Pour financer les PME

Dossier : Le tissu des PME françaisesMagazine N°522 Février 1997
Par Gérard de LIGNY (43)

Trois sources de difficultés

On a beau­coup par­lé des pertes subies par les banques dans le finan­ce­ment des PME, au cours des années 70 et 80 ; d’où découle leur pru­dence actuelle. De fait, per­sonne n’a publié le mon­tant de ces pertes, com­pa­ra­ti­ve­ment aux tra­fal­gar des grosses affaires, et il est curieux que la banque la plus enga­gée dans le finan­ce­ment des PME – coopé­ra­tives et entre­prises pri­vées – soit aujourd’­hui la plus prospère.

Néan­moins, on ne peut nier que le finan­ce­ment des PME com­porte des dif­fi­cul­tés spé­ci­fiques. Rete­nons-en trois :

1 - l’as­pi­ra­tion des res­sources des épar­gnants par les grands sys­tèmes de col­lecte et de réemploi ;
2 - la néces­si­té de lier le finan­ce­ment, le conseil, et le contrôle, et le coût pro­hi­bi­tif de cette triple inter­ven­tion com­pa­ra­ti­ve­ment à la taille des dossiers ;
3 - l’am­bi­tion du chef d’en­tre­prise de déte­nir tout le pou­voir mal­gré un apport finan­cier minoritaire.

Dans l’exa­men de ces dif­fi­cul­tés, nous ne ferons pas une dis­tinc­tion tran­chée entre le cas des fonds propres et celui des cré­dits, car l’o­ri­gine des freins est la même. Nous ne per­dons pas de vue pour autant que l’in­suf­fi­sance des fonds propres est la plus grave mala­die des entre­prises françaises. 

1 – Le manque de ressources

Au-delà des incon­di­tion­nels du bas de laine, les Fran­çais ont, pen­dant plu­sieurs géné­ra­tions, cher­ché à pla­cer leurs éco­no­mies dans des affaires pro­po­sées par des parents, des amis, leur notaire, ou leur ban­quier local.

C’est ce qui se fait encore mas­si­ve­ment, en Grande-Bre­tagne. Mais en France, « ça ne se fait plus ». Une CCI d’Au­vergne nous citait récem­ment les pro­pos tenus par le déten­teur d’un por­te­feuille confor­table, « en tant que père de famille, je ne peux pas prendre de risque sur de petites affaires locales, je dois faire des pla­ce­ments sûrs par l’in­ter­mé­diaire d’é­ta­blis­se­ments finan­ciers solides, pré­sents à Paris et Francfort. »

C’est ain­si que les gui­chets des grandes banques, implan­tés désor­mais dans les chefs-lieux de can­ton, col­lectent l’é­pargne locale et l’en­voient à Paris. Certes, une par­tie redes­cend dans la région d’où elle est venue, mais pour des pro­jets qui, vus de Paris, en valent la peine. Et les petits pro­jets, que seul un connais­seur proche du ter­rain (mais plus pers­pi­cace que le chef d’a­gence local d’une banque natio­nale) pour­rait éva­luer sans étude lourde, sont bien enten­du délaissés.

Le pal­lia­tif uni­ver­sel à la pénu­rie de capi­taux pour les PME est l’ap­pel aux fonds publics, sous toutes formes : sub­ven­tions, primes, construc­tions de bâti­ments, boni­fi­ca­tion d’in­té­rêts, avances rem­bour­sables. Cela a per­mis beau­coup de réa­li­sa­tions, mais sou­vent mal orien­tées et à faible rendement. 

2 – Instruction de dossier et parrainage trop coûteux

Alors que les pro­jets des grandes entre­prises mobi­lisent des états-majors impor­tants, les petits pro­jets de PME – pro­jets de créa­tion ou de déve­lop­pe­ment – sont géné­ra­le­ment por­tés par un homme ou une petite équipe enthou­siaste, tous com­pé­tents sur cer­tains aspects, mais inex­pé­ri­men­tés sur beau­coup d’autres.

La maintenance, une activité pas très gourmande en capitaux.
La main­te­nance, une acti­vi­té pas très gour­mande en capitaux.

