur­sus avec le sché­ma LMD,
— pro­mou­voir le fait qu’il per­met l’ob­ten­tion de 2 licences et 2 masters,
— met­tre en avant l’o­rig­i­nal­ité, l’in­térêt et le niveau excep­tion­nel du mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique de l’X.

Ces trois mesures per­me­t­traient de pro­mou­voir sans com­plexe un étab­lisse­ment d’en­seigne­ment supérieur d’élite, dont les car­ac­téris­tiques s’in­scriraient par­faite­ment dans les normes LMD.

Pro­je­tons-nous quelques années après la mise en place de ces trois mesures, et imag­i­nons la présen­ta­tion d’une École poly­tech­nique dev­enue l’U­ni­ver­sité poly­tech­nique Poin­caré, qui pour­rait exercer un effet d’en­traîne­ment sur l’ensem­ble des for­ma­tions sci­en­tifiques françaises.

L’Université polytechnique Poincaré (Poincaré Paris University)

Cette Uni­ver­sité inclut 3 étab­lisse­ments, cha­cun d’en­tre eux cor­re­spon­dant à un cycle universitaire : 
• 1er cycle : l’É­cole pré­para­toire Cauchy (Cauchy Under­grad­u­ate Col­lege),
• 2e cycle : l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er (Schlum­berg­er Grad­u­ate Col­lege),
• 3e cycle : l’É­cole doc­tor­ale Bec­quer­el (Bec­quer­el Doc­tor­al Col­lege)3.

L’École préparatoire Cauchy (Cauchy Undergraduate College)

L’É­cole pré­para­toire Cauchy recrute sur dossier dans le monde entier des élèves venant d’obtenir leur diplôme de fin d’é­tudes sec­ondaires. Sur le plan géo­graphique, elle est répar­tie entre quelques grandes villes étrangères et éventuelle­ment françaises.

Elle pré­pare ses étu­di­ants à l’ob­ten­tion en trois ans d’une dou­ble licence de math­é­ma­tiques et de physique (Bach­e­lor of Sci­ence ‑BS- in Math­e­mat­ics, et BS in Physics). À la fin de ce 1er cycle, les étu­di­ants peu­vent chercher à entr­er dans dif­férents étab­lisse­ments, suiv­ant les règles d’ad­mis­sion pro­pres à cha­cun d’en­tre eux (con­cours, sélec­tion sur dossiers,…) :

 l’É­cole poly­tech­nique Schlumberger,
 l’É­cole cen­trale Bouygues, 2e cycle de l’U­ni­ver­sité cen­trale Eif­fel, qui aura vraisem­blable­ment été con­sti­tuée sur le mod­èle de l’U­ni­ver­sité Poin­caré par un ensem­ble d’é­coles d’ingénieurs rassem­blées autour des Écoles cen­trales et de Supélec,
• une grande école d’ingénieurs française qui n’au­rait été inté­grée dans aucune des deux uni­ver­sités Poin­caré et Eiffel,
 le 2e cycle (mas­ter) d’une uni­ver­sité française ou étrangère.

L’en­seigne­ment est dis­pen­sé en français dans les villes français­es ou étrangères de tra­di­tion fran­coph­o­ne, en anglais dans les autres villes étrangères. L’é­tude de l’autre langue est oblig­a­toire, celle d’une troisième langue facultative.

Les étu­di­ants béné­fi­cient égale­ment d’un enseigne­ment cul­turel, artis­tique et de séances d’é­d­u­ca­tion physique obligatoire.

Dans chaque pays étranger où l’É­cole pré­para­toire Cauchy est implan­tée, son respon­s­able doit localis­er les meilleures sec­tions sci­en­tifiques de l’en­seigne­ment sec­ondaire local, et y assur­er la pro­mo­tion de son étab­lisse­ment auprès des élèves devant choisir l’u­ni­ver­sité dans laque­lle ils vont com­mencer leurs études supérieures.

Les élèves qui provi­en­nent de Ter­mi­nale S de lycées français entrent directe­ment en 2e année de l’É­cole pré­para­toire Cauchy, leur ter­mi­nale ayant un niveau com­pa­ra­ble à celui de la 1re année de la plu­part des uni­ver­sités sci­en­tifiques étrangères.

