L’opinion des polytechniciens sur le problème de l’emploi. Compte rendu d’une enquête

Dossier : Libres ProposMagazine N°553 Mars 2000Par : Jacques MÉRAUD (46)

En réponse à l’in­vi­ta­tion qui leur était faite, 300 cama­rades ont répon­du au cours de l’an­née 1994. Depuis lors cer­tains d’en­tre eux ont écrit des arti­cles dans La Jaune et la Rouge, qui a con­sacré en par­ti­c­uli­er aux prob­lèmes de l’emploi et du chô­mage plusieurs numéros spé­ci­aux. Mais il est apparu égale­ment intéres­sant que soit pub­lié un arti­cle de syn­thèse met­tant en lumière les résul­tats d’ensem­ble de l’enquête.

Dans un pre­mier temps, on a songé à faire un compte ren­du rassem­blant des extraits de cha­cune des répons­es reçues, ou tout au moins des plus remar­quables par­mi elles, en en men­tion­nant les auteurs. Un essai a été ten­té dans ce sens. Mais l’ensem­ble des répons­es con­sti­tu­ait un texte de 3 000 pages. Certes la moitié d’en­tre elles n’en com­pre­naient que trois, qua­tre ou cinq, con­for­mé­ment au souhait des organ­isa­teurs. Mais 10 % s’é­tendaient sur plus de quinze pages, sou­vent d’un grand intérêt, un nom­bre non nég­lige­able dépas­sant large­ment cette longueur déjà respectable.

Aus­si est-il vite apparu que le compte ren­du envis­agé s’ap­par­enterait par sa dimen­sion à une véri­ta­ble thèse uni­ver­si­taire et exig­erait de son auteur de longs mois de tra­vail. On a donc visé plus mod­este­ment à don­ner une sim­ple descrip­tion sta­tis­tique des opin­ions et sug­ges­tions des cama­rades ayant répon­du à l’en­quête. Les matéri­aux en ont été pré­parés par une équipe de dépouille­ment ani­mée par Jacques Méraud (46) et com­prenant douze cama­rades : Jacques Antoine (48), Michel Bétous (55), Pierre Bon (46)1, Bernard Char­p­en­tier (46), Pierre-Hen­ri Cheva­lier (46), Bernard Gos­set (46)1, Érik Guig­nard (60), Michel Guil­laume (45), Pierre Jars (46), Mau­rice Mer­met (45), Pierre Vach­er (46) et Jean Ser­vant (46), avec la col­lab­o­ra­tion de Michel Berry (63), la logis­tique étant assurée par Philippe Gillieron (51). C’est à par­tir de ces matéri­aux qu’a été rédigé le présent document.

Qui a répondu à l’enquête ?

D’abord, qui a répon­du à l’en­quête ? Pour répon­dre à cette ques­tion, on a com­paré la com­po­si­tion du groupe con­sti­tué par les 300 ” répon­dants ” et la com­po­si­tion de l’ensem­ble des anciens poly­tech­ni­ciens vivants en 1994, non com­pris les anciens élèves étrangers. Les tableaux com­para­nt ces deux ensem­bles fig­urent en annexe. On ne don­nera ci-dessous que les con­clu­sions qui s’en dégagent.

TABLEAU I — Idées ou sug­ges­tions pour amélior­er l’emploi ayant une final­ité spé­ci­fique, classées sous 42 rubriques détail­lées, selon le nom­bre de répons­es les men­tion­nant dans l’enquête.
  • Baisse des charges sociales (ou change­ment de leur ” assiette ”)
  • Pro­tec­tion­nisme sous divers­es formes, négo­ci­a­tion avec les pays
    en développe­ment, poli­tique de change
  • Amélior­er le fonc­tion­nement de l’ap­pareil édu­catif initial
  • Réforme fis­cale de portée générale
  • Repér­er les emplois de prox­im­ité, les emplois familiaux,
    les dévelop­per par voie associative…
  • For­mer davan­tage les jeunes à plus d’adapt­abil­ité, de prise de risque
  • Assou­plir les réglementations
  • Alléger la fis­cal­ité des entre­pris­es, la trans­fér­er sur les ménages
  • Aides directes aux entre­pris­es en vue de la créa­tion d’emplois
  • Faciliter le tra­vail à temps partiel
  • Poli­tique indus­trielle (ou dans quelques cas poli­tique agri­cole forestière, etc.) plus interventionniste
  • Investisse­ments publics, grands travaux, pro­grammes de loge­ments sociaux
  • Dimin­uer le SMIC
  • Dimin­uer les salaires, accroître leur flexibilité
  • Employ­er les chômeurs à des travaux d’in­térêt général
  • Sim­pli­fi­er les for­mal­ités, le droit social, notam­ment pour les PME
  • Réduire la durée heb­do­madaire ou annuelle du travail
  • Mod­i­fi­er l’in­dem­ni­sa­tion des chômeurs pour les inciter à repren­dre 22 fois un emploi, à accepter des emplois moins payés
  • Poli­tique moné­taire plus sou­ple, créa­tion de mon­naie plus abondante
  • Faciliter la mobil­ité géo­graphique (aide au démé­nage­ment, fis­cal­ité des muta­tions, trou­ver un emploi au conjoint)
  • Repér­er les gise­ments d’emplois de sur­veil­lance, sécu­rité, gardiennage
  • Inciter les col­lec­tiv­ités locales et les asso­ci­a­tions à créer 19 fois des emplois d’in­térêt général
  • Réha­biliter le tra­vail manuel
  • Assur­er un ” Revenu Min­i­mum d’Ex­is­tence ” à tout le monde
  • Flex­i­bil­ité interne et non pas externe des emplois, recon­ver­sion dans l’en­tre­prise, fois for­ma­tion per­ma­nente, ges­tion prévi­sion­nelle des ressources humaines
  • Réha­biliter le ” non-tra­vail “, les loisirs, le temps partiel
  • Recenser les besoins mal sat­is­faits en biens et services
  • Faciliter le finance­ment de l’innovation
  • Faciliter le tra­vail à temps ” partagé ”
  • Poli­tique famil­iale plus active
  • Aider les chômeurs à se grouper
  • Pouss­er à une action inter­na­tionale pour solv­abilis­er les pays en développement
  • Dévelop­per des réseaux de solidarité
  • Décen­tralis­er davan­tage, amé­nag­er le territoire
  • Trans­fér­er aux entre­pris­es embauchant un chômeur ou un tit­u­laire du RMI tout ou par­tie de l’in­dem­ni­sa­tion de celui-ci
  • Inciter les femmes à ne pas tra­vailler pro­fes­sion­nelle­ment, salaire parental, etc.
  • Reval­oris­er le tra­vail domestique
  • Renouer avec la plan­i­fi­ca­tion, pro­mou­voir une crois­sance plus forte
  • Chang­er la men­tal­ité des admin­is­tra­tions, l’É­tat-employeur doit don­ner l’exemple
  • Mieux prévoir les besoins d’emplois (cf. La matrice des emplois d’Al­fred Sauvy)
  • Priv­ilégi­er les choix tech­nologiques à forte part de main-d’œuvre
  • Assou­plir les statuts
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Par­mi les répons­es reçues, 6 émanaient de cama­rades appar­tenant aux pro­mo­tions com­pris­es entre la 20 spé­ciale et la 27 et une d’un cama­rade de la pro­mo­tion 90. Toutes les autres s’éch­e­lon­naient entre la pro­mo 30 et la pro­mo 87. La propen­sion à répon­dre à l’en­quête a été d’au­tant plus forte que la pro­mo­tion était plus anci­enne. Ain­si les pro­mo­tions 30 à 43, qui com­pren­nent 16 % des X vivants, ont fourni 25 % des répons­es, tan­dis que les pro­mos 72 à 87, com­prenant 33 % des X vivants, en ont fourni 19 % (cf. annexe I).

