Produire des hydrocarbures en mer

Dossier : MerMagazine N°706 Juin/Juillet 2015
Par Jean-François MINSTER (70)

La pro­duc­tion off­shore est cru­ciale pour le monde : elle cor­re­spond à 30 % de la pro­duc­tion mon­di­ale de pét­role et 27 % de la pro­duc­tion de gaz, ce pour­cent­age étant plus impor­tant pour les pays non OPEP.

La pro­duc­tion pétrolière est surtout ren­con­trée au Moyen- Ori­ent, en Afrique de l’Ouest et en mer du Nord, avec la part de l’Amérique du Sud en forte crois­sance (75 % de la pro­duc­tion off­shore pour l’ensemble de ces 4 zones).

La pro­duc­tion de gaz est surtout ren­con­trée en mer du Nord, au Moyen-Ori­ent avec de nou­veaux développe­ments en Méditer­ranée orientale.

La pro­duc­tion provient de 17 000 plate­formes en opéra­tion, à 50 % con­sti­tuées de plate­formes fix­es. On observe la con­struc­tion de plus de 400 nou­veaux sup­ports par an, pour un mon­tant annuel de plus de 50 mil­liards de dol­lars, et env­i­ron 3 400 for­ages en mer par an, répar­tis sur toutes les zones géographiques.

REPÈRES

La production d’hydrocarbures est l’une des activités dominantes de nombreux secteurs de l’économie maritime. Dans le transport maritime, un tiers du tonnage mondial est constitué de pétrole brut, de gaz et de produits raffinés : cela concerne 25 % des navires et 3 milliards de tonnes transportées en 2012. Cette activité est en croissance pour ce qui concerne le gaz naturel liquéfié (GNL) et les produits raffinés. La totalité des plus grandes raffineries sont installées dans des zones portuaires ou proches de la côte.
Les exploitations pétrolières et gazières offshore sont les plus importantes ressources marines actuellement exploitées, et sont devenues une composante majeure de la production mondiale.

Plus d’un demi siècle d’histoire

L’exploitation off­shore a com­mencé dès les années 1950 avec l’installation de puits par faible pro­fondeur d’eau. Mais son développe­ment a surtout démar­ré lors de la crise de 1973, qui a con­duit à la mise en exploita­tion de la mer du Nord.

“ L’offshore représente 30 % de la production mondiale de pétrole ”

Beau­coup d’entre nous ont en mémoire les annonces du pre­mier grand développe­ment, qui a été celui de Frigg en Norvège en 1978, par Elf – et qui reste le plus grand gise­ment de gaz jamais décou­vert en mer du Nord. Son exploita­tion a duré jusqu’en 2004.

La deux­ième grande étape a été celle du développe­ment de l’off­shore pro­fond dans les années 1990, avec notam­ment la mise en pro­duc­tion de Giras­sol en 2001 dans le golfe de Guinée, par 1 400 mètres de pro­fondeur d’eau. Des pro­fondeurs d’exploration et de pro­duc­tion de plus de 3 000 mètres d’eau ont été réal­isées ; il faut y ajouter plusieurs mil­liers de mètres d’épaisseur de sédi­ments pour attein­dre les réser­voirs les plus enfouis.

L’off­shore pro­fond est en développe­ment rapi­de : sa part pour le pét­role est passée de 3 % à env­i­ron 6 % de la pro­duc­tion mon­di­ale depuis 2008.

Une activité très technologique

Cette exploita­tion a été ren­due pos­si­ble, du triple point de vue de la sécu­rité, du respect des con­traintes envi­ron­nemen­tales et de la rentabil­ité, par les pro­grès sub­stantiels des con­nais­sances et de la technologie.

LES LEÇONS DES ACCIDENTS

L’industrie s’est continuellement améliorée, et tout particulièrement à partir des accidents successifs comme celui de Macondo dans le golfe du Mexique. Des révisions systématiques des installations existantes, des évolutions de la conception des installations fond de mer, ou un renforcement des bonnes pratiques en opération sont mis en œuvre. Un renforcement très considérable des outils de surveillance et d’intervention dans les principales zones de production, notamment le golfe du Mexique et le golfe de Guinée, est mis en place. Toute l’industrie sait bien que l’attention à ces risques ne doit pas se relâcher.

Le développe­ment des con­nais­sances en matière de géolo­gie des réser­voirs pétroliers pro­fonds a débuté dès les années 1980, notam­ment en ce qui con­cerne l’enfouissement des sédi­ments con­ti­nen­taux dans les canyons pro­fonds. Un exem­ple en est le pro­gramme ZaïAn­go, mené dans le golfe de Guinée par Elf puis par Total, avec l’Ifremer, à la fin des années 1990.

Le développe­ment des tech­nolo­gies d’exploration a été un élé­ment déter­mi­nant, et notam­ment celui de la sis­mique sous-marine de plus haute réso­lu­tion par obser­va­tions mul­ti­traces et multizénithales.

