Quelle vérité des comptes pour demain ?

Dossier : Entreprise et ManagementMagazine N°588 Octobre 2003
Par Matthieu AUTRET (97)
Par Alfred GALICHON (97)

Les comptes de Rank Xerox

Les comptes de Rank Xerox

Une enquête de la Secu­ri­ties and Exchange Com­mis­sion (SEC), le régu­la­teur bour­sier amé­ri­cain, dont les élé­ments ont, selon les usages en vigueur aux États-Unis, été ren­dus publics, révé­lait il y a un an d’im­por­tantes irré­gu­la­ri­tés comp­tables chez Rank Xerox. De 1997 à 2000, les comptes du fabri­cant de pho­to­co­pieurs avaient men­ti : pour l’en­semble des quatre exer­cices, le chiffre d’af­faires s’é­tait trou­vé gon­flé de 6,4 Md$ et le résul­tat avant impôt de 1,5 Md$, décla­rait publi­que­ment Xerox lui-même en juillet 2002. 

Au-delà du choc pro­vo­qué par cette annonce à cause des mon­tants en jeu, la lec­ture du rap­port1 de la SEC nous ins­truit sur les méca­nismes qui ont conduit la socié­té à faus­ser de plus en plus ses comptes. Extrait du rap­port, le gra­phique ci-contre com­pare les béné­fices par action atten­dus par les ana­lystes finan­ciers (avant publi­ca­tion des résul­tats), avec ceux effec­ti­ve­ment publiés par Xerox, ain­si que ceux (recal­cu­lés par la SEC) qui décou­laient de l’ap­pli­ca­tion des règles comp­tables amé­ri­caines US Gaap2 et des prin­cipes comp­tables rete­nus par Xerox jus­qu’en 1996. Ce sont ces der­niers chiffres, tous en deçà des attentes des ana­lystes, qui auraient dû être publiés. 

Pour­tant, Xerox a réus­si à gon­fler la part de chiffre d’af­faires et de résul­tat comp­ta­bi­li­sée lors de la signa­ture de nou­veaux contrats de loca­tion de pho­to­co­pieurs, en jouant sur les para­mètres dans les modèles uti­li­sés pour valo­ri­ser ces contrats. Non signa­lés, ces chan­ge­ments ren­daient en fait incom­pa­rables les résul­tats d’une année sur l’autre. 

Ce qui est le plus frap­pant, dans les mani­pu­la­tions comp­tables de Xerox, c’est la cor­ré­la­tion par­faite entre les chiffres atten­dus par le public et ceux annon­cés. La socié­té, en clair, avait vou­lu à tout prix être à la hau­teur des espé­rances que les mar­chés finan­ciers avaient pla­cées en elle. Dans le contexte de crois­sance éco­no­mique et de forte hausse de la Bourse de la fin des années quatre-vingt-dix, les résul­tats ne pou­vaient pas décevoir. 

Cette affaire, comme d’autres scan­dales finan­ciers récents, illustre la rup­ture du consen­sus tacite exis­tant entre le mana­ge­ment de l’en­tre­prise et les uti­li­sa­teurs des comptes, consen­sus qui était pour­tant à la base de l’u­ti­li­sa­tion de la comp­ta­bi­li­té, comme nous l’a­vons com­pris au cours du tra­vail que nous avons réa­li­sé pour un mémoire de fin de sco­la­ri­té du Corps des Mines. 

Les comptes, une « affaire de convention »

Il faut renon­cer à croire que la comp­ta­bi­li­té se com­porte comme une science exacte, comme l’é­non­cé d’une véri­té objec­tive, abso­lue, défi­ni­tive. Les comptes résultent tou­jours en par­tie d’ar­bi­trages et de choix faits par les diri­geants, certes sous la sur­veillance des com­mis­saires aux comptes et des régu­la­teurs bour­siers, mais néan­moins tri­bu­taires des indi­vi­dus et du contexte. Cité par la défense dans l’af­faire du Cré­dit Lyon­nais, René Ricol, ancien pré­sident de la Com­pa­gnie natio­nale des com­mis­saires aux comptes et actuel pré­sident de l’I­FAC3, témoi­gnait ain­si : « Un bilan, c’est une affaire de conven­tion. Il n’y a pas de véri­té dans les comptes. La ques­tion est de savoir si l’on est dans un com­pro­mis accep­table ou pas. » Cette notion de com­pro­mis, d’ad­mis­si­bi­li­té oppo­sée à celle d’exac­ti­tude, éva­cue la croyance en une véri­té comp­table abso­lue. Les comptes doivent mettre d’ac­cord les par­ties pre­nantes de l’en­tre­prise, diri­geants, action­naires, sala­riés et créan­ciers, et les ras­sem­bler autour d’une forme de consen­sus, mais ne sont pas la révé­la­tion de certitudes. 

