Rompre son contrat de travail

Dossier : Gestion de carrièreMagazine N°659 Novembre 2010
Par Françoise De SAINT SERNIN

REPÈRES
Le con­trat de tra­vail peut être inter­rompu par le salarié, par l’employeur ou d’un com­mun accord. Out­re la démis­sion, le salarié dis­pose de dif­férentes for­mules de résil­i­a­tion. L’employeur, de son côté, peut opter pour l’un des dif­férents modes de licen­ciement ou pour la mise à la retraite. Si employeur et employé sont d’ac­cord, ils utilisent la rup­ture con­ven­tion­nelle du con­trat de travail.

LES CHOIX DU SALARIÉ

Le pre­mier choix du salarié qui souhaite met­tre fin à son con­trat de tra­vail est la démission.

L’in­dem­nité légale ou con­ven­tion­nelle n’est soumise à aucune taxe

Il ne la don­nera que quand il aura retrou­vé un autre emploi, puisqu’il ne béné­ficiera pas des Assedic. Il sera tenu d’ef­fectuer son préavis con­ven­tion­nel ou con­tractuel, sauf dis­pense de l’employeur. Il ne touchera, lors de la remise de son sol­de de tout compte, que des sommes à car­ac­tère de salaire : con­gés payés, pro­ra­ta 13e mois, pro­ra­ta vari­able, indem­nité de non-concurrence.

La résiliation judiciaire

Dénon­cer un abus
L’in­térêt de la demande de résil­i­a­tion judi­ci­aire pour le salarié est de dénon­cer offi­cielle­ment un abus com­mis par l’employeur, tout en restant en poste, faute de per­spec­tive de repo­si­tion­nement. L’employeur ne se pré­cip­it­era pas à rompre le con­trat de tra­vail, d’abord parce qu’un licen­ciement immé­di­at serait con­sid­éré comme une riposte de mau­vaise foi, et égale­ment s’il estime que la brusque déc­la­ra­tion de guerre du salarié n’est qu’une manœu­vre pour retrou­ver sa lib­erté en empochant des indem­nités alors qu’un autre poste l’at­tend déjà. Par con­tre, si les doléances du salarié étaient réelle­ment fondées, par exem­ple en cas de har­cèle­ment démis­sion­naire, l’employeur met­tra fin au con­trat de tra­vail, éventuelle­ment dans le cadre d’une négo­ci­a­tion, bien avant l’au­di­ence prud’homa­le pour éviter le coût du salaire chargé pen­dant une longue péri­ode stérile.

Si le salarié estime être vic­time d’un com­porte­ment anor­mal de l’employeur (rétrogra­da­tion, baisse de rémunéra­tion, har­cèle­ment, etc.), il peut saisir le con­seil des prud’hommes d’une demande de résil­i­a­tion judi­ci­aire de son con­trat de tra­vail.

Il restera en poste tant que le juge­ment ne sera pas inter­venu, soit entre douze ou vingt-qua­tre mois, selon les juri­dic­tions, ou plus longtemps s’il est débouté de sa demande par le con­seil des prud’hommes et qu’il fait appel.

S’il gagne, le con­trat de tra­vail sera résil­ié avec les effets d’un licen­ciement abusif : indem­nité de préavis et con­gés payés sur préavis en salaire ; indem­nité légale de licen­ciement (fonc­tion du temps de présence) ou indem­nité con­ven­tion­nelle for­cé­ment plus favor­able, et pou­vant aller jusqu’à un mois par année de présence. Quel que soit son mon­tant, l’in­dem­nité légale ou con­ven­tion­nelle n’est soumise à aucune taxe. Il peut pré­ten­dre en out­re à des dom­mages et intérêts pour licen­ciement infondé. 

La prise d’acte de rupture

Il s’ag­it de l’an­cien auto­li­cen­ciement, mode de rup­ture qui, après pas mal de rebondisse­ments jurispru­den­tiels, est désor­mais “bor­dé”. Le salarié adresse une let­tre recom­mandée à l’employeur par laque­lle il prend acte de la rup­ture de son con­trat de tra­vail en rai­son d’agisse­ments fau­tifs com­mis par l’employeur. Il indique qu’il entend saisir le con­seil de prud’hommes com­pé­tent d’une demande de requal­i­fi­ca­tion de la prise d’acte de rup­ture en licen­ciement abusif.