Par­mi les cama­rades appar­tenant à ce dernier groupe de pro­mo­tions, la pro­por­tion des répons­es provenant ” d’X­ettes ” ne dif­fère pas de manière sig­ni­fica­tive de celle des cama­rades mas­culins. Mais leur nom­bre absolu n’est que de quelques unités, car dans les pre­mières années où des jeunes filles entraient à l’É­cole, il n’en est entré en moyenne qu’une pour 15 garçons, con­tre 2 pour 15 dans les années récentes.

Quant aux fonc­tions pro­fes­sion­nelles exer­cées aujour­d’hui ou naguère par les répon­dants, il n’é­tait guère pos­si­ble d’en décrire le con­tenu sous une forme sim­ple et de les com­par­er aux fonc­tions assumées aujour­d’hui par l’ensem­ble des X en activ­ité, ou naguère par l’ensem­ble des X en retraite. Des infor­ma­tions indi­rectes ont pu cepen­dant être obtenues sur les unes et les autres en se référant à la ” sit­u­a­tion admin­is­tra­tive ” des cama­rades à la sor­tie de l’É­cole, telle que l’indique la liste alphabé­tique fig­u­rant à la fin de chaque annu­aire des anciens élèves.

Il appa­raît ain­si que la pro­por­tion des X ayant démis­sion­né à la fin de leur séjour à l’É­cole est un peu supérieure par­mi les répon­dants à l’en­quête (39,5 %) à la pro­por­tion cor­re­spon­dante mesurée par­mi les X actuelle­ment vivants ayant appartenu aux mêmes pro­mos (35,5 %).

Cette con­clu­sion vaut pour toutes les tranch­es d’âge, mais l’é­cart entre les deux pour­cent­ages en ques­tion varie con­sid­érable­ment d’une tranche d’âge à l’autre : il est très élevé chez les pro­mo­tions immé­di­ate­ment postérieures à la Sec­onde Guerre mon­di­ale (pro­mos 44 à 53) et chez les plus jeunes (pro­mos 72 à 87) ; il est très faible, voire pra­tique­ment nul chez les pro­mo­tions antérieures à la 44 et chez celles com­pris­es entre la 54 et la 71 (cf. annexe II).

Les infor­ma­tions fournies par l’an­nu­aire de l’É­cole per­me­t­tent égale­ment de savoir dans quels ser­vices de l’É­tat les anciens élèves n’ayant pas démis­sion­né dès leur sor­tie de l’X ont com­mencé leur car­rière. On a pu dans leur cas observ­er que les cama­rades sor­tis de l’É­cole comme officiers d’ac­tive ont répon­du à l’en­quête plus fréquem­ment que ne l’im­pli­querait leur pro­por­tion par­mi les X vivants ; ce phénomène est en rela­tion avec le fait que les trois quarts d’en­tre eux appar­ti­en­nent à des pro­mos antérieures à la 40.

Les répons­es des ingénieurs mil­i­taires, sauf de ceux sor­tis dans le Génie mar­itime, sont au con­traire sen­si­ble­ment moins nom­breuses que ne le voudrait leur pro­por­tion par­mi les X vivants ; ce phénomène n’est pas sans lien cette fois avec leur appar­te­nance dom­i­nante à des pro­mos rel­a­tive­ment récentes.

Il en va de même en ce qui con­cerne les ingénieurs des Télé­com et de ceux qui ont choisi la Recherche. Pour les autres corps de l’É­tat en revanche (Ponts et Chaussées, GM, Mines, Sta­tis­tique, Génie rur­al et Eaux et Forêts, etc.), la cor­re­spon­dance est très remar­quable entre la pro­por­tion des répon­dants à l’en­quête et l’im­por­tance rel­a­tive de leur caté­gorie pro­fes­sion­nelle (tou­jours repérée par leur sit­u­a­tion admin­is­tra­tive à la sor­tie de l’É­cole) par­mi les X vivants (cf. annexe III).

Pourquoi telle caté­gorie de poly­tech­ni­ciens a‑t-elle jugé bon et pos­si­ble de répon­dre à cette enquête davan­tage que telle autre catégorie ?

