Promenades bourguignonnes

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°540 Décembre 1998Rédacteur : Laurens DELPECH

Chartron et Trébuchet à Puligny-Montrachet

Chartron et Trébuchet à Puligny-Montrachet

La com­mune de Puligny-Mon­tra­chet doit sa répu­ta­tion au célèbre Mon­tra­chet, le plus grand vin blanc sec du monde. Mon­tra­chet peut se traduire par “Mont chauve”, le mot “ rache ” désig­nant autre­fois la teigne. De fait, le ter­roir de ce vin pres­tigieux est situé sur un mai­gre coteau, émergeant dif­fi­cile­ment de la plaine mais qui a la chance de recueil­lir les rayons du soleil de l’aube au couchant, et d’avoir un sol de marnes rich­es en caill­outis cal­caires con­venant par­faite­ment au chardon­nay, le cépage des grands vins blancs de Bour­gogne. Le ter­roir du Mon­tra­chet est com­posé en parts égales d’argile (qui apporte la puis­sance au vin) et de cal­caire (qui donne la finesse).

Par ailleurs, il se dis­tingue par le fait qu’on y trou­ve une pro­por­tion très élevée de man­ganèse, beau­coup plus que dans le sol des autres Grands Crus. C’est une car­ac­téris­tique sin­gulière, man­i­feste­ment liée à la qual­ité du ter­roir, sans que l’on puisse vrai­ment en déter­min­er les raisons.

Deux com­munes se parta­gent la pro­priété du Mon­tra­chet : Chas­sagne-Mon­tra­chet et Puligny- Mon­tra­chet. Toutes deux font des vins excel­lents. Puligny ne fait pra­tique­ment que du blanc (à 95 %), alors que la pro­duc­tion de Chas­sagne se répar­tit pour moitié entre le blanc et le rouge.

Juste à côté du Mon­tra­chet (8 ha), se trou­vent les vignes de deux autres grands crus : le Bâtard-Mon­tra­chet (12 ha) et le Cheva­lier-Mon­tra­chet (7,4 ha) ain­si que celles du Puligny- Mon­tra­chet Pre­mier Cru Les Pucelles. Ces noms viendraient, selon la tra­di­tion, de l’esprit d’équité d’un ancien seigneur de Puligny qui aurait divisé ses vignes en parts égales entre son fils (Cheva­lier), ses filles (Les Pucelles) et son bâtard. Aux trois grands crus déjà cités, il faut ajouter le Bien­v­enues-Bâtard-Mon­tra­chet (3,7 ha), ain­si appelé parce que les vignes de ce cru étaient tra­vail­lées au XIXe siè­cle par des vignerons nom­més les Bienvenues.

Le domaine Jean Chartron pos­sède 9 hectares de vignes à Puligny-Mon­tra­chet et dans les com­munes voisines. Il pos­sède notam­ment plus de trois hectares de Puligny-Mon­tra­chet 1er Cru “ Clos du Cailleret ”, dont une par­tie est plan­tée en rouge, ce qui en fait une curiosité oenologique, car il y a très peu de Puligny-Mon­tra­chet rouge. La mai­son Chartron et Trébuchet a été créée en 1984 par Jean-René Chartron et Louis Trébuchet (65). C’est une mai­son de négoce, qui a l’exclusivité de la dis­tri­b­u­tion du domaine Chartron mais vend aus­si des vins dont elle a acheté les moûts à des vitic­ul­teurs pour les faire vini­fi­er par le tal­entueux oeno­logue mai­son, Michel Roucher-Sarrazin.

Elle s’appuie ain­si sur un réseau de cinquante vitic­ul­teurs avec une spé­cial­i­sa­tion dans les grandes appel­la­tions de bour­gognes blancs. Les vins sont fer­men­tés et élevés en fûts de chêne (renou­velés par 1/3 chaque année). Les vins blancs (75 % de la pro­duc­tion) subis­sent une légère fil­tra­tion, les vins rouges (25% de la pro­duc­tion) ne sont pas fil­trés. La pro­duc­tion annuelle est de 500 000 bouteilles pour un chiffre d’affaires de 30 mil­lions de francs, dont l’essentiel est réal­isé à l’exportation.

