Quelle écologie pour le XXIe siècle ?

Dossier : Libres ProposMagazine N°533 Mars 1998
Par Jacques BOURDILLON (45)

Héritages du passé

L’homme, la nature sauvage et la nature aménagée

Héritages du passé

L’homme, la nature sauvage et la nature aménagée

Depuis l’aube de l’hu­ma­ni­té, l’homme est en lutte avec la nature sau­vage qu’il s’ef­force de trans­for­mer en une nature amé­na­gée (villes, forêts, jar­dins…) laquelle consti­tue aujourd’­hui l’es­sen­tiel de son envi­ron­ne­ment. Cette nature est à la fois mer­veilleuse (fleurs, papillons, ciels…) et pro­fon­dé­ment hos­tile (vol­cans, inon­da­tions, trem­ble­ments de terre, épi­dé­mies, gel…) : cf. de Fran­çois Mon­nier, Terre Nour­ri­cière, L’Har­mat­tan, 1996. 

» Sommes-nous enne­mis ou amis de la nature ? Il s’a­git d’un faux pro­blème, car le poser revient à oublier que nous sommes nous aus­si la nature, que nous avons tou­jours fait par­tie des éco­sys­tèmes et que nous en ferons tou­jours par­tie, ce qui ne nous dis­pense pas de contri­buer aux équi­libres éco­lo­giques en tant que repré­sen­tants du règne ani­mal, dont nous par­ta­geons les exi­gences et les fai­blesses… La pla­nète est désor­mais par­ta­gée entre des ter­ri­toires res­tés sau­vages, et des ter­ri­toires amé­na­gés par les hommes pour consti­tuer leur cadre de vie (47 % des terres émergées)… 

Chaque com­po­sante végé­tale ou ani­male de l’é­co­sys­tème pri­mi­tif, que nos amé­na­ge­ments ont rem­pla­cé, va s’ef­for­cer jour après jour de se réins­tal­ler, et si l’homme aban­donne la par­tie, l’é­co­sys­tème se recons­ti­tue au plus vite. … Aucun ouvrage ne peut à la longue résis­ter au vent, à l’é­ro­sion, aux infil­tra­tions, au gel, à la cha­leur, à l’hu­mi­di­té, à la cor­ro­sion, à la rouille, aux ter­mites, aux vers, aux moi­sis­sures, aux pour­ri­tures… et pour faire bonne mesure, la nature sau­vage a fré­quem­ment recours à son artille­rie lourde : tem­pêtes, orages, inon­da­tions, cyclones, trem­ble­ments de terre, érup­tions, incen­dies… Aujourd’­hui, les der­niers restes d’Ang­kor sont assaillis par la jungle, tan­dis qu’Am­ster­dam et Venise sont mena­cées par les eaux, Naples par son vol­can, Tokyo et Los Angeles par des séismes. La nature sau­vage est là, par­tout, à l’af­fût. Notre nature amé­na­gée serait inca­pable de lui résis­ter si nous ces­sions de la pro­té­ger efficacement. » 

Cer­tains pro­posent de faire un choix entre l’homme (pré­da­teur) et la nature (bonne et accueillante). Ni l’u­ti­li­té ni la néces­si­té de ce choix ne me semblent s’im­po­ser : l’homme et la nature seront tou­jours indis­so­lu­ble­ment liés. 

Prométhée

Pro­mé­thée nous a légué la maî­trise du feu. L’homme est sou­vent pré­sen­té comme un appren­ti sor­cier, et Pro­mé­thée comme le pro­to­type de cet homme. 

Le Titan Pro­mé­thée (le pré­voyant) avait appris la sagesse de sa mère Thé­mis, il aurait contri­bué à la créa­tion de l’homme en façon­nant à par­tir d’une motte d’ar­gile des sta­tuettes aux­quelles Athé­na don­nait ensuite le souffle vital. Il a aidé les hommes contre les dieux, en leur offrant la nour­ri­ture, et le feu dont Zeus vou­lait les pri­ver pour les punir de leur méchan­ce­té. Son frère, Épi­mé­thée (celui qui réflé­chit après) était l’é­poux de Pan­dore célèbre pour avoir déver­sé sur la terre les maux enfer­més dans une boîte au fond de laquelle hélas était res­tée l’es­pé­rance.

Pro­mé­thée offrit à Zeus deux paquets : l’un conte­nait des abats, l’autre de la viande. Zeus choi­sit les abats, Pro­mé­thée la viande qui devint la nour­ri­ture des hommes, Pro­mé­thée déro­ba le feu céleste dans une tige de fenouil, et l’of­frit aux hommes qui purent se pré­ser­ver de la nature sau­vage, et déve­lop­per la métal­lur­gie, Zeus l’en­chaî­na sur le Cau­case et envoya un vau­tour lui dévo­rer le foie… jus­qu’au jour où Héra­clès le déli­vra en tuant le vautour. 

Pro­mé­thée prend le risque de faire confiance à une humani­té qu’il veut libre, ce qui n’est pas sans risque, il est por­teur d’es­pé­rance, il offre des outils pour déve­lop­per la cité et amé­na­ger l’en­vi­ron­ne­ment des hommes. Pro­mé­thée aujourd’­hui accep­te­rait les contraintes de la bioé­thique mais refu­se­rait l’ar­rêt de la crois­sance que cer­tains pro­posent au nom de la pré­cau­tion. Il faut le déli­vrer, non du vau­tour, mais du mau­vais pro­cès qui lui est fait et nous insé­rer dans la longue chaîne des efforts pro­mé­théens au ser­vice de la vie, en gar­dant l’es­pé­rance (cf. le livre de Fran­çois Jacob, La sou­ris, la mouche et l’homme, Odile Jacob) : 

» Pro­mé­thée repré­sente pour l’hu­ma­ni­té le sym­bole du com­bat contre la nature… Depuis tou­jours, l’homme n’a ces­sé de lut­ter, de lut­ter contre la misère, contre le froid, contre la mala­die, contre la vio­lence du monde qui l’en­toure, il a refu­sé de se plier aux lois de la nature, d’être un ani­mal, ou d’être seule­ment un ani­mal. Ce refus, il l’ex­prime depuis les ori­gines, depuis l’in­ven­tion du feu, de l’é­cri­ture et du cal­cul et dans cette lutte, la science est venue assez tard, four­nir des armes. En fait l’his­toire des sciences, c’est en quelque sorte l’his­toire de la lutte de la rai­son contre les véri­tés révélées. » 

La tradition judéo-chrétienne

Selon la Genèse, qui est à la source de la tra­di­tion juive et de la tra­di­tion chré­tienne, l’homme aurait été inves­ti par Dieu d’un véri­table pou­voir d’u­su­frui­tier, dans cette pers­pec­tive, il pour­rait, grâce aux sciences et aux tech­no­lo­gies, conti­nuer d’as­su­mer son rôle de véri­table jar­di­nier de la nature (La Genèse 1–28) :

» Soyez féconds, mul­ti­pliez, emplis­sez la terre et sou­met­tez-la ; domi­nez sur les pois­sons de la mer, les oiseaux du ciel, et tous les ani­maux qui rampent sur la terre, je vous donne toutes les herbes por­tant semence qui sont sur toute la sur­face de la terre et tous les arbres qui ont des fruits por­tant semence : ce sera votre nour­ri­ture. À toutes les bêtes sau­vages, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre, et qui est ani­mé de vie, je donne pour nour­ri­ture toute la ver­dure des plantes et il en fut ain­si. Dieu vit ce qu’il avait fait : cela était très bon. » 

Descartes, les Lumières, les saint-simoniens

J’ai choi­si mon camp en reven­di­quant l’hé­ri­tage des Grecs, des Judéo-Chré­tiens et des Arabes, il faut l’é­tendre aux hommes de la Renais­sance (Léo­nard de Vin­ci, Gali­lée), du XVIIe siècle (René Des­cartes), du XVIIIe siècle (les Lumières, les savants de la Révo­lu­tion), du XIXe siècle (Auguste Comte), à ceux du XXe, avec Luc Fer­ry et Domi­nique Bourg, Claude Fré­jacques, avec Claude Allègre et Georges Char­pak, avec Fran­çois Jacob et Axel Kahn, avec Alfred Sau­vy, et Éve­lyne Sul­le­rot, etc. 

