Rive droite, rive gauche : petit panorama des grands crus de Bordeaux

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°602 Février 2005Rédacteur : Laurens DELPECH

On par­le et on écrit beau­coup sur la con­cur­rence des vins étrangers, mais elle ne con­cerne pas vrai­ment les crus classés de Bor­deaux, qui restent dom­i­nants sur le marché des grands vins, comme en attes­tent les cartes des grands restau­rants, en France et à l’étranger, et les résul­tats des grandes ventes aux enchères de vins fins à Lon­dres et à New York. Il y a beau­coup de raisons à cela, par exem­ple Bor­deaux est le seul endroit au monde où on puisse pro­duire un très grand vin en grande quan­tité (plusieurs cen­taines de mil­liers de bouteilles).

Dans les pays du “ Nou­veau Monde ” quand on essaie de rivalis­er avec les grands bor­deaux, on fait surtout des vins de garage : quelques cen­taines ou quelques mil­liers d’exemplaires de vins très con­cen­trés mar­qués de manière sou­vent exces­sive par le bois et qui ne s’épanouissent pas à table, parce qu’ils sont trop alcoolisés, au con­traire des bor­deaux, qui sont de grands vins de gastronomie.

Par ailleurs, con­traire­ment à une légende tenace, les vins étrangers qui pré­ten­dent rivalis­er avec de grands bor­deaux sont très chers, plus chers que les crus classés de Bor­deaux. Il y a une expli­ca­tion à cette supré­matie des grands bor­deaux : tous les grands cépages français sont cul­tivés à leur lim­ite septen­tri­onale de matu­rité sur des ter­roirs pau­vres, c’est dans ces con­di­tions qu’on obtient les meilleurs fruits, et qu’on peut pro­duire des vins très fins, tail­lés pour la garde. C’est aus­si la rai­son pour laque­lle le mil­lésime est très impor­tant à Bordeaux.

À l’inverse, les vins du “ Nou­veau Monde ” provi­en­nent de régions où il y a tou­jours beau­coup de soleil, ce qui donne du degré alcoolique mais peu de finesse.

Il y a aus­si une sec­onde expli­ca­tion : les vins de Bor­deaux provi­en­nent de l’assemblage de plusieurs cépages, cha­cun avec ses par­tic­u­lar­ités, qui con­tribuent à la qual­ité de l’ensemble. Dans des cli­mats plus ensoleil­lés, le caber­net sauvi­gnon pré­domine et n’est pas asso­cié au caber­net franc et au mer­lot, sauf de façon anecdotique.

En bref, la supéri­or­ité des vins de Bor­deaux provient de cet ensem­ble de sols, de cépages et de cli­mat qu’on appelle ter­roir. D’où l’importance de pou­voir iden­ti­fi­er les meilleurs ter­roirs et donc les meilleurs crus, dans une très vaste région viti­cole (près de 120 000 hectares), la plus grande région de pro­duc­tion de vins fins au monde. Pour cela, il est com­mode de se référ­er aux classe­ments qui, même cri­tiqués, ont leur ver­tu. Un bon moyen de les abor­der et de les mémoris­er est de se rap­pel­er que, comme à Paris, il existe à Bor­deaux une rive droite et une rive gauche. Les con­no­ta­tions ne sont pas les mêmes, mais la dis­tinc­tion est com­mode et elle cor­re­spond à une réalité.

La rive gauche se trou­ve au sud de la Gironde et de la Garonne. Les deux prin­ci­pales régions qui la com­posent sont le Médoc, au nord de Bor­deaux et les Graves, au sud. On y pro­duit des vins rouges (dans le Médoc et dans les Graves) et des vins blancs (dans les Graves), ain­si que des vins liquoreux tout à fait au sud des Graves, dans la région de Sauternes. Le sol est surtout grav­eleux et le cépage dom­i­nant des vins rouges est le caber­net sauvi­gnon, alors que les vins blancs sont surtout issus des cépages sauvi­gnon et sémillon.

La rive droite est au nord de la Dor­dogne. Ses deux appel­la­tions les plus con­nues sont Saint-Émil­ion et Pomerol. Les ter­roirs sont sou­vent argileux. On n’y pro­duit guère que des vins rouges et le cépage dom­i­nant est le mer­lot. Entre la rive droite et une par­tie de la rive gauche (entre la Dor­dogne et la Garonne) on trou­ve la région de l’Entre- Deux-Mers qui pro­duit des vins blancs mais aus­si des vins rouges (pre­mières-côtes-de-bor­deaux, notamment).

Bien qu’il y ait dans chaque région un cépage pré­dom­i­nant, la plu­part des vins de Bor­deaux sont, à de rares excep­tions près, des vins d’assemblage. Assem­blage, pour les vins rouges, de caber­net sauvi­gnon, de mer­lot et de caber­net franc, assem­blage pour les vins blancs de sauvi­gnon et de sémillon.

(À suiv­re)

Poster un commentaire