Hubert Lévy-Lambert (53), président du groupe X‑Sursaut, « Pourfendre les mythes »

Dossier : X-Sursaut : la renaissanceMagazine N°671 Janvier 2012
Par Jean-Marc CHABANAS (58)

Tel le Phé­nix, le groupe X‑Sursaut renaît pério­di­que­ment de ses cendres. Venant après la crise euro­péenne, les élec­tions pré­si­den­tielles du prin­temps pro­chain four­nissent une occa­sion unique de pro­di­guer à nou­veau diag­nos­tics et pro­po­si­tions. Oui, les poly­tech­ni­ciens ont des choses à dire.

Hubert Lévy-Lam­bert est le créa­teur his­to­rique du groupe X‑Sursaut en 2005.

« Cette créa­tion, rap­pelle-t-il, fai­sait, suite au fameux “ rap­port Cam­des­sus“, pré­ci­sé­ment inti­tu­lé “ Le sur­saut “. Claude Bébéar (55), Jean Pey­re­le­vade (58) et Gérard Worms (55) ont por­té le nou­veau groupe sur les fonts bap­tis­maux, au cours d’une séance mémo­rable du Conseil de l’AX où l’on se deman­dait ce que les poly­tech­ni­ciens venaient faire sur le ter­rain de la poli­tique économique.

« L’idée est simple. Les poly­tech­ni­ciens ont une for­ma­tion supé­rieure. Ils dis­posent de com­pé­tences très variées. Ils ont des choses à dire.

« Le groupe X‑Sursaut repre­nait ain­si des idées du groupe X‑Crise, fon­dé avant la der­nière guerre et dis­pa­ru sans gloire sous l’Occupation. »

Indé­pen­dants et compétents
« Qui sommes-nous pour don­ner des conseils ? Nous sommes indé­pen­dants, nous avons des com­pé­tences et des orien­ta­tions poli­tiques variées, mais nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne nous retrou­vons pas dans les divers pro­grammes des poli­tiques qui ont ten­dance à consi­dé­rer que les Fran­çais ne sont pas majeurs. La contrainte exté­rieure se res­serre. Il faut… un sursaut. »

Le sursaut sans tabou

Une pre­mière phase d’activité du groupe s’est ache­vée en 2007 sur une jour­née d’études inti­tu­lée « Le sur­saut sans tabou », dont il a été ren­du compte à l’époque dans La Jaune et la Rouge (n° 619, novembre 2006). Suc­ces­sion de débats oppo­sant un « uto­piste » et un « réa­liste », la jour­née avait évo­qué divers sujets, des finances publiques à l’emploi et au logement.

« Après deux ans de pré­si­dence, j’ai alors pas­sé le flam­beau à un cama­rade. Je le reprends aujourd’hui pour une nou­velle pré­si­dence de deux ans.

« J’ai recons­ti­tué une équipe en m’appuyant sur Laurent Daniel (96), éco­no­miste à l’OCDE et rap­por­teur géné­ral du Col­loque qui s’est tenu le 13 décembre dernier.

« Nous comp­tons envi­ron quatre cents membres, plus ou moins actifs, dont beau­coup de jeunes. De nom­breux membres ne résident pas en France et voient avec tris­tesse évo­luer la situa­tion de notre pays. »

Antimythes

C’est sous le titre évo­ca­teur d’Antimythes que l’Assemblée géné­rale tenue le 15 sep­tembre der­nier a pré­sen­té son mani­feste : « Tra­vailler plus pour pro­duire plus ».

« Il reste dans la ligne du rap­port Cam­des­sus, s’appuyant sur la néces­si­té de trou­ver des idées nou­velles et inté­res­santes pour redres­ser les finances publiques et le com­merce extérieur.«Les gou­ver­nants, estime Hubert Lévy-Lam­bert, sont un peu dans la situa­tion du pilote d’avion qui ne sait plus s‘il faut tirer sur le manche ou le pous­ser en avant. La mai­son brûle et on s’occupe des pro­chaines vacances. Nous impor­tons beau­coup plus que nous expor­tons et donc nous emprun­tons année après année. Il faut stop­per cette hémor­ra­gie si nous ne vou­lons pas subir le sort de la Grèce. »

