Reddition et partition de l’Allemagne, mai-juin 1945

Dossier : Libres proposMagazine N°583 Mars 2003
Par René BONDOUX (Bâtonnier)

Avant-hier, dans le Jour­nal du Dimanche, j’ai lu qu’un jour­na­liste avait posé à un cer­tain nombre de per­son­na­li­tés la ques­tion : « Que fai­siez-vous le 8 mai 1945 ? »

Pour ma part, je n’ai pas besoin de beau­coup réflé­chir pour don­ner la réponse. Le sou­ve­nir de ce 8 mai 1945 est pré­sent dans ma mémoire avec une fidé­li­té et une acui­té extraordinaires.

Très sim­ple­ment, je vais vous décrire ce que j’ai vu à Ber­lin, en ce jour his­to­rique. Et, tan­dis que je vais par­ler, devant moi vont sur­gir et s’a­ni­mer les per­son­nages, dans le décor qui fut le leur, je vais retrou­ver l’ex­pres­sion de leurs regards, la cou­leur de leurs visages, de leurs uni­formes, comme si cela était, ici, cette salle, aujourd’hui.

À vrai dire, je ne pen­sais pas, le 8 mai 1945, que la Pro­vi­dence me per­met­trait qua­rante-cinq ans plus tard, de vous racon­ter cette journée […].

8 mai 1945 !

N’ou­blions pas d’où nous venions et les cinq années vécues depuis 1940… N’ou­blions ni le drame ni la nuit ni la France sous les crêpes et sous les voiles noirs. Mais ayons garde de ne pas oublier l’ap­pel à la Résis­tance, puis l’é­ton­nante recons­ti­tu­tion de l’ar­mée fran­çaise en Afrique du Nord.

Cette armée va d’a­bord, en Ita­lie, par son corps expé­di­tion­naire de quatre divi­sions d’é­lite, sous le com­man­de­ment du géné­ral Juin, don­ner aux Alliés un magni­fique exemple et jus­ti­fier d’une confiance retrouvée.

Puis, ces divi­sions, après la cam­pagne d’I­ta­lie, vont consti­tuer aux côtés de la 1re et de la 5e Divi­sions et de la 1re Divi­sion des Fran­çais libres ain­si que d’u­ni­tés consti­tuées non seule­ment avec des élé­ments d’A­frique du Nord, mais éga­le­ment avec des éva­dés de France que n’ont pas décou­ra­gé les séjours ingrats dans les cel­lules des pri­sons espa­gnoles, l’es­sen­tiel du corps de bataille de la 1re armée française.

Cette 1re armée, à son tour, por­tée par son enthou­siasme, sub­ju­guée par la volon­té de son chef, le géné­ral de Lattre de Tas­si­gny, va, sous les yeux admi­ra­tifs des chefs alliés, don­ner à tous une grande leçon d’hé­roïsme, de capa­ci­té manœu­vrière, d’ar­deur aux com­bats, à tel titre que les accords de Yal­ta, à cause d’elle, vont dans une cer­taine mesure s’en trou­ver modifiés.

En effet, la vic­toire des Alliés et la red­di­tion de l’Al­le­magne avaient bien été pré­vues à Yal­ta. Cepen­dant, le dénoue­ment du drame, selon ces accords, devait sim­ple­ment don­ner lieu à la réunion et aux déci­sions conjointes des trois grands Alliés : États-Unis, Grande-Bre­tagne, Union sovié­tique. Et voi­ci que sous l’au­to­ri­té et l’é­gide du géné­ral de Gaulle, la France, grâce aux com­bats vic­to­rieux du géné­ral Juin, en Ita­lie, grâce à la magni­fique épo­pée de De Lattre avec la 1re armée fran­çaise, libé­rant le tiers du ter­ri­toire, puis fran­chis­sant le Rhin et s’en­fon­çant au cœur de l’Al­le­magne, la France va s’im­po­ser comme 4e partenaire.

Évoquons donc les journées qui vont précéder le 8 mai.

Les évé­ne­ments se bous­culent. L’ar­mée amé­ri­caine et les forces bri­tan­niques foncent dans le nord de l’Al­le­magne. L’ar­mée fran­çaise, elle, après la Forêt-Noire, a tra­ver­sé le Wur­tem­berg et pousse vers la Bavière, le Tyrol ; les Soviets, eux, assiègent Ber­lin, et voi­ci qu’il est annon­cé que les Alle­mands vont capituler..

Pour ma part, depuis deux mois, j’as­sume les fonc­tions de chef de cabi­net du géné­ral de Lattre. Je me trouve constam­ment à ses côtés. J’a­vais, je dois l’a­vouer, connu amer­tume et déso­la­tion lorsque j’a­vais dû, pour prendre ces fonc­tions, quit­ter le com­man­de­ment d’un esca­dron de blin­dés avec lequel j’a­vais fait cam­pagne depuis l’A­frique du Nord. Mais ras­su­rez-vous, je n’al­lais pas long­temps regret­ter d’a­voir été appe­lé auprès de lui par ce chef hors série.