Je pré­fère leur com­pa­gnie à celle des Mar­tin Hei­deg­ger, Jacques Ellul, Hans Jonas, Aldo Léo­pold, et autres Les­ter Brown. 

Domi­nique Bourg vou­drait rendre à la tech­nique sa place pri­mor­diale et fon­da­trice dans l’exis­tence même de l’homme. Il ne fonde pas ce choix sur une étude » coûts-avan­tages » des pro­grès (le bien-être don­né aux hommes vau­drait bien quelques espèces en moins !), en fait il va beau­coup plus loin : 

» Sans tech­nique, pas d’hu­ma­ni­té, car c’est au moyen des outils et des trans­for­ma­tions de son envi­ron­ne­ment que l’hu­main, ani­mal fabri­ca­teur autant que poli­tique ou par­lant, se pro­duit lui-même. » 

Les polytechniciens

Sor­tis d’une école créée par la Conven­tion ther­mi­do­rienne pour construire des bateaux, des ponts et des routes, ils sont les héri­tiers de Des­cartes, des Lumières, de Car­not, de Monge et d’Au­guste Comte, ils ont lar­ge­ment contri­bué aux inven­tions et aux amé­na­ge­ments modernes, ils veulent favo­ri­ser l’a­mé­lio­ra­tion conti­nue de l’en­vi­ron­ne­ment de l’homme et l’ac­crois­se­ment qua­li­ta­tif et quan­ti­ta­tif du patri­moine que nous légue­rons aux géné­ra­tions futures, ils sont concer­nés par la mise en place de cette éco­lo­gie du XXIe siècle, à refon­der sur » sciences, tech­niques, rai­son et imagination « . 

L’héritage global

Ain­si, nous sommes issus du métis­sage de la pen­sée grecque, des tra­di­tions judéo-chré­tiennes, de la pen­sée scien­ti­fique de tous les temps et de tous les pays (de Pytha­gore à Georges Char­pak en pas­sant par New­ton, Leib­niz et Marie Curie), de la tra­di­tion amé­na­giste de tous les âges (créa­teurs de villes, de jar­dins, de forêts, de pol­ders, de pay­sages, d’ou­vrages d’art quel­que­fois pha­rao­niques, etc.). 

La France, pour sa part, est plu­tôt bien dotée : nos ancêtres nous ont légué le pont du Gard, le Louvre, Ver­sailles, le via­duc de Gara­bit et le Mont-Saint-Michel, la géné­ra­tion des années 60 nous a légué l’Air­bus, le com­plexe de Rois­sy, des réseaux de trans­ports per­for­mants inté­grant les TGV et les auto­routes à péage (réseau maillé modeste et per­for­mant), un sys­tème de bar­rages et un parc de 56 cen­trales nucléaires (gage de notre indé­pen­dance éner­gé­tique, et contri­bu­tion sub­stan­tielle à la réduc­tion de la consom­ma­tion des res­sources fos­siles et des émis­sions de CO2).

Les Hol­lan­dais ont héri­té de leurs ancêtres un sys­tème de digues, bar­rages, pol­ders, qui leur per­met de se pro­té­ger contre les inon­da­tions venues de la terre ou de la mer, de vivre, de pra­ti­quer l’a­gri­cul­ture en zone inon­dable sur 30 % de leur territoire. 

L’écologie du XXIe siècle

Continuer ce combat incessant de l’homme contre la nature sauvage

On peut pen­ser que les dégâts subis par les Polo­nais et les Alle­mands du fait des crues de l’O­der, l’é­té 1997, sont impu­tables à l’ar­rêt momen­ta­né de la pour­suite de ce com­bat inces­sant contre la nature sau­vage (grave sous-inves­tis­se­ment dans les infra­struc­tures). Ce n’est cer­tai­ne­ment pas en sui­vant les recom­man­da­tions du WWF qui pré­co­nise le » réen­sau­va­ge­ment » des fleuves et rivières qu’ils évi­te­ront le retour d’une telle catas­trophe. Il serait urgent de conce­voir et de réa­li­ser un sys­tème de digues et de bar­rages aus­si effi­cace que le sys­tème des pol­ders hollandais. 

De même le sous-inves­tis­se­ment dra­ma­tique de l’ex-URSS dans le domaine des infra­struc­tures de trans­ports est l’une des causes de l’ef­fon­dre­ment de son éco­no­mie et de la pitoyable qua­li­té de son environnement. 

Or il est pos­sible de pro­mou­voir un déve­lop­pe­ment durable, en amé­lio­rant encore l’en­vi­ron­ne­ment, et en refu­sant tout mal­thu­sia­nisme démo­gra­phique et éco­no­mique, d’a­mé­na­ger la pla­nète sans la dégra­der, pour qu’elle héberge un jour une popu­la­tion de 10 mil­liards d’ha­bi­tants bien nour­ris dis­po­sant de la san­té, du confort, d’une mobi­li­té non réfré­née grâce à des infra­struc­tures de qua­li­té, d’une éner­gie abon­dante et bon mar­ché (rêve saint-simo­nien ?), en nous effor­çant de pri­vi­lé­gier l’in­té­rêt géné­ral tou­jours mena­cé par les inté­rêts locaux et indi­vi­duels, et nous mettre en situa­tion de léguer aux géné­ra­tions futures après l’a­voir enri­chi le patri­moine tech­nique, éco­no­mique et cultu­rel héri­té de nos ancêtres depuis les ori­gines de l’humanité. 

Il convien­dra d’a­bord de déce­ler les menaces sur l’en­vi­ron­ne­ment, puis de mettre en œuvre les pro­tec­tions néces­saires : études appro­fon­dies à long terme sur l’é­vo­lu­tion du cli­mat, recherches sur le nucléaire (nous avons besoin d’une éner­gie abon­dante et bon mar­ché), sur les trans­ports (la mobi­li­té est une liber­té fon­da­men­tale), sur le génie géné­tique (indis­pen­sable pour la san­té et l’a­li­men­ta­tion), etc. 

Développement économique, aménagement du territoire, croissance

Il existe des hommes et des femmes qui croient à l’exis­tence d’une étroite cor­ré­la­tion entre déve­lop­pe­ment éco­no­mique et inves­tis­se­ment (notam­ment infra­struc­tures de trans­ports) : je cite­rai Jacques Delors, Édith Cres­son, David Aschauer, Rémy Prud’­homme, Michel Savy, Émile Qui­net, Samuel Skin­ner, Chris­tian Geron­deau, etc. Ils sont tous par­ti­sans réso­lus d’une poli­tique de déve­lop­pe­ment éco­no­mique, (indis­pen­sable à une reprise de l’emploi) et d’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire (indis­pen­sable à la soli­da­ri­té spa­tiale). Des textes fon­da­teurs cohé­rents invitent à la réa­li­sa­tion de réseaux de san­té, de for­ma­tion, de culture, de trans­ports, d’éner­gie et de télé­com­mu­ni­ca­tions et au déve­lop­pe­ment de l’ac­ces­si­bi­li­té sur l’en­semble du territoire : 

– niveau euro­péen : le Livre blanc de Jacques Delors (Crois­sance, com­pé­ti­ti­vi­té, emploi), le trai­té de Maas­tricht (titre XII),
– niveau natio­nal : le décret du 1.4.1990 ins­ti­tuant le sché­ma auto­rou­tier fran­çais (Édith Cres­son), la loi du 4.2.1992 sur l’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire (loi Pasqua). 

Je cite­rai quatre textes (sachant que d’autres auteurs, non cités ici, sont en total désaccord). 

