Télécommunications, électricité et eau

Dossier : TélécommunicationsMagazine N°616 Juin/Juillet 2006
Par Hervé CORLAY (86)

Les marchés des télé­coms, de l’élec­tric­ité et de l’eau sont des marchés de com­mod­ités au sens où le four­nisseur ne peut pas val­oris­er (ou très dif­fi­cile­ment) son pro­duit avec des ser­vices addi­tion­nels. Sauf excep­tion comme Dell qui est par­venu à sor­tir de la ” com­modi­ti­sa­tion ” du marché du PC grâce à un mod­èle à la fois ” Low Cost ” et axé sur le ser­vice après-vente. Ce mod­èle est aujour­d’hui inégalé.

Il est courant d’ob­serv­er de fortes baiss­es de prix sur les marchés de com­mod­ités, du fait d’un acte d’achat ren­du plus sim­ple par la facil­ité à com­par­er les prix des pro­duits. Ain­si, les marges des four­nisseurs ne sont, en général, pas aus­si con­fort­a­bles que celles évo­quées ci-dessus.

Or force est de con­stater que, sur ces trois marchés, les prix restent à des niveaux con­fort­a­bles (télé­coms), voire aug­mentent forte­ment (élec­tric­ité, eau).

Cet arti­cle offre un décodage par­tiel afin d’ex­pli­quer ce paradoxe.

Par ailleurs, vos entre­pris­es ont, pour cer­taines, déjà mené des actions volon­taristes afin d’op­ti­miser les dépens­es liées aux télé­com­mu­ni­ca­tions, à l’élec­tric­ité ou à l’eau.

Cet arti­cle pro­pose des recettes addi­tion­nelles éprou­vées par l’ex­péri­ence pour aller encore plus loin et pay­er ces presta­tions au juste prix.

Les télécoms : des entreprises pénalisées par leur manque d’ambition et de clairvoyance

Le constat : les entreprises ne sont pas assez exigeantes envers leurs opérateurs

La minute de télé­phone (ou le réseau de don­nées) fournie par un opéra­teur est à peu près la même que celle de ses con­frères. Bien sûr les moyens mis en œuvre pour servir les clients aug­mentent avec la taille et les moyens financiers mais glob­ale­ment le pro­duit de base reste le même. Bien sûr, la qual­ité du pro­duit dif­fère selon les tech­nolo­gies employées.

Le grand pub­lic a bien com­pris que les télé­coms sont une com­mod­ité. Le par­ti­c­uli­er choisit ” X ” Télé­com pour sa télé­phonie, ” Y ” Télé­com pour son accès ADSL ou sa ” Box “.

Si les télé­coms sont réelle­ment une com­mod­ité, alors les opéra­teurs doivent ten­ter d’y ajouter du ser­vice. Mais le ser­vice dans les télé­coms pour les entre­pris­es existe-t-il vraiment ?

Dans les nom­breuses mis­sions d’op­ti­mi­sa­tion de coûts menées par Cristal Déci­sions pour ses clients grands comptes, le ser­vice réclamé par ses clients se lim­ite dans huit cas sur dix à ” un report­ing des con­som­ma­tions et une fac­tura­tion clairs “.

Fournir à son client un report­ing de ce qui lui est fac­turé ! Nous sommes proches de l’âge de pierre du service.

Cet exem­ple illus­tre la faible matu­rité de bon nom­bre d’en­tre­pris­es (y com­pris cer­taines du CAC 40) pour ce qui con­cerne leurs achats de ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tions. Cela est vrai pour la télé­phonie mais égale­ment pour les réseaux de données.

Pourquoi l’en­tre­prise ne serait-elle pas plus exigeante envers son four­nisseur quand elle règle des fac­tures de plusieurs cen­taines de mil­liers (voire mil­lions) d’eu­ros par an alors que le par­ti­c­uli­er change de four­nisseur d’ac­cès à Inter­net à la mai­son pour une dif­férence de 2,99 euros par mois ?

Le diagnostic : la torpeur hypnotique entretenue par les fournisseurs ?