Chaque cama­rade était bien enten­du entière­ment libre de répon­dre ou de s’ab­stenir2. Sans doute le choix de cha­cun a‑t-il tenu à des caus­es mul­ti­ples : le temps dont il pou­vait dis­pos­er, la durée de l’ex­péri­ence acquise par lui, la nature et le poids de ses respon­s­abil­ités pro­fes­sion­nelles directes, leur prox­im­ité plus ou moins grande avec les prob­lèmes économiques, financiers et soci­aux nationaux et inter­na­tionaux influ­ant sur l’emploi dans notre pays, l’am­pleur des engage­ments ” para­pro­fes­sion­nels ” ou asso­ci­at­ifs que ses con­vic­tions sociales et poli­tiques l’avaient amené à pren­dre au cours de sa car­rière ou après sa retraite, etc.

Il n’est pas éton­nant que la com­po­si­tion du groupe des répon­dants ait dif­féré quelque peu de celle qui aurait résulté d’un tirage au sort. Mais on ne cher­chait pas a pri­ori une représen­ta­tiv­ité absol­u­ment par­faite. Et le ” pro­fil ” des répon­dants est en défini­tive suff­isam­ment proche de celui de la pop­u­la­tion des X tout entière pour que les répons­es obtenues présen­tent l’in­térêt qu’on en attendait.

Domaine de l’enquête et modalités de dépouillement

Exam­inons main­tenant le con­tenu des répons­es à l’en­quête. Rap­pelons d’abord que la let­tre invi­tant la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne à y par­ticiper dis­tin­guait a pri­ori deux types de répons­es pos­si­bles, les unes faisant part des idées de leur auteur, les autres rela­tant une expéri­ence ou des expéri­ences qu’il avait faites. Il était égale­ment demandé aux répon­dants de pré­cis­er le champ géo­graphique con­cerné par leur réponse : ” le monde, l’Eu­rope, la France, une région ou une ville particulière “.

La sépa­ra­tion entre ” idées ” et ” expéri­ences ” pou­vait appa­raître un peu arti­fi­cielle, car les idées nais­sent tou­jours plus ou moins des expéri­ences faites par leur auteur. Néan­moins les répon­dants sont entrés dans le jeu qui leur était pro­posé, facil­i­tant ain­si le dépouille­ment de l’en­quête. Sur les 300 répons­es reçues, 262 con­te­naient essen­tielle­ment des idées (obser­va­tions, réflex­ions, sug­ges­tions), 30 décrivaient des expéri­ences vécues, 8 enfin accom­pa­g­naient l’ex­posé des idées de leur auteur du réc­it détail­lé d’une ou plusieurs expéri­ences concrètes.

TABLEAU II — Regroupe­ment en 23 rubriques des idées ou sug­ges­tions du tableau précé­dent et classe­ment de ces rubriques selon le nom­bre des répons­es les ayant citées ou leur ayant été rat­tachées comme étant d’in­spi­ra­tion voisine.
  1. Repér­er les emplois de prox­im­ité, famil­i­aux, de sécu­rité, de com­mu­ni­ca­tion, recenser les besoins mal sat­is­faits en biens et ser­vices et prévoir les emplois cor­re­spon­dants, accroître l’ef­fi­cac­ité de l’ANPE, faciliter la mobil­ité géographique
  2. Assou­plir les régle­men­ta­tions, sim­pli­fi­er les for­mal­ités, le droit social (cas des PME), amélior­er le statut du tra­vailleur indépen­dant, mutu­alis­er les risques (fail­lites), accroître l’aide des ban­ques aux PME, amé­nag­er le plan< compt­able, chang­er la men­tal­ité des administrations
  3. Baiss­er la durée du tra­vail, faciliter le temps par­tiel, le temps partagé, inter­dire ou dimin­uer les heures sup­plé­men­taires, dévelop­per le télé­tra­vail, accroître le dia­logue social
  4. Dimin­uer les charges sociales des entre­pris­es ou chang­er leur assi­ette, accroître la taxe pro­fes­sion­nelle frap­pant les équipements et alléger celle basée sur les salaires, dimin­uer la pro­tec­tion sociale ou accroître la TVA pour la financer
  5. Alléger la fis­cal­ité des entre­pris­es, la trans­fér­er aux ménages, aider finan­cière­ment les entre­pris­es créa­tri­ces d’emplois, trans­fér­er les indem­nités des chômeurs aux entre­pris­es qui les embauchent
  6. Pro­tec­tion­nisme sous divers­es formes, négo­ci­a­tions avec les pays en développe­ment, actions inter­na­tionales pour mieux les solv­abilis­er, installer davan­tage de com­mer­ci­aux à l’étranger
  7. Amélior­er le fonc­tion­nement de l’ap­pareil édu­catif ini­tial, for­mer les jeunes à l’adapt­abil­ité, à la prise de risque
  8. Mod­i­fi­er l’in­dem­ni­sa­tion des chômeurs pour leur faire accepter un tra­vail moins payé, réha­biliter le tra­vail manuel, assou­plir les statuts, dimin­uer la sco­lar­ité obligatoire
  9. Dimin­uer les salaires, le SMIC, sup­primer la 5e semaine de con­gés payés
  10. Faciliter la mobil­ité pro­fes­sion­nelle, dévelop­per la for­ma­tion et la recon­ver­sion interne aux entre­pris­es, la ges­tion prévi­sion­nelle des ressources humaines, instituer un ” crédit for­ma­tion “, lim­iter le droit à licen­ciement, priv­ilégi­er les choix tech­nologiques à forte part de main-d’œuvre
  11. Réha­biliter le non-tra­vail, les loisirs, le temps par­tiel, inciter les femmes à ne pas tra­vailler, reval­oris­er le tra­vail domes­tique, faciliter les départs en retraite et les retraites progressives
  12. Réforme fis­cale de portée générale, faire pay­er davan­tage les ser­vices publics aux usagers, lut­ter con­tre la délin­quance économique, la fraude fiscale
  13. Pro­pos­er aux chômeurs des travaux d’in­térêt général, inviter les col­lec­tiv­ités fois locales et les asso­ci­a­tions à créer de tels travaux, créer un ser­vice civ­il nation­al, ” réin­ven­ter les chantiers de jeunesse ”
  14. Men­er une poli­tique indus­trielle plus inter­ven­tion­niste (de même pour la poli­tique agri­cole, forestière, etc.), renouer avec la plan­i­fi­ca­tion, pro­mou­voir une crois­sance plus forte
  15. Aider les chômeurs à se grouper, dévelop­per les réseaux de sol­i­dar­ité, inciter les syn­di­cats à se souci­er plus des chômeurs
  16. Créer un Revenu Min­i­mum d’Ex­is­tence pour tous, solv­abilis­er cer­taines caté­gories sociales peu solv­ables, réduire l’Im­pôt sur le Revenu, rémunér­er cer­tains bénév­oles, ” décou­pler ” davan­tage tra­vail et revenu et en diver­si­fi­er les sources
  17. Aug­menter les investisse­ments publics, lancer de grands travaux, des pro­grammes de loge­ments sociaux
  18. Faciliter la flex­i­bil­ité des horaires de tra­vail, les con­trats à durée déter­minée, le tra­vail tem­po­raire, revenir sur la pos­si­bil­ité de retraite à 60 ans
  19. Poli­tique moné­taire plus sou­ple, créa­tion moné­taire plus abondante
  20. Faciliter le finance­ment de l’in­no­va­tion, accroître la liai­son entre 22 fois
    les entre­pris­es et la recherche
  21. Poli­tique famil­iale plus active, poli­tique du loge­ment plus active 20 fois (prêts bonifiés aux ménages)
  22. Décen­tralis­er davan­tage, amé­nag­er le ter­ri­toire 14 fois
  23. Réduire l’im­mi­gra­tion 7 fois
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Quant à la délim­i­ta­tion du champ géo­graphique cou­vert, elle aus­si était inévitable­ment — sauf cas par­ti­c­uli­er d’une réflex­ion et d’une action con­cer­nant une ville, un ” bassin d’emploi ” ou une région — un peu arti­fi­cielle. De fait, la très grande majorité des répons­es reçues se sont déclarées comme visant essen­tielle­ment le prob­lème de l’emploi en France, même lorsque les analy­ses et les propo­si­tions tenaient implicite­ment compte de l’en­vi­ron­nement européen et de la mon­di­al­i­sa­tion des échanges.

