Entreprise internationale et diversités culturelles

Dossier : Les différences culturellesMagazine N°624 Avril 2007
Par Bertrand COLLOMB (60)

Entre­prise fondée en 1833 dans la val­lée du Rhône, Lafarge fab­rique des matéri­aux de con­struc­tion, notam­ment du ciment, des gran­u­lats, du béton et des plaques de plâtre, dont le prix à la tonne est faible et ne per­met donc pas, sauf excep­tion, de grandes dis­tances de trans­port. Ils sont ven­dus locale­ment et util­isés dans un secteur, celui de la con­struc­tion, où les habi­tudes sont forte­ment ancrées et dif­férentes selon les pays et les marchés.

Lafarge, dans le pre­mier siè­cle de son exis­tence, est devenu le leader français de son secteur, tout en dévelop­pant une forte cul­ture, fondée à la fois sur les qual­ités recon­nues aux ingénieurs français : sérieux, souci du long terme, croy­ance au pro­grès tech­nique, et sur un human­isme chré­tien cor­re­spon­dant aux con­vic­tions de ses fondateurs.

Le développement international

L’en­tre­prise eut très tôt une cer­taine activ­ité inter­na­tionale, avec une présence en Angleterre, en Afrique du Nord, et la four­ni­ture de pro­duits pour les travaux du canal de Suez ou la con­struc­tion de l’im­meu­ble de la Bourse de New York.

Mais la vraie con­fronta­tion avec les réal­ités inter­na­tionales com­mença en 1955, lorsque Mar­cel Demonque lança Lafarge, en même temps, au Cana­da de l’Ouest et au Brésil. Ce développe­ment fut con­duit essen­tielle­ment par des équipes français­es, d’ailleurs large­ment com­posées de « pieds-noirs ». Elles furent con­fron­tées aux dif­férences entre les marchés, les types de pro­duits util­isés, les cir­cuits de dis­tri­b­u­tion et les atti­tudes con­cur­ren­tielles. Les débuts furent dif­fi­ciles, mais la crois­sance des marchés et la ténac­ité de l’en­tre­prise per­mirent de sur­mon­ter les difficultés.

L’aven­ture de Lafarge au Cana­da illus­tre les dif­férentes étapes de l’im­plan­ta­tion de l’en­tre­prise dans un pays et une cul­ture dif­férente. Des débuts à Van­cou­ver avec une équipe d’ex­pa­triés français dans un style qua­si « colo­nial » mais au cours desquels l’as­so­ci­a­tion de per­son­nal­ités cana­di­ennes fortes fut d’emblée recher­chée et obtenue ; puis la con­struc­tion d’une sec­onde usine à Mon­tréal ; enfin en 1970 la prise de con­trôle du pre­mier cimen­tier cana­di­en, géant un peu assoupi dont les action­naires cana­di­ens préférèrent le dynamisme de Lafarge.

Dix ans pour vaincre les réticences

Cette opéra­tion fut pos­si­ble grâce au tal­ent d’O­livi­er Lecerf, futur prési­dent du groupe, qui sut nouer des rela­tions de con­fi­ance avec ses inter­locu­teurs cana­di­ens. Elle don­na à Lafarge le con­trôle d’une grande organ­i­sa­tion, au style cana­di­en anglais très traditionnel.

Respectueuse des dif­férences, Lafarge géra cette fusion d’une façon très con­sen­suelle et sans chercher à impos­er une véri­ta­ble inté­gra­tion. Il fal­lut près de dix ans pour que celle-ci se réalise et que s’estom­pent les résis­tances de la fil­iale vis-à-vis de la société mère.

Pen­dant ce temps-là cepen­dant, les influ­ences cul­turelles s’ex­erçaient dans les deux sens. C’est au Cana­da que Lafarge décou­vrit les tech­niques de man­age­ment venues des États-Unis et encore peu présentes en Europe : bud­get, plan, clas­si­fi­ca­tion des postes… Revenu en France pour pren­dre la tête du groupe en 1975, Olivi­er Lecerf intro­duira ces tech­niques dans le groupe, tout en les « fran­cisant », c’est-à-dire en les ren­dant moins formelles et plus souples.