Dans cer­tains pays (en par­ti­c­uli­er anglo-sax­ons), on pour­ra chercher à recruter les tit­u­laires du bac­calau­réat inter­na­tion­al (Inter­na­tion­al bac­calau­re­ate) de plus en plus sou­vent préféré par les très bons élèves à des diplômes nationaux de fin d’é­tudes sec­ondaires de niveau médiocre.

L’École polytechnique Schlumberger (Schlumberger Graduate College)

L’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er recrute sur con­cours des élèves qui proviennent :
 de l’É­cole pré­para­toire Cauchy (qui assure une pré­pa­ra­tion opti­male au concours),
 de class­es pré­para­toires sci­en­tifiques français­es (Math Spé),
 d’u­ni­ver­sités français­es et étrangères (dont l’U­ni­ver­sité cen­trale Eif­fel — si elle existe).

Elle pré­pare ses étu­di­ants à l’ob­ten­tion en qua­tre ans d’un dou­ble master :
 un mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique (Mas­ter of Sci­ence and Tech­nol­o­gy Admin­is­tra­tion, dit MSTA),
 un mas­ter spécialisé.

Le mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique (Mas­ter of Sci­ence and Tech­nol­o­gy Admin­is­tra­tion, dit MSTA) est un pro­gramme des­tiné à apporter une for­ma­tion d’un niveau excep­tion­nel aux futurs respon­s­ables d’ac­tiv­ités tech­nologiques, qu’ils se des­ti­nent à l’en­tre­prise, l’ad­min­is­tra­tion, ou à la recherche et à l’en­seigne­ment. Il est basé sur les deux con­sid­éra­tions suivantes : 

 les développe­ments tech­nologiques les plus inno­vants sont sou­vent ceux qui met­tent en œuvre plusieurs dis­ci­plines ; il est donc impor­tant que des ingénieurs ou respon­s­ables de haut niveau soient capa­bles de com­pren­dre rapi­de­ment des domaines qui ne cor­re­spon­dent pas exacte­ment à leur for­ma­tion ini­tiale, afin d’éviter d’être sur­pris lors de mod­i­fi­ca­tions de fron­tières entre tech­nolo­gies (comme ont pu l’être il y a quelques années les ingénieurs de l’au­to­mo­bile lors de l’in­tru­sion de l’élec­tron­ique dans leurs pro­duits) ; bien au con­traire, ces ingénieurs ou respon­s­ables doivent être capa­bles de tir­er par­ti des oppor­tu­nités offertes par ces bouleversements,
 qu’ils tra­vail­lent en entre­prise, dans l’ad­min­is­tra­tion, dans la recherche et l’en­seigne­ment, des ingénieurs de haut niveau se voient rapi­de­ment con­fi­er des respon­s­abil­ités de direc­tion de pro­jets, de ser­vices, de départe­ments, d’en­tre­pris­es aux­quelles les for­ma­tions pure­ment sci­en­tifiques clas­siques telles que les mas­ters sci­en­tifiques ou tech­nologiques, qu’ils soient français ou anglo-sax­ons, ne pré­par­ent pas.

Le mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique de l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er est un pro­gramme de très grande ambi­tion, qui inclut un tronc com­mun et trois options :

TRONC COMMUN
• math­é­ma­tiques, mécanique théorique, physique, chimie et infor­ma­tique util­isées dans les prin­ci­pales dis­ci­plines appliquées enseignées,
• principes généraux de compt­abil­ité et de ges­tion financière,
• com­porte­ments humains, dynamique de groupe, éthique,
• for­ma­tion lit­téraire (français + anglais + 3e langue) et artis­tique, inclu­ant de nom­breux exer­ci­ces d’ex­pres­sion écrite et orale,
• activ­ités sportives met­tant l’ac­cent sur les sports col­lec­tifs et ceux deman­dant une cer­taine prise de risques physiques (ski, para­chutisme, équitation,…). 
option 1 — men­tion entreprise
• principes et méth­odes d’analyse stratégique,
• tech­niques de mar­ket­ing et de vente en France et hors de France de pro­duits et ser­vices de haute technologie,
• notions de droit des sociétés et de droit du travail. 
option 2 — men­tion administration
• rôle et organ­i­sa­tion des admin­is­tra­tions française et européenne dans le domaine technologique,
• aperçu de la sit­u­a­tion dans quelques grands pays non-européens,
• tech­niques budgé­taires administratives,
• notions de droit admin­is­tratif français et européen. 
option 3 — men­tion enseigne­ment et recherche
• sci­ences et tech­niques de l’éducation,
• étude com­parée des sys­tèmes d’é­d­u­ca­tion et de recherche français, européens et des prin­ci­paux pays non-européens.