Une grande par­tie des entre­pris­es est main­tenue dans une sorte de tor­peur hyp­no­tique qui s’ex­plique notam­ment par trois élé­ments clés :

• une tar­i­fi­ca­tion très com­plexe en rai­son des tar­ifs mul­ti­ples, non linéaires, à tiroir, et un mar­ket­ing des four­nisseurs par­faite­ment au point ;
 la promesse de ser­vices futurs inno­vants (con­ver­gence fixe-mobile-data, 3G, voix sur IP) plus sou­vent com­mer­cial­isés en mode ” push ” que pour répon­dre à de vrais besoins ;
 un marché qui se con­solide alors qu’il vient à peine de s’ou­vrir, avec la fusion de Neuf Télé­com et Cege­tel. Le dis­cours des acteurs s’u­ni­formis­era bien­tôt afin de ne pas réveiller l’en­tre­prise qui dort…

Cette ” tor­peur ” se traduit par une ambi­tion insuff­isante dans l’acte d’achat et des écarts de prix de par­fois 200 % pour un même ser­vice (télé­phonie ou data) chez le même opéra­teur selon que l’en­tre­prise met sur le sujet une focale suff­isante ou non.

Le remède

Le remède passe par la volon­té de se faire déshyp­no­tis­er et donc par une démarche volon­tariste néces­si­tant de pouss­er l’analyse des dépens­es, des modes de con­som­ma­tion, des besoins et de la démarche achat un cran plus loin que ce qui est fait, même au sein des meilleures direc­tions des achats.

L’en­tre­prise peut pour cela s’en­tour­er de véri­ta­bles experts qui dis­posent des con­nais­sances et argu­ments nécessaires.

L’électricité, une dépense ” complexe ” dans un marché ” structuré “, où les temps sont durs pour les électro-intensifs.

Le constat : des prix en forte hausse dans un marché très structuré

Le cas de l’élec­tric­ité est sim­i­laire aux télé­coms, dans le sens où, tant que les lim­ites de capac­ité de pro­duc­tion ne sont pas atteintes, le coût mar­gin­al de pro­duc­tion d’un élec­tron est faible. Les capac­ités de pro­duc­tion n’é­tant pas infinies, le jeu con­siste donc bien pour un pro­duc­teur d’élec­tric­ité à max­imiser la valeur qu’il retire de son out­il de pro­duc­tion en ven­dant 100 % de sa capac­ité au mieux sur le marché.

Le marché, ouvert depuis peu de temps, s’est très rapi­de­ment struc­turé autour de grands pro­duc­teurs et de petits dis­trib­u­teurs. Entre les pro­duc­teurs et les dis­trib­u­teurs, une ” bourse ” a été habile­ment insti­tuée qui per­met de fix­er un prix de marché de gros.

Qu’ob­serve-t-on ? des marges très con­fort­a­bles pour les pro­duc­teurs, des marges maigri­chonnes pour les dis­trib­u­teurs. Un acteur médi­a­tique dans la caté­gorie dis­trib­u­teur a récem­ment annon­cé un investisse­ment dans des capac­ités de pro­duc­tion, sans doute pour se pro­cur­er des élec­trons moins chers que sur le marché de gros.

Résul­tat de l’ou­ver­ture du marché : les prix mon­tent. De 30 €/MWh il y a trois ans, les prix sont aujour­d’hui aux alen­tours de 60 €/MWh ! Les coûts de pro­duc­tion ont-ils grim­pé de 100 % dans l’in­ter­valle ? Cer­taine­ment pas. Le ser­vice s’est-il amélioré ? Oui, mais de manière très mar­ginale : une entre­prise de 100 sites peut, depuis peu, recevoir une fac­ture unique pour l’ensem­ble de ses sites au lieu d’une fac­ture par site. C’est-à-dire, être traitée comme une entre­prise et non pas con­sid­érée comme un sim­ple particulier.

Âge de pierre, quand tu nous tiens…

Le marché de l’élec­tric­ité est un exem­ple fab­uleux de marché de com­mod­ités dans lequel les prix mon­tent. Un cas d’é­cole d’une ouver­ture de marché ratée ?

Le remède dépend fortement de la consommation de l’entreprise et de sa situation

Qu’est-il pos­si­ble de faire pour réduire la fac­ture d’élec­tric­ité des entreprises ?

Si votre entre­prise ou site est un gros con­som­ma­teur d’élec­tric­ité qui a fait jouer son éli­gi­bil­ité quand le marché était à 28 €/MWh, les temps sont durs et le res­teront. Vous encais­serez une hausse de prix lorsque votre con­trat arrivera à échéance. Vous pou­vez en revanche vous faire aider par des experts de ces marchés pour lim­iter les dégâts.