L’his­toire se répé­ta lorsque Lafarge fit l’ac­qui­si­tion d’un grand cimen­tier améri­cain : respect des struc­tures, des habi­tudes et des équipes en place et inté­gra­tion très pro­gres­sive. La société acquise était une de ces vieilles sociétés indus­trielles améri­caines des années soix­ante-dix, dont les pra­tiques de man­age­ment étaient restées très autori­taires, où le pou­voir des syn­di­cats était fort et blo­quait les évo­lu­tions tech­nologiques et où les rela­tions étaient con­flictuelles. Elle était aus­si très peu inter­na­tionale — le patron de la société n’avait pas de passe­port ! — et accep­tait assez mal que des Français puis­sent apporter quelque chose dans le domaine indus­triel. À l’in­verse du Cana­da, les résul­tats économiques ne furent pas au ren­dez-vous, ce qui imposa après quelques années un change­ment d’at­ti­tude, une prise de con­trôle plus ferme et une meilleure util­i­sa­tion du savoir-faire du groupe pour venir à bout des difficultés.

Une approche des différences culturelles

À par­tir des années qua­tre-vingt, le groupe dévelop­pa con­sid­érable­ment sa présence inter­na­tionale qui con­cerne main­tenant près de 80 pays. Il fut con­fron­té à des sit­u­a­tions très dif­férentes et à des con­textes très var­iés. Ceci l’a amené à réfléchir davan­tage au prob­lème des dif­férences cul­turelles et à for­muler une approche plus sys­té­ma­tique, qui, sans résoudre toutes les dif­fi­cultés, sert de guide à son action.

Nous avons ain­si dis­tin­gué dans le fonc­tion­nement de l’en­tre­prise ce qui relève des valeurs, ce qui con­cerne les méth­odes de tra­vail et ce qui s’in­scrit dans le cadre des cul­tures nationales.

Nous con­sid­érons que Lafarge s’est con­stru­it sur un cer­tain nom­bre de valeurs, dont j’ai rap­pelé plus haut l’o­rig­ine, et que l’on peut résumer dans le sérieux, l’hon­nêteté, le sens du long terme, la croy­ance au pro­grès et le respect des per­son­nes. Elles cor­re­spon­dent aux choix per­son­nels des dirigeants du groupe qui les ont per­pé­tuées, généra­tion après généra­tion, grâce à une autosélec­tion qui a attiré et fait réus­sir chez Lafarge ceux qui se sen­taient en har­monie avec ces valeurs. Mais elles cor­re­spon­dent aus­si aux fac­teurs de suc­cès d’un groupe très éclaté sur le ter­rain, où la réus­site dépend de l’ac­tion locale de nom­breux col­lab­o­ra­teurs et où la rela­tion avec les parte­naires est très importante.

Dévelop­pées dans un cadre français, ces valeurs sont plus ou moins bien adap­tées aux cul­tures de dif­férents pays. Aux États-Unis par exem­ple, la rapid­ité de réac­tion est val­orisée bien davan­tage que le respect des col­lab­o­ra­teurs et la « pink slip » par laque­lle on peut être prévenu un ven­dre­di de son licen­ciement à compter du lun­di suiv­ant est une pra­tique qui ne choque per­son­ne. Dans d’autres pays, c’est le respect de l’au­torité ou l’équili­bre entre groupes qui peu­vent être les valeurs dominantes.

Nous avons cepen­dant décidé que nos valeurs devaient être inté­grale­ment main­tenues, quelle que soit la cul­ture du pays con­sid­éré. Nous avons observé qu’elles cor­re­spon­dent bien aux réal­ités de notre méti­er, mais aus­si sont bien accueil­lies par les col­lab­o­ra­teurs même lorsqu’elles ne cor­re­spon­dent pas à la cul­ture dom­i­nante. Ain­si une approche plus par­tic­i­pa­tive du man­age­ment sera bien accueil­lie et effi­cace, même dans une société de cul­ture très hiérarchique.

Respecter les cultures locales

En même temps, la réal­ité très locale de nos métiers nous impose un enracin­e­ment dans les cul­tures locales. Vis-à-vis de ses clients ou de son envi­ron­nement admin­is­tratif, notre groupe doit être perçu comme appar­tenant au milieu local. Nos col­lab­o­ra­teurs, s’ils doivent partager des valeurs com­munes, doivent rester pro­fondé­ment ancrés dans leur cul­ture, sans que nous souhaitions qu’ils devi­en­nent un « homo lafar­gen­sis » for­mé sur un moule commun.