  • Rémy Prud’homme :
     » Plus le stock d’in­fra­struc­tures par habi­tant et par kilo­mètre car­ré d’une région est éle­vé, plus la pro­duc­ti­vi­té de cette région est élevée. »
     » L’im­pact éco­no­mique du stock d’in­fra­struc­tures de trans­ports dans une région est essen­tiel­le­ment l’aug­men­ta­tion de sa pro­duc­ti­vi­té (et non pas l’at­trac­tion des inves­tis­se­ments dans tel endroit plu­tôt que dans tel autre). » 
  • Samuel Skin­ner (secré­taire d’É­tat amé­ri­cain aux Transports) :
     » Aucune indus­trie dans le pays n’est plus impor­tante pour la crois­sance de l’é­co­no­mie amé­ri­caine et pour notre com­pé­ti­ti­vi­té inter­na­tio­nale que les trans­ports » Rap­port Moving America. 
  • La loi Pas­qua (article 17) :
     » Aucun point du ter­ri­toire ne devra se trou­ver à plus d’une demi-heure d’une gare TGV ou d’un échan­geur autoroutier. » 
  • Le Livre blanc de Jacques Delors : Crois­sance, com­pé­ti­ti­vi­té, emploi, les défis et les pistes pour entrer dans le XXIe siècle (Com­mis­sion européenne) : 

 
– axe de déve­lop­pe­ment n° 1
, les réseaux d’in­for­ma­tion : » Le monde vit actuel­le­ment une muta­tion des sys­tèmes de pro­duc­tion, d’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail, et des modes de consom­ma­tion dont les effets seront com­pa­rables à ceux de la pre­mière révo­lu­tion indus­trielle. … Le monde mul­ti­mé­dias s’ouvre. … Il ne s’a­git pas de retar­der cette muta­tion mais de la maîtriser. » 

- axe de déve­lop­pe­ment n° 2, les réseaux de trans­ports et d’éner­gie : » L’es­sor de l’Eu­rope dans l’his­toire repose sur la qua­li­té de ses réseaux de com­mu­ni­ca­tions qui ont per­mis à ses habi­tants d’ac­cé­der faci­le­ment aux res­sources natu­relles et tech­niques. … La pro­mo­tion des infra­struc­tures nou­velles per­met­tra de cir­cu­ler mieux, moins cher, pour amé­lio­rer la com­pé­ti­ti­vi­té, d’a­mé­na­ger le ter­ri­toire euro­péen pour évi­ter la concen­tra­tion des richesses et des popu­la­tions, de jeter un pont vers l’Eu­rope de l’Est. … Depuis dix ans nous avons ralen­ti notre effort d’in­ves­tis­se­ment dans le domaine des infra­struc­tures. … L’at­ten­tion insuf­fi­sante por­tée au déve­lop­pe­ment des infra­struc­tures entre pour par­tie dans la dégra­da­tion de la vie quo­ti­dienne … [Les] besoins de finan­ce­ment [sont] de 400 mil­liards d’é­cus en quinze ans. » 

Le rôle éminent des sciences et des techniques

Cer­tains, tel Jacques Tes­tard, vou­draient, au nom de l’é­thique, un mora­toire sur cer­taines recherches. D’autres s’in­quiètent, non sans rai­son, du mau­vais usage par l’homme de ses inven­tions (la guerre bac­té­rio­lo­gique, chi­mique et nucléaire). Éter­nel pro­blème depuis l’in­ven­tion du feu. Il existe aus­si un groupe d’in­tel­lec­tuels qui s’ef­force d’ac­cré­di­ter l’i­dée d’un tour­nant dans l’his­toire des sciences et d’an­non­cer la fin du pro­grès : on serait pas­sé de l’ère des cer­ti­tudes à celle des incer­ti­tudes, le pro­grès serait désor­mais une idée morte, je me réfère à la série d’ar­ticles parus dans Le Monde en juillet-août 1996 et aux ren­contres Pétrarque (Mont­pel­lier juillet 1997). 

Or cer­taines de ces idées sont fausses : depuis l’aube de l’hu­ma­ni­té, les sciences se sont tou­jours déve­lop­pées dans l’in­cer­ti­tude et grâce au doute métho­dique des scien­ti­fiques de tous les temps. Il est donc par­fai­te­ment inexact de dire que nous entrons dans l’ère des incer­ti­tudes, car nous n’en sommes jamais sor­tis et nous n’en sor­ti­rons jamais. C’est bien grâce à la rai­son que les pro­grès consi­dé­rables de tous les temps, et notam­ment ceux du xxe siècle, ont été réalisés. 

Enfin, cer­tains idéo­logues contri­buent à déve­lop­per la super­sti­tion sur le thème de la peur du nucléaire et du génie géné­tique (amé­lio­ra­tions ou mani­pu­la­tions ?) et pro­voquent à l’é­gard des inven­tions de l’homme des réac­tions de rejet par­fai­te­ment injus­ti­fiées. Mais, il y a aus­si le bon usage de la tech­nique et les bien­faits qu’elle apporte à l’hu­ma­ni­té, notam­ment en faveur de l’en­vi­ron­ne­ment (nucléaire pour le cli­mat, auto­routes pour la sécu­ri­té et le paysage). 

Alors, Fran­çois Jacob s’in­ter­roge (La sou­ris, la mouche et l’homme, Odile Jacob) : 

» Faut-il arrê­ter d’ap­prendre cer­taines choses par crainte de l’u­ti­li­sa­tion qui pour­rait être faite de cette connaissance ? » 

Sa réponse à la ques­tion est claire :

» Pour l’être humain, cher­cher à com­prendre la nature fait par­tie de la nature elle même. … Pas plus que l’on ne peut arrê­ter la recherche on ne peut n’en conser­ver qu’une par­tie. De toute façon, il n’y a rien à craindre de la véri­té, qu’elle vienne de la géné­tique ou d’ailleurs… » 

Il remet en pers­pec­tive l’é­vo­lu­tion des sciences :

» L’en­tre­prise scien­ti­fique repré­sente la plus grande réus­site de l’hu­ma­ni­té, c’est elle qui avec les arts a véri­ta­ble­ment per­mis à l’a­ven­ture humaine de se déve­lop­per dans toute son ampleur, mais ce qui a été accom­pli jus­qu’i­ci n’est qu’un début. En fait la science n’est pas vrai­ment née il y a trois cents ans, c’est seule­ment depuis un siècle qu’elle a com­men­cé à se déve­lop­per sys­té­ma­ti­que­ment, c’est seule­ment depuis cin­quante ans qu’elle a pris son rythme, qu’elle est deve­nue une sorte d’ins­ti­tu­tion, qu’elle s’é­pa­nouit dans le monde entier sans res­tric­tion de fron­tières, de nations, de langues, ou de religions. » 

Il nous pro­pose une conclusion :

» Le grand dan­ger pour l’hu­ma­ni­té n’est pas le déve­lop­pe­ment de la connais­sance, c’est l’ignorance. » 

Le nucléaire au secours du climat

La ques­tion de l’ef­fet de serre est abon­dam­ment évo­quée sous dif­fé­rents angles dans la grande presse et par le minis­tère de l’En­vi­ron­ne­ment : pré­pa­ra­tion de la Confé­rence de Kyo­to (après Rio et Ber­lin), alors qu’il y a gas­pillage d’éner­gie aux États-Unis, et besoins consi­dé­rables dans le Tiers-Monde, en Inde et en Chine. L’on peut s’in­ter­ro­ger sur le » réa­lisme « , ou plu­tôt sur » l’an­gé­lisme » de ceux qui croient à l’ef­fi­ca­ci­té du » bon exemple » que l’Eu­rope pour­rait don­ner à la Chine ou aux États-Unis. 

L’on peut aus­si s’in­ter­ro­ger sur les moyens que l’Eu­rope compte se don­ner pour réduire de 15 % ses émis­sions de CO2, alors que la consom­ma­tion (donc la pro­duc­tion) d’élec­tri­ci­té va croître : rem­pla­ce­ment des cen­trales à char­bon alle­mandes et sué­doises par des cen­trales nucléaires ? Très curieu­se­ment l’on doit consta­ter qu’à ce jour ni les médias ni le gou­ver­ne­ment ne se sont véri­ta­ble­ment pen­chés sur les moyens pra­tiques d’ob­te­nir la réduc­tion jugée sou­hai­table des émis­sions de CO2.