Le master spécialisé

Les étu­di­ants de l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er doivent égale­ment obtenir un mas­ter spé­cial­isé dans l’une des dis­ci­plines suiv­antes (liste non exhaustive) :
• archi­tec­ture, génie civ­il, urban­isme et environnement,
• énergie et matières premières,
• con­struc­tion mécanique, navale et aéronautique
• élec­tric­ité, élec­tron­ique et automatismes,
• infor­ma­tique et sys­tèmes de communication,
• biologie,
• économie.

Grâce à des pro­grammes d’échanges, il leur est égale­ment pos­si­ble d’obtenir leur mas­ter spé­cial­isé dans d’autres étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur français ou étrangers agréés par l’École.

À l’is­sue de leur 4e année d’é­tudes, les étu­di­ants obti­en­nent un diplôme d’ingénieur de l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er (le terme ingénieur n’é­tant pas traduit en anglais, pour éviter l’emploi du mot ” engi­neer ») ; le libel­lé bilingue du diplôme pré­cise qu’ils ont obtenu 2 masters :
• un mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique (qui men­tionne l’op­tion : entre­prise, admin­is­tra­tion ou enseigne­ment et recherche),
• un mas­ter spé­cial­isé (qui peut être décerné par un autre étab­lisse­ment d’en­seigne­ment supérieur agréé par l’X). 

L’École doctorale Becquerel (Becquerel Doctoral College)

L’É­cole doc­tor­ale Bec­quer­el recrute des étu­di­ants ayant ter­miné leur 2e cycle uni­ver­si­taire à l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er ou dans d’autres étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur (français ou étrangers).

En principe, elle leur pro­pose des sujets de thès­es cor­re­spon­dant aux matières enseignées en 1er et 2e cycle par l’U­ni­ver­sité poly­tech­nique Poincaré.

Tous les enseignants-chercheurs tra­vail­lant à l’É­cole doc­tor­ale Bec­quer­el doivent pub­li­er leurs travaux en men­tion­nant leur appar­te­nance à l’U­ni­ver­sité Poly­tech­nique Poincaré.

Les pro­fesseurs enseignant à temps com­plet à l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er doivent effectuer leurs travaux de recherche à l’É­cole doc­tor­ale Becquerel.

Proposition de réforme du recrutement des corps de l’État

Il serait dom­mage de ne pas prof­iter de la mise en place des réformes pro­posées pour cor­riger cer­tains défauts du sys­tème actuel de recrute­ment des corps de l’É­tat, qui est effec­tué sur des critères de classe­ment à l’is­sue des années d’en­seigne­ment général­iste (non appliqué) de l’X.

Ce sys­tème de sélec­tion présente plusieurs inconvénients :

• il ne tient pas compte des capac­ités des élèves dans le domaine des études appliquées cor­re­spon­dant à leur futur métier,
• il ne les incite pas à fournir d’ef­forts très impor­tants en école d’ap­pli­ca­tion, puisqu’ils auront de toute façon assuré leur posi­tion de mem­bre du corps avant l’en­trée dans cette école,
• l’aspect « voca­tion » est sou­vent absent du choix du corps, très large­ment déter­miné par la volon­té de rejoin­dre le corps le plus pres­tigieux pos­si­ble (d’où par exem­ple des élèves ayant rêvé de devenir ingénieur des Ponts et Chaussées… et exerçant finale­ment le méti­er assez dif­férent d’ingénieur des Télécommunications),
• chaque corps « reçoit » chaque année de nou­veaux mem­bres dont l’i­nadap­ta­tion à leur future activ­ité aurait pu être très facile­ment détec­tée par quelques entre­tiens d’embauche…

