Quarante annuités dans la jungle et toujours la vie devant soi

Dossier : ExpressionsMagazine N°634 Avril 2008
Par Jean-Marc CHABANAS (58)

La » pro­mo­tion 58 « , qui avait témoi­gné dans nos colonnes il y a quelques mois (voir n° 631 de jan­vier 2008), avait été mar­quée par la guerre. De dix ans plus jeune, la » pro­mo­tion 68 » l’au­ra été plu­tôt par l’ins­ta­bi­li­té. Voi­ci les témoi­gnages de quelques cama­rades arri­vant cette année, du moins théo­ri­que­ment, en fin de carrière.

Une carrière assez heurtée

Coups et blessures garantis

Je me suis tou­jours per­çu comme une super-méca­nique intel­lec­tuelle, mais socia­le­ment déca­lée, donc isolée

» Deve­nir entre­pre­neur, quelle belle occa­sion de construire réel­le­ment affirme Fran­çois Maré­chal qui a connu au moins quatre car­rières dif­fé­rentes. Mais, cri­ti­quer son patron, se brouiller avec son asso­cié, dépo­ser le bilan, voi­là des coups et bles­sures garan­tis, qui ensuite cica­trisent. » Jacques Bon­grand, qui a com­men­cé par une vie théo­ri­que­ment mono­li­thique au sein de la Délé­ga­tion géné­rale pour l’ar­me­ment, n’en a pas été pour autant moins bous­cu­lé. » Ma car­rière a com­por­té un tour­nant. Jus­qu’à mon pas­sage à qua­rante-quatre ans en cabi­net minis­té­riel (la décou­verte d’un monde nou­veau), j’é­tais assez stable. De retour, j’ai beau­coup bou­gé. Ma pro­gres­sion hié­rar­chique a ralen­ti pour des rai­sons obs­cures. J’ai eu l’im­pres­sion d’é­vo­luer dans une jungle à par­tir d’un cer­tain niveau. Mais, j’ai exer­cé des fonc­tions variées et passionnantes. » 

Des problèmes financiers

Bru­no Mar­tin-Val­las, lui, n’hé­site pas à évo­quer » une car­rière erra­tique et pénible finan­ciè­re­ment « , où il s’est retrou­vé chô­meur à plu­sieurs reprises, en pro­fi­tant pour rédi­ger quelques ouvrages de réflexion sur l’hu­ma­ni­té ou les enjeux mon­diaux (« au suc­cès stable, c’est-à-dire nul « , convient-il avec humour). Pour lui, » une satis­fac­tion, avoir cla­ri­fié ce que je trou­vais essen­tiel ; un regret, n’a­voir pas réus­si à le par­ta­ger avec d’autres. » Autre satis­fac­tion encore, » ma vie de famille, mon épouse, mes enfants « . Quant à Gérard Blanc, il voit sa car­rière comme » une suite de bifur­ca­tions, l’ayant ame­né à prendre de nou­velles orien­ta­tions de façon durable « . 

Une retraite utile

La retraite pro­chaine ? » Pas de retraite avant soixante-cinq ans, en 2014 « , pro­clame Fran­çois Maré­chal. » J’i­ma­gine de me pré­pa­rer à quelques actions conti­nues à temps par­tiel, du style éco­no­mi­co-social, juge de paix, conseiller prud’­homme, » busi­ness angel « , etc. » Bru­no Mar­tin-Val­las, qui entre­prend de construire un gîte pour se créer un com­plé­ment de reve­nus, veut » conti­nuer d’es­sayer de faire per­cer ce que je trouve utile « . Jacques Bon­grand s’en remet­tra » aux oppor­tu­ni­tés et peut-être aux contraintes finan­cières « . Mais, dit-il, » j’ai quelques idées direc­trices : cher­cher des expé­riences nou­velles aus­si utiles que pos­sible, asso­cia­tives ou autres, plu­tôt qu’une acti­vi­té qui ne soit qu’un pâle reflet de res­pon­sa­bi­li­tés anté­rieures ; pré­ser­ver une cer­taine liber­té pour mes rela­tions per­son­nelles, mon déve­lop­pe­ment humain et spi­ri­tuel et sans doute écrire encore si j’en ai la pos­si­bi­li­té. » Gérard Blanc n’y a pas encore pen­sé, esti­mant » qu’il faut dis­tin­guer sta­tut et activité « .

Quelques conseils aux jeunes

Profiter des expériences

» Au début de car­rière, on peut bou­ger assez libre­ment parce que la pyra­mide est large « , rap­pelle Jacques Bon­grand aux plus jeunes qui vou­draient s’o­rien­ter vers l’Ad­mi­nis­tra­tion. » Après, il ne s’a­git plus de choi­sir tel ser­vice, mais de rem­pla­cer un tel. Il faut sai­sir les oppor­tu­ni­tés et l’on est beau­coup moins maître de sa tra­jec­toire. Donc, pro­fi­ter des pre­miers postes pour faire les expé­riences qui nous paraissent indis­pen­sables pour la suite. »

Vic­time d’un acci­dent de san­té à 43 ans, Gérard Blanc estime » avoir su culti­ver la chance, en exploi­tant des voies ébau­chées depuis des années pour retrou­ver une acti­vi­té indé­pen­dante (rédac­tion d’ou­vrages, confé­rences, cours de for­ma­tion) « . Il se féli­cite de » l’aide morale de nom­breux cama­rades » et de » l’aide finan­cière appor­tée par l’AX dans des moments dif­fi­ciles « . » Il est impor­tant de se créer un réseau d’a­mi­tiés solides et de gens sur qui l’on peut compter. » 

Aller à l’intuition

» Aller à l’in­tui­tion, accep­ter la pas­sion et ses lou­pés, pré­co­nise Fran­çois Maré­chal. S’ap­puyer sur quelques années de pra­tique tech­nique avant d’é­vo­luer éven­tuel­le­ment vers la ges­tion. Ne jamais négli­ger les rela­tions humaines, fami­liales, clients, col­la­bo­ra­teurs. » Bru­no Mar­tin Val­las, lui, conseille de » trou­ver un ter­ri­toire qui parle pour la vie, donc durable pour soi-même, que ce soit un métier, un sec­teur d’ac­ti­vi­té, une zone géo­gra­phique, ou un milieu social, qu’im­porte. En connais­sant ce ter­ri­toire qui vous pas­sionne, en y pla­çant vos choix de postes pro­fes­sion­nels, vous serez comme un chas­seur au milieu de son gibier. Les oppor­tu­ni­tés vien­dront à vous. Vous y res­pi­re­rez en progressant. »

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