Trois défis majeurs pour les banques

Dossier : Les moyens de paiementMagazine N°724 Avril 2017
Par Pierre FERSZTAND (84)

Les ban­ques ont per­du le mono­pole des ser­vices de paiement. Pour garder la con­fi­ance de leurs clients, elles doivent se repo­si­tion­ner dans la chaîne de valeur, assur­er la sécu­rité dans le respect de la régle­men­ta­tion, mais aus­si con­tin­uer à innover et à préserv­er la rentabil­ité de leur busi­ness model. 

La phase de paiement est essen­tielle dans le dénoue­ment de toute trans­ac­tion com­mer­ciale. Pour les nou­veaux acteurs du monde numérique, elles sont stratégiques. Les ban­ques sont exposées au risque de dés­in­ter­mé­di­a­tion dans un marché où fleuris­sent de nou­velles offres de paiement. 

La Direc­tive européenne sur les ser­vices de paiement de 2007 a mis fin au mono­pole des ban­ques et per­mis l’essor des nou­veaux acteurs. 

À plusieurs repris­es (DME1&2, DSP1&2), les régu­la­teurs sont inter­venus pour clar­i­fi­er les règles de con­cur­rence et de respon­s­abil­ité. Dans ce paysage, la banque doit relever trois défis majeurs. 

REPÈRES

En quinze ans, les technologies ont révolutionné les parcours d’achat. Les acteurs du commerce se sont adaptés. De nouveaux modèles de distribution ont émergé, positionnant de nouveaux intervenants entre le consommateur final et le « producteur » des services.
Les exemples les plus marquants se situent dans les secteurs de l’hébergement et des véhicules avec chauffeur.

SE POSITIONNER DANS LA CHAÎNE DE VALEUR

L’adossement du moyen de paiement au compte de dépôt est men­acé. Or, il matéri­alise et qual­i­fie le degré de la rela­tion ban­caire au quo­ti­di­en, et apporte la con­nais­sance client. Si elle béné­fi­cie de la con­fi­ance de ses clients, la banque doit cepen­dant revoir son positionnement. 

Ses con­cur­rents ne sont plus seule­ment des ban­ques mais des indus­triels, processeurs, étab­lisse­ments de paiement et de mon­naie élec­tron­ique, sociétés tech­nologiques… De grandes mar­ques pro­posent de nou­veaux ser­vices et par­cours clients, incor­po­rant le paiement. 

“ L’adossement du moyen de paiement au compte de dépôt est menacé ”

Dans la chas­se aux don­nées clients, le paiement est un fac­teur clé pour appréhen­der les don­nées rel­a­tives au con­texte de l’achat. Mais la mul­ti­plic­ité des offres frag­mente les modes opéra­toires. Le con­som­ma­teur s’y perd et craint de l’insécurité.

Pour préserv­er ses atouts, la banque doit donc pro­pos­er des par­cours de paiement flu­ides sur tous canaux, ne pas tran­siger avec la sécu­rité et élargir son champ d’action : remon­ter la chaîne de valeur du par­cours d’achat, pro­pos­er de l’agrégation de comptes, de l’initiation de paiement… 

Cela passe par des parte­nar­i­ats ban­caires pour l’interopérabilité et l’universalité, par des parte­nar­i­ats avec le com­merce pour l’intégration dans le par­cours d’achat, et enfin des parte­nar­i­ats tech­nologiques pour l’efficacité.

En effet, la force de la banque réside dans sa capac­ité à gér­er de façon indus­trielle la rela­tion avec la clien­tèle (con­quête, ges­tion quo­ti­di­enne…). Les parte­nar­i­ats tech­nologiques lui per­me­t­tent de dis­pos­er rapi­de­ment des ressources qu’elle ne maîtrise pas encore. C’est tout l’enjeu des pro­grammes fin­techs mis en place par les banques. 

RESPECTER LES EXIGENCES RÉGLEMENTAIRES ET DE CONFORMITÉ

En vue d’unifier le marché européen, les régle­men­ta­tions sur les moyens de paiement ont porté sur plusieurs points : l’ouverture à de nou­veaux entrants, la dis­pari­tion ou la baisse des com­mis­sions inter­ban­caires, la con­for­mité (lutte con­tre le blanchi­ment et le finance­ment du ter­ror­isme), la sécu­rité et l’authentification ren­for­cée des acteurs, la stan­dard­i­s­a­tion tech­nique et la créa­tion des nou­veaux instru­ments de paiement que sont le vire­ment européen (SCT), le prélève­ment européen (SDD) et le paiement instan­ta­né (Instant Payment). 