Il est donc pro­posé que les corps recru­tent leurs nou­veaux mem­bres à l’is­sue de leurs qua­tre années d’é­tudes à l’É­cole poly­tech­nique Schlum­berg­er, en ten­ant compte des résul­tats obtenus par les étu­di­ants dans deux masters : 

• le mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique — men­tion administration,
• le (ou les) master(s) spécialisé(s) cor­re­spon­dant aux besoins du corps.
Chaque corps choisit son mode de recrutement :
• recrute­ment basé sur les seuls résul­tats scolaires,
• résul­tats sco­laires pondérés par le résul­tat d’entretien(s),
• con­cours ou proces­sus spécifique.

On sup­posera que le corps des Mines con­tin­ue à jouer, au-delà de ses attri­bu­tions statu­taires au min­istère de l’In­dus­trie, un rôle de vivi­er de futurs dirigeants de l’ad­min­is­tra­tion et des entre­pris­es (et par­fois de politi­ciens !). Dans ce cas, sa dénom­i­na­tion actuelle est inadap­tée à une bonne vis­i­bil­ité inter­na­tionale de ses respon­s­abil­ités réelles. Il pour­rait par exem­ple affirmer urbi et orbi ses ambi­tions en devenant le corps de la gou­ver­nance tech­nologique. Il pour­rait par ailleurs con­tin­uer à pra­ti­quer un recrute­ment aus­si sélec­tif qu’au­jour­d’hui, mais plus diver­si­fié en admet­tant des élèves qui cumu­lent d’ex­cel­lents résul­tats dans le mas­ter de sci­ences et de direc­tion tech­nologique et dans un mas­ter spé­cial­isé cor­re­spon­dant à une dis­ci­pline dont le corps estime avoir besoin.

Mise en œuvre

Le prin­ci­pal obsta­cle à la mise en œuvre des réformes pro­posées vien­dra du fait que les entités con­cernées dépen­dent de dif­férents ministères :

• Édu­ca­tion nationale pour les class­es préparatoires,
• Défense pour l’X,
• divers min­istères de tutelle pour les écoles d’application.

Ce n’est donc qu’à la con­di­tion d’être recon­nues par un futur gou­verne­ment comme un grand pro­jet nation­al pri­or­i­taire, capa­ble d’ex­ercer un effet d’en­traîne­ment sur l’ensem­ble de l’en­seigne­ment supérieur sci­en­tifique français, que de telles réformes pour­ront être menées à bien.
 

1. Voir la page du site Paris­Tech des­tinée aux étu­di­ants étrangers.
http://www.paristech.org/etudier.php
2. Voir en par­ti­c­uli­er l’é­tude « In search of glob­al engi­neer­ing excel­lence : edu­cat­ing the next gen­er­a­tion of engi­neers for the glob­al work­place » spon­sorisé par Con­ti­nen­tal AG et effec­tuée par l’ETH Zurich, Geor­gia Tech, le MIT et les uni­ver­sités de Darm­stadt, Jiao Tong (Shang­hai), Tsinghua, Tokyo et São Paulo.
http://www.global-engineering-excellence.org/en/global_engineering_study/
3. Les qua­tre noms choi­sis par­mi des anciens de l’X, sont haute­ment symboliques :
 
• Poin­caré évoque l’ex­cel­lence uni­verselle, en par­ti­c­uli­er en math­é­ma­tiques et en physique ;
• Cauchy la néces­sité de pos­séder de solides con­nais­sances théoriques avant d’abor­der des domaines appliqués ;
• Schlum­berg­er la créa­tion et le développe­ment pérenne d’en­tre­pris­es indus­trielles et de ser­vices à voca­tion mon­di­ale, dans des domaines de haute technologie ;
• Bec­quer­el la recherche de haut niveau (celui du prix Nobel, qu’il a partagé avec Pierre et Marie Curie).

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