Or il appa­raît bien que l’éner­gie nucléaire est en l’é­tat actuel de la tech­no­lo­gie l’un des seuls moyens effi­caces d’ob­te­nir le résul­tat que l’on veut s’im­po­ser (ce serait aus­si le moyen d’é­li­mi­ner le plu­to­nium mili­taire dont il fau­dra bien se débar­ras­ser !). Appa­raît alors clai­re­ment une contra­dic­tion entre le choix du déve­lop­pe­ment durable (le cli­mat des géné­ra­tions futures) et le refus de l’éner­gie nucléaire. Citons Renaud Abord de Châ­tillon (69), ex-conseiller de Corinne Lepage, (Libé­ra­tion du 15.8.1997) :

» Le choix fait il y a plus de vingt ans d’en­ga­ger le pays dans la voie nucléaire a pro­fon­dé­ment chan­gé notre mode de vie : abon­dance d’éner­gie élec­trique à un coût rai­son­nable, tout en assu­rant l’in­dé­pen­dance natio­nale, l’in­ves­tis­se­ment s’est mon­té à plus de 1 000 mil­liards de francs. Résul­tats : dou­ble­ment du taux d’in­dé­pen­dance éner­gé­tique de la France, qui atteint main­te­nant plus de 50 %, mais aus­si une baisse signi­fi­ca­tive des rejets de gaz à effet de serre (taux de rejet par habi­tant deux fois moindre qu’en Alle­magne, trois fois moindre qu’aux États-Unis)… 

La sur­gé­né­ra­tion était la réponse intel­li­gente aux alarmes du Club de Rome, elle devait per­mettre de pro­duire de l’élec­tri­ci­té jus­qu’en l’an 3000… Mais, dans un contexte d’a­bon­dance éner­gé­tique dans les pays riches, certes tem­po­raire, mais bien réel, la sur­gé­né­ra­tion est han­di­ca­pée par son coût… C’est pour­quoi dès la fin des années 80, une autre voca­tion a été envi­sa­gée pour Super­phé­nix : deve­nir un outil de recherche et d’in­ci­né­ra­tion des déchets nucléaires… Il devrait éga­le­ment pou­voir appor­ter des ensei­gne­ments en matière d’a­bais­se­ment des coûts et d’a­mé­lio­ra­tion de la sûreté. » 

Or deux déci­sions viennent d’être prises : arrê­ter Super­phé­nix, renon­cer à construire la cen­trale nucléaire de Car­net dans l’es­tuaire de la Loire (rai­son : pro­tec­tion d’un site incom­pa­rable). Deux autres déci­sions sont à prendre (toutes deux à l’ho­ri­zon 2010) : réduire ou ne pas réduire nos émis­sions de gaz car­bo­nique (enga­ge­ment inter­na­tio­nal), renou­ve­ler et pro­ba­ble­ment accroître notre parc de cen­trales élec­triques. Il convient de ne pas tar­der à choi­sir entre de nou­velles cen­trales nucléaires (encore plus per­for­mantes : il fau­drait les expé­ri­men­ter dès main­te­nant par un pre­mier pro­to­type) et d’autres cen­trales (au char­bon, au fioul ou au gaz). 

Or le mora­toire en matière d’éner­gie nucléaire cou­plé avec le choix du gaz natu­rel est ima­gi­nable (et même éco­no­mi­que­ment ten­tant !) mais il faut bien savoir que les cen­trales à gaz pro­duisent du CO2 et consomment de l’éner­gie non renou­ve­lable et que, dans l’hy­po­thèse de ce choix, les géné­ra­tions futures auront davan­tage de gaz car­bo­nique mais n’au­ront plus le com­bus­tible qui aura été consom­mé, et que les enga­ge­ments inter­na­tio­naux de la France ne seront pas tenus. Par ailleurs (Super­phé­nix fer­mé) il fau­dra bien pour­suivre nos recherches sur les réac­teurs à neu­trons rapides (domaine où la France est performante). 

Les priorités, la nécessaire hiérarchie des nuisances

Il ne faut pas se trom­per d’en­ne­mi. L’argent public étant limi­té, il semble bien qu’en l’ab­sence d’un choix rai­son­né et consen­suel des prio­ri­tés l’on risque de dépen­ser des sommes consi­dé­rables pour réduire une nui­sance mineure alors que l’on ne fera rien pour sup­pri­mer une nui­sance majeure. Quelques exemples : 

  • si l’on demande aux construc­teurs et aux pétro­liers des efforts sur les moteurs et les car­bu­rants pour réduire la pol­lu­tion de l’air dont les effets sont rela­ti­ve­ment faibles, on peut être sûr qu’ils les feront (on évi­te­ra ain­si peut-être 300 décès par an) ; 
  • dans le même temps quelles sommes consa­cre­ra-t-on à la sécu­ri­té (freins, direc­tion, légis­la­tion) : l’on sait qu’il y a 8 000 morts par an par acci­dents de la route ; 
  • que fait-on contre le tabac, contre l’al­cool ? On sait que la mor­ta­li­té par taba­gisme actif et pas­sif est de l’ordre de 70 000 vic­times par an (35 000 pour l’alcool) ; 
  • si l’on décide de fixer le taux de radio­ac­ti­vi­té accep­table par an pour un homme à un niveau infé­rieur à celui que reçoit la moyenne des Fran­çais du fait de la radio­ac­ti­vi­té natu­relle, on risque à la fois de rui­ner l’É­tat (la tota­li­té du bud­get sera absor­bée par cette tâche impos­sible), d’in­ter­dire toute recherche nou­velle sur le nucléaire, de sup­pri­mer défi­ni­ti­ve­ment les radio­gra­phies, en tout cas les radiothérapies. 


Pour être effi­cace dans la pour­suite de nos objec­tifs, il convient donc de se poser la ques­tion fon­da­men­tale sui­vante, d’où viennent les menaces les plus graves contre l’en­vi­ron­ne­ment et le déve­lop­pe­ment durable ?

Les réponses à cette ques­tion sont sou­vent discordantes : 

- prio­ri­tés de l’OMS : » l’ab­sence d’as­sai­nis­se­ment, l’in­suf­fi­sance de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment en eau potable, le manque de salu­bri­té des ali­ments, la pol­lu­tion de l’air à l’in­té­rieur des habi­ta­tions et dans les pays en déve­lop­pe­ment, le carac­tère mal­sain des loge­ments « . L’on pour­rait ajou­ter le pro­blème du trai­te­ment et du sto­ckage des déchets de l’a­gri­cul­ture, de l’in­dus­trie et des ménages, celui de la recherche d’une éner­gie abon­dante, bon mar­ché et non pro­duc­trice de gaz car­bo­nique (d’où l’im­por­tance fon­da­men­tale du nucléaire civil), celui du désar­me­ment nucléaire (com­ment consom­mer le plu­to­nium accu­mu­lé par les arse­naux des puis­sances nucléaires, sinon dans les cen­trales civiles ?), celui des acci­dents de la route, etc. 

Or il est facile de consta­ter que les prio­ri­tés de cer­tains mou­ve­ments éco­lo­gistes ne coïn­cident abso­lu­ment pas avec celles que nous venons de citer : leurs cibles favo­rites sont la pol­lu­tion de l’air dans les villes et non à l’in­té­rieur des habi­ta­tions (où l’on trouve des aca­riens et des taux de NO2 consi­dé­rables du fait des cui­sines au gaz), les cen­trales nucléaires qu’il fau­drait déman­te­ler, les trans­ports qu’il fau­drait réduire (et par­ti­cu­liè­re­ment les infra­struc­tures auto­rou­tières, les aéro­ports et les TGV), la sur­po­pu­la­tion (consi­dé­rée comme un dan­ger majeur), les usines d’in­ci­né­ra­tion (pro­duc­trices de dioxine), les pro­duits chi­miques (notam­ment le chlore, bête noire de cer­tains d’entre eux), les pes­ti­cides, etc. 