Dans la nuit du 3 au 4 mai par­vient au quar­tier géné­ral de la 1re armée un télé­gramme du géné­ral de Gaulle avi­sant de Lattre qu’il est dési­gné pour signer au nom de la France l’acte de capi­tu­la­tion ou décla­ra­tion de ces­sa­tion des hos­ti­li­tés et que toutes pré­ci­sions lui seront don­nées inces­sam­ment à ce sujet.

Ai-je besoin de vous dire la satis­fac­tion et la fier­té qu’é­prouve de Lattre. Le che­min par­cou­ru a été rude, mais quelle récom­pense pour la 1re armée fran­çaise pour l’ef­fort fourni !

Cepen­dant, trois jours plus tard, dans la mati­née nous appre­nons par un mes­sage du géné­ral Eisen­ho­wer, que dans la nuit, la nuit du 7 mai, le géné­ral alle­mand Jodl avait appor­té à Reims la capi­tu­la­tion des forces alle­mandes à une délé­ga­tion com­po­sée des géné­raux Bedell Smith, Sus­la­pa­rov et du géné­ral Sevez, sous-chef d’é­tat-major de l’ar­mée française.

Certes, en appre­nant la nou­velle de la vic­toire et la capi­tu­la­tion alle­mande sur le front de l’Ouest, tout au moins, de Lattre est joyeux, bien sûr. Mais serais-je franc ? Oui, cette joie est nuan­cée d’a­mer­tume et de regret.

De Lattre n’est pas tel­le­ment heu­reux de savoir que cette capi­tu­la­tion, qu’il devait rece­voir de l’en­ne­mi, c’est un autre qui avait béné­fi­cié de cet évé­ne­ment excep­tion­nel. Dans ses Mémoires, de Lattre a écrit qu’il s’é­tait esti­mé pri­vé « de la plus fière satis­fac­tion que puisse jamais connaître un soldat ».

De Gaulle, du reste, a bien sen­ti qu’il en serait ain­si chez de Lattre. À cette occa­sion, je puis vous confier la pas­sion avec laquelle j’ai été par­fois ame­né, en des cir­cons­tances excep­tion­nelles, à ana­ly­ser les rela­tions psy­cho­lo­giques entre ces trois hommes aux per­son­na­li­tés fas­ci­nantes : de Gaulle, Juin, de Lattre. Entre ces trois hommes exis­tait une sorte de com­pli­ci­té ani­mée par l’a­mour de la France, la volon­té de lui appor­ter la vic­toire indis­pen­sable à sa sur­vie, la facul­té d’en­thou­siasme sans limites pour les cou­leurs fran­çaises, mais dans le même temps, chez ces trois hommes la volon­té de se sur­pas­ser, mieux que l’autre, peut-être, plus haut que l’autre, peut-être. Si bien qu’il était sous-jacent un sen­ti­ment, ne disons pas de riva­li­té, mais d’at­ten­tive sur­veillance réci­proque, cha­cun connais­sant bien sûr les forces et les fai­blesses du carac­tère des deux autres.

Ain­si, de Lattre reçoit du géné­ral de Gaulle, peu de temps après le télé­gramme du géné­ral Eisen­ho­wer, un mes­sage quelque peu conso­la­teur : « Étant don­né grade et per­son­na­li­té du géné­ral Bedell Smith et puisque le géné­ral Mont­go­me­ry ne signait pas, il n’au­rait pas conve­nu que vous fus­siez der­rière Bedell Smith… À tout prendre, je pense qu’il est mieux d’être le vain­queur que le signa­taire – Stop – Ami­tiés – Géné­ral de Gaulle. »

Le style est conden­sé, éblouis­sant. Certes, ce sont des fleurs pour de Lattre mais l’a­mer­tume demeure. De Lattre n’a tout de même pas été le signa­taire. Heu­reu­se­ment, cette amer­tume ne va pas être de longue durée car dans la nuit sui­vante, la nuit du 7 au 8 mai, nous allons connaître des heures qui ne seront pas de som­meil… mais qui seront fantastiques.

Pour ma part, le 7 mai, en fin d’a­près-midi, j’a­vais eu à vivre un évé­ne­ment en soi déjà riche de sou­ve­nirs et d’é­mo­tion. Plu­sieurs offi­ciers amé­ri­cains étaient venus à Lin­dau, à notre quar­tier géné­ral, pour y accom­pa­gner un cer­tain nombre de per­son­na­li­tés rete­nues en otage ou en cap­ti­vi­té, tout au moins en cap­ti­vi­té de for­te­resse, en Alle­magne, et qu’une uni­té amé­ri­caine avait déli­vrées. Il s’a­gis­sait de : Dala­dier, Paul Rey­naud, du géné­ral Game­lin, du géné­ral Wey­gand, de Jean Boro­tra, de Jou­haux, de Michel Clé­men­ceau ain­si que de la sœur et du beau-frère du géné­ral de Gaulle.