Le salarié qui prend acte de la rup­ture de son con­trat de tra­vail cesse son emploi de façon immédiate

Bien enten­du, le juge prud’homal appréciera le car­ac­tère bien fondé ou non de cette rup­ture, et s’il n’est pas con­va­in­cu, requal­i­fiera en démis­sion. Se posera alors le prob­lème de la ” non-exé­cu­tion du préavis “.

Le salarié, qui prend acte de la rup­ture de son con­trat de tra­vail, cesse son emploi de façon immé­di­ate, sans accom­plir son préavis, et ce selon la jurispru­dence désor­mais établie.

Cela fera l’af­faire du salarié cynique, pressé de pren­dre un autre emploi sans s’as­trein­dre au préavis inhérent à la démis­sion. Par con­tre, l’employeur pour­ra ressen­tir dure­ment cette défec­tion bru­tale qui ne lui per­met pas de s’or­gan­is­er. Il obtien­dra, en cas de requal­i­fi­ca­tion de la prise d’acte en démis­sion, la con­damna­tion de son ancien salarié à lui pay­er out­re les salaires cor­re­spon­dant au préavis inexé­cuté, des dom­mages et intérêts sup­plé­men­taires à pro­por­tion du préju­dice causé.

Le départ à la retraite

Le départ à la retraite inter­vient à l’ini­tia­tive du salarié, par oppo­si­tion à la mise à la retraite noti­fiée par l’employeur. Le salarié âgé de plus de 60 ans peut faire val­oir, dès obten­tion du nom­bre de trimestres néces­saires, ses droits à la retraite à taux plein. Sauf dis­po­si­tions con­ven­tion­nelles plus favor­ables, l’in­dem­nité légale de départ à la retraite sera mod­ique, au plus deux mois de salaire après trente ans d’ancienneté.

LES CHOIX DE L’EMPLOYEUR

Le licenciement pour cause personnelle

Bonne foi et discernement
La prise d’acte de la rup­ture du con­trat de tra­vail doit donc être util­isée avec bonne foi et dis­cerne­ment, non pas comme une alter­na­tive à la démis­sion mais pour met­tre un terme à une col­lab­o­ra­tion ren­due insup­port­able du fait de l’employeur. Pour pou­voir démon­tr­er sa bonne foi, le salarié aura intérêt à procéder en deux temps : d’abord, dénon­cer les abus com­mis et faire une demande de résil­i­a­tion judi­ci­aire alors qu’il n’a pas de per­spec­tives de repo­si­tion­nement ; ne pren­dre acte de la rup­ture de son con­trat de tra­vail qu’au moment où il a retrou­vé un repo­si­tion­nement (puisque la prise d’acte de rup­ture est exclu­sive des indem­nités Assedic). Plus le délai sera long (au moins plus de trois mois), et plus le salarié sera en posi­tion de force.

Sauf s’il est licen­cié pour faute lourde, pri­v­a­tive de toutes indem­nités, y com­pris les con­gés payés échus, ou pour faute grave, pri­v­a­tive de toutes indem­nités, sauf les con­gés payés, le salarié licen­cié pour cause per­son­nelle (fautes ou insuff­i­sance pro­fes­sion­nelle) touchera, out­re les élé­ments à car­ac­tère de salaire, une indem­nité légale ou con­ven­tion­nelle de licen­ciement exonérée de toute taxe sociale ou fis­cale (y com­pris la CSG-CRDS), quel que soit le montant.

S’il pour­suit l’employeur devant la juri­dic­tion prud’homa­le, et s’il gagne, il obtien­dra des dom­mages et intérêts selon l’im­por­tance de son préju­dice, mais qui seront au min­i­mum de six mois de salaire s’il tra­vail­lait depuis plus de deux ans dans une struc­ture de plus de 10 personnes.

La transaction et ses limites

En cas de trans­ac­tion, les choses sont bien dif­férentes. L’in­dem­nité trans­ac­tion­nelle n’est exonérée (sauf la CSG-CRDS de 7,76 % à la charge du salarié) que si, ajoutée à l’in­dem­nité légale ou con­ven­tion­nelle de licen­ciement, elle est inférieure au dou­ble de la rémunéra­tion touchée au cours de l’an­née civile précé­dant l’ex­pi­ra­tion du con­trat de tra­vail. Elle est de sur­croît pla­fon­née à six fois le pla­fond de la Sécu­rité sociale, soit 20 7720 ? pour l’an­née 2010.