Cita­tion de Ber­nard Oudin (Pour en finir avec les éco­los, Gal­li­mard 1996) : 

» Un mil­liard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable, deux mil­liards vivent dans un état d’hy­giène déplo­rable, 5 mil­lions meurent de dys­en­te­rie et l’on choi­sit le mal­thu­sia­nisme, l’on s’op­pose au déve­lop­pe­ment, l’on pré­fère par­ler de couche d’o­zone, d’ef­fet de serre, de pro­tec­tion de la chouette tache­tée, ou de l’ours des Pyré­nées, et s’at­ta­quer aux pro­duc­teurs de chlore (indis­pen­sable pour four­nir l’eau potable à ceux qui ne l’ont pas notam­ment dans le Tiers-Monde). » 

Cita­tion de la revue Indus­trie et Envi­ron­ne­ment (n° 69 du 6 août 1997) : 

» Par­mi les prio­ri­tés de l’OMS, on n’en retrouve aucune qui soit une prio­ri­té éco­lo­giste, au contraire, une orga­ni­sa­tion éco­lo­giste, dans son achar­ne­ment contre le chlore, va direc­te­ment à l’en­contre de l’im­pé­rieuse néces­si­té d’as­sai­nir les eaux des­ti­nées à la consom­ma­tion… Pen­dant que l’un des géno­cides les plus graves du siècle se dérou­lait dans la région des Grands Lacs, les éco­lo­gistes étaient mobi­li­sés sur la ques­tion de la pro­tec­tion des éléphants ! » 

Le principe de précaution et le risque zéro

Aujourd’­hui, dès qu’ap­pa­raît un pro­blème, on pro­pose de ne rien faire en appli­ca­tion du fameux » prin­cipe de pré­cau­tion « . Or l’ap­pli­ca­tion de ce prin­cipe ne doit pas être faite » sans pré­cau­tion » : les risques d’une appli­ca­tion impru­dente pour­raient être consi­dé­rables. La ques­tion du risque zéro doit être exa­mi­née en même temps avec la même vigi­lance. Réflexions emprun­tées à C. Fré­jacques, J.-L. Funck-Bren­ta­no et C. Souleau : 

  • Du doyen de l’U­ni­ver­si­té Paris X, Charles Sou­leau (Châ­te­nay-Mala­bry, 22.7.1997) :
     » Zéro risque n’est-il pas équi­valent à zéro progrès ? » 
  • De J.-L. Funck-Bren­ta­no (Le Monde des 2930 octobre 1995) :

    » Il est frap­pant de consta­ter que les don­nées médi­cales réunies depuis cin­quante ans par les ins­tances inter­na­tio­nales les plus cré­dibles et les plus fiables n’ap­portent aucune jus­ti­fi­ca­tion à la ter­reur qu’ins­pire aujourd’­hui l’éner­gie nucléaire. Il est plus frap­pant encore que les fan­tasmes qui se veulent médi­caux sur­vivent à leur incon­sé­quence et laissent se déployer des dan­gers, ceux-là très réels de la recherche d’un inac­ces­sible risque zéro. » 

    » Le rayon­ne­ment nucléaire à faibles doses fait par­tie inté­grante des com­po­sants de la nature dans son accep­tion la plus large. Depuis la nuit des temps, l’homme s’en est par­fai­te­ment bien accom­mo­dé et il conti­nue de le faire aujourd’hui. »
     » Pré­co­ni­ser la recherche du risque nucléaire zéro est dérai­son­nable et dan­ge­reux car cela dévoie la juste appli­ca­tion du prin­cipe de précaution. » 

  • De Claude Fré­jacques (Le Monde des Débats de février 1993) :
     » Depuis une ving­taine d’an­nées, le CIPR (ins­ti­tu­tion hau­te­ment res­pec­table) a ten­dance à adop­ter des normes de » pré­cau­tion » pour ne pas don­ner prise aux cri­tiques des anti­nu­cléaires. C’est ain­si que ces normes sont éta­blies à par­tir des résul­tats épi­dé­mio­lo­giques recueillis après les irra­dia­tions subies en très peu de temps à la suite des explo­sions de Naga­sa­ki et d’Hi­ro­shi­ma. Pour les normes d’ir­ra­dia­tion – vie durant, c’est-à-dire à débit de doses faibles – un coef­fi­cient cor­rec­teur de 2 a été admis alors que la plu­part des bio­lo­gistes l’es­timent à envi­ron 10. Les normes sont donc pro­tec­trices d’un fac­teur 5 envi­ron. Bra­vo, bra­vo, direz-vous. Oui, mais appli­quées aux popu­la­tions vic­times de l’ac­ci­dent de Tcher­no­byl, ces normes ont conduit les auto­ri­tés russes à éva­cuer d’of­fice toute per­sonne qui, res­tée sur place, aurait reçu 0,7 gray la vie durant. Soit envi­ron 200 000 habi­tants. Un article récent indi­quait que, à la suite de cette dépor­ta­tion for­cée, il y aurait plus de morts par alcoo­lisme et par dépres­sion ner­veuse qu’il n’y en aurait eu si ces per­sonnes étaient res­tées sur place… Il faut signa­ler par ailleurs que, rien qu’en France et en Suède, beau­coup plus de 200 000 per­sonnes logées dans des mai­sons bien iso­lées ther­mi­que­ment rece­vront, vie durant, des doses supé­rieures à 0,7 gray, dues au radon pré­sent dans leur appar­te­ment, et que per­sonne ne parle de les dépla­cer d’office. » 


N. B. : radon 222 dû à la radio­ac­ti­vi­té natu­relle tel­lu­rique qui peut varier de 1 à 1 000 selon le site (en Bre­tagne, 3 à 4). 

L’intérêt général

Cette notion fait par­tie de notre héri­tage mais elle a beau­coup per­du de sa popu­la­ri­té et a grand besoin d’être remise en honneur. 

Tout amé­na­ge­ment nou­veau, utile pour la col­lec­ti­vi­té (qu’il s’a­gisse d’un bar­rage, d’une auto­route, d’une ligne élec­trique à haute ten­sion, d’un pol­der, d’un ouvrage d’art), néces­site for­cé­ment une atteinte à des inté­rêts par­ti­cu­liers (expro­pria­tion et modi­fi­ca­tion de l’en­vi­ron­ne­ment), qui doit être indem­ni­sée de façon équi­table, il n’est donc pas éton­nant que, pour obte­nir cette indem­ni­sa­tion, les rive­rains tentent de mobi­li­ser les médias et les orga­ni­sa­tions éco­lo­gistes, mais il ne serait pas nor­mal qu’à cette occa­sion la prio­ri­té qu’un État démo­cra­tique doit tou­jours accor­der à l’in­té­rêt géné­ral soit occul­tée par l’ex­pres­sion d’in­té­rêts particuliers. 

L’in­té­rêt géné­ral est clai­re­ment concer­né notam­ment dès lors qu’il s’a­git d’in­fra­struc­tures de trans­ports, d’éner­gie nucléaire, de génie géné­tique, domaines où la tech­no­lo­gie peut se mettre au ser­vice de l’en­vi­ron­ne­ment. Il se trouve en outre que dans ces trois domaines la France jouit d’une excel­lente posi­tion internationale. 

Paysage et patrimoine

L’un des objec­tifs qu’il faut nous fixer sera bien évi­dem­ment l’en­ri­chis­se­ment du pay­sage et du patri­moine par des œuvres d’art et aus­si des ouvrages d’art qui devraient être au XXe siècle (aus­si, et pour­quoi pas) plus beaux que ceux des siècles pas­sés : le via­duc de Mil­lau doit être mis en concur­rence avec le pont du Gard et le via­duc de Gara­bit, comme l’Arche de la Défense riva­lise avec les Arcs de Triomphe du Car­rou­sel et de l’É­toile. L’exemple des auto­routes ou des TGV est édi­fiant : de plus en plus nom­breux sont les exemples de la beau­té des ouvrages d’art et de leur par­faite inté­gra­tion dans le pay­sage, qu’elles contri­buent sou­vent à amé­lio­rer, et à mettre en valeur. 

