Pierre Chemillier

Pierre Chemillier (53), un scientifique au service de la construction

Dossier : TrajectoiresMagazine N°763 Mars 2021
Par Raphaël SLAMA (60)
Par Alain MAUGARD (62)
Par Bertrand DELCAMBRE (72)

Né en 1932 et décédé le 27 décem­bre 2020, Pierre Chemil­li­er a été un acteur majeur du monde de la con­struc­tion par son rôle durant la recon­struc­tion du pays, par la place qu’il a don­née aux sci­ences et tech­niques dans ce secteur et par son apport en matière de coopéra­tions internationales.

Dès sa sor­tie de l’ENPC, Pierre choisit le secteur du bâti­ment, ce qui à l’époque était excep­tion­nel pour un ingénieur des Ponts, car il avait com­pris que la recon­struc­tion du pays était la tâche emblé­ma­tique de l’après-guerre. Il est d’abord respon­s­able au niveau départe­men­tal de la recon­struc­tion avant de con­duire au niveau nation­al la poli­tique de recon­struc­tion. Pierre est ensuite chargé, à la direc­tion de la Con­struc­tion, de répon­dre à la crise du loge­ment. Respon­s­able du ser­vice de la poli­tique tech­nique, il éla­bore et con­duit un vaste plan de con­struc­tion de loge­ments notam­ment soci­aux ; il met au point une poli­tique tech­nique très ambitieuse fondée sur une haute qual­ité des loge­ments à des prix opti­misés : il est le chantre de l’industrialisation du bâtiment.

Face au reproche d’un excès de stan­dard­i­s­a­tion, Pierre Chemil­li­er promeut des inflex­ions pour per­me­t­tre la var­iété archi­tec­turale (archi­tec­ture libre faite avec des com­posants stan­dard­is­és). L’histoire retien­dra qu’il éla­bore et fait appli­quer la pre­mière régle­men­ta­tion ther­mique (1974), une des pre­mières en l’Europe dont la pré­pa­ra­tion précède le pre­mier choc pétrolier.

Mettre la science et la technique au service du bâtiment

Con­scient de la dimen­sion com­plexe du bâti­ment, il s’attache à dévelop­per les champs sci­en­tifiques qui le con­cer­nent, se pas­sionne aus­si pour les tech­niques de con­struc­tion et a l’intuition de la muta­tion pro­gres­sive des matéri­aux du bâti­ment, trans­for­més en usine en com­posants et mis en œuvre par sim­ple assem­blage sur le chantier. Cette démarche le con­duit à pren­dre la direc­tion du Cen­tre sci­en­tifique et tech­nique du bâti­ment (CSTB). Pen­dant les quinze années passées dans ce cen­tre, il lui don­nera une « aura » sci­en­tifique en France et à l’étranger, qui en fera un des grands cen­tres mon­di­aux. Il enseigne à l’ENPC et pub­lie de nom­breux ouvrages sur le bâti­ment, lais­sant ain­si l’image d’une des toutes pre­mières per­son­nal­ités sci­en­tifiques de la con­struc­tion et du bâtiment.

Développer les coopérations internationales et européennes

Très tôt, il dis­cerne l’importance de l’international. Il engage le CSTB dans la coopéra­tion inter­na­tionale et par­ticipe au développe­ment du CIB (Con­seil inter­na­tion­al du bâti­ment), créé en 1953 dans le cadre des Nations unies. Il en devient prési­dent. Mais son œuvre déter­mi­nante se situe à la com­mis­sion européenne où il est un des créa­teurs et rédac­teurs majeurs de la direc­tive des pro­duits de con­struc­tion (DPC) trans­for­mée par la suite en règle­ment pro­duit de con­struc­tion RPC.

Tout naturelle­ment, dans ce con­texte, il pré­side le COS (Comité d’orientation stratégique) con­struc­tion de l’Afnor, qui con­naît alors une intense activ­ité. Il s’agit en effet à la fois d’examiner et de dis­cuter, au sein d’une instance de pro­fes­sion­nels français, l’impact de la nou­velle régle­men­ta­tion européenne et d’accompagner le très impor­tant effort de nor­mal­i­sa­tion qu’implique la direc­tive, en veil­lant à défendre la cul­ture tech­nique française.

Tout au long de cette longue car­rière qui se pour­suit au-delà de sa retraite offi­cielle, il restera un sur­veil­lant exigeant de la mise en œuvre de la DPC et du RPC, expli­quant, avec ses tal­ents de péd­a­gogue, le pourquoi des claus­es et leur interprétation.

Pierre Chemil­li­er mar­quera aus­si son attache­ment aux acteurs de la con­struc­tion, en répon­dant à leur appel pour présider l’organisme de qual­i­fi­ca­tion des entre­pris­es de bâti­ment (Qual­i­bat).

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