Ce respect des cul­tures locales se traduit par exem­ple au niveau de la langue. La langue locale est bien évidem­ment la langue de tra­vail de cha­cune de nos sociétés. Et les expa­triés, dont la présence est néces­saire pour met­tre en œuvre le savoir-faire inter­na­tion­al du groupe, doivent faire des efforts pour appren­dre la langue locale, même lorsqu’elle est dif­fi­cile ou que son util­i­sa­tion ne paraît pas très utile à leur car­rière ultérieure.

Au niveau inter­mé­di­aire entre valeurs com­munes et réal­ités locales, il est néces­saire que les col­lab­o­ra­teurs du groupe puis­sent com­mu­ni­quer et tra­vailler ensem­ble, pour que se con­stru­ise et se partage l’ex­péri­ence, tech­nique et man­agéri­ale, qui représente l’a­van­tage com­péti­tif d’un groupe international.

Ces méth­odes de tra­vail en com­mun que j’ap­pelle, un peu abu­sive­ment, une « cul­ture de tra­vail », ont dû être élaborées et pré­cisées avec le temps.

Formaliser les méthodes de travail en commun

Le prob­lème des langues
L’un des aspects de la cul­ture de tra­vail est l’utilisation des langues. Il a été néces­saire de dévelop­per l’utilisation de l’anglais pour les échanges et la for­mu­la­tion du pat­ri­moine com­mun. Le français est resté, avec l’anglais, une des deux langues offi­cielles du groupe. Mais sa place est lim­itée par l’impossibilité pra­tique de deman­der sys­té­ma­tique­ment aux col­lab­o­ra­teurs de nou­veaux pays de le par­ler. Par con­tre, nous con­tin­uons à aider ceux qui veu­lent par­venir à des postes dirigeants, ou qui sont respon­s­ables de réseaux, à appren­dre le français, surtout pour qu’ils com­pren­nent mieux la part de la cul­ture du groupe qui est due à ses orig­ines françaises.
La mise en œuvre de ces principes, dégagés de l’expérience, a con­duit à une approche plus sys­té­ma­tique et à des proces­sus d’intégration à la fois plus énergiques et mieux maîtrisés. Dans l’ensemble, nos expéri­ences des années qua­tre-vingt-dix ont été plus faciles que les précé­dentes. Même en Chine, après des débuts dif­fi­ciles, nous avons réus­si à con­stru­ire des équipes chi­nois­es qui savent tir­er le meilleur par­ti des atouts spé­ci­fique­ment chi­nois et de l’expérience de Lafarge.

Dans les pre­mières années du développe­ment inter­na­tion­al, ce sont les équipes français­es qui étaient les déposi­taires de ces méth­odes et qui les dif­fu­saient dans le groupe. Ce proces­sus, large­ment informel, était pro­gres­sif, fondé sur les con­tacts inter­per­son­nels et l’ex­péri­ence accu­mulée. L’ac­céléra­tion du développe­ment, l’aug­men­ta­tion de la taille et l’im­pli­ca­tion de cadres de dif­férentes nation­al­ités ont imposé une approche beau­coup plus systématique.

Des poli­tiques, des « meilleures pra­tiques », des guides d’in­té­gra­tion ont été élaborés pour que de nou­veaux arrivants puis­sent com­pren­dre rapi­de­ment ce qui est atten­du d’eux. Par­al­lèle­ment se sont dévelop­pés les out­ils de com­mu­ni­ca­tion mod­ernes, qui per­me­t­tent à la fois des échanges plus rapi­des, la con­sul­ta­tion de bases de don­nées et l’or­gan­i­sa­tion du tra­vail en com­mun. Mais ils néces­si­tent aus­si un impor­tant tra­vail de stan­dard­i­s­a­tion. Et ils se heur­tent encore par­fois à la préférence française pour l’in­formel, ou le flex­i­ble, qui a car­ac­térisé his­torique­ment la cul­ture du groupe.