Des vins du mil­lésime 1997 dégustés, qua­tre se détachaient net­te­ment du lot :

  • Chas­sagne-Mon­tra­chet (blanc) 1997
    Robe bril­lante, bou­quet intense où se mêlent les notes de gril­lé, de fruits blancs, de fougères. Bouche ample et riche avec un superbe fruité. Belle longueur.
  • Puligny-Mon­tra­chet 1er Cru “ Clos du Cailleret ” (blanc)
    Belle robe jaune doré. Nez com­plexe et fin où domi­nent des notes toastées et vanil­lées ain­si que des arômes men­tholés et cit­ron­nés, très fins. En bouche, on remar­que un bel équili­bre entre le gras et l’acidité. Superbe finale fruitée, ample et longue.
  • Puligny-Mon­tra­chet 1er Cru “ Clos du Cailleret ” (rouge)
    Robe rubis, limpi­de et bril­lante. Nez déli­cat de fram­bois­es, de gri­otte, de cas­sis avec des arômes de vanille. Attaque franche, les tan­nins sont ronds mais il y a une belle acid­ité, gage de fraîcheur. Jolie finale fruitée. Un vin à la fois sen­suel et élégant.
  • Cheva­lier-Mon­tra­chet Grand Cru 1997
    Jaune or. Nez com­plexe et sub­til de fleurs blanch­es, d’agrumes et de vanille. En bouche il révèle une puis­sance extra­or­di­naire avec une struc­ture épanouie et chaleureuse, et quand il est bien ouvert (c’est un vin qu’il faut impéra­tive­ment carafer), il déploie une tex­ture presque crémeuse qui en fait un vin mag­nifique de haute gas­tronomie. Il accom­pa­g­n­era mer­veilleuse­ment des pois­sons ou des volailles truf­fés à la crème. Sub­lime longueur. Très grand vin, au poten­tiel de garde impressionnant.

Non loin des bureaux de Chartron et Trébuchet se trou­ve à San­te­nay un excel­lent restau­rant, “ Le Ter­roir ”*, qui pra­tique des prix très doux (intéres­sant menu à 140 F) et qui a une belle carte des vins. Le prési­dent des som­me­liers, Jean Fram­bourt, y a fait en octo­bre 1997 un déje­uner d’accord mets-vins avec des vins de Chartron et Trébuchet, dont voici le menu commenté :

  • Com­pote de lapin et Saint-Romain 1996 (blanc)
    Joli gras, belle acid­ité nerveuse et végé­tale qui s’associe bien aux saveurs épicées du lapin. Vin légère­ment boisé, fin et élégant.
  • Cas­so­lette de girolles fraîch­es et Saint-Aubin 1996, 1er Cru “ La Chatenière ” (blanc)
    Très belle har­monie avec le plat de ce vin com­plexe dont le gras enrobe bien les champignons.
  • Gour­man­dise de foie gras au pied de veau et Chas­sagne- Mon­tra­chet 1996, 1er Cru “ Mor­geot ” (blanc)
    Beau vin aro­ma­tique et par­faite­ment équili­bré. Sa puis­sance, sa ron­deur et sa vivac­ité s’harmonisent par­faite­ment avec le foie gras.
  • Lan­goustines rôties, petite semoule au Chardon­nay et Puligny- Mon­tra­chet 1996, 1er Cru “ Clos de la Pucelle ” (blanc)
    Les arômes épicés du vin s’accordent bien avec la déli­catesse des lan­goustines, les notes végé­tales des légumes d’accompagnement soulig­nent la per­fec­tion de l’accord.
  • Filet de chevreuil aux airelles et Chas­sagne-Mon­tra­chet 1995,
    1er Cru “ Les Benoîtes ” (rouge) Le vin sur les fruits rouges, épicé, réglis­sé, aux tan­nins encore très présents se marie bien avec cette venai­son et résiste vail­lam­ment à la douceur piquante des airelles.
  • Époiss­es au marc de Bour­gogne et Morey Saint-Denis 1995 (rouge)
    Ce beau vin, bien struc­turé, et dont la puis­sance tan­nique per­met d’envisager un bon poten­tiel de garde se boit plaisam­ment sur un époiss­es, mais quel délice ce sera dans quelques années !

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Chartron & Trébuchet,
21190 Puligny-Mon­tra­chet, tél. : 03.80.21.32.85.
Le Ter­roir, place du Jet d’eau,
21590 San­te­nay, tél. : 03.80.20.63.47.

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