J’a­vais charge évi­dem­ment que ces per­son­na­li­tés retrou­vant la liber­té, au quar­tier géné­ral même de l’ar­mée fran­çaise vic­to­rieuse, y trouvent l’ac­cueil qui conve­nait. Cepen­dant, dans la nuit, le géné­ral de Lattre rece­vait du géné­ral de Gaulle l’ordre de mettre en état d’ar­res­ta­tion le géné­ral Wey­gand, dont il avait été le chef d’é­tat-major, lui, de Lattre, et Jean Boro­tra parce que tant le géné­ral Wey­gand que Boro­tra avaient assu­mé, pen­dant un temps, des res­pon­sa­bi­li­tés que leur avait confiées le gou­ver­ne­ment de Vichy.

Ai-je besoin de vous dire que ma nuit fut agi­tée. Il est bon que vous sachiez que les ordres du géné­ral de Gaulle ont certes été exé­cu­tés, mais qu’ils l’ont été dans des cir­cons­tances telles que le géné­ral Wey­gand comme Jean Boro­tra ont expri­mé leur recon­nais­sance au géné­ral de Lattre pour la manière dont, en grand sei­gneur, il avait exé­cu­té les ordres. Ain­si le géné­ral Wey­gand fut-il « conduit » à Paris mais dans la voi­ture même du géné­ral de Lattre, avec un aide de camp du géné­ral de Lattre, et après que les hon­neurs mili­taires lui eussent été ren­dus par un bataillon avec dra­peau et fanfare.

Or, voi­ci que dans le même temps au cours de cette nuit arrive un nou­veau télé­gramme pour le géné­ral de Lattre, signé du chef d’é­tat-major de la Défense natio­nale : « Vous êtes dési­gné par le géné­ral de Gaulle pour par­ti­ci­per à la signa­ture de l’acte solen­nel de la capi­tu­la­tion à Berlin. »

Ain­si, tout était remis en cause. Sans doute parce que les Soviets avaient consi­dé­ré d’une part que la capi­tu­la­tion en rase cam­pagne des armées du front occi­den­tal ne cor­res­pon­dait pas à la véri­table red­di­tion qu’on était en droit d’at­tendre de l’Al­le­magne, et, parce que, d’autre part, ils esti­maient que le chef du IIIe Reich devait être par­tie à cette capi­tu­la­tion pour bien offi­cia­li­ser que cette capi­tu­la­tion serait celle du IIIe Reich État souverain.

Or, Hit­ler s’é­tait éva­noui dans la nature. Éva­noui, car nous ne savions pas encore et per­sonne ne savait, à cette date, que Hit­ler avait mis fin à ses jours dans son bun­ker de Ber­lin, dans les cir­cons­tances wag­né­riennes que vous savez. À la suite de la dis­pa­ri­tion de Hit­ler, l’a­mi­ral Dönitz avait pris en mains les des­ti­nées du IIIe Reich. Pour ce, il avait quit­té le com­man­de­ment de la Krieg­sma­rine pour prendre les rênes du gouvernement.

À Dönitz à la tête de la Krieg­sma­rine avait suc­cé­dé l’a­mi­ral Von Freu­den­burg, tan­dis que Goe­ring, lui, qui avait éga­le­ment dis­pa­ru, avait lais­sé le poste de com­man­dant de la Luft­waffe au géné­ral Stumpf. L’a­mi­ral Dönitz avait alors déci­dé que Kei­tel, le géné­ra­lis­sime de toutes les forces mili­taires du IIIe Reich, serait son repré­sen­tant pour signer l’acte de red­di­tion incon­di­tion­nelle du IIIe Reich, à Ber­lin, et qu’il y serait accom­pa­gné par l’a­mi­ral Von Freu­den­burg et par le géné­ral Stumpf.

La céré­mo­nie de la red­di­tion était pré­vue pour avoir lieu à Ber­lin, à l’é­tat-major du maré­chal Jou­kov, com­man­dant le groupe d’ar­mées sovié­tiques qui avait libé­ré Ber­lin et qui, lui, repré­sen­te­rait Staline.

Après donc une nuit agi­tée, à l’aube du 8 mai, le géné­ral de Lattre accom­pa­gné de son chef d’é­tat-major, le colo­nel Demetz, et de votre ser­vi­teur, son chef de cabi­net, par­tait pour l’aé­ro­port de Wen­gen où un avion Dako­ta, envoyé per­son­nel­le­ment par le géné­ral Eisen­ho­wer, devait nous emme­ner vers Berlin.

Berlin !