Tra­di­tion­nel­le­ment, ce consen­sus pou­vait être atteint grâce à des com­por­te­ments par­ti­cu­liers des dif­fé­rents acteurs. Les diri­geants pra­ti­quaient assez lar­ge­ment le lis­sage des résul­tats, qui signa­lait même les bons ges­tion­naires. Des réserves consti­tuées les bonnes années (les Anglo-Saxons parlent de cookie jars) venaient com­bler les défi­cits des mau­vaises années. Les experts-comp­tables et les com­mis­saires aux comptes pla­çaient, eux, au cœur de leur pra­tique le prin­cipe de pru­dence, consis­tant à trai­ter avec une grande cir­cons­pec­tion les évé­ne­ments ayant une influence posi­tive sur les comptes, tant qu’ils n’é­taient pas cer­tains, alors que les infor­ma­tions pou­vant être poten­tiel­le­ment néga­tives devaient être immé­dia­te­ment prises en compte. Enfin, l’ac­tion­na­riat fai­sait preuve de modé­ra­tion dans ses reven­di­ca­tions, se conten­tant de don­nées assez som­maires sur les comptes de l’en­tre­prise dans laquelle il inves­tis­sait, et sur­veillant sur­tout la régu­la­ri­té du divi­dende versé. 

Un consensus aujourd’hui rompu

Mais nous voyons dis­pa­raître pro­gres­si­ve­ment les condi­tions qui ren­daient pos­sible ce consen­sus, les mul­tiples affaires de la fin des années quatre-vingt-dix étant symp­to­ma­tiques de la fin de celui-ci. 

De nom­breux fac­teurs peuvent être invo­qués, à com­men­cer par l’ac­cé­lé­ra­tion et la mon­dia­li­sa­tion de la vie éco­no­mique. Ces phé­no­mènes ont été abon­dam­ment décrits : un rythme accé­lé­ré de fusions et d’ac­qui­si­tions chez les grands groupes a consi­dé­ra­ble­ment accru la com­plexi­té de leurs struc­tures, et le nombre de filiales dans des pays uti­li­sant des normes comp­tables dif­fé­rentes. Les péri­mètres de conso­li­da­tion chan­geant au gré des acqui­si­tions et des ces­sions, la com­pa­rai­son d’une année sur l’autre ne peut sou­vent se faire que par les comptes pro for­ma, mal­heu­reu­se­ment non stan­dar­di­sés. Toutes les acqui­si­tions font aus­si appa­raître dans les bilans des actifs incor­po­rels pour des mon­tants consi­dé­rables (53 Md€, pour un actif de 104 Md€ chez France Télé­com fin 2001), actifs incor­po­rels dont la valo­ri­sa­tion sus­cite bien des per­plexi­tés : les com­mis­saires aux comptes confient avoir bien de la peine à se faire un juge­ment sur la durée per­ti­nente d’a­mor­tis­se­ment d’un actif repré­sen­tant une tech­no­lo­gie Internet. 

Autre fac­teur, le contexte de bulle finan­cière de la fin des années quatre-vingt-dix. Sous la pres­sion des mar­chés, les diri­geants ont été pous­sés, comme le montre l’exemple de Rank Xerox, à faire des pro­messes de plus en plus dif­fi­ciles à tenir, et ont par­fois choi­si la voie d’une comp­ta­bi­li­té agres­sive pour affi­cher des résul­tats en ligne avec ces engagements. 

Le consen­sus comp­table s’est alors effon­dré avec les fra­cas qu’on sait : ce furent Enron, World­Com, Tyco aux États-Unis, mais aus­si Ahold, et chez nous, le pro­cès des comptes du Cré­dit Lyon­nais ain­si que les péri­pé­ties comp­tables de Viven­di Uni­ver­sal. Un nou­veau consen­sus comp­table doit main­te­nant se refor­mer pour que la confiance revienne. 