Avant de finan­cer, il faut donc tra­vailler lon­gue­ment avec les por­teurs de pro­jets : leur faire appro­fon­dir les points obs­curs ou négli­gés, pro­po­ser des modi­fi­ca­tions qui aug­mentent leurs chances de réus­site, pré­ci­ser les étapes de réa­li­sa­tion, reprendre les cal­culs. Et plus que tout : éva­luer la capa­ci­té des entre­pre­neurs, pré­voir l’as­sis­tance qu’il fau­dra leur apporter.

Cette démarche est indis­pen­sable, elle peut faire pas­ser la pro­ba­bi­li­té de suc­cès de 30 à 80 %. Mais elle est coû­teuse – sans pro­por­tion­na­li­té avec l’en­jeu finan­cier – et elle réclame des com­pé­tences pointues.

Com­ment fait-on face aujourd’­hui à ce pro­blème majeur ? soit par la com­plai­sance soit par le rejet :
– cer­tains déten­teurs de capi­taux bien­veillants se contentent de dos­siers som­maires sur les pro­jets pré­sen­tés et acceptent de cou­rir le risque. Il s’a­git d’une part des déten­teurs de fonds publics qui exigent sur­tout des dos­siers « en règle », d’autre part les sui­veurs confiants appor­teurs de « love money » ;
– par contre les pro­fes­sion­nels du pla­ce­ment et du cré­dit (Banques, Socié­tés de capi­tal-risque…) sont enclins à reje­ter sans exa­men appro­fon­di les pro­jets dont l’ex­cel­lence n’est pas évidente.

À moins que ne leur soit appor­tée la cau­tion d’un groupe d’ex­perts répu­tés très fiables, qui effec­tuent gra­tui­te­ment la démarche d’ac­cueil des por­teurs de pro­jet que nous avons décrite ci-dessus.

De tels experts existent ; on les trouve soit dans des orga­nismes para­pu­blics qui en assument la charge (ANCE, CCI, Comi­té d’ex­pan­sion), soit dans des asso­cia­tions de béné­voles moti­vés par le déve­lop­pe­ment de l’emploi, telles que sont les plates-formes FIR (France ini­tia­tive réseau), lan­cée par notre cama­rade Michel Pin­ton (58), (voir enca­dré page 53).

On note­ra cepen­dant que cette assis­tance au lan­ce­ment du pro­jet, est rare­ment suf­fi­sante. La suite de la réa­li­sa­tion, avec apport de com­pé­tences com­plé­tant celles du diri­geant, est géné­ra­le­ment indis­pen­sable à la jeune PME ; le groupe d’ex­perts ini­tial doit donc être pro­lon­gé par une équipe de par­rai­nage, tra­vaillant en confiance avec le chef d’entreprise.

Dans de nom­breux cas, ce par­rai­nage peut être léger, mais il exige tou­jours une com­pé­tence et un savoir-faire de pro­fes­sion­nel. Le finan­cier ne peut pas le four­nir « par-des­sus le marché ». 

3 – Propriété et pouvoir

Le chef d’en­tre­prise estime géné­ra­le­ment que pour avoir les cou­dées franches, il doit déte­nir une solide majo­ri­té dans le Capi­tal. Ce n’est pas tou­jours jus­ti­fié, car dans la PME l’ac­tion­naire dépend du mana­ger – pra­ti­que­ment irrem­pla­çable -, beau­coup plus que le mana­ger ne dépend de l’ac­tion­naire. On observe même que, dans les jeunes PME inno­vantes et explo­sives, le mana­ger-pion­nier a inté­rêt à atti­rer le maxi­mum de capi­taux exté­rieurs pour ali­men­ter sa crois­sance et valo­ri­ser sa propre part.

Mais la convic­tion du chef d’en­tre­prise fran­çais étant ce qu’elle est, com­ment par­vient-il à conci­lier la fai­blesse de ses res­sources per­son­nelles avec la maî­trise de la majo­ri­té financière ?

Par trois moyens :
a) en sous-esti­mant les fonds propres,
b) en récol­tant le maxi­mum de subventions,
c) en sous­cri­vant des emprunts per­son­nels non gagés sur l’entreprise.