Son sur­vol, avant notre atter­ris­sage à Tem­pel­hof, me laisse le sou­ve­nir d’une vision apo­ca­lyp­tique. Ber­lin n’é­tait qu’a­mon­cel­le­ment de ruines, de ruines vomies de bâti­ments anéan­tis recou­vrant la trace même des rues à peine dis­cer­nables. Les gros murs de cer­taines mai­sons tenaient encore debout mais, sur­vo­lées, ces mai­sons sans toit, déca­pi­tées, appa­rais­saient comme des car­casses vides…

À Tem­pel­hof, des offi­ciers sovié­tiques nous atten­daient et rapi­de­ment nous condui­saient, en voi­ture, vers une des­ti­na­tion incon­nue. En réa­li­té, c’est vers un petit vil­lage, à l’est de Ber­lin, à Karl­shorst, que nous nous ren­dions. Pour­quoi Karlshorst ?

Sim­ple­ment en rai­son du fait que cette petite agglo­mé­ra­tion avait été mira­cu­leu­se­ment épar­gnée par les bom­bar­de­ments et que le maré­chal Jou­kov y avait implan­té son quar­tier géné­ral. L’es­sen­tiel de ce vil­lage était consti­tué de bâti­ments qui, autre­fois, abri­taient une école de sous-offi­ciers de l’ar­mée alle­mande, bâti­ments que les uni­tés sovié­tiques avaient immé­dia­te­ment occu­pés. Or, tout autour de cette école se trou­vaient des pavillons, disons de petites vil­las, qui avaient abri­té, sans doute, les offi­ciers et le per­son­nel d’encadrement.

Si bien que Jou­kov dis­po­sait de vil­las pour lui-même et pour son état-major et que d’autres vil­las allaient se trou­ver dis­po­nibles pour les délé­ga­tions des autres armées alliées… délé­ga­tions, du reste, peu nom­breuses. Bien sûr, la délé­ga­tion sovié­tique était, elle, com­po­sée du maré­chal Jou­kov entou­ré de plu­sieurs de ses géné­raux. Le maré­chal Jou­kov com­man­dait le groupe d’ar­mées qui avait pris Ber­lin. Il avait mené de main de maître cette manœuvre remar­quable d’en­cer­cle­ment de la capi­tale allemande.

Puis, il y avait les délé­gués alliés, le maré­chal de l’Air Ted­der, Bri­tan­nique, com­man­dant en chef des forces d’a­via­tion sur le front de l’Ouest et qui avait été dési­gné par le géné­ral Eisen­ho­wer pour le repré­sen­ter. Il y avait le géné­ral Spaatz, géné­ral d’a­via­tion amé­ri­cain, repré­sen­tant les États-Unis, enfin, le géné­ral de Lattre, repré­sen­tant la France.

Quand la délé­ga­tion fran­çaise est arri­vée, c’est-à-dire le géné­ral de Lattre, le colo­nel Demetz et moi-même, je peux dire qu’elle n’é­tait guère atten­due, à tel point que lorsque je me suis ren­du, par curio­si­té, pour voir la salle en laquelle aurait lieu la céré­mo­nie de red­di­tion, j’ai décou­vert qu’au mur de cette grande salle (cor­res­pon­dant sans doute à la salle d’hon­neur ou à la salle des fêtes de cette école de sous-offi­ciers) se trou­vait un fais­ceau avec trois dra­peaux, mais le dra­peau fran­çais en était absent ! Et, lorsque m’a­dres­sant à un offi­cier bri­tan­nique, lui aus­si venant recon­naître les lieux, j’ai eu pour réponse une inter­ro­ga­tion : « Mais que faites-vous ici ? » Et comme je lui pré­ci­sais que nous étions venus pour signer et rece­voir la capi­tu­la­tion alle­mande, il a eu cette expres­sion char­mante : « Mais pour­quoi pas les Chinois ? »

C’est pour vous décrire l’at­mo­sphère. Atmo­sphère telle qu’il a été néces­saire que de Lattre, qui était un sei­gneur et qui avait ce don extra­or­di­naire de savoir être à la fois l’homme des grandes colères, mais aus­si l’homme des grandes séduc­tions, a dû pen­dant toute une jour­née plai­der la cause de la France pour que celle-ci ait vrai­ment sa place à la table de la signature.

Je dois dire qu’il avait trou­vé auprès du maré­chal Jou­kov une oreille très favo­rable. Entre les deux hommes très spon­ta­né­ment est née une ami­tié qui a demeu­ré et qui était réelle. De plus, il a trou­vé auprès du maré­chal Ted­der un ami très loyal pour la France.
Jou­kov et Ted­der s’é­taient lais­sés gagner par les argu­ments de De Lattre. Ils étaient plei­ne­ment conscients que l’ef­fort fan­tas­tique accom­pli par la France pour se libé­rer et recons­ti­tuer une armée et par­ti­ci­per aux com­bats de la vic­toire jus­ti­fiait qu’elle fut pré­sente à la table de capi­tu­la­tion et que cette pré­sence y soit offi­cia­li­sée par la signa­ture et son repré­sen­tant. Assez rapi­de­ment, de Lattre avait obte­nu de Jou­kov et de Ted­der ce qui avait été à l’o­ri­gine pré­vu, à savoir que la capi­tu­la­tion alle­mande serait reçue par Jou­kov pour les Forces de l’Est, par Ted­der repré­sen­tant Eisen­ho­wer, pour les Forces de l’Ouest, les deux pays Amé­rique et France devant signer comme témoins alors que Jou­kov et Ted­der signe­raient comme parties.