À l’heure des grands chan­tiers comp­tables (nou­velles normes, nou­velles dis­po­si­tions légis­la­tives concer­nant l’au­dit, nou­veaux acteurs de régu­la­tion), voyons à quoi celui-ci pour­ra res­sem­bler, en com­pre­nant tout d’a­bord quelle évo­lu­tion dans la notion de véri­té des comptes nous sommes en train de vivre. 

De la vérité juridique à la vérité économique

La véri­té des comptes était tra­di­tion­nel­le­ment une notion juri­dique. La comp­ta­bi­li­té fran­çaise est res­tée, mal­gré des ajouts ulté­rieurs, cen­trée autour de la notion de comptes régu­liers, c’est-à-dire conformes à un corps de règles. Cette approche, éga­le­ment en vigueur aux États-Unis, fait de la comp­ta­bi­li­té un simple outil d’en­re­gis­tre­ment des contrats pas­sés par l’en­tre­prise. Les comptes étaient donc très tri­bu­taires de la forme juri­dique des contrats de l’en­tre­prise : on disait la comp­ta­bi­li­té « algèbre du droit ».

Mais cette construc­tion a trou­vé ses limites, en par­ti­cu­lier aux États-Unis où des règles trop pré­cises étaient faci­le­ment contour­nées par des finan­ciers ingénieux. 

Tour­nant le dos à cette concep­tion juri­dique de la comp­ta­bi­li­té, l’IASB, orga­nisme qui édicte les normes inter­na­tio­nales IAS qui s’im­po­se­ront à toutes les socié­tés cotées euro­péennes dès 2005, pri­vi­lé­gie une approche éco­no­mique de la comp­ta­bi­li­té. Leurs normes se fixent en effet pour objec­tif de trans­mettre à l’ac­tion­naire une image éco­no­mique fidèle. Elles sont tour­nées vers le lec­teur des comptes (et sa per­cep­tion de la réa­li­té éco­no­mique de l’en­tre­prise) et non plus vers le pré­pa­ra­teur (et la confor­mi­té de ses comptes aux règles en vigueur). On trouve une illus­tra­tion concrète de cette approche dans la façon dont les mon­tages finan­ciers sont retrai­tés en normes IAS, ceci venant confir­mer une ten­dance que pre­nait déjà la comp­ta­bi­li­té française. 

Ain­si les contrats de loca­tion-vente « sale-lease back » seront réin­té­grés au bilan lorsque l’en­tre­prise assume de fait la pro­prié­té du bien au sens éco­no­mique, et ce mal­gré la struc­ture for­melle des contrats passés. 

Cette tran­si­tion de la comp­ta­bi­li­té du juri­dique vers l’é­co­no­mique fait dire à cer­tains que la comp­ta­bi­li­té du futur sera bien une science exacte, et que la notion de véri­té des comptes prend un sens scientifique. 

Mais cette vision n’est pas uni­ver­sel­le­ment partagée. 

La comp­ta­bi­li­té éco­no­mique intro­duit dans les comptes des valo­ri­sa­tions fon­dées sur une vision de l’a­ve­nir, là où tra­di­tion­nel­le­ment on se conten­tait d’en­re­gis­trer le pas­sé. Or cha­cun a sa vision du futur, qui en outre évo­lue dans le temps4. En vou­lant davan­tage don­ner une image éco­no­mique de l’en­tre­prise, les comptes demeu­re­raient plus que jamais sou­mis à la sub­jec­ti­vi­té et à des véri­tés éphémères. 

Ain­si il est fré­quent qu’un diri­geant nou­vel­le­ment arri­vé dans une entre­prise passe immé­dia­te­ment d’im­por­tantes dépré­cia­tions sur des acqui­si­tions réa­li­sées par son pré­dé­ces­seur, parce qu’il n’a pas la même vision stra­té­gique ni les mêmes inten­tions que ce der­nier, et la comp­ta­bi­li­té éco­no­mique a bien du mal à étayer une appro­ba­tion ou un refus de ces opé­ra­tions comptables. 