Faut-il alors décré­ter que les lignes à haute ten­sion sont laides alors que l’on accepte bien volon­tiers les caté­naires des nou­veaux tramways… 

Je crois donc utile de citer quelques lignes d’un petit ouvrage de Jacques Lacar­rière : Mon bel aujourd’­hui (édi­tions J.-C. Lat­tès) que j’ai beau­coup aimé et qui consti­tue selon moi une anti­dote effi­cace à la dic­ta­ture esthé­tique à laquelle cer­tains vou­draient nous soumettre : 

« J’aime le siècle où je suis né, je m’y sens bien, et je n’ai jamais feint, comme tant d’autres, de m’y croire inadap­té ou exi­lé… J’ai pas­sé mon enfance dans un monde engoué de méca­nique… J’ai gran­di au milieu des garages, des ter­rains d’a­via­tion, de l’es­sence, des gaz, de l’huile, des fumées, et c’est là que j’ai très tôt res­pi­ré les fer­ments et les odeurs du siècle… Je ne me sens pas sys­té­ma­ti­que­ment conster­né par les pay­sages urbains d’au­jourd’­hui ni par les chan­ge­ments du monde rural. Je regarde par­fois sans fré­mir, et sou­vent même avec plai­sir, les châ­teaux d’eau, les grues et les via­ducs, et il m’ap­pa­raît de plus en plus que ce monde moderne a une beau­té à lui, des inven­tions irrem­pla­çables, des trou­vailles de génie qui auraient sûre­ment plu, ou n’au­raient pas déplu à, disons, Bal­zac ou Bau­de­laire. Je pense sou­vent à eux devant les muta­tions et les inno­va­tions de notre siècle. » 

L’enrichissement du patrimoine

Au XXIe siècle l’homme doit se don­ner les moyens de pour­suivre le tra­vail entre­pris il y a des mil­lé­naires à l’é­poque de Pro­mé­thée pour amé­na­ger son cadre de vie, grâce aux sciences et à la tech­nique, et trans­mettre aux géné­ra­tions futures un patri­moine enrichi. 

Ce patri­moine nous devons nous dépê­cher de l’en­ri­chir encore : 

– d’a­bord en libé­rant les sciences et les tech­niques des car­cans que l’on vou­drait leur impo­ser par des mora­toires et des inter­dits injustifiés ; 

– ensuite en libé­rant nos conci­toyens de l’i­gno­rance et des super­sti­tions qui génèrent l’im­mo­bi­lisme et font obs­tacle au progrès ; 

– enfin en libé­rant les éco­lo­gistes eux-mêmes de leurs extré­mistes et de leurs inté­gristes, pour qu’ils puissent rejoindre les arti­sans du progrès. 

Dans cet héri­tage que nous devons trans­mettre, il fau­dra ajou­ter la satis­fac­tion de quelques besoins fon­da­men­taux à l’é­chelle d’une popu­la­tion de 10 mil­liards d’hommes : nour­ri­ture (quan­ti­té et qua­li­té), mobi­li­té (liber­té fon­da­men­tale ins­crite dans notre loi d’o­rien­ta­tion des trans­ports inté­rieurs), éner­gie (qui devra être abon­dante et bon mar­ché). Nous aurons à léguer à nos des­cen­dants notamment : 

  • Des infra­struc­tures de transports
    Pre­nons l’exemple des auto­routes fran­çaises : haut niveau de ser­vice, faible linéaire, forte capa­ci­té de tra­fic, sécu­ri­té éle­vée. Leur contri­bu­tion à la qua­li­té de l’en­vi­ron­ne­ment est consi­dé­rable (trai­te­ment des eaux, murs anti­bruits, décou­verte du pay­sage et du patri­moine, enri­chis­se­ment du pay­sage, bio­topes (superbes réserves éco­lo­giques arti­fi­cielles), dépen­dances vertes, qua­li­té esthé­tique des ouvrages, etc.) alors que celle des routes ordi­naires est bien sou­vent néga­tive. Les dépen­dances vertes des Socié­tés conces­sion­naires d’au­to­routes où se déve­loppe une remar­quable bio­di­ver­si­té flo­ris­tique et fau­nis­tique repré­sentent une sur­face de 65 000 ha, et devraient s’ac­croître de 12 000 ha d’i­ci 2004. Le pay­sage est trai­té avec soin notam­ment par uti­li­sa­tion des images de syn­thèses, Corinne Lepage a remis le Grand Prix du Pay­sage 1997 à Ber­nard Las­sus, plas­ti­cien et pay­sa­giste réa­li­sa­teur d’a­mé­na­ge­ments pay­sa­gers sur les auto­routes françaises. 
  • L’éner­gie nucléaire
    Léguer aux géné­ra­tions futures une éner­gie abon­dante et bon mar­ché. En France l’éner­gie est abon­dante et bon mar­ché parce qu’elle est nucléaire, elle est gage de notre indé­pen­dance éner­gé­tique, mais aus­si du res­pect de nos enga­ge­ments inter­na­tio­naux, à pro­pos des émis­sions de gaz car­bo­nique. Parce qu’elle est bon mar­ché cette éner­gie contri­bue à l’ex­cé­dent de notre balance com­mer­ciale si l’on veut bien accep­ter des lignes haute ten­sion à tra­vers les Alpes et les Pyré­nées. Or le modèle fran­çais pour­rait lar­ge­ment être expor­té pour le bien de la pla­nète, mais appa­rem­ment ce n’est pas la prin­ci­pale pré­oc­cu­pa­tion aujourd’hui. 
  • Le génie génétique
    Cette recherche est indis­pen­sable à la san­té et à l’a­li­men­ta­tion des hommes par l’a­gri­cul­ture et l’a­gro-ali­men­taire (deux élé­ments fon­da­men­taux de notre environnement). 


Fran­çois Jacob témoigne :
 » Quand à la fin des années 70, les éco­lo­gistes ont vou­lu inter­dire la pour­suite des recherches sur le génie géné­tique ils n’ont pas été sui­vis, et toute la méde­cine, aujourd’­hui, repose sur les recherches effec­tuées depuis lors. » 

L’écologie contre l’écologisme

Pour mettre en place une éco­lo­gie ouverte et huma­niste, il fau­drait aus­si en finir avec un éco­lo­gisme anti­hu­ma­niste, mal­thu­sien, idéo­lo­gique, gas­pilleur de fonds publics, pas­séiste, conser­va­teur et catas­tro­phiste, et notam­ment les risques de blo­cage de la crois­sance, les mythes géné­ra­teurs d’i­gno­rance et de super­sti­tion, les idéo­lo­gies mor­ti­fères de certains. 

Je crois utile avant de conclure de pré­sen­ter (en for­çant peut-être le trait) les ten­dances inté­gristes qui existent en éco­lo­gie (comme d’ailleurs en poli­tique ou en reli­gion), je me hâte d’a­jou­ter que ces ten­dances existent sur­tout en Alle­magne et aux États-Unis, et que les éco­lo­gistes fran­çais dans leur très grande majo­ri­té (mais il y a des excep­tions) ne se recon­naissent pas en elles. Ceci étant dit je pense aus­si que dans l’in­té­rêt même de la cause qu’ils défendent, les vrais éco­lo­gistes devraient se démar­quer clai­re­ment des extré­mistes, notam­ment à pro­pos de Super­phé­nix et de La Hague, des auto­routes et des TGV, de la recherche en génie géné­tique et de l’u­ti­li­sa­tion de plantes trans­gé­niques. Ceci pour les rai­sons suivantes : 

Les risques de blocage

Une cer­ti­tude, l’é­co­lo­gie est désor­mais par­tout : où que vous soyez, quoi que vous fas­siez, vous contri­buez à amé­lio­rer ou à dété­rio­rer l’en­vi­ron­ne­ment, de ce fait vous êtes un cou­pable poten­tiel, comme vous auriez pu l’être autre­fois dans un autre domaine lorsque la reli­gion était en quelque sorte » jume­lée avec l’É­tat « , avant l’é­mer­gence de la laï­ci­té. On sait que la reli­gion, comme l’É­tat se sont trou­vés très bien de la sépa­ra­tion qui avait sus­ci­té tant d’in­quié­tudes injus­ti­fiées. On peut espé­rer qu’un jour la même laï­ci­té s’é­ten­dra aus­si à l’é­co­lo­gie et que les ser­vices du minis­tère de l’En­vi­ron­ne­ment (sa tâche accom­plie) seront enfin reven­ti­lés dans le cadre des grandes admi­nis­tra­tions cen­trales et régionales. 

