Promenades bourguignonnes

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°542 Février 1999Rédacteur : Laurens DELPECH

Si l’on fait abstrac­tion du Beau­jo­lais, la Bour­gogne viti­cole débute au nord par le Chablisien et se clôt au sud par le Mâcon­nais où est pro­duit notam­ment le pouil­ly-fuis­sé “ l’honneur des vins blancs du Mâcon­nais ”, comme l’écrivait en 1868 le Doc­teur Guyot.

Chablis et Pouil­ly-Fuis­sé pro­duisent des vins blancs qui comptent par­mi les meilleurs de Bour­gogne et ren­con­trent auprès des ama­teurs du monde entier un vif suc­cès. Il est donc ten­tant de les com­par­er, d’autant qu’à Chablis, comme à Pouil­ly-Fuis­sé, seul le cépage chardon­nay est util­isé. La région de Chablis est une sorte de satel­lite septen­tri­on­al de la Bour­gogne viti­cole, plus éloignée de la Côte d’Or que des pre­mières vignes de Cham­pagne, alors que la région de Pouil­ly-Fuis­sé donne au vig­no­ble bour­guignon une con­clu­sion presque méridionale.

Les deux vins retra­cent bien leur ter­roir et leur sit­u­a­tion géo­graphique : le chablis est vif, léger, presque limpi­de, avec une touche minérale. Le pouil­ly-fuis­sé est plus opu­lent et ses arômes de noisette, de tilleul, de fruit blanc reposent sur une solide struc­ture apportée par l’alcool : c’est le vig­no­ble le plus ensoleil­lé de toute la Bourgogne.

Il y a aus­si à Pouil­ly des marnes kim­méridgi­en­nes, comme à Chablis, même si l’essentiel du ter­roir est con­sti­tué de sols argi­lo-cal­caires du juras­sique. Les deux appel­la­tions ont enfin la par­tic­u­lar­ité d’avoir été des fonds marins il y a quelques mil­lions d’années ; il n’est pas impos­si­ble que cette orig­ine com­mune explique pour par­tie le suc­cès des chablis et des pouil­ly-fuis­sé avec les pois­sons, les fruits de mer et les coquillages…

L’appellation Pouil­ly-Fuis­sé se trou­ve située quelques kilo­mètres à l’ouest de Mâcon. Dom­inés par les roches de Solutré et de Ver­gis­son, les vig­no­bles, qui s’étendent sur 700 hectares, se répar­tis­sent autour de qua­tre vil­lages : Ver­gis­son, Solutré, Fuis­sé et Chain­tré, Pouil­ly n’étant qu’un sim­ple hameau. Le vig­no­ble est très morcelé, plan­té sur des sols et à des alti­tudes var­iés, avec des expo­si­tions très différentes.

Il en résulte une pro­duc­tion assez peu homogène, il faut donc impéra­tive­ment acheter des bouteilles de bonne prove­nance pour ne pas s’exposer à être déçu…

C’est un vin qu’il faut savoir garder si l’on a une bonne cave, on le boit sou­vent trop jeune alors qu’un bon mil­lésime ne s’épanouira vrai­ment et ne délivr­era toute la richesse de sa palette aro­ma­tique qu’après dix ans de vieil­lisse­ment. Voici trois domaines qui font d’excellents vins :

• Château Fuissé
Vendanges à Solutré-Pouilly, au pied de la roche.Ce beau domaine de 30 hectares (dont 23 en pouil­ly-fuis­sé), dirigé par Jean-Jacques Vin­cent, ingénieur agronome et oeno­logue, pro­duit plusieurs types de vins en fonc­tion des par­celles d’origine et de l’âge des vignes. Il existe trois “ Château Fuis­sé ”. Le pre­mier ou “ Cuvée Pre­mière ” con­siste en une cuvée d’assemblage d’une douzaine de cli­mats. Le sec­ond porte sur l’étiquette le nom de son “cli­mat” : Les Com­bettes, Le Clos et Brûlées. Les Com­bettes don­nent un vin ten­dre et élé­gant, Le Clos a plus de matière, Brûlées est le plus ample.

