Répondre aux enjeux de l’espace grâce à nos atouts

Dossier : Dossier FFEMagazine N°710 Décembre 2015
Par Stéphane ISRAËL

Comment s’annonce l’année 2015 pour Arianespace ?

Comme une année record, à la fois sur les plans opé­ra­tion­nels et com­mer­ciaux, qui mettent en valeur un cer­tain nombre de nos atouts.

Le pre­mier de nos atouts est d’avoir trois lan­ceurs : Ariane 5, Soyuz et Vega. Nous pou­vons, grâce à eux, répondre à l’intégralité des besoins du mar­ché et faire davan­tage de lancements.

Nous avons d’ores et déjà réa­li­sé 9 lan­ce­ments cette année (inter­view réa­li­sée en octobre 2015, NDRL.), et nous sommes bien pla­cés pour en réa­li­ser 12. Cet atout nous donne la capa­ci­té de ser­vir des clients très dif­fé­rents, com­mer­ciaux ou ins­ti­tu­tion­nels, et de lan­cer tous types de satel­lites vers toutes les orbites.

Notre deuxième atout est notre fia­bi­li­té. 2015 s’inscrit dans la conti­nui­té de longues séries de suc­cès, comme avec Ariane 5 dont c’est le 68e suc­cès d’affilée. Avec Soyuz, en par­te­na­riat avec Ros­cos­mos (l’agence spa­tiale russe), nous avons réa­li­sé en tout 38 lan­ce­ments, et sur ceux-ci, il n’y a eu qu’un seul lan­ce­ment avec un échec par­tiel. Avec Vega, nous avons eu 5 suc­cès sur 5 lan­ce­ments. Cette fia­bi­li­té n’a pas fai­bli face à la cadence des lan­ce­ments qui a été mul­ti­pliée par deux depuis l’introduction de la gamme.

Ces deux atouts mènent direc­te­ment à une très bonne année com­mer­ciale. À la dif­fé­rence de nos com­pé­ti­teurs, qui béné­fi­cient d’un accès garan­ti à un vaste mar­ché ins­ti­tu­tion­nel, la spé­ci­fi­ci­té du mar­ché acces­sible à Aria­nes­pace est d’être tiré par le mar­ché pri­vé, lui-même assez étroit.

Dans ce contexte, avec Ariane 5, nous arri­vons à cap­tu­rer 50 % du mar­ché ouvert à la concur­rence, et nous avons déjà cap­tu­ré 10 satel­lites pour Ariane 5 cette année, l’année n’étant pas ter­mi­née. Il existe aus­si une nou­velle demande, avec des clients comme Google, pour Vega, ou One­Web pour Soyuz.

Ce der­nier pro­jet visant à assu­rer une connec­ti­vi­té glo­bale par satel­lites. Nous devons ain­si lan­cer pour One­Web, 21 Soyuz, com­pre­nant cha­cun de 32 à 36 petits satel­lites, entre 2017 et 2019.

Mal­gré l’arrivée de nou­veaux concur­rents comme Spa­ceX, nous démon­trons que nous sommes capables de lan­cer davan­tage que les autres, de lan­cer de façon plus fiable et de main­te­nir nos parts de mar­ché. Nous devons pour­suivre cette success-story.

Décidée l’année dernière par les États membres de l’Agence spatiale européenne lors de la conférence ministérielle de l’Agence spatiale européenne à Luxembourg, l’arrivée d’ Ariane 6 va-t-elle être un nouvel atout ?

Nous, Aria­nes­pace, l’Europe, les Agences, Air­bus Safran Laun­chers, nous ne devons pas nous endor­mir sur ces lau­riers, mais pré­pa­rer l’avenir avec des lan­ceurs tou­jours plus com­pé­ti­tifs. C’est toute la logique d’Ariane 6. Ce nou­veau lan­ceur, dis­po­nible en 2020, sera plus flexible qu’Ariane 5, grâce à une double confi­gu­ra­tion : 2 ou 4 boos­ters. Il sera aus­si deux fois moins cher.

Pour cela, il faut faire des efforts immé­diats de com­pé­ti­ti­vi­té et mieux nous orga­ni­ser pour tra­vailler mieux tous ensemble

Est-ce pour cette raison que la gouvernance d’Arianespace est en train d’évoluer ?

En effet, il a été déci­dé de mettre l’industrie au cœur du sys­tème avec comme « prime » Air­bus Safran Laun­chers, coen­tre­prise entre Air­bus Group et Safran, qui aura la res­pon­sa­bi­li­té du lan­ceur Ariane 6 depuis sa concep­tion jusqu’au contrôle de son exploitation.

Pour cela, il a été déci­dé que l’actionnariat d’Arianespace avait voca­tion à évo­luer. Ain­si, Air­bus Safran Laun­chers doit rache­ter les parts du CNES dans Aria­nes­pace deve­nant, ain­si, action­naire à 75 %.