Ain­si pour un besoin réel de fonds propres de 2 000 KF, le chef d’en­tre­prise qui ne dis­pose que de 400 KF d’é­pargne personnelle :
– rééva­lue le besoin à 1 500 KF,
– se fait octroyer 350 KF de primes et sub­ven­tions, + 150 KF de prêt personnel.

De la sorte sa majo­ri­té est assu­rée à 60 % (sous réserve bien enten­du qu’il trouve des mino­ri­taires, pour cou­vrir les 40 % res­tants). Mal­heu­reu­se­ment la sous-esti­ma­tion des fonds propres et la charge de son emprunt lui crée­ront de graves dif­fi­cul­tés dès que le besoin en fonds de rou­le­ment va croître.

Quelques voies de progrès

Notre objec­tif est bien évi­dem­ment de gros­sir le nombre et le volume des pro­jets ayant un bon poten­tiel. Il serait néfaste de dur­cir beau­coup la sélec­tion ini­tiale en vue de réduire dras­ti­que­ment le taux d’é­chec, car la voca­tion des PME est de mul­ti­plier les audaces.

À titre indi­ca­tif pour les créa­tions d’en­tre­prises on pour­rait viser un taux de réus­site de 60 à 65 % (ce qui est le taux des Alle­mands) mais pas beau­coup plus. Avec un tel taux, il reste très dif­fi­cile, dans notre contexte euro­péen, d’é­qui­li­brer le coût des échecs par le pro­fit des réus­sites, au cours des années de lan­ce­ment (trois à cinq ans).

Donc une aide sur fonds publics est néces­saire, et elle se jus­ti­fie lar­ge­ment par l’ap­port des entre­prises à l’é­co­no­mie natio­nale dès qu’elles accèdent à l’âge de la maturité.

Mais cette aide devrait être limitée :
– à réa­li­ser des infra­struc­tures gar­dant une bonne par­tie de leur valeur quel que soit le sort des entre­prises qui les occasionnent,
– à réduire les risques par des actions pré­ven­tives tant au stade du pro­jet qu’au stade de l’exploitation,
– à cou­vrir les risques sub­sis­tants, ou du moins les diluer.

Le difficile engrenage de l’épargnant et de l’entrepreneur.
Le dif­fi­cile engre­nage de l’épargnant et de l’entrepreneur.

Le prin­cipe de l’aide publique étant acquis, le plus gros des inves­tis­se­ments doit être assu­ré par les capi­taux pri­vés et des pro­grès doivent être réa­li­sés sur trois axes :
– accroître le volume des res­sources dis­po­nibles et les intro­duire dans un pro­ces­sus de finan­ce­ment clas­sique visant la rentabilité,
– en com­pen­sa­tion affec­ter lar­ge­ment des fonds publics à la cou­ver­ture des frais d’as­sis­tance, de contrôle, et de garantie,
– uti­li­ser plus lar­ge­ment les béné­fices de la proxi­mi­té pour allé­ger les coûts d’as­sis­tance et de contrôle, et pour en accroître l’efficacité.

Nous allons exa­mi­ner suc­ces­si­ve­ment ces trois axes.

Accroître le volume des ressources disponibles

  • Pour les pro­jets de déve­lop­pe­ment, c’est l’en­tre­prise elle-même qui devrait déve­lop­per ses capa­ci­tés d’in­ves­tis­se­ments grâce notam­ment à l’é­pargne de son propre per­son­nel. Le sys­tème ita­lien du TFR, obser­vé sur le ter­rain par notre cama­rade Barache (47), est pro­ba­ble­ment le meilleur (voir enca­dré n° l). Mais les sys­tèmes fran­çais d’in­té­res­se­ment et de par­ti­ci­pa­tion per­mettent d’autres formes d’ac­cu­mu­la­tion de l’é­pargne du per­son­nel, avec des FCP « mai­son ». En outre le déve­lop­pe­ment des fonds de pen­sion – s’il voit le jour – devrait appor­ter de nou­velles possibilités.
     
