Bâtiment européen

Une révolution qui doit profiter au développement économique

Dossier : Les moyens de paiementMagazine N°724 Avril 2017
Par Thibault LANXADE

Le point de vue des socié­tés par le vice-pré­sident du MEDEF. Il se féli­cite des évo­lu­tions pré­vues qui asso­cient inno­va­tion, régle­men­ta­tion et sécu­ri­té. Il espère y trou­ver des oppor­tu­ni­tés pour mieux ser­vir les consom­ma­teurs et des gains de crois­sance et de com­pé­ti­ti­vi­té pour les entreprises. 

La seconde Directive européenne sur les services de paiement (DSP 2) a séparé les fonctions clés de tenue de compte, et favorise l’entrée de nouveaux acteurs dans les paiements. Qu’en attendez-vous ?

La dis­rup­tion du sec­teur des moyens de paie­ment qui se fait sous l’impulsion des inno­va­tions tech­no­lo­giques, de pro­duits, de ser­vices ou d’usages conduit à une recon­fi­gu­ra­tion de l’écosystème.


La régle­men­ta­tion euro­péenne tâche de prendre en compte ces évo­lu­tions tout en favo­ri­sant l’entrée de nou­veaux acteurs. © SERGII FIGURNYI / FOTOLIA.COM

La régle­men­ta­tion euro­péenne tâche de prendre en compte ces évo­lu­tions tout en favo­ri­sant l’entrée de nou­veaux acteurs. L’émergence de nou­veaux acteurs dans les paie­ments repré­sente à la fois une belle oppor­tu­ni­té et un défi pour notre économie. 

Il s’agira de faire en sorte que le déve­lop­pe­ment de nou­veaux usages et de nou­velles tech­no­lo­gies se tra­duise par des gains de crois­sance et de com­pé­ti­ti­vi­té pour nos entre­prises. Cela ne sera pos­sible que si les modèles de paie­ment qui émer­ge­ront s’inscrivent dans le res­pect des exi­gences requises de sécu­ri­té, d’accessibilité et de sim­pli­ci­té afin de répondre aux attentes des consom­ma­teurs finaux. 

Dans un contexte d’intense com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale et où l’avantage com­pa­ra­tif dont béné­fi­ciait la France avec la carte à puce est remis en cause, il sera cru­cial que la régle­men­ta­tion soit garante d’un réel level playing field entre les dif­fé­rents acteurs à l’échelle euro­péenne et inter­na­tio­nale et, pour y par­ve­nir, un tra­vail impor­tant de fond reste à mener ! 

REPÈRES

Thibault Lanxade, 46 ans, a commencé sa carrière dans des entreprises industrielles et commerciales. Il a créé une première entreprise en 2008 puis AlgoLinked en 2014. Parallèlement à ce parcours entrepreneurial, Thibault Lanxade s’est très tôt engagé au service de la cause patronale et de l’entreprise notamment au sein de Positive Entreprise avec « 3 minutes pour convaincre » et au sein d’organisations professionnelles représentant ses secteurs d’activité.
En 2013, il a intégré le conseil exécutif du MEDEF et a été nommé président du Pôle entrepreneuriat et croissance du MEDEF. Depuis 2015, il est vice-président du MEDEF en charge des TPE-PME.

Quels ont été les apports concrets pour les entreprises du passage au SEPA d’août 2014 ? Quels sont les avantages attendus pour les entreprises dans le futur ?

Dans la conjonc­ture actuelle, avec une crois­sance atone, une plus grande inté­gra­tion des mar­chés euro­péens ne peut être que béné­fique pour l’ensemble des entre­prises et en par­ti­cu­lier pour les TPE et PME. 

“ Une plus grande intégration des marchés européens ne peut être que bénéfique pour l’ensemble des entreprises ”

L’utilisation d’instruments de paie­ment sim­pli­fiés, fiables et com­muns pour l’ensemble des pays de la zone SEPA a été source de nom­breux avan­tages et de nou­velles oppor­tu­ni­tés pour les entre­prises : le déve­lop­pe­ment de l’activité à l’export en leur faci­li­tant la conquête de nou­veaux mar­chés et le déve­lop­pe­ment de nou­veaux ser­vices à l’échelle euro­péenne, la mise en place d’économies d’échelle sur le trai­te­ment des flux entrants et sortants. 

En outre, la mise en place du SEPA per­met éga­le­ment une meilleure ges­tion de la tré­so­re­rie via la ratio­na­li­sa­tion de la chaîne de fac­tu­ra­tion et de paie­ment (réduc­tion des temps de trai­te­ment, meilleur sui­vi du compte client et du recou­vre­ment des créances). 