L’ex­a­m­en appro­fon­di des 38 expéri­ences par l’équipe de dépouille­ment de l’en­quête a con­clu dans la plu­part des cas à l’in­térêt de celles-ci. 22 d’en­tre elles ont même été jugées ” d’un très grand intérêt “. Leur car­ac­tère mono­graphique empêche cepen­dant qu’il en soit davan­tage ren­du compte dans le présent doc­u­ment, néces­saire­ment bref et au con­tenu sta­tis­tique. Plusieurs ont déjà don­né matière à des arti­cles dans La Jaune et la Rouge. D’autres pour­raient y trou­ver place.

Quant aux 270 répons­es exposant les idées de leurs auteurs — que celles-ci soient assor­ties ou non d’ex­péri­ences -, elles ont don­né lieu à l’étab­lisse­ment de 270 fich­es, sur lesquelles les idées en ques­tion ont été classées, à l’aide d’une ” grille de dépouille­ment “, en deux caté­gories : les idées à car­ac­tère ” général ” et les idées à car­ac­tère ” spécifique “.

À titre d’ex­em­ples d’idées à car­ac­tère général, ou — si l’on préfère — de sug­ges­tions à final­ité large, on peut citer : la for­ma­tion est la clé de l’emploi, ou bien c’est d’abord par une nou­velle poli­tique interne à l’en­tre­prise que l’on gag­n­era la bataille de l’emploi, ou encore ce dont souf­fre notre pays, c’est d’un excès de rigid­ités. À titre d’ex­em­ples d’idées à car­ac­tère spé­ci­fique, ou de sug­ges­tions d’ac­tions à final­ité pré­cise, on peut men­tion­ner : il faut le plus tôt pos­si­ble réduire la durée du tra­vail à 32 heures, ou bien il faut dimin­uer l’im­pôt sur le revenu, ou encore il faut met­tre en œuvre une poli­tique plus active d’in­vestisse­ments publics.

La grille de dépouille­ment a été con­stru­ite empirique­ment à par­tir de l’analyse appro­fondie du con­tenu de 50 répons­es préal­able­ment tirées au sort. Elle com­pre­nait 10 postes à car­ac­tère général et 78 postes à car­ac­tère spé­ci­fique. Cha­cun de ceux-ci était rat­taché à l’un des dix postes à car­ac­tère général, dont il était en quelque sorte une modal­ité par­ti­c­ulière de réal­i­sa­tion. Sur les 270 fich­es recen­sant les idées des 270 répon­dants ont été inscrites au total 1 342 références à des postes de la grille de dépouille­ment, dont 287 références à l’un des 10 postes à car­ac­tère général et 1 055 références à l’un des 78 postes à car­ac­tère spécifique.

Les idées ou suggestions présentées sous leur forme spécifique la plus détaillée

Le poste à car­ac­tère spé­ci­fique auquel il a été fait le plus sou­vent référence, c’est-à-dire l’idée ou la sug­ges­tion pour amélior­er l’emploi la plus fréquem­ment exprimée par les 270 répon­dants a été la baisse des charges sociales ; elle a été citée par 56 d’en­tre eux. L’idée ou sug­ges­tion la moins citée par­mi celles qui fig­u­raient dans la grille de dépouille­ment a été citée une fois seule­ment. On a classé dans le tableau I ci-après, selon le nom­bre des cita­tions dont elles ont fait l’ob­jet, les 42 idées ou sug­ges­tions ” spé­ci­fiques ” ayant été men­tion­nées par au moins dix répon­dants à l’en­quête. Au total, ces 42 sug­ges­tions ont recueil­li 874 cita­tions. Les 36 autres idées ou sug­ges­tions spé­ci­fiques fig­u­rant dans la grille de dépouille­ment n’ont pas été retenues dans le tableau : elles ont recueil­li entre 1 et 9 cita­tions seule­ment, soit au total 181 citations.

