Transition énergétique :

Dossier : Dossier FFEMagazine N°698 Octobre 2014
Par Pascal RÉMY (80)

Le peak-oil est un concept du passé

Nos métiers sont tirés par la rareté crois­sante des ressources : eau, min­erais et hydro­car­bu­res. Nous traitons l’eau de plus de 500 mil­lions d’habitants à tra­vers le globe et de plusieurs mil­liers de sites industriels.

Dans l’extraction pétrolière, les poly­acry­lamides, en vis­cosi­fi­ant l’eau, per­me­t­tent d’accroître le taux de récupéra­tion de pét­role dans les réser­voirs exis­tants. Cette tech­nolo­gie, qui ménage l’environnement et dont le coût est inférieur à 15 $ par bar­il, est en voie de général­i­sa­tion rapi­de. Elle con­tribue à aug­menter la taille des réserves disponibles et per­met de réduire la con­som­ma­tion d’eau par bar­il de pét­role extrait.

EN BREF

SNF est le leader mondial des polyacrylamides, polymères hydrosolubles utilisés principalement en traitement d’eau et en extraction pétrolière et minière. Avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars en 2013, SNF a une croissance annuelle moyenne supérieure à 15 % depuis 10 ans. La société a été créée en France il y a seulement 35 ans et sa part de marché mondial est voisine de 45 %.

Dans l’ex­ploita­tion des gaz et pét­role de schiste, notre activ­ité aux USA a été décu­plée en quelques années, nos polymères étant util­isés en frac­tura­tion hydraulique afin de réduire de plus de 50 % l’énergie néces­saire à l’injection d’eau.

Enfin, dans l’exploitation des sables bitu­mineux cana­di­ens, nous traitons les lagunes de sables pro­duits afin de leur redonner leur con­sis­tance ini­tiale et de per­me­t­tre leur reboisement.

Nous avons ain­si la chance d’être posi­tion­nés sur des marchés en forte crois­sance, qui sont par ailleurs au cœur des prob­lé­ma­tiques de développe­ment durable. Les hydro­car­bu­res sont notre marché en plus forte expan­sion et nous con­sid­érons que cette expan­sion n’en est qu’à son début. C’est un secteur où la tech­nolo­gie et l’innovation jouent un rôle de plus en plus important.

Con­traire­ment au dis­cours dom­i­nant répan­du en France, les hydro­car­bu­res sont con­sid­érés à peu près partout ailleurs dans le monde comme un secteur d’avenir.

Le récent rap­port du groupe Exxon Mobil sur l’énergie en 2040 — rap­port qui fait référence en la matière — rap­pelle quelques évi­dences mal con­nues ou délibéré­ment ignorées en France :

  • En 2040, le pét­role et le gaz con­stitueront encore 60 % de l’approvisionnement total en énergie de la planète et le gaz sera devenu la deux­ième source d’énergie, der­rière le pét­role et devant le charbon,
  • Les réserves exploita­bles de pét­role du globe sont éval­uées par l’institut améri­cain US Geo­log­i­cal Sur­vey à 125 années de con­som­ma­tion. Le même insti­tut éval­u­ait ces réserves à 55 années en 1980,
  • Les réserves exploita­bles de gaz sont estimées à env­i­ron 200 années de consommation,
  • En 2040, la part du nucléaire dans le mix énergé­tique mon­di­al aura triplé alors que la part des éner­gies dites renou­ve­lables restera inférieure à 4 %.

Ces don­nées mon­trent que le monde est loin de man­quer d’hydrocarbures et que la notion de « peak-oil » est un con­cept des années 80 quelque peu dépassé. Comme toutes les thès­es malthusi­ennes, cette notion nég­lige l’impact des avancées tech­nologiques qui repoussent con­tin­uelle­ment les lim­ites des ressources économique­ment rentables.

Or, les investisse­ment des com­pag­nies pétrolières en explo­ration-pro­duc­tion sont à des niveaux his­toriques et ont atteint 700 mil­liards de dol­lars en 2013 con­tre 500 mil­liards il y a trois ans.

La politique énergétique doit se focaliser sur la compétitivité du pays

Con­cer­nant la France, il est clair que l’urgence absolue est l’emploi et la com­péti­tiv­ité des entre­pris­es, ce que sem­ble acter le gou­verne­ment actuel.

Mais dans ce con­texte, sa poli­tique énergé­tique doit être revue. En par­ti­c­uli­er, l’objectif « Fac­teur 4 » est une pure hérésie. Rap­pelons que cet objec­tif con­siste à réduire par qua­tre les émis­sions de CO2 en 2050.

Pour y par­venir le gou­verne­ment a prévu de réduire de moitié la con­som­ma­tion totale d’énergie en France. Or ceci ne peut se faire que par des investisse­ments mas­sifs non renta­bles dans la pro­duc­tion et la con­som­ma­tion d’énergie. Cela pour­ra peut-être créer quelques faux emplois mais dimin­uera mas­sive­ment la com­péti­tiv­ité de notre pays, réduira le niveau de vie et aug­mentera le chômage.

Comme l’expliquait Alfred Sauvy en 1960, « rem­plac­er les camions par des brou­ettes » donne l’illusion de créer des emplois mais dégrade en fait la com­péti­tiv­ité du pays.

