Montage d'un satellite par Thales Alenia Space

Thales Alenia Space : l’innovation en orbite

Dossier : Dossier FFEMagazine N°710 Décembre 2015
Par Patrick MAUTÉ (77)

Pouvez-vous nous en dire davantage sur les enjeux actuels liés à ce secteur d’activité ?

L’industrie spa­tiale tra­verse aujourd’hui une péri­ode de muta­tions majeures, stim­ulées par le développe­ment crois­sant d’applications nou­velles dans le domaine des télé­com­mu­ni­ca­tions, de la télédé­tec­tion et du posi­tion­nement par satellite.

Ces appli­ca­tions, con­juguées à la mise en orbite de nou­velles con­stel­la­tions au busi­ness mod­el ambitieux (Glob­al­star 2, O3B, Irid­i­um Nest, One Web) con­duit les indus­triels à rechercher des baiss­es de coûts et des amélio­ra­tions de per­for­mances drastiques.

Cepen­dant, la fia­bil­ité (on ne répare pas les satel­lites en orbite et leur durée de vie dépasse couram­ment 15 ans) et la robustesse (l’environnement des satel­lites — au lance­ment et en orbite — induit des niveaux de stress très sévères) restent un impératif absolu.

Ce dou­ble impératif de per­for­mances et de baisse des coûts con­stitue le chal­lenge auquel est con­fron­tée l’industrie spa­tiale. Il en va de la com­péti­tiv­ité des solu­tions satel­li­taires face aux solu­tions terrestres.

Quelles sont les innovations qui caractérisent l’industrie spatiale d’aujourd’hui ?

L’innovation con­cerne l’ensemble des appli­ca­tions et touche à tous les seg­ments de l’industrie spa­tiale. Dans le domaine des Télé­coms, nous voyons se dessin­er plusieurs muta­tions impor­tantes, notam­ment avec :

  • le développe­ment de satel­lites dotés d’une très grande capac­ité en bande pas­sante (plus de 500 Gbps), l’enjeu étant un inter­net pour tous, à très haut débit.
  • la con­cep­tion de satel­lites flex­i­bles et robustes pou­vant s’adapter aux vari­a­tions de trafics et de mis­sions, durant les 15 ans de durée de vie, qui passe par des charges utiles de plus en plus dig­i­tal­isées et reprogrammables.
  • La réal­i­sa­tion de méga­con­stel­la­tions de plus de 100 satellites.

En ce qui con­cerne le domaine de l’Observation de la Terre, la prin­ci­pale muta­tion con­cerne l’optique. Nous assis­tons, en effet, à l’avènement de l’optique active, une tech­nique util­isée pour accéder à des mis­sions tou­jours plus ambitieuses tout en réduisant la masse et le vol­ume des satel­lites, ce qui requiert de con­trôler et cor­riger les défor­ma­tions des miroirs.

Du côté de la détec­tion, nous pas­sons des détecteurs CCD à des cap­teurs CMOS per­me­t­tant d’avoir des chaînes de détec­tions plus com­pactes et plus flex­i­bles. Con­traire­ment à la tech­nolo­gie CCD qui pénalise l’architecture des plans focaux de par la masse et la puis­sance élec­trique con­som­mée par les élec­tron­iques vidéo, la tech­nolo­gie CMOS per­met d’implanter ces fonc­tions directe­ment sur la puce du détecteur.

Thales Alenia Space est maître d’œuvre pour l’ESA du développement de la 3e génération de la famille des Météosat.
Quelles sont les particularités de cette nouvelle génération de satellites ?

Thales est maître d’œuvre depuis les années 70 des Météosat.

Ces satel­lites placés en orbite géo­sta­tion­naire au-dessus de l’Europe et de l’Afrique four­nissent à grande cadence des images de ces con­ti­nents et jouent un rôle essen­tiel dans la pré­dic­tion des phénomènes météorologiques à car­ac­tère dan­gereux et à développe­ment rapi­des (orages, tem­pêtes, épisodes de fortes précipitations).

La troisième généra­tion de ces satel­lites con­stitue, aujourd’hui, une véri­ta­ble révo­lu­tion puisque, d’un point de vue tech­nique, elle sera pour la pre­mière fois sta­bil­isée trois axes et per­me­t­tra une grande sou­p­lesse d’observation.

En par­ti­c­uli­er, les imageurs optiques per­me­t­tront, désor­mais, d’observer n’importe quelle zone de l’Europe ou de l’Afrique, à n’importe quel moment pour détecter les phénomènes rapi­des et dan­gereux avec une pré­ci­sion géométrique et une richesse spec­trale mul­ti­pliées par 2.

En out­re, ces satel­lites de troisième généra­tion, emporteront pour la pre­mière fois un son­deur atmo­sphérique de haute pré­ci­sion et c’est une pre­mière mon­di­ale en orbite géo­sta­tion­naire. La mis­sion de ce son­deur con­siste à faire des coupes ver­ti­cales atmo­sphériques pour mesur­er les pro­fils de tem­péra­ture et humid­ité et per­me­t­tra de prédire avec une pré­ci­sion iné­galée ces événe­ments poten­tielle­ment dan­gereux et à développe­ment rapi­de comme les tem­pêtes ou les oura­gans qui sont un objec­tif majeur de Météosat.