Les tech­nolo­gies de for­age et de pro­duc­tion pour les grandes pro­fondeurs d’eau ont fait l’objet d’innovations con­tin­ues : pour la péri­ode la plus récente, on peut citer les ris­ers ten­ant en pres­sion et tem­péra­ture, le pom­page mul­ti­phasique sous-marin, les instal­la­tions de sépa­ra­tion fond de mer, les archi­tec­tures et les instal­la­tions de traite­ment des plate­formes flot­tantes, etc.

La maîtrise de la ges­tion des très grands pro­jets a per­mis par exem­ple de dévelop­per CLOV (Cra­vo, Lirio, Orquidea et Vio­le­ta), un pro­jet de 7 mil­liards de dol­lars, en qua­tre ans. CLOV, au large de l’Angola, pro­duit et traite 160 000 bar­ils par jour à par­tir de 34 puits de pro­duc­tion par 1 100 à 1 400 m d’eau, répar­tis sur un gise­ment de 380 km2.

Une activité d’avenir

Au cours des prochaines années, l’activité pétrolière off­shore va sans doute con­tin­uer à croître. Env­i­ron 28 mil­liards de bar­ils équiv­a­lents de réserves d’huile et de gaz sont en cours de développe­ment, pour un investisse­ment de l’ordre de 210 mil­liards de dol­lars. Des zones à fort poten­tiel font l’objet de per­mis d’exploration et de nou­veaux développe­ments, tout par­ti­c­ulière­ment dans le golfe du Mex­ique, le long des côtes du Brésil, mais aus­si dans le canal du Mozambique.

“ 28 milliards de barils sont en cours de développement ”

Des zones géo­graphiques nou­velles, et en par­ti­c­uli­er des mers de haute lat­i­tude, au nord de l’Écosse ou au sud de l’Afrique, ont don­né lieu à des décou­vertes importantes.

Il existe des ressources dans des thèmes géologiques encore peu explorés, comme les marges abruptes ou l’off­shore très pro­fond. Des pos­si­bil­ités tech­nologiques per­me­t­tent de con­cevoir de nou­velles instal­la­tions, comme les instal­la­tions de pro­duc­tion fond de mer, les engins d’intervention intel­li­gents, les liaisons terre-mer (énergie et pro­duc­tion) sur de longues dis­tances, ou l’EOR (enhanced oil recov­ery) en mer, qui per­met d’améliorer con­sid­érable­ment la per­for­mance d’extraction des champs pétroliers exploités.

Réduire les coûts

CLOV pro­duit et traite 160 000 bar­ils par jour.

La crise pétrolière actuelle peut être un vecteur de ralen­tisse­ment de cette crois­sance, mais ne devrait pas l’arrêter. D’une part, les développe­ments en cours ne devraient pas être inter­rom­pus. D’autre part, la part prise par la pro­duc­tion off­shore est net­te­ment plus impor­tante que l’excès actuel de pro­duc­tion par rap­port à la demande, c’est-à-dire telle qu’il n’est pas pos­si­ble de s’en passer.

Enfin, les pro­duc­tions off­shore ne sont pas les plus coû­teuses par­mi la panoplie des pro­duc­tions. Cepen­dant, la fourchette des coûts des dif­férentes instal­la­tions ou des pro­jets est très éten­due ; il est donc aujourd’hui néces­saire de prêter une grande atten­tion à ces coûts, et de les réduire.

La France a le vent en poupe

L’industrie pétrolière et para­pétrolière et la R & D français­es ont beau­coup con­tribué au développe­ment de l’exploitation pétrolière off­shore depuis les années 80.

Du côté de la pro­duc­tion, Total a un savoir-faire et des pro­jets d’investissements majeurs ; le groupe est par­mi les plus réputés dans le monde sur ce sujet, avec Petro­bras (Brésil). La majeure par­tie de ses pro­jets actuelle­ment en développe­ment sont de type off­shore.

“ Impossible de se passer de la production offshore ”

L’industrie para­pétrolière est très active, offrant des solu­tions d’exploration et d’installation de pro­duc­tion de pointe. Des com­pag­nies comme CGG ou Tech­nip sont des acteurs majeurs dans leurs activ­ités. Des com­pag­nies de ser­vices comme Bour­bon sont présentes partout dans le monde.

L’activité de R & D a été relancée ces dernières années, avec notam­ment le pro­gramme PaMELa pour l’étude des phénomènes géologiques, géo­physiques et géochim­iques des marges actives, con­stru­it par Total avec l’Ifremer, le CNRS et des uni­ver­sités, essen­tielle­ment dans le canal du Mozam­bique ; ou le développe­ment de nou­velles méth­odes de traite­ment des don­nées sis­miques, tirant par­ti des très grandes puis­sances de cal­cul pour attein­dre une meilleure réso­lu­tion dans des zones com­plex­es, comme sous les couch­es de sel.

Enfin, un poten­tiel de ressources existe dans les 11 mil­lions de km2 de la ZEE (Zone économique exclu­sive) de la France, en Guyane, à Saint-Pierre-et- Miquelon, dans le golfe du Lion et peut-être d’autres zones. La réal­ité et la rentabil­ité de l’exploitation de ces ressources restent cepen­dant à con­firmer, en analysant cas par cas dans la per­spec­tive de la com­péti­tiv­ité économique mon­di­ale de chaque projet.

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