Il est vrai que depuis 10 ans, la con­som­ma­tion finale d’énergie en France a bais­sé d’environ 0,4 % par an en rai­son de la crise économique et de l’accroissement de l’efficacité énergé­tique. Mais il est dif­fi­cile de s’en réjouir car cette baisse est due unique­ment à la désin­dus­tri­al­i­sa­tion du pays.

En 2013 par exem­ple et mal­gré la crise, la con­som­ma­tion d’électricité a aug­men­té de 1,1 % mais celle de l’industrie a bais­sé de 2,5 %.

Par ailleurs, la France est un des pays indus­tri­al­isés dont l’efficacité énergé­tique est la meilleure et la pro­duc­tion de CO2 la plus faible. La France n’a donc aucune oblig­a­tion morale de réduire rapi­de­ment sa con­som­ma­tion d’énergie et ses émis­sions de CO2.

Sur le plan pra­tique les efforts que pour­rait faire la France sont insignifi­ants face au risque cli­ma­tique, si tant est que celui-ci soit avéré.

La réduc­tion de la part du nucléaire de 75 % à 50 % est un autre objec­tif absurde. Selon la fon­da­tion IFRAP, réduire ain­si la part du nucléaire pour faire de la place aux éner­gies renou­ve­lables comme l’envisage le gou­verne­ment actuel coutera au con­som­ma­teur plus de 30 mil­liards d’euros par an.

Enfin la posi­tion du gou­verne­ment qui a inter­dit toute éval­u­a­tion du poten­tiel disponible en hydro­car­bu­res de roche mère est le comble de l’ineptie. Même l’inquisition n’avait pas inter­dit l’utilisation de la lunette sous Galilée !

Or, les gaz et pét­role de schiste sont en train de devenir l’arbitre du développe­ment économique de la planète et la France ne pour­ra pas s’en passer.

La France ne pourra pas se passer du gaz et du pétrole de schiste

Récupéra­tion assistée du pét­role à Oman.

Grâce aux hydro­car­bu­res de roche mère, les Étals Unis vivent un véri­ta­ble change­ment de par­a­digme énergé­tique. En 2013, la pro­duc­tion améri­caine de pét­role a dépassé les impor­ta­tions. Les USA, qui étaient le pre­mier impor­ta­teur de pét­role au monde avec 12 mbj sont retombés à 7,5 mbj en 2013 tan­dis que la pro­duc­tion a dépassé 8 mbj, dont la moitié en prove­nance du pét­role de schiste.

A hori­zon qua­tre à cinq ans, les USA pour­raient ne plus importer que 1 à 2 mbj. Ils seront égale­ment rapi­de­ment expor­ta­teurs de gaz. Le choc de com­péti­tiv­ité lié à la faib­lesse du prix du gaz va per­me­t­tre de réin­dus­tri­alis­er le pays.

Et ceux qui con­sid­èrent en France qu’il s’agit d’une bulle spécu­la­tive sont soit igno­rants, soit de mau­vaise foi : c’est parce qu’il y a trop de gaz pro­duit aux USA que les prix ont chuté.

Enfin, con­cer­nant l’impact envi­ron­nemen­tal de la frac­tura­tion hydraulique et con­traire­ment à l’idée répan­due en France, il y a très peu d’incidents aux USA. Il s’y fore plus de 10 000 puits par an et les con­tentieux se comptent sur les doigts d’une main. Il y a peu d’incidents et ceux-ci sont peu graves.

L’essentiel con­cerne les bassins de décan­ta­tion des eaux usées qui sont par­fois mal conçus. Les for­ages eux-mêmes ne sont pas dan­gereux. Comme toute indus­trie, il y a des risques mais il faut faire con­fi­ance aux indus­triels pour les maitriser.

Comme le résume la fon­da­tion IFRAP, au lieu de s’entêter dans une doc­trine qui fait de la réduc­tion des émis­sions de CO2 l’alpha et l’oméga de sa poli­tique énergé­tique, le gou­verne­ment français ferait mieux de pren­dre les quelques déci­sions de bon sens suivantes :

  • Main­tenir en fonc­tion­nement les cen­trales nucléaires cer­ti­fiées par l’autorité de sûreté,
  • Con­stru­ire en per­ma­nence un à deux réac­teurs nucléaires en France et lancer en par­ti­c­uli­er à l’horizon 2017 la con­struc­tion de l’EPR de Penly,
  • Eval­uer le poten­tiel en gaz et pét­role de schiste et si les ressources sont présentes et économique­ment viables pass­er à la phase d’exploitation,
  • Sup­primer les sub­ven­tions et oblig­a­tions d’achat aux tech­nolo­gies non com­péti­tives et laiss­er la recherche amélior­er leurs performances.

Le débat sur l’énergie doit cess­er d’être pol­lué par des pos­tures politi­ci­ennes ou doc­tri­naires et doit être con­sid­éré comme un sujet économique.

Commentaire

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19650073répondre
19 octobre 2014 à 20 h 14 min

Arti­cle de Pas­cal REMY dans le N° 698

Arti­cle de lob­by­ing ne respec­tant pas la Charte de la Jaune et la Rouge

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