Cette liste présente l’in­térêt d’être très con­crète. Mais le lecteur éprou­ve le besoin d’une syn­thèse. Celle-ci a été faite en deux étapes. Dans un pre­mier temps, les 42 rubriques ont été regroupées en 22 rubriques, tan­dis que cha­cune des 36 idées ou sug­ges­tions lais­sées de côté jusqu’i­ci parce que n’ayant recueil­li qu’un nom­bre de cita­tions com­pris entre 1 et 9 a été rat­tachée à celle de ces 22 rubriques à laque­lle elle s’ap­parentait le mieux. Seule une sug­ges­tion a paru présen­ter une spé­ci­ficité qui la rendait dif­fi­cile­ment rac­cord­able à l’une quel­conque des 22 rubriques retenues : il s’ag­it de la réduc­tion de l’im­mi­gra­tion ; elle a fait ain­si l’ob­jet d’une 23e rubrique.

Regroupement des idées ou suggestions précédentes selon l’analyse économique qui les inspire

Dans une nou­velle et dernière étape, les 23 rubriques du tableau II peu­vent être répar­ties entre quelques grands groupes, à l’in­térieur de cha­cun desquels seront rassem­blées les idées ou sug­ges­tions présen­tant une cer­taine par­en­té par la philoso­phie éco­nom­i­co-sociale qui les inspire. Nous avons con­sti­tué cinq groupes de ce type, sachant que les modal­ités des regroupe­ments ain­si effec­tués peu­vent être dis­cutées. Ces cinq groupes sont présen­tés ci-après.

1) Actions des pouvoirs publics pour faciliter la gestion des entreprises et alléger leurs coûts

Peu­vent être rat­tachées à ce groupe les rubriques du tableau II numérotées 2, 4, 5, 9, 18 et 20. Cor­re­spon­dent à ces rubriques 315 idées ou sug­ges­tions émis­es dans l’en­quête, un même répon­dant pou­vant avoir cité plusieurs d’en­tre elles. Leur con­tenu est le suiv­ant : ” Assou­plir les régle­men­ta­tions, chang­er la men­tal­ité des admin­is­tra­tions, sim­pli­fi­er les for­mal­ités, le droit social, notam­ment pour les PME, amélior­er le statut des tra­vailleurs indépen­dants, dévelop­per la mutu­al­i­sa­tion des risques (préven­tion des fail­lites, etc.), accroître l’aide des ban­ques aux entre­pris­es, surtout aux PME, amé­nag­er le plan compt­able, faciliter le finance­ment de l’in­no­va­tion, accroître la liai­son entre les entre­pris­es et la recherche, dimin­uer les charges sociales des entre­pris­es ou chang­er leur ” assi­ette “, accroître la taxe pro­fes­sion­nelle frap­pant les équipements en allégeant celle basée sur les salaires, dimin­uer la pro­tec­tion sociale ou accroître la TVA pour la financer, alléger la fis­cal­ité des entre­pris­es en la trans­férant aux ménages, aider finan­cière­ment les entre­pris­es créa­tri­ces d’emplois, trans­fér­er (par­tielle­ment ou totale­ment) les indem­nités des chômeurs aux entre­pris­es qui les embauchent, dimin­uer les salaires, le SMIC, sup­primer la 5e semaine de con­gés payés, faciliter la flex­i­bil­ité des horaires de tra­vail, les con­trats à durée déter­minée, le tra­vail tem­po­raire, revenir sur la pos­si­bil­ité de pren­dre sa retraite à 60 ans. ”

Ces sug­ges­tions lais­sent penser que pour leurs auteurs les raisons prin­ci­pales du chô­mage et de la crise de l’emploi sont les dif­fi­cultés ren­con­trées par les entre­pris­es et leurs dirigeants pour pro­duire non seule­ment ce qu’ils veu­lent et que leur indique le marché, mais comme ils veu­lent (régle­men­ta­tions exces­sives, droit social paralysant) ; ils sont d’autre part insuff­isam­ment aidés, et au con­traire leurs coûts sont exagéré­ment alour­dis (salaires trop élevés, surtout pour les tra­vailleurs les moins qual­i­fiés, charges sociales affec­tant par trop le coût du tra­vail, fis­cal­ité exces­sive), ce qui nuit à leur compétitivité.

2) Aide aux chômeurs, aux candidats à un emploi ou aux salariés occupés, pour faciliter leur formation, leur recherche d’emploi ou leur maintien en activité

Peu­vent être rat­tachées à ce groupe les rubriques du tableau II présen­té ci-après numérotées 1, 7, 10, 13 et 15. Cor­re­spon­dent à ces rubriques 294 idées ou sug­ges­tions des répon­dants à l’en­quête. Le con­tenu en est le suivant :

” Repér­er les emplois de prox­im­ité, les emplois famil­i­aux, ceux de sécu­rité ou de gar­di­en­nage, les emplois dans les nou­velles tech­nolo­gies de com­mu­ni­ca­tion, recenser les besoins mal sat­is­faits en biens et ser­vices et prévoir les emplois cor­re­spon­dants, accroître l’ef­fi­cac­ité de l’ANPE, faciliter la mobil­ité géo­graphique et pro­fes­sion­nelle, amélior­er le fonc­tion­nement de l’ap­pareil édu­catif ini­tial, for­mer les jeunes à l’adapt­abil­ité, à la prise de risque, dévelop­per la for­ma­tion et la recon­ver­sion interne aux entre­pris­es, la ges­tion prévi­sion­nelle des ressources humaines, instau­r­er un crédit-for­ma­tion, priv­ilégi­er les choix tech­nologiques à forte main-d’œu­vre, lim­iter le droit à licen­ciement, pro­pos­er aux chômeurs des travaux d’in­térêt général, inviter les col­lec­tiv­ités locales et les asso­ci­a­tions à en créer, créer un ser­vice civ­il nation­al, ” imiter les chantiers de jeunesse “, aider les chômeurs à se grouper, dévelop­per les réseaux de sol­i­dar­ité, inciter les syn­di­cats à se souci­er davan­tage des chômeurs. ”

Ces sug­ges­tions éma­nent plutôt de cama­rades qui voient l’o­rig­ine du chô­mage dans le mau­vais ajuste­ment entre les besoins des entre­pris­es d’une part et la for­ma­tion et l’adapt­abil­ité des can­di­dats à un emploi d’autre part.