  • Pour les créa­tions d’en­tre­prises, la mobi­li­sa­tion de l’é­pargne de proxi­mi­té n’est aujourd’­hui ni orga­ni­sée, ni encou­ra­gée. L’ob­ser­va­tion de nos voi­sins bri­tan­niques, qui la pra­tiquent à grande échelle, pour­rait nous aider à la décu­pler ou la cen­tu­pler, mal­gré notre han­di­cap de « ter­riens ». D’ores et déjà deux types d’o­pé­ra­tions devraient être lancés :
    – une infor­ma­tion mutuelle, très sou­te­nue média­ti­que­ment, des épar­gnants et des por­teurs de pro­jets : aujourd’­hui chaque camp ignore les oppor­tu­ni­tés que l’autre camp peut lui appor­ter. Des méthodes de mise en rela­tion ont été tes­tées avec un cer­tain suc­cès par notre cama­rade Boby (59). Elles doivent se mul­ti­plier et se diver­si­fier, tout en don­nant les apai­se­ments néces­saires à la COB dont la régle­men­ta­tion anti- escrocs décou­rage aus­si les hon­nêtes gens (voir enca­dré n° 2) :
    – l’é­par­gnant a deux autres besoins : la sécu­ri­té et la liqui­di­té de ses pla­ce­ments. Bien enten­du ce ne seront pas celles de la Caisse d’é­pargne : le sous­crip­teur d’ac­tions échange l’es­poir de plus-value contre un risque de moins-value, mais il veut être garan­ti contre la perte totale de son épargne. Une garan­tie à 60 % de sa mise suf­fi­rait sou­vent à l’a­pai­ser. C’est là que les fonds publics doivent intervenir.
     
Enca­dré n° 1
Sys­tème TFR (Ita­lie)

obser­vé par Jacques Barache (47)

Chaque année, I’en­tre­prise pro­vi­sionne, au pro­fit de cha­cun de ses sala­riés, une somme sen­si­ble­ment égale à un mois de salaire.
Cette pro­vi­sion reste dans les caisses de l’en­tre­prise tant que le sala­rié conti­nue à y tra­vailler. Elle lui est res­ti­tuée le jour de son départ quelle que soit la rai­son de ce départ.
Le fonds ain­si consti­tué figure au pas­sif de l’en­tre­prise. Étant à échéance indé­fi­nie, il ren­force les capi­taux permanents.
Pour parer aux défaillances de l’en­tre­prise, les sala­riés sont cou­verts par un fonds de garan­tie, ali­men­té par une contri­bu­tion des entre­prises. Fis­ca­le­ment, la pro­vi­sion est déduc­tible du béné­fice impo­sable et le sala­rié ne fait l’ob­jet d’une rete­nue à la source qu’au moment où il per­çoit sa « cagnotte ». Pour les entre­prises à per­son­nel stable, les sommes ain­si pro­vi­sion­nées atteignent faci­le­ment 30 à 40 % des capi­taux permanents.
Par consé­quent, aux capi­taux appor­tés par les action­naires avec risque s’a­joutent les capi­taux appor­tés par le per­son­nel sans risque.

Ils le font déjà – via la Sofa­ris qui fait payer sa garan­tie 20 % de ce qu’elle coûte réel­le­ment – mais, il faut aller plus loin, non seule­ment au béné­fice des emprunts mais aus­si des fonds propres.

Quant à la liqui­di­té, elle réclame un mar­ché bour­sier par­ti­cu­lier, sur lequel inter­viennent des orga­nismes finan­ciers pra­ti­quant le por­tage tem­po­raire des actions, ou à défaut, des « monts-de-pié­té ». De tels orga­nismes sont plus déve­lop­pés en Alle­magne et aux USA qu’en France. S’ils ne sont pas sou­te­nus au départ par des fonds publics, ils ne décollent pas.