En fait, nous assis­tons en cette fin de siècle à une lente évo­lu­tion vers un blo­cage géné­ra­li­sé de l’ac­tion de l’homme sur son envi­ron­ne­ment (et de l’ac­tion de l’homme en géné­ral) et ce blo­cage s’é­tend peu à peu à la plu­part des acti­vi­tés humaines, et nous vivons l’ère des mora­toires : sur les trans­ports, le nucléaire, les bar­rages, les amé­lio­ra­tions géné­tiques, la recherche scien­ti­fique… que sais-je encore. 

Ce blo­cage n’existe peut-être pas encore en France, mais il existe cer­tai­ne­ment déjà en Suède, et pro­ba­ble­ment en Alle­magne, mais cer­tai­ne­ment pas en Asie. 

Les mythes

Les mythes éco­lo­gistes sont nom­breux, avec Ber­nard Oudin, nous citerons : 

  • la forêt vierge : tout est mieux ailleurs qu’ici, 
  • le pas­sé béni, le bon vieux temps : tout était mieux jadis, 
  • le retour à la terre prô­né par Maur­ras, Pétain, Michel Serres…, Pol Pot (Khmer vert ?), 
  • le bon sau­vage (admi­ra­tion pour les grands chefs indiens Ours Debout et Seattle), 
  • la mobi­li­té cause de tous les maux, et qui engendre le cosmopolitisme, 
  • les trans­ports et par­ti­cu­liè­re­ment les aéro­ports et les auto­routes (un autre fléau), 
  • la ville : pay­san cou­pé de ses ori­gines, vic­time du mirage des villes tentaculaires, 
  • le nucléaire : notre source de vie trans­for­mée en cau­che­mar mortifère, 
  • la moder­ni­té, la noci­vi­té du pro­grès contre­par­tie d’un appau­vris­se­ment spirituel, 
  • le prin­cipe de pré­cau­tion et le risque zéro.

Les méthodes

• Le catas­tro­phisme (lar­ge­ment ampli­fié par les médias et très aimé du grand public), l’u­ti­li­sa­tion sys­té­ma­tique de la peur : nucléaire, temps détra­qué, cli­mat, catas­trophes indus­trielles, épi­dé­mies (Harold Cam­ping a eu beau­coup de suc­cès pour avoir pré­vu la fin du monde pour sep­tembre 1994). L’af­faire de La Hague en est un excellent exemple, citons Indus­trie et Envi­ron­ne­ment, n° 169 du 6 août 1997 : 

» La France vit dans un délire média­tique, orga­ni­sé par les ter­ro­ristes de la dés­in­for­ma­tion contre un fleu­ron de sa tech­no­lo­gie à savoir l’u­sine de retrai­te­ment et de recy­clage nucléaire de La Hague. » 

Or, comme disait Tal­ley­rand : » Tout ce qui est exces­sif est insignifiant. » 

• L’u­ti­li­sa­tion cynique du bon cœur et de la pitié natu­relle des hommes, cita­tion de Paul Watson : 

» La liste des espèces en dan­ger s’é­lève à plus d’un mil­lier et le phoque n’y figure pas, mais de tous les ani­maux du monde, c’est de très loin le meilleur pour la col­lecte des fonds. » 

• L’é­co­ter­ro­risme en Europe : on se sou­vient des ava­tars de Shell lors de l’af­faire » Brent Spar » : le 14 juin 1995, des coups de feu étaient tirés sur une sta­tion ser­vice Shell de Franc­fort, le 16, une sta­tion de Ham­bourg était incen­diée, le 19, un pom­piste reçoit un colis pié­gé (actions désa­vouées par les res­pon­sables qui avaient tout fait pour dra­ma­ti­ser l’af­faire). Shell a fini par céder au boy­cott, les res­pon­sables ont par la suite recon­nu que leurs chiffres étaient faux et ont offert leurs excuses. La grande presse n’a pas eu le cou­rage de condam­ner la méthode et les men­songes. En France des agres­sions ont été com­mises contre des chan­tiers d’autoroutes. 

• L’é­co­ter­ro­risme aux États-Unis, des éco­ter­ro­ristes s’en prennent aux bar­rages pour pro­té­ger les sau­mons, il existe aus­si le tris­te­ment célèbre Una­bom­ber qui jus­qu’à son arres­ta­tion envoyait des colis pié­gés à des scien­ti­fiques de renom cou­pables de sym­bo­li­ser la science (cause de tous les maux !). 

• Le ter­ro­risme intel­lec­tuel : On est mon­tré du doigt si l’on ose se décla­rer pour la mobi­li­té, pour les auto­routes, pour le nucléaire ; l’i­dée est de déclen­cher un com­plexe de honte : honte d’u­ti­li­ser son auto­mo­bile (les mili­tants éco­lo­gistes uti­lisent leurs voi­tures pour aller à leurs mee­tings), honte de plan­ter un piton dans une arête rocheuse (vio­lente réac­tion d’un guide de haute mon­tagne qui estime qu’il en a le droit au nom de la sécurité). 

Une cita­tion du doyen Charles Sou­leau Uni­ver­si­té Paris Sud XI : » L’a­po­ca­lypse envi­ron­ne­men­tale décrite par Green­peace et Crii­rad relève de l’ordre reli­gieux (plu­tôt de la secte inté­griste), c’est en quelque sorte la ter­reur de l’an 2000… Si les éco­lo­gistes fon­da­men­taux veulent deve­nir effi­caces, à Dieu ne plaise, il fau­dra trans­for­mer notre pays en Répu­blique éco­lo­gique verte diri­gée par les aya­tol­lahs que l’on connaît ailleurs, où ils uti­lisent la même cou­leur sym­bo­lique… nous sommes terrorisés ! » 

• L’u­ti­li­sa­tion intel­li­gente et quel­que­fois cynique des » savants « , cer­tains sont à l’é­vi­dence de bonne foi : Ara­go que nous aimons pour son immense œuvre scien­ti­fique avait pour­tant pré­dit en 1836 que le pas­sage en tun­nel pro­vo­que­rait des pleu­ré­sies et des fluxions de poi­trine. Mais il en est d’autres qui prêtent main forte aux éco­lo­gistes pour des moti­va­tions moins nobles : inté­rêts par­ti­cu­liers, se faire connaître, trou­ver des cré­dits, soif d’argent de cer­taines mul­ti­na­tio­nales vertes. 

• Le recours à des élé­ments faus­se­ment scien­ti­fiques : mau­vaises sta­tis­tiques, fausses cor­ré­la­tions, scé­na­rios ris­qués, uti­li­sa­tion de chiffres faux ou incom­plets, labo­ra­toires soi-disant indé­pen­dants (en fait tota­le­ment inféodés). 

Or la science consiste à se méfier de soi-même : science = incertitude. 

L’idéologie

Ber­nard Oudin nous la pré­sente : » Nous sommes invi­tés à un éga­li­ta­risme éco­sphé­rique (droits des ani­maux, des arbres, des forêts, des rivières, des mon­tagnes, des océans). » Dans cette vision, l’homme serait un ani­mal comme un autre (mais à sur­veiller plus que les autres car il est un redou­table prédateur). 