Pour cer­taines entre­pris­es indus­trielles pour lesquelles l’élec­tric­ité con­stitue une part impor­tante du coût de pro­duc­tion, la ten­ta­tion de la délo­cal­i­sa­tion est si forte que le sujet est même devenu politique.

Pour un site non ” élec­tro-inten­sif “, ou une entre­prise mul­ti­sites, la hausse des prix n’est pas une fatal­ité et des économies sur le prix d’achat peu­vent être faites, même dans un marché en hausse.

Cela néces­site de mon­ter en com­pé­tence sur le sujet si c’est un poste de dépens­es impor­tant ou d’ex­ter­nalis­er l’op­ti­mi­sa­tion auprès de spé­cial­istes si le jeu ne vaut pas l’in­vestisse­ment en interne, ce qui est générale­ment le cas.

L’eau, un marché où 3 entreprises sur 4 paient à leur insu des factures ” surdimensionnées ”

Troisième exem­ple de marché de com­mod­ités dans lequel des économies impor­tantes sont réalisables.

Le constat : une totale opacité des prix

Le ser­vice asso­cié à l’eau tel qu’il est perçu par l’en­tre­prise util­isatrice se réduit ici encore à sa plus sim­ple expres­sion : l’a­chem­ine­ment d’une eau pro­pre. Les choses sont comme d’habi­tude un peu plus com­pliquées. Le ren­force­ment des normes d’as­sainisse­ment, la néces­sité d’in­ve­stir dans le renou­velle­ment de canal­i­sa­tions vieil­lis­santes con­stituent de bonnes raisons pour que le prix de l’eau augmente.

Et effec­tive­ment, le prix de l’eau ne cesse d’aug­menter. De 10 % par an au début des années 90 à 5 % par an au début des années 2000, ce sont des taux de crois­sance triples de l’in­fla­tion, non soumis aux règles du marché.

Le prix de l’eau est con­sti­tué de nom­breux élé­ments dont près de 60 % sont liés à des tax­es divers­es dont il est impos­si­ble pour le pro­fane de décoder la sig­ni­fi­ca­tion ni la per­ti­nence. Fixé par la com­mune ou le groupe­ment de com­munes con­cernées, il est dif­férent d’une ville à l’autre, d’une activ­ité à l’autre. Ain­si chez un de nos clients, l’u­sine de Lyon paie son eau 13 % moins cher que le siège social à la Défense, mais 17 % plus cher que l’u­sine de Clermont.

Impos­si­ble de com­par­er car les règles sont trop com­plex­es, impos­si­ble de négoci­er car il n’y a qu’un fournisseur !

Pour­tant il est pos­si­ble de réduire le coût de l’eau : en s’as­sur­ant que les tax­es sont cor­recte­ment appliquées et en se faisant rem­bours­er les erreurs de facturation.

Le remède : il consiste à identifier et récupérer les erreurs de facturation et s’assurer que l’entreprise bénéficie de toutes les règles fiscales dérogatoires

Fait choquant : des erreurs de fac­tura­tion (involon­taires de la part des four­nisseurs) se retrou­vent dans 75 % des fac­tures ! Elles s’ex­pliquent sans doute par la com­plex­ité des règles qui régis­sent la tar­i­fi­ca­tion de l’eau : assi­ette d’ap­pli­ca­tion des tax­es, non prise en compte des fuites, erreurs d’in­dex, dou­blons… Il sem­ble que, dans cer­tains cas, le four­nisseur se perde dans son pro­pre tarif.

Pour réduire sa fac­ture, ou en lim­iter la hausse, l’en­tre­prise peut égale­ment faire appel à des spé­cial­istes de la fis­cal­ité de l’eau, qui pour­ront véri­fi­er la bonne appli­ca­tion des règles fis­cales (locales, régionales, nationales) et iden­ti­fi­er les éventuelles pos­si­bil­ités offertes pour en opti­miser le poids.

Les erreurs ou opti­mi­sa­tions sont par­fois tout à fait majeures : à titre d’ex­em­ple, une clin­ique s’est vu rem­bours­er l’équiv­a­lent de la moitié d’une année de con­som­ma­tion car ses fac­tures étaient erronées depuis qua­tre ans

En conclusion

Télé­coms, Élec­tric­ité, Eau : trois marchés de com­mod­ités aux car­ac­téris­tiques finale­ment sen­si­ble­ment différentes.

Dans ces trois marchés, les dirigeants et direc­tions achats qui le souhait­ent peu­vent donc aller encore plus loin et faire faire à leur entre­prise des économies substantielles.

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