Tout cela nous le fai­sons pour avoir une filière des lan­ceurs euro­péens plus agile, plus souple et qui in fine sera plus com­pé­ti­tive sans sacri­fier les atouts qui sont les nôtres aujourd’hui.

Cette activité accrue pour Arianespace vient-elle de la question de la connectivité qui se pose de plus en plus ?

Pen­dant des années l’activité domi­nante pour Ariane a été d’envoyer des satel­lites de com­mu­ni­ca­tions en orbite géo­sta­tion­naire. Aujourd’hui, le mar­ché cherche des moyens pour que l’espace four­nisse davan­tage que par le pas­sé des réponses au besoin décu­plé de connec­ti­vi­té. Car, si les éco­no­mies émer­gentes cherchent des pos­si­bi­li­tés de connexions à inter­net qui n’existent pas encore, les pays du Nord vont eux avoir non plus besoin d’une, mais de 5 ou 10 connexions (voi­tures, appar­te­ments, avions…) par utilisateur.

Quelles sont les tech­no­lo­gies qui vont nous aider à répondre à cela : seule­ment des tech­no­lo­gies ter­restres (le câble, la fibre…) ou aus­si satellitaires ?

S’il est encore trop tôt pour savoir com­ment l’espace et les satel­lites vont répondre à ce besoin accru de connec­ti­vi­té, cette ques­tion est pri­mor­diale pour nous qui sommes un ven­deur et un opé­ra­teur de lan­ceurs. Nous sommes face à un magni­fique pro­jet pour que les satel­lites, déjà utiles dans de nom­breux domaines (com­mu­ni­ca­tion, navi­ga­tion, obser­va­tion de la Terre, science, météo), le soient éga­le­ment dans une quête de connec­ti­vi­té globale.

Je pense que c’est une nou­velle fron­tière très sti­mu­lante pour l’ensemble de la com­mu­nau­té spatiale.

Quels sont les profils de collaborateurs que vous recherchez au sein d’Arianespace ?

Dans notre métier, il n’est de richesse que d’hommes et évi­dem­ment le sec­teur spa­tial a besoin des com­pé­tences des meilleurs ingé­nieurs. Nos tech­no­lo­gies, au tra­vers des dif­fé­rentes géné­ra­tions d’Ariane avec aujourd’hui l’arrivée d’Ariane 6, ont besoin des meilleurs pour avan­cer et innover.

Notre sec­teur doit être attrac­tif et faire rêver, car nous avons besoin de jeunes ingé­nieurs auda­cieux, qui veulent prendre des risques et qui sont capables de conce­voir de nou­velles solutions.

Une des ver­tus de l’espace est qu’il est à la fois un pro­jet tech­no­lo­gi­que­ment très sédui­sant et qui prend tout son sens dans un monde de coopé­ra­tion entre Euro­péens. Un monde où l’industrie doit tra­vailler avec les Agences dans un contexte mul­ti­na­tio­nal, et où il y a donc une forte dimen­sion géo­po­li­tique au meilleur sens du terme, pour vivre une aven­ture extraordinaire.

Nous avons besoin de l’enthousiasme des jeunes ingé­nieurs qui ont envie de faire par­tie de cette aven­ture dans un domaine d’excellence fran­çaise et euro­péenne, où nous fai­sons la course en tête.

Nous ne pour­rons conti­nuer cette his­toire que si les meilleurs nous rejoignent. Donc, rejoi­gnez­nous, nous avons besoin de vous !

L’espace est-il le dernier endroit qui n’a pas de limite ?

EN BREF

Leader mondial de lancement de satellites, créée en 1980, Arianespace met au service de ses clients, institutionnels et commerciaux, 3 lanceurs (Ariane, Soyuz et Vega) et comptabilise aujourd’hui plus de 260 lancements.
Fort du soutien de ses 20 actionnaires et de l’Agence Spatiale Européenne, Arianespace est le seul opérateur au monde à pouvoir lancer, depuis le Centre Spatial Guyanais, tous types de charges utiles vers tous types d’orbites.
CA en 2014 : 1,4 milliards d’euros.

Par défi­ni­tion, l’espace est infi­ni. Il n’y a donc pas de limite dans sa conquête. À la fois s’agissant de l’exploration, avec la grande ques­tion de savoir si l’homme ira sur Mars, et si oui, quand, ou de l’exploration de l’espace loin­tain, avec les exo­pla­nètes, avec la grande ques­tion de savoir s’il y a de la vie ailleurs.

Et puis, il y a ce que j’appelle l’espace utile, plus proche, qui contri­bue à une vie meilleure sur terre : aujourd’hui, c’est tout l’enjeu de la nou­velle fron­tière de la connec­ti­vi­té globale.

L’espace est le lieu d’une conquête qui n’a pas de limite et donc conqué­rir l’espace revient à tou­jours repous­ser ses limites. Quand on voit l’enjeu de ces trois défis, de la connec­ti­vi­té, de la vie ailleurs et de la conquête mar­tienne, ce sont trois bonnes rai­sons de rejoindre le secteur.

Propos recueillis par Aurélie Achache.

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