“ La multiplication des réglementations dilue les responsabilités des acteurs ”

La mul­ti­pli­ca­tion des régle­men­ta­tions (domes­tiques, européennes, inter­na­tionales dans le domaine des cartes) dilue les respon­s­abil­ités des acteurs. En défini­tive, le client final ne retien­dra que celle de sa banque. 

Le respect des règles est un vrai défi pour une banque inter­na­tionale face à un marché européen frag­men­té et aux pra­tiques « locales ». 

Et il est para­dox­al de con­stater que nom­bre de nou­veaux acteurs s’appuient, pour s’affranchir des exi­gences de con­for­mité, sur les for­mal­ités accom­plies par les ban­ques pour iden­ti­fi­er leur client (KYC : Know Your Cus­tomer) lors de l’émission d’une carte et l’ouverture d’un compte bancaire. 

L’utilisation des don­nées per­son­nelles col­lec­tées lors du paiement est égale­ment appréhendée dif­férem­ment par ces acteurs. Pour con­solid­er sa légitim­ité, la banque ne doit pas tran­siger sur les con­trôles de con­for­mité, doit garan­tir la pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles des clients ain­si que le haut niveau de sécu­rité de ces données. 

PRÉSERVER LA RENTABILITÉ DU BUSINESS MODEL

La régle­men­ta­tion a pro­fondé­ment réduit les revenus des ban­ques, en par­ti­c­uli­er en inter­dis­ant les com­mis­sions inter­ban­caires sur les vire­ments et les prélève­ments, et en réduisant les com­mis­sions sur les cartes. 


Des parte­nar­i­ats avec des fin­techs pour­raient aider les ban­ques à s’adapter au con­texte d’accélération de l’innovation dans le monde des paiements. © SOMPONG_TOM / FOTOLIA.COM

Elles doivent cepen­dant con­tin­uer d’investir pour inté­gr­er les évo­lu­tions régle­men­taires et sécu­ri­taires, accom­pa­g­n­er la trans­for­ma­tion des usages des clients et main­tenir les sys­tèmes infor­ma­tiques à l’état de l’art (vol­umes, temps réels, résilience). 

Dans un envi­ron­nement où la con­cur­rence est rude, où la tar­i­fi­ca­tion client doit se jus­ti­fi­er par la valeur ajoutée et où l’économie repose sur des vol­umes impor­tants asso­ciés à un risque faible, la banque doit faire preuve de prag­ma­tisme économique. 

Cela com­mence par l’adoption rapi­de des stan­dards, la recherche de mutu­al­i­sa­tion au tra­vers de parte­nar­i­ats, un plan mar­ket­ing clair et l’adoption de méth­odes agiles facil­i­tant le test and learn.

CONTINUER À INNOVER

Dans un con­texte d’accélération de l’innovation dans le monde des paiements, les ban­ques ont des atouts indé­ni­ables : con­fi­ance des con­som­ma­teurs et force de frappe industrielle. 

Elles doivent cepen­dant résoudre l’équation d’une expéri­ence client opti­misée et d’une stricte appli­ca­tion des exi­gences régle­men­taires et de conformité. 

La solu­tion peut être apportée par des parte­nar­i­ats avec des fin­techs, dont les dif­férents mod­èles sont encore à tester. 

TROIS NOUVEAUX INSTRUMENTS DE PAIEMENT EN EUROS :

  • Le virement SEPA, ou virement SCT (pour SEPA Credit Transfer) est un instrument de paiement en euros destiné à l’exécution de transferts de fonds entre des comptes situés dans la zone SEPA : les 27 pays de l’Union européenne + Norvège, Islande, Liechtenstein et Suisse.
  • Le prélèvement SEPA, ou SDD (SEPA Direct Debit) est un mode de paiement utilisé dans l’Union européenne et l’AELE. C’est le moyen de paiement par lequel le titulaire d’un compte bancaire ou postal autorise un créancier à prélever sur ce compte toute somme due à ce dernier. Les conditions de paiement sont identiques quel que soit le pays du créancier et celui du débiteur.
  • Instant Payment, tel que défini par l’Euro Retail Payments Board, est une « solution de paiement électronique disponible 24/7/365, résultant d’une compensation interbancaire immédiate ou quasi immédiate de l’opération et du crédit du compte du bénéficiaire avec une demande de confirmation au payeur ».
    Ce système est déjà utilisé au Danemark et au Royaume-Uni où les particuliers peuvent effectuer des virements de compte à compte en dix secondes. Ce sera bientôt possible – sans doute fin 2017 selon le site BforBank – en France et dans le reste de l’Europe où ces transactions prennent actuellement environ deux jours.

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