Cela suf­fi­ra-t-il à finan­cer la masse des créa­tions et des déve­lop­pe­ments d’en­tre­prises dont notre pays a besoin ? ce n’est pas sûr, car les com­por­te­ments humains à l’é­gard de l’argent évo­luent len­te­ment. Aus­si a‑t-on envi­sa­gé de for­cer un peu la main aux sous­crip­teurs : sous­crire serait pour eux le moyen de s’ac­quit­ter de cer­taines dettes fis­cales, comme il en est par exemple de la taxe d’ap­pren­tis­sage, que cha­cun verse à des écoles pro­fes­sion­nelles libre­ment choisies.

L’ap­pren­tis­sage des entre­prises serait donc trai­té comme celui des sala­riés, via des Fonds com­muns de pla­ce­ment agréés qui, tout en étant concur­rents entre eux, devraient res­pec­ter des cahiers des charges spé­ci­fiques où les cri­tères indus­triels s’a­jou­te­raient aux cri­tères financiers.

Quelles que soient les dif­fi­cul­tés de prin­cipe de ce der­nier type de solu­tion, il appa­raît que des moyens existent pour faire assu­rer par l’argent pri­vé la cou­ver­ture des besoins de finan­ce­ment des entre­prises petites et moyennes aux­quelles le grand capi­tal ne s’in­té­resse pas.

Réorienter l’affectation des fonds publics

Entreprise ROVIP à Chavannes-sur-Suran, dans l'Ain.
Entre­prise ROVIP à Cha­vannes-sur-Sur­an, dans l’Ain. L’u­sine à la cam­pagne ne peut comp­ter que sur le capi­tal de proximité.

Les fonds publics actuel­le­ment affec­tés aux primes et sub­ven­tions pour­raient alors se repor­ter sur d’autres besoins, très insuf­fi­sam­ment cou­verts. Quels sont ces besoins ? nous en retien­drons trois : les infra­struc­tures cultu­relles, la pré­ven­tion des risques, et l’al­lé­ge­ment des épreuves subies par l’épargnant.

  • Par infra­struc­tures cultu­relles, nous visons non seule­ment la for­ma­tion, ini­tiale et conti­nue, du per­son­nel enga­gé dans la marche des entre­prises, mais la dif­fu­sion de l’es­prit d’en­tre­prise et de la culture d’en­tre­prise dans la popu­la­tion environnante.
  • La pré­ven­tion des risques com­mence par la sélec­tion et l’a­men­de­ment des pro­jets, elle se pour­suit par le contrôle – pro­fes­sion­nel autant que finan­cier – de leur réa­li­sa­tion, et par l’as­sis­tance au chef d’en­tre­prise. Toutes opé­ra­tions qui réclament des com­pé­tences, de la dis­po­ni­bi­li­té, et de la moti­va­tion, et peuvent coû­ter très cher.
  • « L’al­lé­ge­ment des épreuves de l’é­par­gnant » vise les besoins de sécu­ri­té et de liqui­di­té que nous avons évo­qués plus haut, donc des fonds de garan­tie à plu­sieurs étages, et des fonds de capi­tal tampon.


Les pre­miers sont condam­nés à s’é­ro­der puisque la com­mis­sion de garan­tie est très infé­rieure au taux de sinistre, les deuxièmes sont en rota­tion per­ma­nente, avec des tarifs de rachat d’ac­tions qui les pro­tègent contre les moins-values.

Et les « coudées franches » du chef d’entreprise ?

Si réel­le­ment les concours finan­ciers se mul­ti­plient, com­ment conser­ve­ra-t-il sa liber­té de manoeuvre avec une par­ti­ci­pa­tion per­son­nelle très mino­ri­taire ? Le sta­tut SA à Direc­toire et Conseil de Sur­veillance peut l’y aider en ce qui concerne la direc­tion quo­ti­dienne de son entre­prise. L’oc­troi du vote double aux parts du fon­da­teur lui don­ne­ra en outre la mino­ri­té de blo­cage avec 20 % seule­ment du capi­tal. Est-il sou­hai­table d’al­ler plus loin ? si ceux qui risquent leurs capi­taux n’ont droit qu’à des « amen » au mana­ger, y aura-t-il beau­coup de volon­taires ? Par contre la for­mule du prêt per­son­nel au créa­teur d’en­tre­prise, pour l’ai­der à gros­sir sa mise dans son affaire, est tout à fait saine, et à développer.