Enfin, au som­met de la pyra­mide se trou­ve la mag­ique cuvée “Vieilles Vignes ” issue de vignes d’un âge moyen d’au moins vingt-cinq ans. La Cuvée Pre­mière est élevée en cuve, les autres sont élevés, au moins en par­tie, dans du bois. Il faut acheter la Cuvée Pre­mière, nerveux et fruité pour la con­som­ma­tion immé­di­ate et le “Vieilles Vignes ” pour une grande occasion.

• Domaine Cordier
Le domaine est moins grand que le précé­dent (une dizaine d’hectares, dont une par­tie en mâcon blanc et en saint-véran) mais applique le même principe avec une cuvée Vieilles Vignes, une cuvée “Vignes Blanch­es ” et un pouil­ly-fuis­sé provenant de l’assemblage des autres par­celles. Les Vieilles Vignes et surtout les Vignes Blanch­es sont des vins qui sont longs à se faire ; la cuvée générique est ten­dre et aro­ma­tique, très plaisante.

• Domaine de La Chapelle
Last but not least, puisque ce domaine de 4 hectares, situé au coeur de l’appellation, sur de très beaux ter­roirs, appar­tient à Claude Gondard (65).

Il s’agit de vieilles vignes, cer­taines ont plus de soix­ante ans, mais la majorité a entre dix et trente ans. La vigne est traitée à l’ancienne et les ven­dan­ges sont manuelles. La récolte est partagée pour moitié entre Claude Gondard et son métay­er, Pas­cal Rol­let, qui – en vinifi­ant les mêmes raisins – est devenu une des stars de l ’ a p p e l l a t i o n .

Claude Gondard tire aus­si un bon par­ti de cette excel­lente matière pre­mière, mais ses vins sont moins con­nus car il en vend la qua­si-total­ité au négoce (la mai­son Chartron-Trébuchet à Beaune), ne réser­vant à la vente directe que quelques mil­liers de bouteilles. Comme c’est un vini­fi­ca­teur con­scien­cieux et pré­cis et que les pro­duits de la vigne sont mag­nifiques, il obtient de très beaux résul­tats. Ce sont des vins très amples, que l’on a intérêt à pass­er en carafe pour en dégager tous les arômes. Voici nos com­men­taires sur deux mil­lésimes récents :

• 1996
Robe pâle et bril­lante. Nez frais, fin et élé­gant, flo­ral et fruité avec des arômes de noisette. Bouche nette et har­monieuse, avec beau­coup de matière et un zeste de ner­vosité. Belle longueur.

• 1995
Robe dorée. Nez fruité, fin et vif avec des arômes de bois neuf et d’amandes gril­lées. Déli­cates notes de fleurs blanch­es que l’on retrou­ve en bouche ; une bouche nerveuse et longue, avec une touche de minéral­ité, signe de la noblesse du terroir.

Bien vinifiés et provenant d’un des meilleurs ter­roirs de l’appellation, les vins de Claude Gondard se situent au som­met de la gamme des pouil­ly-fuis­sé. C’est d’autant plus pré­cieux à savoir que le fait est peu con­nu et que les prix sont donc sans com­mune mesure avec ceux pra­tiqués par les vignerons médiatisés…

Ce sont des vins com­plex­es qu’il faut servir à table, préal­able­ment passés en carafe (une heure avant le repas), sur des vian­des blanch­es (ils s’harmoniseront par­faite­ment avec une blan­quette de veau ou une poularde de Bresse à la crème), des escar­gots, un feuil­leté au crabe, un plateau de fruits de mer, un pois­son à la crème ou des pois­sons pochés ou gril­lés, servis nature ou avec une sauce.

Plus âgés, ils seront très bien sur des quenelles de bro­chet sauce Nan­tua, un filet de veau aux champignons, un sauté de lapin chas­seur ou même un foie gras. À tout âge, ils sont déli­cieux avec les fro­mages de chèvre

Château Fuis­sé, tél. : 03.85.35.61.44.
Domaine Cordier, tél. : 03.85.35.62.89.
Domaine de La Chapelle, tél. : 03.85.35.81.56

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