Cepen­dant, dans l’a­près-midi même, sur­vint, venant de Mos­cou, celui qui était l’œil et le bras droit de Sta­line, Vychins­ki, Vychins­ki le ter­rible. Pro­cu­reur géné­ral des pro­cès des grandes purges de l’ar­mée sovié­tique avant-guerre, Vychins­ki vice-ministre des Affaires étran­gères, l’homme de Molo­tov. Et Vychins­ki sur­ve­nant de Mos­cou a immé­dia­te­ment décla­ré : « Que la France signe comme témoin, c’est nor­mal, compte tenu de l’ef­fort que la France vient d’ac­com­plir pour sa recon­quête et pour se joindre au concert des Alliés de Yal­ta, mais que les États-Unis, eux, viennent à signer comme témoins, cela est inad­mis­sible, pour­quoi ? Sim­ple­ment parce qu’ils sont repré­sen­tés par le géné­ral Eisen­ho­wer qui a envoyé son délé­gué, le maré­chal Ted­der. » Et de nou­veau tout fut à recom­men­cer parce qu’à par­tir du moment où Vychins­ki refu­sait la signa­ture du repré­sen­tant des États-Unis, le géné­ral Spaatz, lui, refu­sait la signa­ture de la France.
Alors, tout fut recom­men­cé. Il a fal­lu reprendre la bagarre à zéro et que de Lattre, pen­dant des heures, exprime et déve­loppe son exi­gence et se fasse l’a­vo­cat de la France.

La nuit arrivait et le protocole n’était pas signé…

Enfin, au début de la nuit, l’ac­cord étant fina­le­ment sur­ve­nu et Vychins­ki s’é­tant incli­né, les pro­to­coles ayant été tapés en trois langues et en huit exem­plaires de chaque langue, avec les pré­séances dif­fé­rentes dans cha­cun des pro­to­coles, put être envi­sa­gée la signa­ture offi­cielle. Et cette céré­mo­nie fut un spec­tacle extraordinaire.

Dans cette salle très banale d’une école de cadres se trou­vait dis­po­sée, devant le mur du fond, une table avec cinq sièges où prennent place le maré­chal Jou­kov au milieu, le maré­chal Ted­der à sa droite, Vychins­ki à la droite de Ted­der. À la gauche de Jou­kov, le géné­ral Spaatz, à la gauche de celui-ci, de Lattre. Enfin, à la gauche de De Lattre, un sixième siège réser­vé au signa­taire alle­mand. Per­pen­di­cu­lai­re­ment à cette table du fond, une longue table en fer à che­val, avec des sièges pour les offi­ciers alliés. Nous étions peut-être une cin­quan­taine en tout, sur­tout Sovié­tiques, quelques Amé­ri­cains, quelques Anglais et deux Fran­çais. Enfin, près de la porte d’en­trée, une simple table pré­pa­rée pour la délé­ga­tion alle­mande avec trois sièges.

Lorsque nous avons pris place et gagné les sièges qui nous étaient réser­vés, Jou­kov a pro­non­cé quelques mots de bien­ve­nue à l’é­gard des délé­ga­tions. Puis, il nous a fait signe de nous asseoir. Quelques secondes après s’ou­vrait à double bat­tant la porte d’en­trée et sur­gis­sait, je le vois encore en ce moment, le maré­chal Kei­tel avec son uni­forme à pare­ments rouges, ses galons d’or, son bâton de maré­chal à la main, sa cape sur le dos, saluant Jou­kov, saluant l’as­sis­tance et nous tous de son bâton de maré­chal. Alors, bien sûr, nous avons tous fixé les yeux sur le maré­chal Jou­kov en nous inter­ro­geant : va-t-il se lever ? Jou­kov est res­té de marbre, assis, nous sommes donc res­tés assis et Kei­tel a lais­sé tom­ber son bâton de maré­chal sur la table avec vrai­ment le sen­ti­ment que les hon­neurs ne seraient pas ren­dus aux vaincus.

À ses côtés prirent place l’a­mi­ral Von Freu­den­burg et le géné­ral Stumpf, c’est-à-dire les chefs de la Marine et de l’A­via­tion. Enfin, der­rière eux trois, se tenaient debout six offi­ciers alle­mands, tous de gaba­rit impres­sion­nant, en grande tenue, por­teurs de déco­ra­tions mul­tiples, croix de fer avec glaive et dia­mants, et l’on dis­cer­nait que ces sol­dats vivaient inten­sé­ment l’ef­fon­dre­ment de leur pays, sa mort, son désastre.