Ils met­tent l’ac­cent sur le rôle néces­saire des pou­voirs publics (État et col­lec­tiv­ités locales), des entre­pris­es et de la société civile (asso­ci­a­tions, syn­di­cats) en vue de faciliter l’of­fre d’emplois et l’adap­ta­tion des deman­deurs : meilleure for­ma­tion sco­laire, rôle accru des entre­pris­es dans la for­ma­tion ” sur le tas ” et l’aide aux néces­saires recon­ver­sions (flex­i­bil­ité interne plutôt qu’ex­terne), créa­tion d’emplois d’in­térêt général, sol­i­dar­ité avec les chômeurs de la part des acteurs de la société civile avec, le cas échéant, pres­sions en leur faveur sur les pou­voirs publics et les entre­pris­es, etc.

3) Actions publiques relevant de la politique macroéconomique, financière, monétaire, sur l’environnement national, européen et mondial

Peu­vent être rat­tachées à ce groupe les rubriques du tableau déjà cité numérotées 6, 12, 14, 19, 22 et 23. Cor­re­spon­dent à ces rubriques 185 idées ou sug­ges­tions, dont le con­tenu est le suivant :

” Instau­r­er ou rétablir plus de pro­tec­tion­nisme (au niveau nation­al pour les uns, européen pour les autres) sous des formes divers­es, négoci­er avec les pays en développe­ment, agir au plan inter­na­tion­al pour mieux solv­abilis­er cer­tains pays ou con­ti­nents pau­vres, installer davan­tage de présence com­mer­ciale à l’é­tranger, réduire l’im­mi­gra­tion, au plan nation­al décen­tralis­er davan­tage, ren­forcer l’ef­fort d’amé­nage­ment du ter­ri­toire, men­er une poli­tique indus­trielle plus inter­ven­tion­niste (cer­tains men­tion­nent aus­si la poli­tique agri­cole ou forestière), renouer avec la plan­i­fi­ca­tion pour pro­mou­voir une crois­sance plus forte, facil­itée par une poli­tique moné­taire plus sou­ple et une créa­tion moné­taire plus abon­dante, met­tre en œuvre une réforme fis­cale de portée générale, tou­jours en vue de la crois­sance nationale et européenne, cer­tains y ajoutant que les usagers devraient pay­er davan­tage les ser­vices publics, d’autres que l’É­tat devrait lut­ter davan­tage con­tre la délin­quance économique, la fraude fiscale. ”

Ces sug­ges­tions s’in­spirent plutôt d’une philoso­phie économique inter­ven­tion­niste, que cer­tains pro­posent à la France, d’autres à l’U­nion européenne.

La cause prin­ci­pale de l’in­suff­i­sance des créa­tions d’emplois est en effet, selon eux, l’in­suff­i­sance de la crois­sance nationale et européenne, freinée à la fois par une con­cur­rence iné­gale avec les pays en développe­ment et par des poli­tiques moné­taires et par­fois budgé­taires trop restric­tives, inspirées par une peur de l’in­fla­tion qui n’est plus jus­ti­fiée, compte tenu de l’évo­lu­tion des coûts de pro­duc­tion, notam­ment salariaux.

4) Actions incitatives ou dissuasives sur les entreprises, les demandeurs d’emploi ou les salariés en activité, pour partager le travail, accepter un travail moins qualifié ou même ne plus travailler

Peu­vent être rat­tachées à ce groupe les rubriques du tableau préc­ité numérotées 3, 8 et 11. Cor­re­spon­dent à ces rubriques 181 idées ou sug­ges­tions dont ci-dessous le contenu :

” Réduire la durée du tra­vail, faciliter le tra­vail à temps par­tiel ou à temps ” partagé “, inter­dire ou dimin­uer les heures sup­plé­men­taires, dévelop­per le télé­tra­vail, accroître le dia­logue social, mod­i­fi­er l’in­dem­ni­sa­tion des chômeurs pour leur faire accepter un tra­vail moins payé, réha­biliter le tra­vail manuel, assou­plir les statuts, dimin­uer la sco­lar­ité oblig­a­toire, réha­biliter le ” non-tra­vail “, les loisirs, le temps par­tiel choisi, inciter les femmes à ne pas tra­vailler pro­fes­sion­nelle­ment, reval­oris­er le tra­vail domes­tique, faciliter les départs en retraite et les retraites progressives. ”

Notons que ces sug­ges­tions ont été faites en 1994, à une époque où l’idée d’une forte baisse générale de la durée de la semaine de tra­vail était depuis longtemps débattue, mais trois ans avant que ne se pro­file à l’hori­zon le pro­jet de loi gou­verne­men­tal sur les 35 heures.

En fait, tout en met­tant en ques­tion la répar­ti­tion du tra­vail salarié entre ceux qui en ont et ceux qui n’en ont pas, les sug­ges­tions de nos cama­rades se réfèrent implicite­ment à des philoso­phies divers­es, sinon opposées.

Cer­tains sem­blent con­sid­ér­er que la crois­sance de la pro­duc­tion est désor­mais inévitable­ment lim­itée et la pro­duc­tiv­ité trop forte, et que, dans ces con­di­tions, la pénurie d’emplois n’a guère de chances de se réduire, sauf par un partage délibéré du tra­vail, selon dif­férentes modal­ités : celles-ci, dans le cas de l’en­quête ” X‑Emploi “, pren­nent plus sou­vent la forme du tra­vail à temps par­tiel ou ” partagé “, ou de la baisse de la durée annuelle, ou encore du départ en retraite pro­gres­sif, que celle d’une réduc­tion générale des horaires heb­do­madaires ; ces sug­ges­tions s’ac­com­pa­g­nent assez sou­vent d’une exal­ta­tion de l’at­trait des loisirs ou de la valeur du tra­vail domes­tique ; quelques-unes y ajoutent une invi­ta­tion à un cer­tain partage des revenus.

