Tendances de l’emploi : le digital dans les secteurs de la banque et de l’assurance

Dossier : Vie de l'AssociationMagazine N°741 Janvier 2019

L’employabilité dans les sec­teurs de la banque et de l’assurance passe par le digi­tal. Nous avons regrou­pé les sec­teurs de la banque et de l’assurance car ils pré­sentent un cer­tain nombre de carac­té­ris­tiques et d’offres de pro­duits similaires.

Acquérir une maturité digitale

Les enjeux du digi­tal pour une entre­prise s’articulent autour de quatre piliers : la culture de l’entreprise et de ses col­la­bo­ra­teurs, les pro­ces­sus internes, le busi­ness model et l’expérience client. Un équi­libre dif­fi­cile est à trou­ver entre ce qui relève de l’optimisation de l’existant et ce qui relève de la trans­for­ma­tion mais les deux chan­tiers sont à mener simul­ta­né­ment. C’est dans les entre­prises qui ont acquis une matu­ri­té digi­tale suf­fi­sante dans les quatre domaines cités pré­cé­dem­ment qu’une uti­li­sa­tion sophis­ti­quée de l’intelligence arti­fi­cielle (IA) ou des blo­ck­chains prend tout son sens, l’envisager avant peut être source d’échecs.

Un point clé est la col­lecte de don­nées en nombre tou­jours plus éle­vé (le big data), leur sto­ckage dans le cloud et leur trai­te­ment et leur ana­lyse par l’IA. Les don­nées dis­po­nibles sont pro­duites par des sources internes à l’entreprises ou des sources externes, par exemple en accès libre sur inter­net ou pro­ve­nant d’objets connec­tés (Inter­net of things). Par ailleurs, le coût mar­gi­nal de sto­ckage des don­nées est deve­nu très faible et on peut sto­cker des quan­ti­tés consi­dé­rables de don­nées non struc­tu­rées dans des data lakes par oppo­si­tion au sto­ckage clas­sique de don­nées, en nombre plus limi­té, et très struc­tu­rées dans des data ware­houses.

Concevoir une stratégie digitale défensive et offensive

Il s’agit de sec­teurs très régle­men­tés dans les­quels les sujets de maî­trise des risques, de contrôle et de confor­mi­té sont essen­tiels. Une par­tie impor­tante de la stra­té­gie digi­tale est donc « défen­sive » avec une gou­ver­nance très stricte de la data, une atten­tion très forte por­tée à la pro­tec­tion des don­nées des clients et à la cyber­sé­cu­ri­té, et une pre­mière uti­li­sa­tion de l’intelligence arti­fi­cielle pour opti­mi­ser des pro­ces­sus sen­sibles comme la pré­ven­tion des fraudes ou le sco­ring (nota­tion qui per­met d’évaluer le risque client). Par ailleurs, une des uti­li­sa­tions les plus immé­diates de la robo­tique consiste à réduire les coûts en aug­men­tant la productivité.

Mais dans le même temps, la stra­té­gie digi­tale com­porte une par­tie « offen­sive » tour­née vers l’amélioration de l’expérience client, d’une part en ren­dant plus fluide l’accès à l’offre de ser­vices exis­tante avec des appli­ca­tions mobiles attrac­tives et d’autre part en pro­po­sant de nou­veaux ser­vices. À titre d’exemple, les agré­ga­teurs ban­caires sont des appli­ca­tions qui faci­litent la vie du client en lui per­met­tant d’avoir accès de manière cen­tra­li­sée aux comptes ban­caires qu’il détient dans plu­sieurs banques dif­fé­rentes. Et dans le domaine des assu­rances, des agents conver­sa­tion­nels chat­bots per­mettent de sim­pli­fier la sous­crip­tion d’une assu­rance ou la décla­ra­tion d’un sinistre. Par ailleurs, l’émergence de l’open ban­king impli­que­ra pour une banque une ouver­ture de son sys­tème d’information et un par­tage des don­nées avec d’autres acteurs ban­caires, ce qui sera une évo­lu­tion majeure.

Tous ces sujets consti­tuent des défis pas­sion­nants pour des ingé­nieurs, les emplois liés au digi­tal sont aus­si inté­res­sants dans une grande entre­prise que dans une start-up et il y a une forte com­plé­men­ta­ri­té entre les deux types d’entreprises au sein d’écosystèmes ouverts. La start-up per­met une grande créa­ti­vi­té pour déve­lop­per des algo­rithmes mais ceux-ci prennent tout leur sens avec une IA « ver­ti­ca­li­sée », c’est-à-dire spé­cia­li­sée dans un sec­teur d’activité. Cela néces­site la connais­sance du sec­teur et de ses métiers et l’accès aux data per­ti­nentes du sec­teur, cette connais­sance et ces data étant aujourd’hui majo­ri­tai­re­ment déte­nues par les grandes entreprises.

Les compétences recherchées

On peut répar­tir en cinq caté­go­ries les com­pé­tences recher­chées chez un ingé­nieur qui sou­haite réus­sir dans les postes liés au digi­tal dans le sec­teur de la banque et de l’assurance :

  • Mathé­ma­tiques appli­quées et statistiques
  • IT
  • Ges­tion de pro­jets (au sens large, pas spé­ci­fi­que­ment IT)
  • Com­pré­hen­sion du busi­ness et des besoins clients
  • Soft skills.