La séance a été extrê­me­ment dépouillée. Jou­kov s’est levé, a posé à Kei­tel des ques­tions très simples : « Avez-vous les pou­voirs de votre gou­ver­ne­ment, de l’a­mi­ral Dönitz pour repré­sen­ter le IIIe Reich ? » Pour répondre, Kei­tel – sans doute était-ce sa revanche – est demeu­ré assis. Il a répon­du : « Oui. »
« Vous avez pris connais­sance de l’acte de red­di­tion inconditionnelle ? »
« Oui. »
« Avez-vous une obser­va­tion à présenter ? »
« Non. »
« Eh bien, venez donc signer. »

Et alors s’est ins­tal­lé un véri­table bal­let puisque aus­si bien à côté de De Lattre se trou­vait la place libre pour que cha­cun des signa­taires du IIIe Reich vienne y prendre place. Ain­si, suc­ces­si­ve­ment, Kei­tel puis Von Freu­den­burg, puis Stumpf sont allés signer tous les exem­plaires de l’acte de red­di­tion. C’est du reste au moment où Kei­tel se diri­geait vers cette table que je l’ai enten­du, étant tout proche de lui, assis à une des places d’une des tables per­pen­di­cu­laires, à côté de la table des plé­ni­po­ten­tiaires alle­mands, pas­sant à côté de moi, pro­non­cer une phrase puis dis­cer­ner le mot « franzö­sisch ». Je me suis pen­ché vers mon inter­prète et celui-ci m’a dit : « Il vient de dire : Oh, signer à côté d’un Fran­çais, c’est vrai­ment un comble ! »

La véri­té est qu’il allait signer non seule­ment à côté d’un Fran­çais, mais signer sous le dra­peau fran­çais. En effet, l’a­près-midi, avec le colo­nel Demetz, nous avions pu faire le néces­saire pour trou­ver un bleu de chauffe, un linge blanc et un dra­peau rouge (ce qui n’é­tait pas dif­fi­cile à Karl­shorst), et nous avons pu faire coudre rapi­de­ment par des petites ouvrières sovié­tiques un dra­peau fran­çais qui fut par la suite pla­cé au centre du fais­ceau. Les Russes avaient fait le néces­saire pour que le dra­peau sovié­tique sur­monte le fais­ceau, et que les dra­peaux des trois autres Alliés se trouvent sur le même plan, la ban­nière étoi­lée à gauche, l’U­nion Jack à droite, le dra­peau fran­çais au milieu.

Après la signa­ture par les plé­ni­po­ten­tiaires alle­mands, Jou­kov, avant le départ de ceux-ci, a posé une nou­velle ques­tion à Kei­tel : « Avez-vous une remarque à faire ? » Et Kei­tel a répon­du : « Oui, je viens de signer que la red­di­tion pren­drait effet à minuit, com­ment vou­lez-vous qu’il en soit ain­si et que les trans­mis­sions puissent exé­cu­ter en temps utile, je demande vingt-quatre heures de délai pour l’exé­cu­tion. » Jou­kov s’est pen­ché rapi­de­ment vers ses voi­sins : « Requête rejetée ».

Alors Kei­tel a salué de son bâton de maré­chal et quit­té la salle avec les plé­ni­po­ten­tiaires alle­mands. Les portes se sont refer­mées sur eux.

La reddition était consommée.

Alors, à ce moment, s’est dérou­lé un spec­tacle que je n’ou­blie­rai jamais dans son inten­si­té et sa spontanéité.

Les offi­ciers sovié­tiques, les Anglais, qui pour­tant d’ha­bi­tude sont réser­vés, les offi­ciers amé­ri­cains se sont véri­ta­ble­ment jetés les uns sur les autres dans un concert de « Hour­ra », de cris et de chants d’en­thou­siasme. J’a­vais l’im­pres­sion que nous nous trou­vions en pré­sence de sup­por­ters d’une équipe de foot­ball venant de gagner une épreuve.

Pour ma part, je dois le dire, j’ob­ser­vais de Lattre du coin de l’œil, j’exa­mi­nais Demetz et savais ce qu’ils pen­saient. Sans doute, comme moi-même, pen­saient-ils que le temps était à la joie bien sûr, que les hur­le­ments de joie se jus­ti­fiaient évi­dem­ment, mais qu’il y avait aus­si à évo­quer les sou­ve­nirs de beau­coup de peines, de beau­coup de larmes, de beau­coup de morts et de dépor­tés, et de beau­coup de tris­tesse à apai­ser avant de crier trop fort notre joie.

Telle que je m’en sou­viens, voi­ci pour évo­quer rapi­de­ment cette céré­mo­nie de la red­di­tion du 8 mai.

Main­te­nant, […] je vais vous dire quelques mots de ce qui s’est pas­sé à Ber­lin, trois semaines plus tard, le 5 juin.

Dès le len­de­main du 8 mai nous étions entrés véri­ta­ble­ment dans l’ère de l’exé­cu­tion de la red­di­tion incon­di­tion­nelle de l’Al­le­magne. Le 2 juin au quar­tier géné­ral de De Lattre, nous rece­vions un mes­sage nous avi­sant de l’ac­cord des quatre gou­ver­ne­ments USA, URSS, Grande-Bre­tagne et France pour la signa­ture et la pro­mul­ga­tion à Ber­lin, le 4 ou le 5 juin, par les com­man­dants en chef des armées de la mise en œuvre des orga­nismes de contrôle en Allemagne.

