Seul le vendeur est créateur d’emploi

Dossier : Dossier emploiMagazine N°542 Février 1999Par Pierre VOIDET

L’incitation à la vente est créatrice d’emplois et d’investissements

Tant que nous ne bâtirons pas notre stratégie à par­tir de cette évi­dence, on sera con­duit à manip­uler arti­fi­cielle­ment les sta­tis­tiques du chô­mage (sor­tie des chômeurs ayant tra­vail­lé plus de 78 heures, trans­fert des chômeurs de longue durée vers le RMI, départs anticipés à la retraite, etc.).

Le temps presse, et un rapi­de résumé de la sit­u­a­tion démon­tre la néces­sité de chang­er de base d’opéra­tion : nous voyons au pre­mier plan 12 mil­lions de per­son­nes en sit­u­a­tion de pré­car­ité (Rap­port du CERC n° 109), 6 mil­lions de per­son­nes vivant avec les min­i­ma soci­aux et 3 mil­lions de deman­deurs d’emploi. Cette pop­u­la­tion se sent aban­don­née, exclue et con­stitue un coût impor­tant pour la col­lec­tiv­ité. Les déficits soci­aux et budgé­taires qu’elle génère com­pro­met­tent l’avenir du pays ; les grandes entre­pris­es indus­trielles ne créeront que peu ou pas d’emplois durables en rai­son des effets con­jugués de la délo­cal­i­sa­tion et de l’automatisation.

En arrière-plan, on con­state que le redé­ploiement du com­merce inter­na­tion­al s’opère à notre détri­ment avec l’in­ten­si­fi­ca­tion de la con­cur­rence étrangère venant d’une part, de pays à bas salaires (un mil­liard de pro­duc­teurs sup­plé­men­taires en dix ans), et d’autre part, des multi­na­tionales déter­minées à con­quérir le marché mon­di­al (7 000 multi­na­tionales il y a vingt ans, 35 000 aujourd’hui).

De plus, la crise finan­cière actuelle, notam­ment en Asie, au Brésil, en Russie, etc., va per­me­t­tre à ces multi­na­tionales, grâce aux déval­u­a­tions com­péti­tives, d’a­cheter des entre­pris­es à vils prix, et de nous inon­der de pro­duits à des prix encore plus bas qu’au­jour­d’hui, en leur appor­tant les moyens financiers et com­mer­ci­aux qui leur font défaut actuellement.

Cer­tains écon­o­mistes assurent que l’im­por­ta­tion a peu d’in­flu­ence sur le chô­mage. L’ar­gu­ment avancé est le suiv­ant : “dans la Com­mu­nauté européenne, les échanges intra­com­mu­nau­taires représen­tent encore 60 % du total des échanges”. Si cette sta­tis­tique, exprimée en valeur, rete­nait le critère vol­ume, on mesur­erait plus objec­tive­ment l’in­ci­dence de l’im­por­ta­tion sur l’emploi. À titre d’ex­em­ple, les impor­ta­tions d’outil­lage à main en prove­nance de Chine représen­tent actuelle­ment 6 % en valeur et 24 % en vol­ume. De plus, un pro­duit importé d’Asie qui fran­chit plusieurs fron­tières européennes est compt­abil­isé à chaque fois comme un échange intracommunautaire.

Mal­gré cet envi­ron­nement très con­cur­ren­tiel, une forte crois­sance est encore pos­si­ble à con­di­tion que les pou­voirs publics se mobilisent pour activ­er tous nos poten­tiels disponibles afin de gag­n­er des parts du marché mon­di­al : les hommes (des mil­lions d’hommes et de femmes disponibles, notam­ment ceux ayant l’ex­péri­ence ou le pro­fil pour ven­dre), l’ar­gent (300 mil­liards dépen­sés pour l’emploi en 1996 dont 120 mil­liards par l’É­tat) et l’outil (un vivi­er de PME-PMI dont 120 000 PME expor­ta­tri­ces indépen­dantes qui ne réalisent actuelle­ment que 3 % du total de nos exportations).

La cou­ver­ture insuff­isante du risque à l’ex­port, le manque de fonds pro­pres, les cau­tions demandées par les ban­ques, les coûts de pro­duc­tion français et des marges lam­inées par la con­cur­rence étrangère qui réduisent notre capac­ité à inve­stir sont autant de hand­i­caps aggra­vant le risque de non-retour sur investisse­ment com­mer­cial, dif­fi­cile à appréci­er en ter­mes de délais et de taux, ce qui dis­suade l’en­tre­pre­neur d’in­ve­stir pour exporter par crainte du dépôt de bilan.

Nos PME et PMI1 sont un véri­ta­ble gise­ment de crois­sance et d’emplois à con­di­tion que l’É­tat prenne en compte ce risque de non-retour sur investisse­ment com­mer­cial, prin­ci­pal obsta­cle à la con­quête du marché mon­di­al par ces PME.