D’autres cama­rades, qui sem­blent s’in­spir­er plutôt de ce qui est par­fois appelé le ” mod­èle améri­cain “, pro­posent au con­traire non pas de partager le tra­vail de tout le monde, mais d’inciter les chômeurs — surtout les moins qual­i­fiés -, par des allége­ments de leur pro­tec­tion sociale, à accepter plus facile­ment qu’au­jour­d’hui des travaux rel­a­tive­ment peu rémunérés.

5) Actions stimulantes sur la demande privée ou publique (aide aux ménages, investissements publics ou locatifs)

Peu­vent être enfin rat­tachées à ce groupe les rubriques du tableau détail­lé numérotées 16, 17 et 21. Cor­re­spon­dent à ces rubriques 80 idées ou sug­ges­tions des répon­dants à l’enquête :

” Aug­menter les investisse­ments publics, lancer de grands travaux ou des pro­grammes de loge­ments soci­aux, men­er une poli­tique famil­iale plus active, de même pour la poli­tique de loge­ment (prêts bonifiés aux ménages), créer un Revenu Min­i­mum d’Ex­is­tence pour tout le monde, solv­abilis­er mieux cer­taines caté­gories sociales peu solv­ables, réduire l’im­pôt sur le revenu, rémunér­er cer­tains bénév­oles, ” décou­pler ” plus le tra­vail et le revenu et en diver­si­fi­er les sources… ”

Ces sug­ges­tions ont une inspi­ra­tion assez proche de celle des inter­ven­tions économiques pro­posées au para­graphe 3 ci-dessus. Pour leurs auteurs, la cause essen­tielle de l’in­suff­i­sance des créa­tions d’emplois est l’in­suff­i­sance de la crois­sance de la pro­duc­tion. Mais ils pro­posent, pour réac­tiv­er ladite crois­sance, non plus un ensem­ble d’ac­tions poli­tiques de nature macroé­conomique, tant au plan européen qu’au plan mon­di­al, mais une relance directe de la demande intérieure des ménages et des admin­is­tra­tions publiques nationales et locales, d’in­spi­ra­tion que d’au­cuns qual­i­fieront volon­tiers de ” keynési­enne “, avec un accent par­ti­c­uli­er mis sur l’aide aux ménages.

Comparaison des idées ou suggestions exprimées sous forme générale avec celles à contenu plus spécifique

On a sig­nalé plus haut qu’outre les idées ou sug­ges­tions que nous venons de recenser, qual­i­fiées de ” spé­ci­fiques ” parce qu’in­vi­tant à des actions à final­ité par­ti­c­ulière, de nom­breux répon­dants à l’en­quête ont présen­té cer­taines idées ou sug­ges­tions sous une forme plus générale.

TABLEAU III — Com­prai­son des idées ou sug­ges­tions ayant une final­ité spé­ci­fique et de celles ayant une inspi­ra­tion voi­sine, mais une final­ité plus générale.
Postes à con­tenu général de la grille de dépouillement Idées ou suggestions
À car­ac­tère général À final­ité spécifique Ensem­ble des idées ou suggestions
Aides​publiques aux entre­pris­es facil­i­tant la créa­tion d’emplois 11,8%  24,1% 21,5%
Poli­tiques publiques de nature macroéconomique 16,4% 19,0% 18,4%
Actions stim­u­lantes ou dis­sua­sives sur les can­di­dats à un emploi 4,5% 12,4% 10,7%
Evo­lu­tion néces­saire des men­tal­ités, change­ments de société 20,2% 7,7% 10,4%
Actions en vue de la formation 15,3% 7,6% 9,2%
Repérage des gise­ments d’emplois 11,1% 8,2% 8,8%
Action sur la durée du travail 6,3% 7,6% 7,3%
Amélio­ra­tion de la ges­tion des entre­pris­es dans un sens favor­able à l’emploi 7,3% 5,0% 5,5%
Réduc­tion des rigidités 4,2% 4,3% 4,2%
Aide aux ménages 2,8% 4,3% 3,9%

 Citations
100%
287
100%
1 055
100%
1 342

L’équipe chargée du dépouille­ment de l’en­quête en a ren­con­tré 287 de ce genre. Dix postes de la grille de dépouille­ment ont été con­sacrés à leur classe­ment, présen­té dans la colonne de gauche du tableau III ci-après.

Pour voir alors si les deux types d’idées ou sug­ges­tions (“ générales ” et ” spé­ci­fiques ”) reflé­taient des philoso­phies éco­nom­i­co-sociales voisines ou dif­férentes, on a affec­té cha­cune des 1 055 cita­tions spé­ci­fiques à l’un des dix postes à con­tenu général de la grille de dépouille­ment, celui bien enten­du le plus appar­en­té à sa final­ité par­ti­c­ulière. La répar­ti­tion de l’ensem­ble des cita­tions spé­ci­fiques entre ces dix postes fig­ure dans la colonne cen­trale du tableau III.

Quelques dif­férences nota­bles appa­rais­sent entre les deux types d’idées ou sug­ges­tions. Celles à car­ac­tère général expri­ment prin­ci­pale­ment des souhaits de change­ment des struc­tures, des insti­tu­tions, des com­porte­ments sans en décrire de façon pré­cise les modal­ités : cela appa­raît prin­ci­pale­ment à tra­vers la place don­née aux deux postes ” évo­lu­tion des men­tal­ités ” et ” for­ma­tion “, qui représen­tent à eux deux 35,5 % du total des cita­tions ” générales ” et 15,3 % seule­ment du total des cita­tions ” spé­ci­fiques ” correspondantes.

Les idées ou sug­ges­tions à final­ité spé­ci­fique sont davan­tage rel­a­tives aux moyens con­crets à pren­dre ; elles pré­conisent explicite­ment des inter­ven­tions cor­rec­tri­ces et invi­tent les acteurs économiques et soci­aux à les met­tre eux-mêmes en œuvre : cela se man­i­feste notam­ment à tra­vers la place don­née aux deux postes ” aides publiques aux entre­pris­es ” et ” actions sur les can­di­dats à un emploi “, qui à eux deux font 16,3 % du total des cita­tions générales con­tre 36,5 % du total des cita­tions spé­ci­fiques correspondantes.