En fonc­tion du type de poste, l’importance rela­tive de cha­cune des com­pé­tences sera dif­fé­rente : un jeune ingé­nieur pos­sé­dant les deux pre­mières com­pé­tences trou­ve­ra un emploi sans dif­fi­cul­té mais sera limi­té dans sa pro­gres­sion s’il reste pure­ment can­ton­né dans sa sphère tech­nique sans capa­ci­té à gérer un pro­jet plu­ri­dis­ci­pli­naire et sans inté­grer les enjeux éco­no­miques, juri­diques et régle­men­taires ni les besoins du client final.

Les soft skills (com­pé­tences com­por­te­men­tales) sont essen­tielles et sou­vent insuf­fi­sam­ment déve­lop­pées chez les ingé­nieurs. Il s’agit, entre autres, de l’ouverture d’esprit, du sens de l’écoute, de l’empathie, de la capa­ci­té à apprendre en conti­nu au contact des autres sans res­ter recro­que­villé sur ses propres cer­ti­tudes, de l’aptitude à tra­vailler en équipe en mode col­la­bo­ra­tif, des capa­ci­tés de com­mu­ni­ca­tion… Elles sont encore plus fon­da­men­tales dans un monde où les com­pé­tences tech­niques se périment rapi­de­ment et où la com­plé­men­ta­ri­té de l’intelligence humaine avec l’IA réside jus­te­ment dans ces soft skills.

Les métiers porteurs liés au digital

On peut citer tous les métiers liés à la data (le voca­bu­laire n’est pas com­plé­te­ment nor­ma­li­sé et un même inti­tu­lé d’emploi peut recou­vrir des mis­sions légè­re­ment différentes) :

  • Data archi­tect : concep­tion des bases de données
  • Data engi­neer : struc­tu­ra­tion et « net­toyage » des don­nées avant leur analyse
  • Data ana­lyst : trai­te­ment et ana­lyse des données
  • Data scien­tist : il s’agit d’un data ana­lyst fai­sant appel à des tech­niques d’IA per­met­tant d’analyser un volume consi­dé­rable de don­nées et en par­ti­cu­lier d’élaborer des modèles prédictifs
  • Data domain offi­cer : a la res­pon­sa­bi­li­té des don­nées pour un domaine par­ti­cu­lier (une enti­té interne à l’entreprise ou un sec­teur externe comme un seg­ment de clientèle).

Il convient de rap­pe­ler que pro­duire de la data n’est pas une fin en soi, les ana­lyses n’ont du sens que si elles pro­duisent une infor­ma­tion per­ti­nente par rap­port à un besoin iden­ti­fié et per­mettent une prise de déci­sion. La pré­sen­ta­tion claire de ces infor­ma­tions fait appel à d’autres com­pé­tences qui sont la data vizua­li­sa­tion et le sto­ry­tel­ling. La data vizua­li­sa­tion consiste à réa­li­ser des repré­sen­ta­tions gra­phiques dont le desi­gn doit être attrac­tif et le sto­ry­tel­ling à expo­ser de manière simple les ensei­gne­ments tirés des ana­lyses en s’appuyant sur la data vizua­li­sa­tion :

  • Data pro­tec­tion offi­cer pour la pro­tec­tion de toutes les don­nées « sensibles »
  • Ingé­nieur en cybersécurité.

Les métiers qui per­mettent de rac­cour­cir le cycle de déve­lop­pe­ment des pro­jets sont éga­le­ment très porteurs :

  • Scrum mas­ter : mana­ge­ment de pro­jets en mode agile
  • Ingé­nieur devops : requiert des com­pé­tences com­bi­nées en déve­lop­pe­ment logi­ciel et en archi­tec­ture IT pour une mise en pro­duc­tion rapide.

Un autre pro­fil est recher­ché : celui de consul­tant (interne ou externe), capable d’identifier des use case (appli­ca­tion pra­tique du digi­tal, orien­tée vers le client) ou de pro­po­ser des proof of concept (expé­ri­men­ta­tion d’une solu­tion digi­tale avant son déploie­ment si elle est concluante), en fai­sant col­la­bo­rer dif­fé­rentes fonc­tions de l’entreprise.

En ce qui concerne les postes à forte res­pon­sa­bi­li­té, posi­tion­nés au plus haut niveau de l’organisation et acces­sibles à des cadres diri­geants confir­més, on peut citer le chief data offi­cer, qui a la res­pon­sa­bi­li­té de la gou­ver­nance et de la stra­té­gie data et le chief digi­tal offi­cer qui a de manière plus large la res­pon­sa­bi­li­té de l’ensemble de la stra­té­gie digi­tale de l’entreprise.

Sur un autre registre et pour conclure, il est impor­tant de men­tion­ner que les cadres confir­més qui maî­trisent les métiers de la banque et de l’assurance et qui ont su res­ter à jour en termes de nou­velles tech­no­lo­gies sans en être des experts, conservent toute leur valeur : il s’agit par exemple des actuaires, des risk mana­gers ou des audi­teurs internes. 

Avec la contri­bu­tion de Luc Bar­naud (89), Natixis – Anne-Sophie Car­rese (95), Elaïa – Axel Droin (98), AXA – Guillaume Figer (94), Socié­té Géné­rale – Laurent Fou­quet (92), Cré­dit Agri­cole – Sté­phane Gui­net (88), Kamet – Syn­thèse réa­li­sée par Thier­ry Smag­ghe (78), AX Carrières.

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