Un cer­tain nombre d’ob­ser­va­teurs contestent aus­si la via­bi­li­té de normes comp­tables résu­mées à des prin­cipes, non décli­nés en règles d’ap­pli­ca­tion détaillées. C’est cepen­dant le choix qu’a fait l’IASB, jugeant que des règles trop pré­cises ne per­mettent pas d’a­bou­tir à une image éco­no­mique fidèle, car elles font retom­ber dans le for­ma­lisme. Cette pos­ture semble prendre le contre-pied de celle des nor­ma­li­sa­teurs comp­tables amé­ri­cains. Pour­tant, cer­tains scep­tiques rap­pellent que les normes amé­ri­caines, au départ, repo­saient éga­le­ment sur un volume de textes res­treint et pré­disent que l’u­ti­li­sa­tion à grande échelle des normes inter­na­tio­nales ren­dra inévi­table la mul­ti­pli­ca­tion des inter­pré­ta­tions et l’ap­pa­ri­tion de règles résul­tant de la jurisprudence. 

Plus fon­da­men­ta­le­ment, on ne peut pré­tendre à l’u­ni­ci­té de la véri­té éco­no­mique : à chaque par­tie pre­nante cor­res­pond une réa­li­té dif­fé­rente de l’en­tre­prise. Ceci implique en pra­tique qu’une comp­ta­bi­li­té éco­no­mique pri­vi­lé­gie néces­sai­re­ment la véri­té de cer­tains au détri­ment de celle des autres. Les normes comp­tables sup­posent le choix d’un utilisateur. 

Vers la vérité du seul investisseur

En comp­ta­bi­li­té fran­çaise tra­di­tion­nelle, les uti­li­sa­teurs pre­miers des comptes ne sont pas les action­naires, mais à l’o­ri­gine la jus­tice (comme moyen de preuve), puis le fisc et la comp­ta­bi­li­té natio­nale. Les normes IAS, elles, font clai­re­ment le choix de pri­vi­lé­gier la véri­té de l’in­ves­tis­seur, et on pour­rait ajou­ter : l’in­ves­tis­seur de court terme. Tout en défi­nis­sant sept caté­go­ries5 d’u­ti­li­sa­teurs aux inté­rêts poten­tiel­le­ment diver­gents (inves­tis­seurs, employés, créan­ciers, four­nis­seurs, clients, admi­nis­tra­tion et grand public), elles affirment que les besoins en infor­ma­tion finan­cière des inves­tis­seurs recouvrent très lar­ge­ment ceux des autres utilisateurs. 

Pour­tant, les choses ne sont peut-être pas aus­si simples. Ain­si, dans le cas d’une com­pa­gnie d’as­su­rances, l’as­su­ré et l’ac­tion­naire ont des inté­rêts clai­re­ment dis­so­ciés : l’ac­tion­naire aime le risque, pas l’as­su­ré. L’ac­tion­naire pré­fé­re­ra un trai­te­ment comp­table plus agres­sif, pour faire remon­ter le plus pos­sible de divi­dendes dans l’ins­tant sans lais­ser se consti­tuer de pro­vi­sions, au contraire de l’as­su­ré qui sou­hai­te­ra pour sa part un trai­te­ment comp­table plus pru­den­tiel. Cette diver­gence est illus­trée par un débat récent6 sur les pro­vi­sions dites « tech­niques » entre la Com­mis­sion de contrôle des assu­rances (CCA) et le Conseil natio­nal de la comp­ta­bi­li­té (CNC). Sché­ma­ti­que­ment, la CCA récla­mait, au nom des assu­rés, un trai­te­ment comp­table plus pru­dent, que refu­sait le CNC en ver­tu du prin­cipe d’i­mage fidèle à don­ner à l’investisseur. 

En écri­vant des normes des­ti­nées à reflé­ter la seule véri­té de l’in­ves­tis­seur, l’IASB pro­pose de mettre fin à une cer­taine concep­tion de la comp­ta­bi­li­té comme ins­tru­ment de poli­tique publique, qui était en vigueur en France comme aux États-Unis. C’est en pre­mier lieu l’ar­rêt de l’u­ti­li­sa­tion des normes à des fins de macro­ré­gu­la­tion pru­den­tielle, comme on vient de le voir dans le domaine des assu­rances. Mais c’est aus­si la fin d’une uti­li­sa­tion plus large de la comp­ta­bi­li­té comme outil d’in­ci­ta­tion économique. 

Le débat autour du trai­te­ment comp­table des stock-options en est un bon exemple : pour des motifs d’in­ci­ta­tion à l’en­tre­pre­na­riat, celles-ci n’é­taient tra­di­tion­nel­le­ment pas comp­ta­bi­li­sées comme les autres modes de rému­né­ra­tion. L’IASB pro­pose de les comp­ta­bi­li­ser comme des charges sala­riales : en IAS, la seule véri­té est la véri­té de l’investisseur. 

