Interception de narcotrafiquants en mer.par la Marine française

La Marine, au cœur de la défense nationale

Dossier : MerMagazine N°706 Juin/Juillet 2015
Par Bernard ROGEL

Le contexte stra­té­gique dans lequel évo­lue aujourd’hui la Marine natio­nale pré­sente des rup­tures, et des conti­nui­tés. Ces rup­tures sont d’abord d’ordre stra­té­gique : nos inté­rêts ne se limitent plus à nos fron­tières, mais existent dans toutes les régions du monde avec les­quelles nous entre­te­nons des échanges.

REPÈRES

Le contexte stratégique actuel est marqué par deux tendances lourdes.
La première est le retour en force des politiques de puissance maritime. Les nouveaux acteurs en sont la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil ou le Japon. Ces pays acquièrent des outils de puissance maritime (porte-avions, frégates, sous-marins à propulsion nucléaire, etc.). Ils les emploient pour sécuriser leurs voies maritimes d’approvisionnement stratégique et asseoir leur souveraineté. Leur vision est désormais mondiale.
L’autre est l’irruption d’acteurs non étatiques agissant en mer, organisations terroristes ou puissants réseaux criminels (piraterie, trafic de drogue, d’armes, d’êtres humains, etc.), les deux étant souvent liés. Les objectifs de ces organisations diffèrent, mais les menaces qu’elles représentent s’interconnectent pour se nourrir mutuellement. Cette interconnexion nécessite de pouvoir lutter sur plusieurs fronts

Préserver nos intérêts

En mer, nous devons être pré­sents dans ces régions pour pré­ser­ver ces inté­rêts. Cer­tains sont ten­tés de créer de nou­velles fron­tières mari­times pour s’assurer de l’exclusivité sur les res­sources des océans : cette ten­dance sera source de fric­tions à l’avenir.

“ On voit resurgir la piraterie que l’on croyait enterrée ”

De nou­velles menaces pèsent sur les flux mari­times : c’est le cas de la pira­te­rie, que l’on croyait enter­rée. En océan Indien, l’action des forces navales a per­mis d’en réduire for­te­ment la menace depuis 2008.

Celle-ci explose en revanche dans le golfe de Gui­née et en Asie du Sud-Est. La situa­tion « non-guer­re/­non-paix » vient appor­ter le juri­disme sur le champ de bataille et com­plexi­fie la conduite de l’action en mer.

Enfin, on assiste à un phé­no­mène de « bour­geon­ne­ment lit­to­ral » : une arri­vée mas­sive des popu­la­tions en bord de mer pour pou­voir béné­fi­cier des res­sources offertes par la mer. De fait, 70 % de la popu­la­tion mon­diale vit main­te­nant à moins de 500 km des côtes1.

Ruptures technologiques

Les rup­tures sont éga­le­ment tech­no­lo­giques. La course au gigan­tisme dans l’industrie navale se tra­duit par la construc­tion de porte-conte­neurs capables de trans­por­ter 19 000 « boîtes ». Cer­tains paque­bots embarquent jusqu’à 8 000 personnes.

Ces dimen­sions sou­lèvent d’importantes ques­tions en matière de sécu­ri­té maritime.

Dans l’exploration des fonds marins, la tech­no­lo­gie per­met de fran­chir des seuils (actuel­le­ment 3 000 mètres pour les forages pétro­liers) et donne accès à de nou­velles res­sources par­ti­cu­liè­re­ment convoi­tées. Les nou­velles tech­no­lo­gies de l’information, acces­sibles en tout endroit du globe, contractent le temps et l’espace et engendrent un phé­no­mène d’immédiateté, qui est à la fois une faci­li­té et une contrainte pour la conduite des opé­ra­tions navales.

Enfin, la cyber­me­nace doit être prise en compte : elle concerne aus­si les sys­tèmes connec­tés mis en oeuvre par la Marine.

Un espace de liberté

Au rang des conti­nui­tés, la mer reste un espace de liber­té, qui per­met de relier les conti­nents à des coûts défiant toute concur­rence. Nos socié­tés sont deve­nues tota­le­ment dépen­dantes vis-à-vis des flux mari­times, qui repré­sentent 90 % de leurs approvisionnements.