De nouveau, nous allions nous rendre à Berlin.

Mais ce 5 juin l’at­mo­sphère était tout à fait dif­fé­rente. Ce n’é­tait plus à Karl­shorst qu’a­vait lieu la réunion, mais à Ber­lin même où Jou­kov avait trou­vé le moyen d’a­voir à sa dis­po­si­tion une vil­la, mal­gré les bom­bar­de­ments, fort agréa­ble­ment reta­pée, au bord de pelouses et d’un lac.

Cette fois-ci, Jou­kov accueillait pour les Alliés le géné­ral Eisen­ho­wer accom­pa­gné d’un conseiller diplo­ma­tique Bob Mur­phy, l’An­gle­terre était repré­sen­tée par le maré­chal Mont­go­me­ry accom­pa­gné, lui aus­si, d’un conseiller diplo­ma­tique. Jou­kov avait à ses côtés, bien enten­du, Vychins­ki, quant à de Lattre, il s’é­tait entou­ré pour ce voyage du géné­ral Kolz, de Jacques Rueff comme conseiller éco­no­mique et finan­cier et de M. de La Tour­nelle, ambassadeur.

Nor­ma­le­ment tout aurait dû bai­gner dans l’huile.

Il était, en effet, pré­vu de signer sim­ple­ment une conven­tion com­mune dont le texte avait été anté­rieu­re­ment éta­bli. Cepen­dant, une séance de tra­vail était néces­saire pour mettre au point la com­mis­sion de contrôle et les condi­tions dans les­quelles l’Al­le­magne serait gou­ver­née avec le contrôle de la Com­mis­sion inter­al­liée dans cha­cune des zones prévues.

Or, le drame allait naître car tan­dis que le géné­ral Eisen­ho­wer deman­dait à mettre immé­dia­te­ment, noir sur blanc, les pres­crip­tions, à don­ner à la Com­mis­sion de contrôle et les condi­tions de tra­vail de celle-ci, Jou­kov et Vychins­ki répon­daient que cette exi­gence était pré­ma­tu­rée : « Non, disaient-ils, pas main­te­nant, plus tard. » « Mais pour­quoi, répli­quait Eisen­ho­wer, pour­quoi pas tout de suite ? » « Ah ! répli­quait Jou­kov, parce que les Alliés occi­den­taux, en par­ti­cu­lier, vous, les Amé­ri­cains, vous occu­pez encore mili­tai­re­ment par vos uni­tés des régions qui sont réser­vées à l’oc­cu­pa­tion sovié­tique. Aus­si, je consi­dère que nous ne pou­vons rien faire d’u­tile avant le replie­ment des armées alliées occi­den­tales sur leurs zones et que les zones réser­vées à l’oc­cu­pa­tion sovié­tique (c’est-à-dire tout le gla­cis pré­vu par Sta­line) soient libé­rées de vos armées occi­den­tales et que les Soviets soient chez eux. »

Alors Eisen­ho­wer réplique : « Mais si c’est cela, on ne peut pas tra­vailler immé­dia­te­ment. » Et Jou­kov de répondre : « Eh bien, on ne va pas tra­vailler. » Et Vychins­ki de confir­mer : « On ne peut pas tra­vailler. » « Alors, conclut Eisen­ho­wer, qu’ai-je donc à faire ici, puis­qu’il en est ain­si je m’en vais. »

Et alors que l’on pas­sait à table pour un grand dîner offi­ciel, Eisen­ho­wer et Mont­go­me­ry demeu­raient assis pen­dant quelques minutes seule­ment, sim­ple­ment, sym­bo­li­que­ment, le temps néces­saire pour que Mont­go­me­ry ait le temps de dire à Jou­kov qui lui offrait un verre de vod­ka : « Non, pas de vod­ka, je la crache ! »

Ensuite, dans les minutes qui vont suivre, Eisen­ho­wer se lève, Mont­go­me­ry en fait autant comme tous les offi­ciers amé­ri­cains et bri­tan­niques. Tous quittent la table. Et Jou­kov, à son tour, se lève pour les accom­pa­gner jus­qu’à l’aé­ro­port nous lais­sant, nous les Fran­çais, en tête à tête avec les Soviétiques.

Ainsi, le 5 juin commence après la joyeuse et formidable union du 8 mai, entre les Alliés, la guerre froide.

Pour ter­mi­ner, voi­ci deux anecdotes.