Or, l’amélioration de la ges­tion de tré­so­re­rie est un point d’autant plus cru­cial que nos entre­prises sont déjà fra­gi­li­sées par la fai­blesse de leurs marges. 

Quelles sont pour vous les trois priorités en matière d’adaptation résiduelle de la France aux exigences du SEPA et de la numérisation ?

Dans le cadre des der­nières adap­ta­tions rési­duelles de la France au SEPA, un de nos prin­ci­paux points concerne la migra­tion des pro­duits dits de niche tels que notam­ment le pré­lè­ve­ment SEPA interentreprise. 

Nous serons très atten­tifs aux éven­tuelles réper­cus­sions sur les entre­prises qui décou­le­raient des dif­fi­cul­tés ren­con­trées par les grands créan­ciers publics lors de leur migra­tion vers un nou­vel ins­tru­ment SEPA des­ti­né à recou­vrer les impôts et taxes auprès des entreprises. 

Quel est pour vous l’avenir des deux instruments de paiement majeurs français : le chèque ? la carte bancaire ?

Au fil des inno­va­tions et des nou­veaux usages, de nou­veaux ins­tru­ments inno­vants devraient natu­rel­le­ment se déve­lop­per pour pro­gres­si­ve­ment rem­pla­cer le chèque. C’est d’ailleurs l’un des axes de tra­vail du Comi­té natio­nal des paie­ments scrip­tu­raux, ins­tance de concer­ta­tion au sein de laquelle siège le MEDEF et qui ras­semble l’ensemble des repré­sen­tants de l’écosystème tels que par exemple les éta­blis­se­ments ban­caires qui en assurent la vice-présidence. 

“ 25 % des défaillances d’entreprises seraient dues à des retards de paiement ”

Bien que l’on constate une nette ten­dance bais­sière depuis quelques années, rap­pe­lons que l’utilisation impor­tante du chèque reste une sin­gu­la­ri­té fran­çaise. En ce qui concerne la carte ban­caire qui est le moyen de paie­ment pri­vi­lé­gié des Fran­çais, le déve­lop­pe­ment de nou­veaux usages au tra­vers du mobile ou d’objets connec­tés pour­rait venir chan­ger la donne. 

Au-delà de l’aspect tech­no­lo­gique, ce qui condi­tion­ne­ra leur évo­lu­tion res­te­ra tou­jours pour le client final, qu’il soit consom­ma­teur ou entre­prise, la confiance, la sim­pli­ci­té et la sécu­ri­té du moyen de paiement. 

L’European Retail Payments Board a initié le développement de l’ Instant Payment en Europe, un mode de paiement à dénouement quasi immédiat et fonctionnant en permanence.
Qu’en attendez-vous ?

Le monde va vite, les entre­prises doivent s’adapter en per­ma­nence dans un envi­ron­ne­ment en per­pé­tuel mou­ve­ment. La numé­ri­sa­tion de notre éco­no­mie pousse natu­rel­le­ment les usages vers une instantanéité. 

Formulaire SEPA
L’utilisation d’instruments de paie­ment sim­pli­fiés, fiables et com­muns pour l’ensemble des pays de la zone SEPA a été source de nom­breux avan­tages et de nou­velles oppor­tu­ni­tés pour les entreprises.
© BLENDE11.PHOTO / FOTOLIA.COM

En un sens, il semble logique que cela se tra­duise par une ins­tan­ta­néi­té des paie­ments. Il ne devrait y avoir que des avan­tages au déve­lop­pe­ment d’un tel ins­tru­ment de paie­ment paneu­ro­péen en par­ti­cu­lier pour les TPE et PME expor­ta­trices qui béné­fi­cie­raient ain­si d’un mar­ché euro­péen des paie­ments plus intégré. 

Plus lar­ge­ment, les béné­fices pour­raient se révé­ler nom­breux pour les entre­prises et se tra­duire par des gains de crois­sance et de compétitivité : 

  • une meilleure adap­ta­tion aux nou­veaux usages des uti­li­sa­teurs en par­ti­cu­lier en ce qui concerne le com­merce électronique ; 
  • une auto­ma­ti­sa­tion des pro­ces­sus avec un gain d’efficacité sur la ges­tion de la tré­so­re­rie des entreprises ; 
  • des paie­ments élec­tro­niques de proxi­mi­té faci­li­tés ou encore, à terme, per­mettre le déve­lop­pe­ment de nou­velles solu­tions inno­vantes en matière de m‑payments et de fac­tu­ra­tion électronique. 

Au-delà de tous ces béné­fices, j’en attends sur­tout que cela puisse per­mettre de mettre un terme aux dif­fi­cul­tés ren­con­trées par les TPE et PME face aux nom­breux impayés et retards de paiement. 

