Université de Nanjing

Femmes diplômées en Chine

Dossier : ExpressionsMagazine N°669 Novembre 2011
Par Diane DESSALLES-MARTIN (76)

Dans l’imaginaire des filles, les études sci­en­tifiques sont perçues comme très difficiles

L’École poly­tech­nique a tou­jours eu pour tra­di­tion d’ouvrir ses portes aux can­di­dats de nation­al­ité étrangère par un recrute­ment par­ti­c­uli­er. Cepen­dant, l’ouverture de la voie 2 à par­tir de 1997 a été l’occasion d’augmenter sig­ni­fica­tive­ment la présence d’élèves étrangers dans le cur­sus habituel. La présence de nom­breuses étu­di­antes chi­nois­es qui peu­vent com­par­er leur expéri­ence en Chine avec ce qu’elles décou­vrent en France est une occa­sion idéale pour se ren­seign­er sur des ques­tions de société et pour com­par­er les simil­i­tudes et les dif­férences entre les habi­tudes français­es et les habi­tudes chi­nois­es, notam­ment en ce qui con­cerne la place des femmes dans les études supérieures et le monde professionnel.

Sélection universitaire


Uni­ver­sité de Nanjing.

En Chine, on accède aux études uni­ver­si­taires après la réus­site au goakao. Cet équiv­a­lent du bac­calau­réat est de fait un con­cours nation­al qui donne un droit d’entrée dans telle ou telle uni­ver­sité, de renom­mée vari­able, en fonc­tion des notes obtenues. Con­cer­nant le choix des fil­ières, on note une dif­férence entre filles et garçons. Les filles s’orientent davan­tage vers la finance, la compt­abil­ité, les langues étrangères et le droit. Pour les garçons, la finance a aus­si beau­coup d’attraits, mais égale­ment l’électronique, l’informatique et le génie civil.

Femmes minoritaires

Dans l’imaginaire des filles, les études sci­en­tifiques sont perçues comme très dif­fi­ciles. Les effec­tifs des uni­ver­sités reflè­tent donc ces choix ini­ti­aux. Ain­si, à l’université de Nan­jing, dont est issue l’auteure chi­noise de cet arti­cle, le départe­ment de physique comp­tait, en 2010, 32 filles pour 173 garçons, soit seule­ment 15% de filles. A con­trario, le départe­ment d’études lit­téraires accueil­lait 24 garçons pour 105 filles.

En Chine, les études de pre­mier cycle à l’université, qui durent qua­tre ans, don­nent une équiv­a­lence de bach­e­lor (bac + 3). Cer­taines fil­ières, comme le génie civ­il, deman­dent cinq ans. Une for­ma­tion com­plé­men­taire, par exem­ple à l’étranger, est pos­si­ble. C’est le choix des étu­di­ants qui vien­nent com­pléter leurs études sur le cam­pus de Polytechnique.

Vil­lage global
De nom­breuses nation­al­ités sont représen­tées à Palaiseau, si bien que le cam­pus tend à ressem­bler à un petit vil­lage glob­al. Les étu­di­ants chi­nois y sont nom­breux, et par­mi ceux-ci des jeunes filles qui se sont lancées dans l’aventure. Depuis 1981, l’École a admis 223 étu­di­ants de nation­al­ité chi­noise, dont 66 filles, c’est-à-dire 30 % des effectifs.
L’attrait de l’X
En exam­i­nant les sta­tis­tiques de l’université de Nan­jing, on observe que les jeunes filles choi­sis­sant de venir à l’X à Palaiseau sont pro­por­tion­nelle­ment plus nom­breuses que l’exemple que nous avons pour Nan­jing. Intérêt et curiosité d’apprendre une nou­velle langue étrangère, et ain­si de s’autoriser un choix avec une touche « fémi­nine » ? Peut-être est-ce une explication.

Pesanteurs psychologiques

Puis c’est la plongée dans la vie active. Les femmes diplômées ont-elles accès à tous les postes ? Pas for­cé­ment. On hésite à pro­pos­er aux femmes des postes con­sid­érés comme trop inten­sifs ou trop tech­niques. Dans le domaine des TIC (tech­nolo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion), les femmes ingénieurs sont net­te­ment moins nom­breuses que leurs homo­logues mas­culins, moins de 20%. En général, elles sont ori­en­tées vers les postes les moins tech­niques, comme la rela­tion avec la clien­tèle ou le mar­ket­ing. Côté salaire, on con­state une cer­taine égal­ité : à même méti­er, même salaire.

Com­ment con­cili­er vie pro­fes­sion­nelle et vie famil­iale ? Il importe de savoir que la société chi­noise attache une grande impor­tance aux respon­s­abil­ités des femmes au sein de la famille, tou­jours très soudée. Le soin à apporter aux autres généra­tions, enfants et par­ents âgés, est con­sid­éré comme pri­mor­dial. Dans la men­tal­ité chi­noise, pour les femmes, une vie famil­iale réussie importe plus qu’un par­cours pro­fes­sion­nel brillant.

Remise des tangentes aux élèves chinoises à l'école polytechnique
Élèves chi­nois­es de la 2007 à la remise de tan­gente de D à G : Ruoyun Hu, Fang Yao et YanjunSun.

Elèves chinois de l'école polytechnique prêts à défiler aux Champs Elysées
Élèves chi­nois sur les Champs-Élysées
.© JÉRÉMY BARANDE/ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Management féminisé

La pro­por­tion des femmes dans le senior man­age­ment est de 34 % en Chine

Pour­tant, mal­gré ces pres­sions de la société, on con­state que les Chi­nois­es savent tir­er leur épin­gle du jeu dans l’entreprise. Le rap­port Grant Thorn­ton Inter­na­tion­al Busi­ness de 2011 indique que la pro­por­tion de femmes dans le senior man­age­ment est de 34% en Chine. Par­mi ces femmes man­agers, la pro­por­tion de celles qui por­tent le titre de CEO est la deux­ième au monde après la Thaï­lande. Les Chi­nois­es sont aus­si créa­tri­ces d’entreprises, notam­ment dans le com­merce de gros et de détail, la restau­ra­tion ou les ser­vices au public.

En poli­tique, le tableau se rap­proche de celui de la France ou des États-Unis : 17,7 % de femmes au Comité poli­tique nation­al de la Con­férence con­sul­ta­tive de Chine. À com­par­er avec la France qui compte 20 % de femmes au Par­lement (Assem­blée nationale et Sénat), et les États-Unis qui en comptent 17% au Sénat.

Une Marie Curie chinoise

Photo de Zehui HEUne sci­en­tifique con­nue ? Zehui He, née en 1914, spé­cial­iste de physique nucléaire, a été élue mem­bre de l’Académie des sci­ences de Chine en 1980. Elle est con­sid­érée dans son pays comme la Marie Curie de la Chine. Après des études de physique à l’université de Qinghua (Chine cen­trale), elle obtient une bourse pour con­tin­uer ses travaux en Alle­magne. Elle pour­suit ses recherch­es dans le domaine des courants faibles et l’étude des col­li­sions positrons-élec­trons dans les champs mag­né­tiques. Après son séjour en Alle­magne, elle pour­suiv­ra son périple européen et passera deux années à Paris, au Col­lège de France et à l’Institut Curie, où elle décou­vri­ra la fis­sion ter­naire et qua­ter­naire de l’uranium. De retour en Chine en 1948, elle occu­pera dif­férents postes dans les lab­o­ra­toires de recherch­es de physique nucléaire. Elle est décédée en juin 2011, à l’âge de qua­tre-vingt-dix-sept ans.

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