Photographies du cinéaste Paul Vecchiali en 2017 et Paul Vecchiali élève de l'École polytechnique

Paul Vecchiali (X53) un grand cinéaste resté simple

Dossier : TrajectoiresMagazine N°783 Mars 2023
Par Christian GUITTET (X70)

Tout à la fois à la fois réal­isa­teur, pro­duc­teur et écrivain, Paul Vec­chiali, qua­si incon­nu du grand pub­lic mais très appré­cié des cinéphiles, est décédé à Gassin le 18 jan­vi­er 2023.

Né à Ajac­cio le 28 avril 1930, Paul Vec­chiali n’a vécu que pour le ciné­ma depuis l’âge de cinq ans. Il a réal­isé de nom­breux films qu’il a sou­vent pro­duits lui-même et qui ont mar­qué l’histoire du sep­tième art ; il a aus­si joué dans plusieurs de ses films. Son œuvre riche et var­iée a su touch­er les cinéphiles… mais ni le grand pub­lic, ni les jour­nal­istes de la télévi­sion qui n’ont même pas men­tion­né son décès à l’antenne ! Il le recon­nais­sait : « Je ne fais pas par­tie de la famille du ciné­ma. En France, les gens m’ignorent, je n’existe pas pour eux. » Il a pour­tant tourné une cinquan­taine de films, abor­dant des thèmes aus­si divers que la vieil­lesse, le retour sur le passé, l’amour, la sex­u­al­ité, le sida, la mal­adie, la peine de mort, la guerre et la religion…


Lire aus­si : Paul Vec­chiali (53), X et cinéaste indépendant


Générosité et simplicité 

Lorsque je l’ai inter­viewé en 2017 pour La Jaune et la Rouge (cf. n° 728), j’ai été frap­pé d’emblée par sa grande générosité, son sens aigu de l’organisation et surtout son extrême sim­plic­ité : « Je suis un homme, pas un dieu. Beau­coup de cinéastes se pren­nent pour des dieux : ça les regarde… Est-ce que je suis supérieur à un autre ? Oui sur cer­tains points, non sur d’autres. » Il regar­dait deux ou trois films par jour, mais avouait être de plus en plus déçu par le ciné­ma français qui, selon lui, devient narcissique.

Après avoir été offici­er instruc­teur à l’X et cri­tique dans Les Cahiers du ciné­ma et La Revue du ciné­ma, il se lance, ent­hou­si­as­mant François Truf­faut. Les années 1970 sont fécon­des, cinéaste pas­sion­né, Paul Vec­chiali réalise des films mag­nifiques : L’Étrangleur (1970), Femmes Femmes (1974), Corps à cœur (1979), pour n’en citer que quelques-uns ; éclec­tique, il tourne même un film pornographique en 1975 : Change pas de main. Suiv­ent En haut des march­es en 1983, Rosa la rose, fille publique en 1986, Once More (Encore) en 1988, etc.

“Paul a été sélectionné et primé à de très nombreuses reprises, dans les plus grands festivals internationaux.”

Après 1990, il doit ralen­tir le rythme et se retir­er dans le Var en rai­son de sa san­té. Mais il n’abandonne pas le ciné­ma et se lance dans une série de films à petit bud­get, tournés rapi­de­ment, par­fois chez lui et avec des moyens dérisoires, comme À vot’ bon cœur (2003), Les gens d’en bas (2010) et Nuits blanch­es sur la jetée (2014), primé au Fes­ti­val de Locarno. En effet, mécon­nu dans son pro­pre pays, Paul a, au con­traire, été sélec­tion­né et primé à de très nom­breuses repris­es, dans les plus grands fes­ti­vals inter­na­tionaux : Mostra de Venise, Fes­ti­val de Cannes, Fes­ti­val du film de Locarno, pour ne rap­pel­er que les plus connus.

Proche de la nou­velle vague, admi­ra­teur des cinéastes (Jean Grémil­lon, Max Ophuls) et des actri­ces (Danielle Dar­rieux, qu’il idol­â­trait !) des années 30, ses choix artis­tiques sont sou­vent auda­cieux : il a par exem­ple tourné Femmes Femmes en noir et blanc et filmé deux scènes de Nuits blanch­es sur la jetée avec son iPhone.

Le goût de l’écriture

Paul est aus­si l’auteur de seize romans, d’une pièce de théâtre, d’un recueil de chan­sons et poèmes et d’une auto­bi­ogra­phie pas­sion­nante : Le ciné­ma français émois et moi. Son Enc­iné­clopédie : Cinéastes français des années 1930 et leur œuvre est un mon­u­ment de 1 618 pages. Il a aus­si tourné pour la télévi­sion, prin­ci­pale­ment pour des raisons finan­cières, et pro­duit des films, notam­ment Jeanne Diel­man, 23, quai du com­merce, 1080 Brux­elles de Chan­tal Aker­man, élu en décem­bre 2022 meilleur film de tous les temps par la revue du British Film Institute.

Paul laisse un film presque ter­miné, impro­visé et tourné en un jour : Bon­jour la langue, en hom­mage à Jean-Luc Godard et son Adieu au lan­gage (2014). Depuis quelques années, il fai­sait promet­tre à ses assis­tants de ter­min­er les films en cours si jamais il décé­dait. Alors nous aurons sans doute la chance de voir ce dernier film… 


© Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palaiseau) — Pho­togra­phie : Stu­dio Val­lois / Chris­t­ian Gui­t­tet, pho­togra­phie de Paul Vec­chiali chez lui le 4 octo­bre 2017.

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