Les satellites jouent également un rôle très important dans le suivi des évolutions du climat.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur les programmes que vous préparez ?

Le prochain enjeu pour l’Europe est le suivi du dioxyde de car­bone (CO2), un gaz à effet de serre respon­s­able en grande par­tie du réchauf­fe­ment climatique.

Que les satel­lites soient capa­bles de mesur­er les flux de CO2 à la fois en terme d’absorption et d’émission, et égale­ment les émis­sions humaines ou celles des puits naturels (forêts et océans) pour mod­élis­er l’évolution de l’effet de serre et son impact sur le cli­mat, devient donc un défi majeur.

À ce titre, nous tra­vail­lons en col­lab­o­ra­tion avec le CNES sur le pro­jet Micro­carb, por­teur des efforts européens. Ce satel­lite est actuelle­ment le prin­ci­pal mail­lon man­quant dans la chaîne de pré­dic­tion du change­ment climatique.

Quelles sont les dernières innovations qui concernent l’altimétrie et l’océanographie ?

Thales est leader en matière d’altimétrie et d’océanographie, depuis les années 90. Grâce à nos altimètres, dévelop­pés sous l’égide du CNES, nous arrivons à mesur­er la mon­tée du niveau des océans ou encore cal­culer et prédire six mois à l’avance l’évolution des courants océanographiques ayant une influ­ence sur le cli­mat, comme le fameux « El Niño ».

Dans ce même cadre, nous con­stru­isons la Sen­tinelle 3 de Coper­ni­cus pour le compte de l’agence spa­tiale européenne. Il s’agit du pre­mier satel­lite européen d’océanographie opérationnelle.

En plus des mesures altimétriques, ce satel­lite aura pour fonc­tion d’étudier les car­ac­téris­tiques des océans comme la couleur de l’eau ou la tem­péra­ture de l’Océan, puisqu’il sera équipé de cap­teurs optiques extrême­ment performants.

Ces sys­tèmes nova­teurs d’océanographie spa­tiale per­me­t­tent aujourd’hui à toute l’Europe d’avoir des bul­letins de prévi­sions des océans util­is­ables par tous les professionnels.

Quid du projet SWOT développé pour le CNES ?

EN BREF

Leader mondial de l’industrie des satellites, Thales Alenia Space développe des solutions innovantes tant dans le domaine des télécommunications, que de l’Observation de la Terre, des Sciences et de la Navigation.
Parmi les projets phares de Thales Alenia Space, citons en particulier : les constellations de Télécommunications 03B et Iridium Next, les instruments d’observation optique Haute Résolution de Pléiades pour le CNES et de Musis pour la DGA, les satellites de télécommunications Syracuse pour la DGA, la maîtrise d’œuvre du programme EXOMARS pour l’ESA (première mission Europénne à se poser sur Mars) et le prestigieux programme Herschel-Planck qui a permis de retracer les évolutions cosmologiques le Big Bang.
Thales Alenia Space joue également un rôle majeur dans le programme Copernicus avec la maîtrise d’œuvre des satellites Sentinelle‑3, pour l’ESA, consacrés à la climatologie, à l’océanographie et à la surveillance de l’environnement et les satellites JASON pour le CNES, leaders mondiaux de l’altimétrie de précision.
Thales Alenia Space compte près de 7500 collaborateurs répartis dans 6 pays. Son chiffre d’affaires s’élève à 2 milliards d’euros (2013).

Il s’agit, en effet, de dévelop­per un altimètre à large fauchée KaRIn (Ka-band Radar INter­fer­om­e­ter – radar inter­féromètre en bande Ka) et le satel­lite associé.

Grâce à son très large champ de mesure, cet altimètre per­me­t­tra le suivi des eaux con­ti­nen­tales et donc de réalis­er des études d’hydrologie cru­ciales pour l’environnement.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre contribution dans l’amélioration des systèmes d’aide à la navigation ?

L’Europe est en train de se dot­er d’un sys­tème de nav­i­ga­tion indépen­dant (Galileo) com­plé­men­taire à son homo­logue améri­cain (GPS).

Une des inno­va­tions majeures que nous avons dévelop­pée est le sys­tème d’aide à la nav­i­ga­tion EGNOS, par­ti­c­ulière­ment utile aux avions. Ce sys­tème per­met de sécuris­er l’intégrité du sig­nal. Cer­ti­fié pour l’aviation civile, EGNOS écarte toute éventuelle mesure défectueuse et délivre aux avions un sig­nal GPS / Galileo dont l’intégrité est garantie.

Out­re EGNOS, nous tra­vail­lons sur le développe­ment d’un sys­tème ADSB qui vient combler l’une des lacunes majeures du trans­port aérien pour éviter ain­si tout risque de per­dre la trace de cer­tains appareils. L’ADSB émet, en effet, en per­ma­nence un sig­nal sécurisé en mode broad­cast per­me­t­tant de localis­er l’avion.

EGNOS et l’ADS‑B sont donc deux inno­va­tions majeures au ser­vice de la sécu­rité du trans­port aérien.

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