Pour qui roulent les polytechniciens ? — (2)

Dossier : ExpressionsMagazine N°696 Juin/Juillet 2014
Par François GIBERT (70)

Les échanges entretenus depuis plus de dix ans ont été rich­es. Citons, pêle-mêle, néces­sité des très hautes rémunéra­tions, libre cir­cu­la­tion des cap­i­taux et mon­naies, con­san­guinité des hauts fonc­tion­naires et des dirigeants des grands groupes, ou étab­lisse­ments financiers, fis­cal­ité du tra­vail et du cap­i­tal, réchauf­fe­ment cli­ma­tique et fini­tude de notre planète, etc.

Et puis est arrivée la crise finan­cière de 2007 et 2008, qui est venue con­firmer la justesse des inter­ro­ga­tions de ce petit groupe, à défaut d’y apporter des réponses.

Ces inter­ro­ga­tions se retrou­vent aujourd’hui dans La Jaune et la Rouge, comme en témoignent quelques extraits piochés dans le numéro de décem­bre 2013 con­sacré à l’entreprise dans la société :

  • Gilbert Ribes (56) : « En quar­ante ans le cap­i­tal­isme serait passé d’une logique indus­trielle et entre­pre­neuri­ale à une logique finan­cière et spécu­la­tive, moins soucieuse des intérêts des salariés et de la société ?»
  • François Drouin (71) : « Cela sup­pose des investis­seurs avisés, patients, respectueux du pro­jet d’entreprise, qui n’attendent pas de retours démesurés, rapi­des et dis­pro­por­tion­nés sur l’argent qu’ils ont immobilisé. »
  • Pierre Gat­taz : « La fis­cal­ité devrait […] tax­er la spécu­la­tion, la rente et le trad­ing haute fréquence. » Il dénonce aus­si « les para­chutes dorés et les retraites indécentes ».
  • Franck Lirzin (2003) et Lau­rent Daniel (96) : « Il faut encour­ager les cap­i­taux patients et les action­naires de long terme, résis­ter à la ten­ta­tion des éval­u­a­tions permanentes. »

Aujourd’hui, que dire, que faire ? Une analyse courante est de con­sid­ér­er que la crise est passée et que seule la France est encore à la traîne en rai­son des défauts de son cen­tral­isme, de ses struc­tures admin­is­tra­tives hyper­trophiées et de son manque de flexibilité.

Même si ces freins et tares sont bien réels, nous con­sid­érons que cette approche est très insuff­isante. Les fon­da­men­taux demeurent : la masse des act­ifs financiers est rev­enue en 2013 à des ratios d’avant-crise, soit plus de qua­tre fois le PIB mon­di­al, con­tre une fois dans les années 1970. Les prof­its aug­mentent, mais ali­mentent moins l’investissement pro­duc­tif que la spécu­la­tion sur act­ifs divers (dont immo­biliers). L’emprise du court terme se pour­suit avec des recherch­es de ren­de­ments économiques incom­pat­i­bles avec un développe­ment durable et équili­bré de notre planète.

Des hommes courageux et des pen­sées nova­tri­ces et struc­turantes sont néces­saires. En 1930, l’économie libre a pro­duit à la fois Roo­sevelt (qui s’est bat­tu pied à pied et avec suc­cès con­tre les excès de la finance) et Keynes (qui a dévelop­pé un cor­pus économique solide).

En 2014, le monde est plus inter­dépen­dant, et n’a plus de leader capa­ble de chang­er les règles. Les États- Unis sont affaib­lis par leur dette, l’Europe est divisée, et la Chine doit résoudre ses prob­lèmes de crois­sance déséquili­brée. Cette absence ne doit pas nous empêch­er de réfléchir à ces règles du jeu économique.

C’est même essen­tiel pour la France, pour l’Europe et le monde entier. Il est de la respon­s­abil­ité des élites de bien com­pren­dre les erreurs passées comme de pro­pos­er des voies pour relever ces défis et faire émerg­er des consensus.

À notre mod­este échelle, ici française et poly­tech­ni­ci­enne, nous invi­tons donc tous ceux que ce dis­cours inter­pelle à nous écrire, à rejoin­dre notre groupe d’échange, à l’enrichir, à le dynamiser.

L’ar­ti­cle ini­tial : Pour qui roulent les poly­tech­ni­ciens de Marc Flen­der (92)

De nom­breuses réac­tions sont parues dans La Jaune et la Rouge, et sont regroupées sur le site de Polydées.

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