Il faut recon­sid­ér­er le dis­posi­tif de sou­tien à l’ex­por­ta­tion en par­ti­c­uli­er pour les plus petites PME, en aug­men­tant le bud­get et en amélio­rant les modal­ités de l’as­sur­ance prospec­tion Coface. 15 % de ces dossiers se ter­mi­nent par un dépôt de bilan mal­gré une sélec­tion sévère de la Coface et des DRCE. L’in­suff­i­sance de temps accordé à la PME pour amor­tir son investisse­ment à l’ex­por­ta­tion est la prin­ci­pale rai­son de ces défail­lances, surtout lorsqu’il y a créa­tion d’emplois com­mer­ci­aux à l’exportation2.

À par­tir de don­nées fournies par la DGSI, la DREE, le SESSI et le Com­mis­sari­at général au Plan et à con­di­tion de réduire le risque à l’ex­por­ta­tion, on peut estimer que si l’É­tat investis­sait 3 mil­liards chaque année pen­dant six ans, au prof­it du développe­ment à l’ex­por­ta­tion des PME-PMI indépen­dantes, sur six ans, on aug­menterait les expor­ta­tions de ces PME-PMI de 500 milliards3, ce qui créerait 2 000 000 d’emplois non aidés4, et économis­erait 232 mil­liards 5.

Un tel objec­tif est réal­is­able à con­di­tion qu’il y ait une volon­té poli­tique et la garantie que ni la logique sociale ni la logique économique ne soient sacrifiées.

Les PME doivent avoir l’as­sur­ance que les modal­ités de l’as­sur­ance prospec­tion Coface seront améliorées : verse­ment par la Coface à la PME, moyen­nant intérêts, d’une avance sur son bud­get export pour éviter le recours aux ban­ques (cau­tions), aug­men­ta­tion des péri­odes de garantie et d’amor­tisse­ment ain­si que l’aug­men­ta­tion de la quotité garantie.

Les salariés et les deman­deurs d’emploi doivent avoir l’as­sur­ance que les PME-PMI s’en­gageront, en échange d’une meilleure mutu­al­i­sa­tion du risque à l’ex­por­ta­tion, à réserv­er en pri­or­ité le sup­plé­ment de richess­es ain­si générées, à la créa­tion de nou­veaux emplois en garan­tis­sant pen­dant la durée du sou­tien la réser­va­tion aux pri­mo-deman­deurs d’emplois à l’in­ter­na­tion­al de 50 % des créa­tions d’emplois, le main­tien des béné­fices dans l’en­tre­prise pour ren­forcer les fonds pro­pres, un pour­cent­age de hausse des salaires de l’équipe dirigeante ne dépas­sant pas celui des salariés, et l’in­dex­a­tion de la masse salar­i­ale sur le chiffre d’af­faires réal­isé à l’ex­por­ta­tion cou­vert par cette procé­dure (le sup­plé­ment de masse salar­i­ale étant réservé à la créa­tion de nou­veaux emplois dans la PME).

Asso­ci­a­tion Créer des Emplois Autrement, 6, rue V. Carmi­gnac, 94110 ARCUEIL. Tél. : 01.46.65.32.10.

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1. Les marchan­dis­es représen­tent encore à ce jour 75 % du com­merce mon­di­al. C’est pourquoi, l’ac­cent doit être mis sur les expor­ta­tions indus­trielles. Les 25 % restants (trans­ports, assur­ances, ban­ques, tourisme d’af­faires) sont le plus sou­vent le pro­longe­ment de l’ac­tiv­ité industrielle.
2. Bien que la Coface con­firme qu’il faut sept ans à une PME pour amor­tir com­plète­ment son investisse­ment com­mer­cial à l’ex­por­ta­tion avec une assur­ance prospec­tion sim­pli­fiée (APS) Coface, la durée de cette procé­dure n’est tou­jours pas remise en cause, d’où la faible mobil­i­sa­tion des PME (moins de 800 nou­veaux dossiers par an).
3. CA annuel par salarié dans les petites et moyennes indus­tries indépen­dantes : 675 KF.
Un emploi indus­triel créé génère 1,7 emploi induit dans l’é­conomie, soit 1 emploi créé pour un CA de 250 KF.
Ratio actuel de l’as­sur­ance prospec­tion Coface : (1 à 48) 350 mil­lions coût pub­lic = 17 mil­liards de CA export.
Ce ratio a été réduit de 48 à 28 dans les esti­ma­tions annon­cées compte tenu des amélio­ra­tions demandées.
3 mil­liards investis x 6 ans x 28 (ratio estimé) = 500 mil­liards : 250 KF/salarié = 2 mil­lions d’emplois créés.
4. Les vendeurs export (emplois aidés) ne sont pas com­pris dans les 2 mil­lions d’emplois créés et non aidés.
5. Béné­fice pour les finances publiques lorsqu’un emploi non qual­i­fié, non aidé est créé : 125 KF.
Soit 2 mil­lions d’emplois créés x 125 KF = 250 mds — 18 mds investis (3 mds x 6 ans) = 232 mil­liards économisés.

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