Hubert LEVY-LAMBERT (53)

X‑Sursaut

Pré­sident : Hubert Lévy-Lam­bert (53)
Tré­so­rier : Hadrien Szi­ge­ti (93)
Rap­por­teur géné­ral : Laurent Daniel (96)
Web­mestre : Quen­tin Munier (2002)

Site Inter­net : x‑sursaut.polytechnique.org/

Hubert Lévy-Lam­bert (53), 3 enfants, 7 petits-enfants, est ingé­nieur des Mines. Spé­cia­li­sé suc­ces­si­ve­ment dans le pétrole, l’eau et les finances, il est déta­ché en 1958 à l’Organisation com­mune des régions saha­riennes, puis rejoint en 1972 la Socié­té géné­rale qu’il quitte en 1979 pour créer Fico-France, éta­blis­se­ment de finan­ce­ment immo­bi­lier. En 1991, il crée la fon­cière Paref dont il pré­side aujourd’hui le Conseil de sur­veillance. Il s’agit d’une socié­té d’investissement immo­bi­lier cotée (SIIC) qui emploie vingt-cinq per­sonnes et gère pour 700 mil­lions d’euros d’actifs (loge­ments, bureaux et com­merces). Hubert Lévy-Lam­bert a ensei­gné l’économie appli­quée au CEPE et à l’ENSAE et écrit divers livres d’économie dont Les choix éco­no­miques dans l’entreprise et dans l’administration, La véri­té des prix, la Ratio­na­li­sa­tion des choix bud­gé­taires.

Des atouts pour l’énergie

Par­mi les mul­tiples ques­tions que le groupe X‑Sursaut a abor­dées, faut-il, par exemple, sor­tir du nucléaire ?

« Envi­sa­ger sérieu­se­ment la sor­tie du nucléaire est un non-sens, estime Hubert Lévy-Lam­bert. Une telle déci­sion résulte d’une appli­ca­tion archi-sim­pliste du fameux prin­cipe de pré­cau­tion (comme si l’on se disait : je n’ai pas regar­dé la météo, dois-je prendre mon parapluie ?).

« La France dis­pose d’atouts consi­dé­rables en matière d’énergie. Nous avons une forte posi­tion dans l’électricité nucléaire et nous avons sans doute beau­coup de gaz de schiste. Avant de déci­der de ne pas l’exploiter, il faut au moins un débat où l’on pèse le pour et le contre : com­bien ça coûte ? com­bien ça rap­porte ? quels sont les risques ? com­ment les réduire ? »

Attention aux effets pervers

Autre exemple de ce que le groupe essaie de mettre en lumière, les effets per­vers des déci­sions prises sou­vent dans l’urgence et sans ana­lyse de leur impact. L’enfer est pavé de bonnes inten­tions. Ain­si, « dans le but fort louable de dis­sua­der l’entreprise de se débar­ras­ser de ses “vieux“ sala­riés, une “contri­bu­tion “, frap­pant les entre­prises licen­ciant un sala­rié de plus de cin­quante ans, a été ins­ti­tuée en 1987. Le résul­tat ne s’est pas fait attendre : anti­ci­pant les licen­cie­ments à venir, les entre­prises ont réduit les embauches à par­tir de qua­rante-cinq ans. Il a fal­lu près de vingt ans pour mettre fin à cette mesure absurde. »

Ser­vices à la per­sonne ou emplois productifs ?
Autre exemple de mesures inadap­tées, « les ser­vices à la per­sonne ou la res­tau­ra­tion béné­fi­cient d’avantages fis­caux impor­tants alors que ces acti­vi­tés sont à l’abri de la concur­rence étran­gère. Ce sont au contraire les acti­vi­tés expor­ta­trices qu’il fau­drait favo­ri­ser. Là encore, on actionne le manche à balai dans le mau­vais sens. »

Se retrousser les manches

« Il est donc indis­pen­sable, conclut Hubert Lévy-Lam­bert, de connaître les lois de l’économie si l’on veut gou­ver­ner effi­ca­ce­ment. Éta­blir un diag­nos­tic rigou­reux avant de défi­nir des remèdes. Se retrous­ser les manches. Tra­vailler plus pour pro­duire plus. Opé­rer une véri­table rupture. »

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