Les vins mexicains

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°582 Février 2003Rédacteur : Laurens DELPECH

Le Mex­ique est le plus vieux pays viti­cole du con­ti­nent améri­cain. On fait du vin au Mex­ique depuis cinq siè­cles, depuis Her­nan­do Cortés. La cul­ture de la vigne y con­nut même un tel développe­ment que le roi d’Espagne inter­dit en 1699 la pro­duc­tion de vin, sauf pour des besoins religieux, afin de garan­tir un débouché aux vins espag­nols. Cette inter­dic­tion dura jusqu’à l’indépendance du Mex­ique, en 1826.

De nos jours, la con­som­ma­tion de vin n’est pas encore très répan­due. Avec un quart de litre de vin con­som­mé par habi­tant chaque année, le Mex­ique se situe à peu près au même niveau de con­som­ma­tion que la Turquie. Une grande par­tie des raisins ser­vent à la pro­duc­tion de “ b r a ndies”. Par ailleurs, les Mex­i­cains con­som­ment beau­coup de bière, de téquila et de mescal. Ces bois­sons con­vi­en­nent bien à des plats pimen­tés, comme ceux de la cui­sine mexicaine.

La région viti­cole la plus intéres­sante du Mex­ique est la Basse-Cal­i­fornie, immé­di­ate­ment au sud de la fron­tière améri­caine. Les meilleurs pro­duc­teurs sont instal­lés dans la val­lée de la Guadalupe, sur la côte ouest de la Basse- Cal­i­fornie, non loin de la ville de Tijua­na. Cette val­lée a l’avantage d’être rafraîchie par des bris­es qui vien­nent du Paci­fique, ce qui per­met de cul­tiv­er la vigne dans de bonnes conditions.

Les Jésuites ont pro­duit du vin dans la val­lée de la Guadalupe au dix-neu­vième siè­cle, mais la cul­ture du raisin a surtout démar­ré en 1904, quand sont arrivés au Mex­ique une cen­taine de familles de paci­fistes russ­es qui fuyaient la con­scrip­tion dans l’armée du Tsar. Ils ont essen­tielle­ment plan­té des raisins de table, mais sur de bons ter­roirs, et il a suf­fi de les gref­fer un peu plus tard avec les cépages adéquats pour faire des vins de qualité.

Le plus grand pro­duc­teur de vins (et de brandies) du Mex­ique est la mai­son Domecq (appar­tenant au groupe de vins et spir­itueux Allied Domecq), qui s’est diver­si­fiée dans le vin depuis une trentaine d’années, mais con­tin­ue à pro­duire de grandes quan­tités d’eau-de-vie. Domecq, qui achète une par­tie de ses raisins à des pro­duc­teurs locaux, pro­duit des vins de cépage, dont un caber­net sauvi­gnon et un chardon­nay élevés en fût de chêne qui sont appré­ciés sur le marché local mais aus­si à l’exportation (prin­ci­pale­ment au Cana­da et en Europe du Nord). Domecq pro­duit aus­si à par­tir de cépages ital­iens (san­giovese et neb­bi­o­lo) des vins rouges qui con­nais­sent un suc­cès grandissant.

La mai­son L. A. Cet­to, fondée en 1926, exploite pour sa part près de 1000 hectares de vignes des­tinées à faire du vin. Cette belle pro­priété pro­duit en abon­dance des raisins de table, de l’huile d’olive, de la san­gria, mais aus­si quelques bons vins vinifiés par un œno­logue ital­ien Camil­lo Mag­o­ni, instal­lé au Mex­ique depuis plus de trente-cinq ans.œ

Il a con­nu la péri­ode où on ne pro­dui­sait guère que des vins de type sher­ry ou por­to, et des brandies, à par­tir de vignes plan­tées de mis­sion (venu d’Espagne avec les con­quis­ta­dores, ce cépage existe aus­si en Argen­tine et au Chili, il manque d’acidité et de couleur), de palomi­no, de carig­nan et de mus­cat. Depuis quelques années, les caber­net, petite syrah, sauvi­gnon et chardon­nay ont fait leur appari­tion et per­me­t­tent de pro­duire des vins qui ne man­quent pas d’intérêt, surtout les vins rouges, comme la petite syrah.

Plus petit et plus récent, car con­sti­tué en 1987, le vig­no­ble de Monte Xan­ic est un des joy­aux de la val­lée de la Guadalupe. Il pro­duit des vins rouges et blancs qui ont été primés dans de nom­breuses com­péti­tions inter­na­tionales, et notam­ment en France. Les vins sont élaborés avec beau­coup de soin et vieil­lis­sent dans des bar­riques de chêne français. Le Monte Xan­ic 1997 “ caber­net sauvi­gnon et mer­lot ” est un excel­lent vin, très savoureux, avec des notes de fruits noirs, d’épices, de caramel et de café. Un vin fin et élé­gant, dans le genre bor­deaux, mais avec une exubérance aro­ma­tique qui fait toute sa sin­gu­lar­ité. Il s’améliore en vieil­lis­sant pen­dant une dizaine d’années. Peut-être le meilleur vin rouge mex­i­cain. Monte Xan­ic pro­duit aus­si un déli­cieux vin blanc de cépage chardon­nay, mar­qué par de fins arômes de fruits trop­i­caux et de vanille.

Autre excel­lent pro­duc­teur situé au cœur de la val­lée de la Guadalupe, Château Camou pro­duit en rouge un vin appelé “El Gran Vino Tin­to”, un vin d’assemblage à la bor­de­laise, pro­duit à par­tir des cépages caber­net sauvi­gnon, caber­net franc et mer­lot. Un beau vin, au goût très fin, qui a égale­ment obtenu de nom­breuses récom­pens­es dans des con­cours inter­na­tionaux. Château Camou pro­duit aus­si, à par­tir de veilles vignes (plus de soix­ante ans), un chardon­nay tout à fait excep­tion­nel, très gras, mar­qué par des arômes de fruits blancs, d’agrumes et de miel. Peut-être le meilleur vin blanc du Mexique.

Quel avenir pour le vin au Mexique ?

Ce pays ne sera jamais un très grand pro­duc­teur car les sur­faces sus­cep­ti­bles d’être plan­tées en vigne sont peu nom­breuses, con­traire­ment à d’autres pays lati­no-améri­cains, comme le Chili et l’Argentine. Le manque d’eau est aus­si un fac­teur lim­i­tatif, tout comme – au plan com­mer­cial – la faib­lesse du marché intérieur. Mais le Mex­ique a un atout : la qual­ité excep­tion­nelle de cer­tains de ses ter­roirs, surtout en Basse-Californie.

Le Mex­ique a claire­ment la pos­si­bil­ité de pro­duire quelques grands vins d’excellente qual­ité, recon­nus sur le marché mon­di­al. Cette stratégie de niche est celle des meilleurs pro­duc­teurs mex­i­cains et elle portera cer­taine­ment ses fruits à moyen terme, à en juger par les médailles que gag­nent depuis quelques années les vins mex­i­cains dans les grandes com­péti­tions internationales

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