Un programme d’action : « Leader for tomorrow »

Mais il a paru impor­tant en 2002, après une péri­ode de crois­sance très rapi­de de Lafarge qui avait entraîné de pro­fonds change­ments et l’ar­rivée de nou­velles équipes dans de nou­veaux pays, d’aller plus loin et de refor­muler notre vision du groupe et de son style de man­age­ment. Ce pro­jet, que nous avons appelé « Leader for Tomor­row », était une façon d’in­té­gr­er des col­lab­o­ra­teurs de cul­tures dif­férentes, en même temps que d’adapter le groupe à un envi­ron­nement qui avait beau­coup changé et de pré­par­er le pas­sage à une nou­velle généra­tion de dirigeants. Les principes d’ac­tion du groupe, qui exis­tent depuis 1975, avec des mis­es à jour péri­odiques, ont été remis sur le chantier. Des groupes de tra­vail ont débat­tu les points les plus impor­tants. Et, par étapes suc­ces­sives, l’ensem­ble des 75 000 col­lab­o­ra­teurs du groupe ont par­ticipé à des réu­nions où le pro­gramme « Leader For Tomor­row » a été présen­té et discuté.

Au terme de cette impor­tante opéra­tion, une enquête a été lancée, avec la par­tic­i­pa­tion d’un con­sul­tant extérieur qui assur­ait l’anony­mat des répons­es, pour appréci­er les réac­tions et l’opin­ion de tous les col­lab­o­ra­teurs. Le taux de réponse a été de 70 %, ce qui est excel­lent pour ce genre d’en­quête. Mais surtout on a pu con­stater une assez grande homogénéité des répons­es sans qu’il soit pos­si­ble d’y trou­ver des lignes de cli­vage selon les pays ou les cul­tures. Il a été notam­ment intéres­sant de con­stater que les col­lab­o­ra­teurs améri­cains qui dix ans plus tôt affichaient un par­tic­u­lar­isme pronon­cé et un sen­ti­ment d’ap­par­te­nance au groupe rel­a­tive­ment lim­ité, ne se dis­tin­guaient plus dans leurs réac­tions des Européens ou de col­lab­o­ra­teurs d’autres pays. Ceux qui man­i­fes­taient l’e­sprit le plus cri­tique étaient finale­ment les col­lab­o­ra­teurs du siège et des fonc­tions centrales !

Comprendre les caractéristiques culturelles

Bien enten­du, ce résul­tat, et les efforts déployés pour tenir compte des dif­férences cul­turelles tout en recher­chant une meilleure inté­gra­tion, ne sig­ni­fient pas que nous ayons résolu tous les prob­lèmes qui nais­sent des dif­férences cul­turelles dans le groupe. Alors que nous com­pre­nions — ou pen­sions com­pren­dre — assez facile­ment les car­ac­téris­tiques cul­turelles des pays d’Amérique du Nord ou du Sud ou des pays européens, c’est beau­coup plus dif­fi­cile en Afrique ou en Asie. Or cette com­préhen­sion est néces­saire si nous voulons non seule­ment éviter les dif­fi­cultés cul­turelles mais, mieux encore, pren­dre appui sur les car­ac­téris­tiques des dif­férentes cul­tures pour être plus efficaces.

Afin de pro­gress­er dans cette direc­tion, nous avons fait con­duire, notam­ment par les équipes de Philippe d’Irib­arne, des études dans plusieurs pays d’Afrique, du Moyen-Ori­ent ou d’Asie Les résul­tats de ces études sont intéres­sants car ils con­fir­ment à la fois le décalage qui peut exis­ter entre le dis­cours man­agér­i­al du groupe et les cul­tures de ces pays, et en même temps l’im­por­tance d’af­firmer les principes du groupe, qui cor­re­spon­dent sou­vent à une attente des col­lab­o­ra­teurs, même s’ils heur­tent les pra­tiques cul­turelle­ment acceptées.

Dans plusieurs de ces pays les rela­tions de tra­vail sont vécues comme des rela­tions inter­per­son­nelles, mar­quées par des appar­te­nances famil­iales ou trib­ales, ou des préférences sup­posées, plutôt que déter­minées par une ratio­nal­ité d’ob­jec­tifs ou de per­for­mances. Un entre­tien d’é­val­u­a­tion est alors dif­fi­cile à réalis­er sans réac­tions émo­tion­nelles. Et pour celui qui doit pren­dre une déci­sion, il devient néces­saire de se référ­er à des règles objec­tives aus­si détail­lées que pos­si­ble afin de ne pas être soupçon­né de favoritisme ou d’ar­bi­traire. Ain­si, dans cer­tains cas, nous pou­vons être poussés beau­coup plus loin dans le sens d’un for­mal­isme qui serait con­sid­éré ailleurs comme bureaucratique.