Je vous disais que Mont­go­me­ry avait dit à Jou­kov en cette soi­rée : « La vod­ka, je la crache ! » C’é­tait bien vrai, à tel point que plu­sieurs années après lorsque le gou­ver­ne­ment bri­tan­nique, sou­cieux de reprendre des rela­tions un peu moins ten­dues avec le gou­ver­ne­ment sovié­tique, a dépê­ché le maré­chal Mont­go­me­ry pour une mis­sion excep­tion­nelle de quelques jours en URSS, Mont­go­me­ry étant invi­té à dîner par Sta­line et se trou­vant à la droite du Sovié­tique s’en­ten­dit dire par Sta­line : « Mon­sieur le Maré­chal, je ne vous offre pas de vod­ka, parce que je sais que vous la crachez. »

C’est ain­si ! Même chez les grands, rien ne s’oublie.

Et cette autre anec­dote, celle de l’in­ter­prète que de Lattre avait emme­né avec lui le 5 juin.

En effet lors de la céré­mo­nie du 8 mai, nous n’a­vions pas d’in­ter­prète avec nous. De Lattre l’a­vait regret­té et le 5 juin il déci­da d’a­voir auprès de lui un offi­cier – c’é­tait un lieu­te­nant d’une qua­ran­taine d’an­nées – capable d’as­su­mer cette fonc­tion d’in­ter­prète. Cet offi­cier était d’o­ri­gine russe, issu d’une grande famille. Avant la Révo­lu­tion, en 1917, il appar­te­nait même à l’É­cole des cadets des Tsars. À la Révo­lu­tion, sa famille quit­ta la Rus­sie pour gagner l’Oc­ci­dent. Nous retrou­vons cet homme comme lieu­te­nant dans un régi­ment de para­chu­tistes de la Légion étran­gère et de Lattre l’ap­pelle auprès de lui comme inter­prète car il par­lait un russe par­fait, et le voi­ci avec nous à Berlin.

Le maré­chal Jou­kov fort éton­né de la qua­li­té de la tra­duc­tion du lan­gage de cet offi­cier, sans doute très vite ren­sei­gné par ses Ser­vices spé­ciaux sur la per­son­na­li­té de notre inter­prète, fit venir auprès de lui celui-ci : « Dites-moi, lieu­te­nant, vous par­lez très bien le russe. » « Mer­ci, mon­sieur le Maré­chal répond notre inter­prète au garde-à-vous, je suis très flat­té de votre com­pli­ment. » « Mais pour si bien par­ler, vous connais­sez la Rus­sie, vous avez vécu en Rus­sie ? » « Non, non, mon­sieur le Maré­chal, je ne connais pas la Rus­sie, mais dans ma famille d’o­ri­gine loin­taine slave nous par­lons un peu le russe. » « Ah bon ! » reprend Jou­kov : « Alors écou­tez-moi bien, je vois que vous par­lez un russe très cor­rect, assez clas­sique, mais tout de même, vous auriez inté­rêt à per­fec­tion­ner sous l’angle du lan­gage moderne. Tenez, je vais faire quelque chose pour vous, je vais vous faire por­ter à l’a­vion du géné­ral de Lattre les œuvres com­plètes de notre génial chef le maré­chal Sta­line, ses dis­cours, ses écrits. Vous pour­rez ain­si vous en ins­pi­rer uti­le­ment et vous ferez des pro­grès en langue russe moderne. »

Ain­si fut fait, à l’a­vion lorsque nous sommes par­tis pour l’en­vol vers le lac de Constance, deux caisses conte­nant les dis­cours du maré­chal Sta­line étaient déjà chargées.

J’en ter­mine avec un der­nier pro­pos, je ne veux pas dire d’une confi­dence, c’est plus que cela, d’une décla­ra­tion presque solen­nelle faite par Vychins­ki à de Lattre en ma pré­sence, le 5 juin, décla­ra­tion qui, aujourd’­hui, mérite votre réflexion.

De Lattre, à l’is­sue de la céré­mo­nie du 8 mai, avait por­té, lors des 27 toasts que nous avions enten­dus dans la nuit au cours d’un somp­tueux repas en buvant force vod­ka, avait por­té un toast dédié au main­tien néces­saire de l’u­nion entre les Alliés et en disant : « Pre­nez garde, aujourd’­hui, nous voyons des ruines à Ber­lin, mais les ruines se relèvent… Les Alliés doivent demeu­rer vigi­lants et unis. » Est-ce que Vychins­ki avait inter­pré­té ce pro­pos comme une crainte de la résur­rec­tion allemande ?

Je ne sais, tou­jours est-il que le 5 juin, Vychins­ki dit à de Lattre : « J’ai beau­coup pen­sé à votre toast du 8 mai et je peux vous ras­su­rer et vous pré­dire que tant qu’exis­te­ra un jeune Sovié­tique ou une jeune Sovié­tique ayant connu les années d’é­preuves que nous venons de vivre, je puis vous dire, vous affir­mer avec cer­ti­tude qu’en aucune cir­cons­tance il n’y aura de réuni­fi­ca­tion allemande. »

Aujourd’­hui, en pré­sence des évé­ne­ments actuels, vous en tire­rez, chers amis, comme nous disons dans notre jar­gon du Palais « toutes consé­quences que de droit ».

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