La deep eco­lo­gy n’est pas une inven­tion du XXe siècle : pour s’en convaincre, il suf­fit de cher­cher à tra­vers l’his­toire les puni­tions infli­gées à Pro­mé­thée, à Ève, aux construc­teurs de la tour de Babel, les grandes peurs de l’an mil, et, au XIXe siècle, les oppo­si­tions à la construc­tion du che­min de fer. 

Le XXe siècle, lui, apporte en outre de nou­veaux adeptes que Luc Fer­ry (Le nou­vel ordre éco­lo­gique), Domi­nique Bourg (L’homme arti­fice, le sens de la tech­nique, Gal­li­mard) et Ber­nard Oudin (Pour en finir avec les éco­los) nous présentent : 

– les écrits de Hans Jonas et James Love­lock qui font pas­ser la Nature avant l’homme, ceux des Amé­ri­cains Aldo Léo­pold et Chris­to­pher Stone (Le Sier­ra Club), de l’Aus­tra­lien Peter Sin­ger (Ani­mal Libe­ra­tion), du Nor­vé­gien Arne Naess, défen­seurs des droits des miné­raux, des végé­taux, des animaux ; 

– faut-il ajou­ter Hei­deg­ger, Jacques Ellul et Michel Serres (Le Contrat Natu­rel) ?

Il existe une variante de la deep eco­lo­gy, la deep green eco­lo­gy : les Amé­ri­cains Richard Syl­van et David Ben­nett (The Gree­ning of Ethics) ajoutent une vision éco­po­li­tique et une condam­na­tion du capi­ta­lisme et du libé­ra­lisme (sans voir que l’ex-URSS a été le théâtre des pires catas­trophes écologiques). 

Conclusion

En ne condam­nant pas l’é­co­ter­ro­risme, et les méthodes d’or­ga­nismes à la recherche de l’argent des naïfs au grand cœur, on jette le dis­cré­dit sur les autres mou­ve­ments éco­lo­gistes. En fei­gnant de croire que la Crii­rad est un orga­nisme indé­pen­dant, on dis­cré­dite la science.

Je n’ai aucune inquié­tude sur la vic­toire finale de la rai­son et de la véri­té sur les inté­grismes de tous poils. Mise à l’é­preuve des réa­li­tés, j’es­père que l’é­co­lo­gie (qui devrait rede­ve­nir une science) qui souffre d’une mala­die de jeu­nesse s’en sor­ti­ra gran­die et amé­lio­rée, et que le monde entier béné­fi­cie­ra de cette muta­tion salu­taire. Une inter­ro­ga­tion sub­siste sur la durée de cette muta­tion : il faut en effet du temps pour se débar­ras­ser des idéo­lo­gies mor­ti­fères des Hans Jonas, Les­ter Brown et autres Aldo Léo­pold, et de cer­taines méthodes condamnables. 

Pour pré­ser­ver et, mieux encore, amé­lio­rer l’en­vi­ron­ne­ment, il s’a­git donc : 

– de rompre avec « l’i­déo­lo­gie anti­hu­ma­niste » et les mythes qu’elle char­rie, et de refu­ser le « ter­ro­risme » (pas seule­ment intel­lec­tuel), et les autres méthodes de cer­tains par­tis éco­lo­gistes, de lut­ter contre l’i­gno­rance et les superstitions, 

– de remettre l’homme au centre du débat, en d’autres termes de reve­nir à l’an­thro­po­cen­trisme et de renouer avec l’hé­ri­tage judéo-chré­tien, avec Des­cartes, les Lumières, et les tra­di­tions polytechniciennes, 

– de réha­bi­li­ter les sciences, les tech­niques, le progrès. 

Grâce à l’homme, les véri­tables remèdes aux atteintes à l’en­vi­ron­ne­ment seront un sur­croît de science, de tech­nique, de réseaux struc­tu­rants et d’industrie.

Biblio­gra­phie

Les livres

  • Abord de Châ­tillon Renaud : La poli­tique des trans­ports en France : entrer dans le xxie siècle, (Eska).
  • Aca­dé­mie des Sciences rap­port 34 : Les effets bio­lo­giques introu­vables des faibles débits de doses de radia­tions ioni­santes, Ray­mond Devo­ret, Miro­slav Radman. 
  • Behr Edward : Une Amé­rique qui fait peur. 
  • Bour­dillon Jacques : Les réseaux de trans­ports fran­çais face à l’Eu­rope, La Docu­men­ta­tion Française. 
  • Bourg Domi­nique : L’homme arti­fice, le sens de la tech­nique, Gal­li­mard (le débat). 
  • Char­pak Georges : Feux fol­lets et cham­pi­gnons nucléaires, Odile Jacob. 
  • Com­by Bru­no : Le nucléaire, ave­nir de l’é­co­lo­gie, F.-X. de Guibert. 
  • Décrets du 1er avril 1992 : le sché­ma direc­teur rou­tier natio­nal, le sché­ma direc­teur grande vitesse fer­ro­viaire, Jour­nal officiel. 
  • Dre­wer­mann Eugène : Le pro­grès meur­trier, Stock 93, L’im­mor­ta­li­té des animaux. 
  • Dron Domi­nique : Pour une poli­tique sou­te­nable des trans­ports, La Docu­men­ta­tion Française. 
  • Eas­ter­brook Greag : A moment of the earth, the coming age of the envi­ron­men­tal opti­mism, New York, Viking Press, 1995. 
  • Fer­ry Luc : Le nou­vel ordre écologique. 
  • Gau­chet Mar­cel : Sous l’a­mour de la nature, la haine de l’homme, Peurs et Valeurs, Le Débat de mai-août 1990. 
  • Geron­deau Chris­tian : Les trans­ports en France, 1994 (Trans­ports Actua­li­tés). Les Trans­ports en Europe, 1996 (EDS éditions). 
  • Jacob Fran­çois : La sou­ris, la mouche et l’homme, Odile Jacob. 
  • Lacar­rière Jacques : Mon bel aujourd’hui. 
  • Lamour Phi­lippe : L’é­co­lo­gie, oui, les éco­lo­gistes, non, Plon, 1978. 
  • Loi d’o­rien­ta­tion des trans­ports inté­rieurs du 30 décembre 1982 dite LOTI. 
  • Loi sur l’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire du 4 février 1995 dite loi Pasqua. 
  • Oudin Ber­nard : Pour en finir avec les éco­los, Gal­li­mard, 1996. 
  • Qui­net Émile : Envi­ron­ne­ment les temps dif­fi­ciles, Com­men­taire 72, hiver 1995–1996.
  • Simon­net Domi­nique : L’écologisme. 
  • Sor­man Guy : Le capi­tal suite et fin (inter­view de Les­ter Brown, p. 497). 
  • US Depart­ment of trans­por­ta­tion : Moving Ame­ri­ca : New Direc­tions, New oppor­tu­ni­ties, 26−2−90 (A sta­te­ment of the Secre­ta­ry of trans­por­ta­tion, Samuel Skin­ner, pré­fa­cé par le pré­sident Bush). 

Les articles

  • Abord de Châ­tillon Renaud : Super­phé­nix, un savoir-faire à pré­ser­ver, Libé­ra­tion, 15.8.1997.
  • Funck-Bren­ta­no J.-L. : Limites et dan­gers du prin­cipe de pré­cau­tion, Le Monde, 2930.10.1995.
  • Fré­jacques Claude : Dos­siers à risques, gérer la com­plexi­té, Monde des Débats, 2.1993.
  • Gre­nier Emma­nuel : Radio­ac­ti­vi­té, les mar­chands de la peur, Fusion, n° 64, jan­vier et février 1997. 
  • Le Monde, juillet-août 1996, Le pro­grès, une idée morte ? Série d’articles. 
  • Sohei Kon­do, pro­fes­seur à l’u­ni­ver­si­té d’O­sa­ka : Cal­mons les angoisses dues aux retom­bées de Tcher­no­byl, Fusion, n° 64, jan­vier et février 1997. 
  • Ste­ven­son Robert‑E. : Réchauf­fe­ment glo­bal le point de vue d’un océa­no­graphe, Fusion, n° 65 mars 1997. 

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