“ Les menaces d’aujourd’hui n’effacent pas celles d’hier et ne préfigurent pas celles de demain ”

La mer est éga­le­ment un espace pri­vi­lé­gié d’accès aux zones de crise. Les évé­ne­ments montrent tous les jours qu’intervenir en haute mer, dans un envi­ron­ne­ment com­plexe ou face à une oppo­si­tion, ne peut être que l’apanage d’une marine hauturière.

La construc­tion d’une telle marine prend néces­sai­re­ment des dizaines d’années. Il faut donc pou­voir prendre en compte l’évolution rapide des menaces en mer et l’intégrer dans ce cycle long tout en gar­dant à l’esprit que les menaces d’aujourd’hui n’effacent pas celles d’hier et qu’elles ne pré­fi­gurent pas celles de demain : les hypo­thèses pour l’avenir doivent res­ter ouvertes.

La Marine intègre ces élé­ments de contexte. Elle le fait en ins­cri­vant son action dans une qua­druple conti­nui­té : de temps (elle agit en per­ma­nence), d’espace (au plus loin comme au plus proche de nos côtes), de spectre d’emploi (de la basse à la haute inten­si­té) et de milieu (terre-mer).

Elle le fait à tra­vers un dis­po­si­tif dans la pro­fon­deur, qui s’appuie notam­ment sur ses opé­ra­tions per­ma­nentes, coeur de sa capa­ci­té d’action.

Faire respecter le droit en mer

Déployée au plus proche des foyers de crise, ain­si que dans nos zones d’intérêt (Atlan­tique Nord, Afrique de l’Ouest, Médi­ter­ra­née orien­tale, océan Indien, golfe Ara­bo-Per­sique), la Marine veille à la sécu­ri­té des flux mari­times, de nos inté­rêts en mer et de nos res­sor­tis­sants à l’étranger.

Elle main­tient en per­ma­nence des moyens pré­po­si­tion­nés dans ces zones, en mesure de ren­sei­gner nos auto­ri­tés poli­tiques et mili­taires sur l’évolution de la situa­tion en mer et à terre et de réagir sans délai en cas de crise.

Par­tout où elle se déploie, elle affirme la volon­té de l’État fran­çais d’assumer ses res­pon­sa­bi­li­tés et de faire res­pec­ter le droit en mer. Enfin, elle coopère avec les marines par­te­naires pour contri­buer à assu­rer la paix et la stabilité.

Inter­cep­tion de nar­co­tra­fi­quants en mer.

Garantir la souveraineté

Plus proche de nos cités, elle assure en per­ma­nence la sur­veillance de nos espaces de sou­ve­rai­ne­té et de nos approches mari­times en métro­pole et outre-mer. Elle se tient prête à inter­ve­nir en cas de menace en mer. Elle garan­tit la sou­ve­rai­ne­té de la France sur les espaces pla­cés sous sa res­pon­sa­bi­li­té, ain­si que sur leurs ressources.

3 000 marins en métro­pole et 500 marins outre-mer contri­buent direc­te­ment à la mis­sion de pro­tec­tion du ter­ri­toire natio­nal. Ces marins sont inté­grés à un dis­po­si­tif de sur­veillance qui s’étend sur l’ensemble de notre lit­to­ral (5 800 km). Les mis­sions que la Marine conduit au quo­ti­dien dans nos espaces s’étendent du sau­ve­tage en mer à la neu­tra­li­sa­tion d’engins explo­sifs his­to­riques, en pas­sant par l’assistance à navire en dif­fi­cul­té, la police des pêches, la lutte contre la pol­lu­tion ou contre les tra­fics illicites.

Dissuader

Enfin, la Marine se place au coeur du dis­po­si­tif de défense natio­nale, en met­tant en oeuvre la dis­sua­sion nucléaire, garan­tie ultime de notre sécu­ri­té et de notre indé­pen­dance. Cette mis­sion est assu­rée de manière inin­ter­rom­pue depuis plus de qua­rante ans, avec la per­ma­nence à la mer d’au moins un sous-marin nucléaire lan­ceur d’engins.

C’est donc le rôle de la Marine de s’adapter à ces enjeux. Elle le fait quo­ti­dien­ne­ment à tra­vers ses mis­sions opé­ra­tion­nelles au ser­vice de la Nation. C’est aus­si pour cela qu’elle se moder­nise afin d’être prête à agir demain.

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1. Source : rap­port du Sénat sur la mari­ti­mi­sa­tion, 17 juillet 2012.

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