Selon cer­taines sta­tis­tiques, 25 % des défaillances d’entreprises seraient dues à des retards de paie­ment et plus de 13 mil­liards d’euros man­que­raient dans les caisses des PME françaises ! 

Dans la zone euro, y a‑t-il besoin d’initiatives nouvelles, notamment pour faciliter des opérations transfrontalières et l’interopérabilité ?

Au niveau euro­péen, beau­coup d’initiatives ont été lan­cées et notam­ment, je pense au pas­sage au SEPA qui a per­mis de mettre en place des ins­tru­ments de paie­ment com­muns. Cette pre­mière étape, à laquelle le MEDEF s’est for­te­ment asso­cié pour accom­pa­gner les entre­prises dans cette tran­si­tion, a été essentielle. 

“ Selon une récente étude, une cyberattaque coûterait en moyenne 773 000 euros à une entreprise ”

Au-delà, une palette riche d’instruments est d’ores et déjà dis­po­nible et d’autres ini­tia­tives telles que l’Ins­tant Pay­ment devraient voir le jour. Ce qui me semble le plus utile dans l’immédiat serait de mettre en place une ini­tia­tive euro­péenne en matière de cyber­sé­cu­ri­té dont les enjeux sont très impor­tants pour les entreprises. 

En effet, selon une récente étude (NTT Com Secu­ri­ty), une cybe­rat­taque coû­te­rait en moyenne 773 000 euros à une entre­prise. Ce qui peut être fatal pour une entre­prise et en par­ti­cu­lier pour une PME. 

Y a‑t-il des besoins mal couverts en termes de modes ou de moyens de paiement pour lesquels les fintechs apportent des réponses concrètes ?

Les fin­techs par­ti­cipent à la dis­rup­tion du sec­teur des moyens de paie­ment. Elles vont vite, sont agiles et ini­tient de nom­breuses inno­va­tions qui per­mettent de déve­lop­per de nou­veaux usages. 

Code de cyber attaque
Ce qui me semble le plus utile dans l’immédiat serait de mettre en place une ini­tia­tive euro­péenne en matière de cyber­sé­cu­ri­té dont les enjeux sont très impor­tants pour les entre­prises. © DALIU / FOTOLIA.COM

Au même titre que les banques qui, ne l’oublions pas, innovent chaque jour en réa­li­sant de nom­breux inves­tis­se­ments dans ce domaine et s’associent avec cer­taines fin­techs pour créer des synergies. 

La dis­rup­tion du sec­teur se tra­dui­ra par une nou­velle donne à terme et de nom­breux défis res­tent à rele­ver dans cette com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale. Il fau­dra impé­ra­ti­ve­ment que l’innovation se tra­duise par des gains de com­pé­ti­ti­vi­té pour les entre­prises et en par­ti­cu­lier les TPE et PME dont les moyens de paie­ment inno­vants pour­raient consti­tuer un levier de dif­fé­ren­cia­tion et de fidé­li­sa­tion des consom­ma­teurs et contri­buer à tirer la crois­sance et gagner des parts de marché. 

Face au « phé­no­mène » des fin­techs, en tant qu’entrepreneur, je ne peux que me réjouir de voir émer­ger de jeunes entre­prises et start-ups inno­vantes qui sont à la pointe de la recherche, déve­loppent de nou­veaux modèles et ser­vices et créent de l’emploi.

Le MEDEF a d’ailleurs, dans le cadre de l’université du numé­rique du MEDEF qu’il orga­nise tous les ans, mis en valeur cer­taines jeunes pousses. Et en tant qu’utilisateur, je suis éga­le­ment très atten­tif aux ques­tions de sécurité. 

Quelle doit être la prochaine étape dans les évolutions en France dans le domaine des moyens de paiement ?

Nous assis­tons aujourd’hui à une recon­fi­gu­ra­tion du sec­teur des moyens de paie­ment, c’est à la fois un défi et une oppor­tu­ni­té. Après la révo­lu­tion de la carte à puce où la France avait natu­rel­le­ment su impo­ser son lea­der­ship, le mobile et les objets connec­tés sont les pro­chaines évolutions. 

Nous dis­po­sons de tous les atouts en France pour créer les condi­tions d’un éco­sys­tème qui soit à la fois fer­tile pour faire des moyens de paie­ment une filière fran­çaise d’excellence en matière notam­ment d’innovation mais éga­le­ment un levier de crois­sance et de com­pé­ti­ti­vi­té pour l’ensemble des entre­prises françaises. 

Ne lais­sons pas les entre­prises et les banques fran­çaises se faire dis­tan­cer à un moment si crucial !

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