L’employeur peut pay­er le triple de ce qui tombe dans la poche du salarié

Toute­fois, en cas de dépasse­ment, 50% de la somme est exonérée. Toute somme dépas­sant la lim­ite autorisée est taxée en salaire (50 % charges patronales, entre 20 et 25 % de charges salar­i­ales + IRPP pour le salarié) et est donc rapi­de­ment réd­hibitoire pour les deux par­ties. Il est clair qu’en cas de rémunéra­tion impor­tante, l’employeur paiera le triple de ce qui tombe en net social et fis­cal dans la poche du salarié.

À ce tarif-là, les par­ties peu­vent être ten­tées de faire fix­er judi­ci­aire­ment les dom­mages-intérêts pour béné­fici­er de l’ex­onéra­tion quel que soit le mon­tant (sauf la CSG-CRDS de 7,76 % pour la tranche supérieure à six mois) : ou com­ment un mau­vais procès vaut mieux qu’un bon arrangement. 

Le licenciement pour cause économique

Il faut dis­tinguer le licen­ciement pour cause économique indi­vidu­el et le petit licen­ciement col­lec­tif (moins de 10 salariés), qui déclenchent les mêmes indem­nités que le licen­ciement pour cause per­son­nelle, avec le plan de sauve­g­arde pour l’emploi qui doit être mis en place dès qu’il est ques­tion de licenci­er en même temps plus de 10 salariés dans une entre­prise de plus de 50 personnes.

Les indem­nités sup­plé­men­taires par rap­port aux indem­nités légales et con­ven­tion­nelles résul­tant de la négo­ci­a­tion avec les représen­tants du per­son­nel seront exonérées quel que soit leur mon­tant, hormis la CSG-CRDS de 7,76 % à la charge du salarié.

Ce dernier pour­ra ain­si par­tir avec des indem­nités défis­cal­isées sans lim­i­ta­tion de pla­fond, même s’il est volon­taire au départ (PSE axé sur le volontariat).

La mise à la retraite

Depuis le 1er jan­vi­er 2010, l’employeur a inter­dic­tion de met­tre un salarié à la retraite sans son accord tant que ce dernier n’a pas fêté son 70e anniversaire.

Entre 60 et 65 ans, l’employeur n’a plus la pos­si­bil­ité de met­tre à la retraite le salarié même si ce dernier est d’ac­cord. Seule la voie du licen­ciement est ouverte à l’employeur, la rup­ture con­ven­tion­nelle étant exclue, dès que le salarié peut fait val­oir sa retraite à taux plein.

Le salarié, de son côté, s’il décide de par­tir en retraite à sa pro­pre ini­tia­tive devra se con­tenter de la très maigri­chonne indem­nité de départ en retraite. Entre 65 et 70 ans, l’employeur qui souhaite met­tre à la retraite d’of­fice un salarié doit l’in­ter­roger par écrit sur ses inten­tions au moins trois mois avant son anniver­saire. Si le salarié, aver­ti qu’il béné­fi­cie d’un mois pour répon­dre, accepte de par­tir ou ne se man­i­feste pas, l’employeur peut alors le met­tre à la retraite. Par con­tre, si le salarié fait con­naître son refus dans le délai impar­ti, l’employeur ne pour­ra pas le met­tre à la retraite dans l’an­née qui suit la date anniversaire.

Il est clair que l’ob­jec­tif du lég­is­la­teur est de main­tenir, pour préserv­er l’équili­bre financier des caiss­es de retraite, la pop­u­la­tion des seniors au tra­vail. Après avoir repoussé l’âge de la mise à la retraite, il sup­prime toute inci­ta­tion finan­cière aux départs en retraite.

