Cinquante ans d’expérience et pas une ride

Dossier : ExpressionsMagazine N°631 Janvier 2008
Par Jean-Marc CHABANAS (58)

« Avoir la con­fi­ance de ses hommes, à la vie, à la mort, est une expéri­ence extra­or­di­naire » se sou­vient Frédéric Mar­tinet, pour qui « le méti­er qui m’a le plus apporté est celui d’of­fici­er du génie. » Les sept cama­rades de la « Pro­mo 58 », qui ont bien voulu retrac­er leur car­rière pour La Jaune et la Rouge, s’ac­cor­dent pour con­sid­ér­er ces années de fin de la guerre d’Al­gérie comme une expéri­ence par­ti­c­ulière­ment marquante.

« La vie est courte », souligne Frédéric Mar­tinet. « Il faut opti­miser la ges­tion de son temps de vie, en con­sid­érant la pro­fes­sion comme un moyen plutôt que comme un but. L’essentiel est d’être heureux. »

Une succession d’opportunités

Tous ont exer­cé plusieurs métiers, sans l’avoir tou­jours voulu.
« C’est une suite d’événe­ments qui m’a fait chang­er », souligne Michel Rochet. « Ici, on est venu me chercher, pour appli­quer mes con­nais­sances de l’in­for­ma­tique dans la Banque. Là, on m’a incité au départ, en rai­son d’une con­cep­tion des rela­tions sociales s’é­car­tant de l’orthodoxie. »
Michaël Temenides, lui, a con­nu des virages d’or­dre poli­tique. « Après dix-sept ans d’ex­péri­ence accu­mulée dans une entre­prise routière, je me suis heurté à un nou­veau slo­gan : « moins de béton, plus de ges­tion » qui n’é­tait pas dans mes idées et qui a mar­qué le début de la régres­sion en matière de loge­ments soci­aux, à l’o­rig­ine de la pénurie actuelle. »
Il s’est alors ori­en­té vers la sidérurgie, car « spé­cial­iste de la con­struc­tion, je con­nais­sais les débouchés de l’aci­er ». Il en retient la leçon qu’il est « très impor­tant de con­naître un volet de l’ac­tiv­ité de celui qui vous recrute et par­ti­c­ulière­ment des débouchés ». 
L’en­vie de tout con­naître Pas­cal Roux, que sa voca­tion, née à l’É­cole, a con­duit à la prêtrise, s’est beau­coup con­sacré à la recherche. « Les vrais chercheurs, dit-il, sont dés­in­téressés. » Il a aus­si tra­vail­lé auprès d’ar­ti­sans menuisiers ou d’é­tu­di­ants non sci­en­tifiques, « milieux très dif­férents du nôtre, mais passionnants ».
Michel Rochet con­firme « qu’il est très enrichissant de décou­vrir un monde du tra­vail, par­fois assez fruste, tout à fait dif­férent de celui que nous connaissons ».
« Chang­er sou­vent de secteur est extrême­ment souhaitable », renchérit Frédéric Mar­tinet, qui se sou­vient « avoir tâté du com­mer­cial dans la pêche à la ligne » ou « m’être recon­ver­ti à plus de cinquante ans dans l’im­mo­bili­er, dont j’ig­no­rais tout ».
« Notre for­ma­tion nous a don­né une très grande capac­ité d’adapt­abil­ité », con­clut Michaël Temenides. « Nous savons analyser les tâch­es, con­naître à fond un méti­er et con­naître ses débouchés pour plus facile­ment en changer. »

Un esprit d’indépendance

Pour Jean Sous­se­li­er, tout se résume en un mot, « l’indépen­dance ». « En Algérie, j’é­tais seul. Quand j’ai créé une entre­prise de logi­ciels, j’é­tais seul. » Certes, il est par­fois un peu oppres­sant d’être seul, avec des échéances matérielles à très court terme. On croit alors que la solu­tion est de se ven­dre à plus gros que soi. Mais l’en­tre­prise se met à péri­cliter, au prof­it d’autres branch­es du groupe. « C’est ain­si que j’ai été amené à ven­dre, puis racheter ma pro­pre entre­prise à plusieurs reprises. »
« Il faut savoir, estime Michel Rochet, pass­er d’une grande entre­prise, où le con­fort admin­is­tratif est assuré, à la sit­u­a­tion extrême où il faut se débrouiller pour jouer tout seul le rôle de directeur, vendeur, compt­able, secré­taire et plombier. »

Quelques messages

Les jeunes doivent se pré­par­er à évoluer et savoir que, « s’ils veu­lent créer une entre­prise, ils se retrou­veront là où rien n’ex­iste », ajoute Michel Rochet.
Le mes­sage de Jean Sous­se­li­er, « aux jeunes qui se sen­tent indépen­dants dans l’âme », c’est « d’éviter les grands groupes. Mais il faut alors nous débrouiller de tout, qu’il s’agisse de com­mer­cial, de tech­nique ou d’administration. »
Aider les jeunes, c’est aus­si con­sign­er ses réflex­ions par écrit. Pas­cal Roux est l’au­teur de plusieurs ouvrages amenant à réfléchir sur la sci­ence, l’évo­lu­tion, la créa­tion et l’en­vi­ron­nement. Plus que des con­seils, il souligne des préoc­cu­pa­tions : « Avoir le sens de l’homme, être inven­tif, faire tra­vailler son imag­i­na­tion et dévelop­per en soi ce qu’il y a de plus pré­cieux : la dimen­sion spirituelle. »

Retraite, connais pas

Ce petit échan­til­lon de cama­rades de la « Pro­mo 58 » reste très act­if. Si cer­tains pronon­cent par­fois le mot de retraite, c’est comme Alain Berri­er, pour la qual­i­fi­er « d’hy­per­ac­tive ». D’autres ont un peu réori­en­té leur activ­ité vers le con­seil indépen­dant ou, comme Jacques Hervi­er, sont devenus spé­cial­istes des finances et des ressources humaines pour une cause nouvelle.
Le plus sou­vent ils n’y font allu­sion que comme à une sim­ple balise tem­porelle, « l’âge de la retraite », balise dou­blée depuis longtemps.

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