L’avènement du nouveau consensus comptable

On est donc en train d’as­sis­ter à une double méta­mor­phose de la notion de véri­té des comptes : une accep­tion moins juri­dique et plus éco­no­mique, et dans le même temps un point de vue recen­tré sur le seul inves­tis­seur. C’est peut-être cela le nou­veau consen­sus comp­table : un recen­trage autour de l’in­ves­tis­seur. En effet les normes comp­tables sont for­te­ment liées au modèle éco­no­mique dans lequel elles évo­luent, et notre pays est en train de connaître depuis une ving­taine d’an­nées une méta­mor­phose de son sys­tème finan­cier, pas­sant d’un capi­ta­lisme mar­qué par l’in­ter­ven­tion de l’É­tat et un finan­ce­ment pré­pon­dé­rant par les banques, vers un modèle où le rôle de l’É­tat est réduit, et où les capi­taux pro­viennent prin­ci­pa­le­ment des mar­chés financiers. 

Mais ce nou­veau modèle est loin de faire l’u­na­ni­mi­té, et par consé­quent l’u­ni­fi­ca­tion des normes comp­tables ne se fera peut-être pas aus­si faci­le­ment que le pas­sage à l’euro. 

Cer­taines entre­prises qui ont beau­coup à perdre dans un ali­gne­ment fran­çais sur un sys­tème finan­cier à l’an­glo-saxonne pro­clament leur atta­che­ment au modèle éco­no­mique euro­péen conti­nen­tal, carac­té­ri­sé par un moindre rôle des mar­chés. En par­ti­cu­lier les banques fran­çaises mais aus­si les com­pa­gnies d’as­su­rances ain­si que cer­taines entre­prises indus­trielles s’op­posent à plu­sieurs pro­po­si­tions-clés de l’IASB. L’U­nion euro­péenne elle-même a récem­ment mani­fes­té un début de désac­cord7.

Tou­te­fois, il faut sans doute plu­tôt voir le chan­ge­ment dans l’es­prit des normes comme la consé­quence, et non la cause de méta­mor­phoses finan­cières déjà amor­cées. En cela, les normes inter­na­tio­nales servent peut-être de bouc émis­saire aux oppo­sants à ces trans­for­ma­tions. Mais, que les normes IAS soient à l’o­ri­gine de ces trans­for­ma­tions ou qu’elles n’en soient que l’ex­pres­sion, leur adop­tion – et avec elle le triomphe d’une comp­ta­bi­li­té pour l’in­ves­tis­seur – ne se fera pas sans opposition. 

Le consen­sus comp­table de demain passe sans aucun doute par l’a­dop­tion des normes IAS en Europe. Pour­tant, alors que leur pre­mière appli­ca­tion obli­ga­toire est pré­vue pour 2005, dans à peine plus d’un an, ces normes ne sont pas encore prêtes, plu­sieurs de leurs dis­po­si­tions étant fer­me­ment refu­sées par cer­taines entreprises. 

Tout le monde n’est pas prêt à accep­ter un nou­veau consen­sus comp­table cen­tré autour de l’in­ves­tis­seur. Or la reprise éco­no­mique passe par le réta­blis­se­ment de la confiance. Dans la vaste lutte d’in­fluence qui a déjà com­men­cé à s’en­ga­ger à un niveau poli­tique, il reste à espé­rer que l’in­ves­tis­seur ne soit pas tota­le­ment oublié. 

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1. http://www.sec.gov/litigation/complaints/complr17465.htm
2. Gene­ral­ly accep­ted accoun­ting principles.
3. Inter­na­tio­nal Fede­ra­tion of Accoun­tants (Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des Comptables).
4. Pierre-Noël Giraud, dans Le Com­merce des pro­messes, énonce très clai­re­ment la rela­tion entre valo­ri­sa­tion éco­no­mique et vision de l’a­ve­nir : « Les actifs finan­ciers ne sont que des pro­messes de reve­nus futurs. L’a­ve­nir étant contin­gent, irré­duc­ti­ble­ment incer­tain, le prix actuel de ces pro­messes ne peut qu’être com­man­dé par les visions fra­giles et chan­geantes que les acteurs ont de l’a­ve­nir. » (page 127).
5. IASB Fra­me­work, para­graphe 9.
6. Les Échos, 8 jan­vier 2003, p. 18.
7. Les Échos, 30 mai 2003, p. 21.

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