Mais en même temps, le plus sou­vent, les principes pro­posés par Lafarge sont intel­lectuelle­ment accep­tés comme un idéal souhaitable et une sorte de lead­er­ship moral est atten­du de l’en­tre­prise plus que cela ne serait le cas dans un pays occi­den­tal. Dans un tel con­texte, les man­agers expa­triés qui seraient ten­tés de com­pos­er avec les réal­ités cul­turelles locales, doivent au con­traire assumer leur rôle de por­teur des méth­odes du groupe, en com­prenant les déter­mi­nants cul­turels sans pour autant accepter de s’y soumet­tre. Équili­bre dif­fi­cile pour lequel il est sans doute néces­saire de mieux pré­par­er nos collaborateurs.

Des traductions différentes

Un autre effet intéres­sant des dif­férences cul­turelles a été repéré par les chercheurs dans la com­para­i­son des dif­férentes tra­duc­tions des principes d’ac­tion. Ceux-ci ont été orig­inelle­ment rédigés à la fois en français et en anglais, puis traduit en 29 langues. Les ver­sions française et anglaise — ou plutôt améri­caine — bien qu’elles aient été rédigées par les mêmes per­son­nes, com­por­tent déjà des dif­férences liées aux nuances de la langue et donc au con­texte cul­turel dans lequel celle-ci a été util­isée. Mais des dif­férences plus frap­pantes ont été con­statées dans les tra­duc­tions réal­isées par les équipes locales. Les chercheurs ont ain­si noté que, dans la pre­mière ver­sion arabe — cor­rigée depuis — le rôle posi­tif du con­flit avait été gom­mé, car ne cor­re­spon­dant pas à une idée « accept­able » dans le pays où elle avait été faite.

Ces études se pour­suiv­ent et toutes les con­clu­sions n’en ont pas encore été tirées.

Vers de nouveaux défis

Comme on a pu le con­stater à la lec­ture de ces lignes, Lafarge est loin d’avoir com­plète­ment maîtrisé les dif­fi­cultés, mais aus­si les oppor­tu­nités que présen­tent les dif­férences cul­turelles dans notre monde apparem­ment globalisé.

Notre expéri­ence mon­tre cepen­dant qu’elles peu­vent être gérées, à la fois, dans le respect des dif­férences et avec l’af­fir­ma­tion des valeurs et méth­odes com­munes néces­saires au suc­cès de l’en­tre­prise. Mais nous pou­vons encore faire beau­coup de pro­grès dans une analyse plus con­sciente et plus sys­té­ma­tique de ces prob­lèmes. Car nous devons être con­scients que les vingt ou trente prochaines années, avec l’im­por­tance que vont pren­dre les pays émer­gents et notam­ment les pays asi­a­tiques, nous con­fron­terons avec de nou­veaux défis.

Tenir compte du passé
Dans plusieurs pays aus­si dif­férents que l’Allemagne de l’Est, la Grèce, la Jor­danie, ou la Chine, Lafarge a acquis des sociétés appar­tenant à l’État. Nous nous sommes trou­vés con­fron­tés, non seule­ment avec une cul­ture nationale dif­férente, mais aus­si avec un passé de l’entreprise mar­qué sou­vent par l’absence de con­traintes économiques, l’inefficacité et les inter­férences poli­tiques. Il est alors impor­tant de dis­tinguer entre ces dif­férents éléments.
 
Dans l’exemple chi­nois, la pre­mière tâche de l’équipe d’expatriés fut d’établir une exi­gence de tra­vail et de per­for­mance dans une usine où un effec­tif pléthorique, avec plus de vingt niveaux hiérar­chiques, avaient créé des habi­tudes de léthargie. Sor­tir des bureaux les « lits de repos » fut un des sym­bol­es de cette action « dis­ci­plinaire ». Plus tard, en voulant organ­is­er objec­tifs et entre­tiens d’appréciation, nos expa­triés furent con­fron­tés avec un prob­lème plus pro­fondé­ment cul­turel : com­ment faire accepter la perte de face liée à une appré­ci­a­tion néga­tive ? Et le débat sur le rôle des expa­triés, et leur rem­place­ment par des cadres chi­nois, a été par­ti­c­ulière­ment vif. Un cadre chi­nois notait que, si les étrangers avaient par­fois du mal à com­pren­dre les réal­ités chi­nois­es, du moins la com­mu­ni­ca­tion avec eux était moins com­pliquée et plus efficace !

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