Le droit de contester
Quel que soit le niveau des indem­nités du plan, le salarié con­servera tou­jours la pos­si­bil­ité de con­tester son licen­ciement devant le juge prud’homal. La clause fig­u­rant dans le PSE, con­di­tion­nant le verse­ment des indem­nités du plan à la sig­na­ture par le salarié d’un désis­te­ment d’in­stance et d’ac­tion, est nulle. Le salarié pour­ra invo­quer de nom­breux argu­ments pour car­ac­téris­er le mal fondé de son licen­ciement : cause économique invo­quée infondée, défaut de périmètre du plan, absence de déf­i­ni­tion des caté­gories pro­fes­sion­nelles, absence de dis­posi­tif de reclasse­ment adap­té à la taille de l’en­tre­prise, non-respect de l’oblig­a­tion de reclasse­ment, non-respect de l’or­dre et des critères du licen­ciement, etc.
S’il obtient sat­is­fac­tion, le salarié touchera des dom­mages et intérêts qui, étant judi­ci­aires, seront exonérés quel que soit le mon­tant, sauf la CSG-CRDS de 7,76% sur la somme excé­dant six mois de salaire. À not­er que la loi fis­cale est muette sur le régime de l’in­dem­nité trans­ac­tion­nelle sup­plé­men­taire par rap­port aux indem­nités du plan. Est-elle taxée ou exonérée ?

EMPLOYEUR ET SALARIÉ

Rupture conventionnelle du contrat de travail

Il s’ag­it d’un mode autonome de rup­ture qui, ni licen­ciement, ni démis­sion, per­met cepen­dant au salarié de pré­ten­dre aux Assedic et de touch­er une indem­nité exonérée d’im­pôt sur le revenu et de coti­sa­tions sociales, dans des lim­ites ana­logues à celles d’une indem­nité de licenciement.

Une procé­dure simple
La rup­ture con­ven­tion­nelle obéit au for­mal­isme suiv­ant : un ou deux entre­tiens au cours desquels le salarié a la pos­si­bil­ité de se faire assis­ter par un salarié de l’en­tre­prise ou un Con­seiller extérieur, comme dans le cas d’un entre­tien préal­able au licen­ciement ; en cas d’en­tente sur le mon­tant des indem­nités, la sig­na­ture de la con­ven­tion de rup­ture, for­mu­laire établi par arrêté min­istériel et qui ouvre un délai de rétrac­ta­tion réciproque de quinze jours ; puis une demande d’ho­molo­ga­tion par le Directeur départe­men­tal du tra­vail, qui a quinze jours pour se pronon­cer, son silence valant homologation.

La rup­ture con­ven­tion­nelle a con­nu un vif suc­cès, révo­lu­tion­nant les habi­tudes en matière de négo­ci­a­tion de départ des salariés. Le con­sen­sus est beau­coup plus facile­ment trou­vé que dans le cadre de l’an­cien licen­ciement “arrangé”.

En effet, la pra­tique con­sis­tant à inclure l’in­dem­nité de préavis et de con­gés payés sur préavis dans l’in­dem­nité de rup­ture con­ven­tion­nelle per­met à l’employeur d’é­conomiser env­i­ron un mois et demi de salaire cor­re­spon­dant aux charges patronales, tan­dis que le salarié évite les charges sociales salar­i­ales, l’im­pôt sur le revenu et touche les Assedic trois mois plus tôt.

Alors que la Cour de cas­sa­tion inter­di­s­ait à l’employeur d’inciter le salarié à négoci­er tant que le licen­ciement figeant les motifs de la rup­ture n’avait pas été noti­fié, et ce pour éviter les pres­sions exer­cées sur le salarié encore en état de sub­or­di­na­tion, et notam­ment le ” chan­tage à la faute grave “, l’employeur dis­cute libre­ment avec le salarié du mon­tant du dédom­mage­ment financier.

Une remise en cause possible

L’employeur sera toute­fois avisé de manier la rup­ture con­ven­tion­nelle avec pru­dence. Si cette dernière a favorisé l’aug­men­ta­tion des départs négo­ciés et a prob­a­ble­ment provo­qué une baisse sig­ni­fica­tive du niveau moyen d’in­dem­ni­sa­tion, par con­tre, elle ne garan­tit pas l’employeur, comme la trans­ac­tion inter­venant après le licen­ciement, d’une remise en cause ultérieure par le salarié. Ce dernier dis­pose d’un délai d’un an pour atta­quer la rup­ture con­ven­tion­nelle devant le con­seil des prud’hommes. La loi étant récente, il n’y pas encore de repères jurispru­den­tiels. On peut cepen­dant s’at­ten­dre à ce que le juge prud’homal exerce un con­trôle sévère sur les con­di­tions d’ob­ten­tion de l’ac­cord du salarié (à l’in­star de la pro­tec­tion assurée au salarié avant la noti­fi­ca­tion du licenciement).

Poster un commentaire