Pour aboutir à un classe­ment prenant en compte l’ensem­ble des idées et sug­ges­tions recueil­lies, qu’elles soient spé­ci­fiques ou générales, on a présen­té dans la colonne de droite du tableau III la syn­thèse des deux colonnes précédentes.

Les suites qui pourraient être données à l’enquête

ANNEXE I — Répar­ti­tion en % du Total
des répons­es à l’enquête des X viv​ants en 1994
Pro­mos 30 à 43
Pro­mos 44 à 53
Pro­mos 54 à 71
Pro­mos 72 à 87
25
20
36
19
18
15
34
33
Total 100 100
ANNEXE II — Pro­por­tion de démis­sion­naires à la sor­tie de l’École
par­mi les cama­rades ayant répon­du à l’en­quête X‑Emploi​ par­mi les X vivants appar­tenant aux gr​oupes de pro­mos considérés
Pro­mos 20 à 43
Promo​s 44 à 53
Pro­mos 54 à 71
Pro­mos 72 à 87
18,6%
47,2%
36,7%
66,0%
16,7%
27%
36%
50%
Toutes les promos 39,5% 35,5%
ANNEXE III — Répar­ti­tion entre les divers­es ori­en­ta­tions pro­fes­sion­nelles à leiur sor­tie de l’X
Si​tuation admin­is­tra­tive de sortie des cama­rades ayant répon­du à l​‘enquête X‑Emploi des X vivants appar­tenant aux promo​s 20 à 87
Démissionnaires
Officiers (ttes armes)
Ingénieurs mil­i­taires (tous corps sauf GM)
Ponts et Chaussées
GM
Mines
Statistique
Télécom
Génie REF
ME, ENA, CAP
Autres Corps
recherche
39,5%
13,5
7,6
 
12,5
6,1
5,3
4,2
1,5
2,3
3,8
2,6
1,1
35,5%
9,2
13,1

12,5
6,0
4,6
3,0
5,2
2,2
3,0
3,0
2,7

Ensemble 100 100

En con­clu­sion, obser­vons d’abord qu’il faut éviter toute ambiguïté sur la sig­ni­fi­ca­tion de cet arti­cle. Il ne vise évidem­ment pas à présen­ter une ” thèse poly­tech­ni­ci­enne ” à pro­pos de l’o­rig­ine du chô­mage et des moyens d’amélior­er l’emploi. Il en a d’ailleurs suc­ces­sive­ment exposé plusieurs…

C’est qu’il n’a voulu être plus mod­este­ment qu’un recense­ment des opin­ions et propo­si­tions des poly­tech­ni­ciens en la matière et un témoignage de la diver­sité et de la richesse de celles-ci3.

Quels pro­longe­ments leur don­ner ? Compte tenu du vol­ume des matéri­aux recueil­lis, il paraît dif­fi­cile de pren­dre en con­sid­éra­tion toutes les répons­es. L’équipe chargée du dépouille­ment a donc effec­tué une sélec­tion par­mi les 300 répons­es et en a retenu en pri­or­ité 43. Leurs auteurs pour­raient soit être invités à faire part de leurs idées dans La Jaune et la Rouge — quelques-uns l’ont déjà fait -, soit se voir pro­pos­er de par­ticiper à un col­loque sur un sujet sur lequel ils auraient émis des sug­ges­tions par­ti­c­ulière­ment intéressantes.

Du fait de l’im­por­tance que l’ac­tu­al­ité lui a don­née depuis plus de deux ans, un prob­lème abor­dé par de nom­breux cama­rades, avec d’ailleurs des opin­ions fort divers­es, celui de la réduc­tion des horaires de tra­vail, a déjà fait l’ob­jet en décem­bre 1998 d’un col­loque organ­isé à la Mai­son des X à l’ini­tia­tive du Groupe X‑Action, présidé par Jacques Bouttes (52), prési­dent d’Hon­neur de l’A.X. et prési­dent en 1994 du Grand Col­loque du Bicen­te­naire. D’autres col­lo­ques pour­raient suiv­re, qui, à la lumière des résul­tats de l’en­quête, pour­raient par exem­ple abor­der les prob­lèmes suivants :

  • la réduc­tion des charges sociales et les effets à en atten­dre dans le cadre européen et mondial,
  • la poli­tique de for­ma­tion à l’é­cole et dans les entreprises,
  • une poli­tique indus­trielle est-elle aujour­d’hui pos­si­ble en Europe ?
  • la poli­tique moné­taire et la croissance,
  • mon­di­al­i­sa­tion des échanges et sol­i­dar­ité européenne,
  • l’évo­lu­tion de la poli­tique de pro­tec­tion sociale,
  • investisse­ments publics, poli­tique budgé­taire et croissance,
  • l’in­dem­ni­sa­tion du chô­mage, ses modal­ités et ses effets,
  • un Revenu Min­i­mum d’Ex­is­tence pour tous est-il une per­spec­tive réaliste ?
  • les grands groupes peu­vent-ils aider les PME ? etc.


Ce ne sont là que quelques idées. D’autres thèmes peu­vent être envis­agés, que les autres sug­ges­tions fig­u­rant par­mi les répons­es à l’en­quête peu­vent inviter à retenir. Ce serait là un utile pro­longe­ment de l’en­quête X‑Emploi.

_________________________________________
1. Mal­heureuse­ment décédé depuis lors. La forte pro­por­tion de cama­rades de la 46 dans l’équipe n’est pas sans rela­tion avec la pro­mo­tion de l’animateur.
2. Lors du lance­ment de l’enquête, de nom­breux cama­rades n’en ont été infor­més que tar­di­ve­ment compte tenu du délai de réponse accordé. Mais de ce fait, le délai de réponse a été forte­ment pro­longé. Si de tels aléas ont pu réduire légère­ment le taux de réponse, il n’y a pas de rai­son pour qu’ils aient influé notable­ment sur la com­po­si­tion du groupe des répondants.
3. L’auteur se per­met d’ajouter que, tout en ayant des idées sur la ques­tion, il s’est effor­cé de rester aus­si objec­tif que pos­si­ble dans sa présen­ta­tion des résul­tats de l’enquête.

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