Enca­dré n° 2
Un maillon essen­tiel du capi­tal de proximité 
par Mar­cel BOBY (59), cofon­da­teur de PROXICAP et col­la­bo­ra­teur de l’AIMVER

Pour qu’un épar­gnant sous­crive direc­te­ment au capi­tal d’une entre­prise – que celle-ci soit en cours de créa­tion ou en déve­lop­pe­ment – il faut qu’il se sente en har­mo­nie avec le métier de cette entre­prise, avec son pro­jet, avec son patron.
Réci­pro­que­ment, I’en­tre­pre­neur, qui se méfie de l’ac­tion­naire ano­nyme tout autant que de l’ac­tion­naire col­lec­tif, donne la pré­fé­rence aux per­sonnes dont il connaît le visage, les inten­tions, et la situa­tion personnelle.
Or il n’y a pas de sys­tème pour orga­ni­ser la ren­contre des deux types de personnages.
Pour com­bler cette lacune, une équipe de consul­tants Iyon­nais a mon­té un cabi­net spé­cia­li­sé dans la fonc­tion d’en­tre­met­teur : PROXICAP (*). C’est un pro­to­type qui devrait se repro­duire en nom­breux exem­plaires si l’on veut que le capi­tal de proxi­mi­té se développe.
PROXICAP mène en per­ma­nence une double pros­pec­tion, auprès des por­teurs de capi­taux et des por­teurs de pro­jets. Comme il ne peut mettre en contact que des per­sonnes dont il a véri­fié la soli­di­té et la com­plé­men­ta­ri­té, il est obli­gé de poser des ques­tions très indis­crètes, donc de méri­ter plei­ne­ment leur confiance.
C’est ain­si qu’il est conduit à ne gar­der que 10 à 15 % des pro­jets qui lui sont pré­sen­tés, mal­gré une assis­tance sou­te­nue à la consti­tu­tion des dossiers.
Il consulte ensuite les inves­tis­seurs sus­cep­tibles d’être inté­res­sés, en deux étapes : d’a­bord avec une fiche syn­thé­tique sur le pro­jet, puis avec un dos­sier com­plet. À la suite de quoi il orga­nise les ren­contres qui lui paraissent utiles. Au-delà, sa mis­sion s’ar­rête, au moins offi­ciel­le­ment, et il ne sera rému­né­ré que si un accord est conclu entre les deux partenaires.
L’autre mode de ren­contre orga­ni­sé par PROXICAP est le « Salon du Capi­tal de Proxi­mi­té » : pen­dant une ou deux jour­nées, des por­teurs de pro­jets reçoivent des por­teurs de capi­taux à leur stand où les élé­ments les plus par­lants de leur pro­jet sont exposés.
Une telle mani­fes­ta­tion, qui réunit 10 à 20 expo­sants et une bonne cen­taine de visi­teurs, per­met de conclure quelques affaires immé­dia­te­ment et d’a­mor­cer des contacts qui pro­dui­ront des fruits dans les mois sui­vants. C’est en outre une occa­sion de popu­la­ri­ser dans la popu­la­tion locale les pla­ce­ments de proxi­mi­té, et de pré­pa­rer les esprits à de nou­velles opportunités.
(*) 1, rue Louis Jut­tet, 69410 Champagne-au-Mont-d’Or.

Jouer l’atout de la proximité

Outre la col­lecte des capi­taux pré­vus, les pres­ta­tions dans les­quelles doivent inter­ve­nir les fonds publics doivent être réa­li­sées dans des condi­tions opti­males de sim­pli­ci­té et de coût.

UNE INITIATIVE DE MICHEL PINTON (58)
FRANCE INITIATIVE ROSEAU (FIR)

FIR est une fédé­ra­tion de 90 Asso­cia­tions locales d’aide à la créa­tion d’entreprises.

Ces Asso­cia­tions, d’o­ri­gines diverses, sont pour la plu­part reliées à une col­lec­ti­vi­té locale (Chambre consu­laire, Comi­té d’ex­pan­sion…) près de laquelle siègent des repré­sen­tants d’autres col­lec­ti­vi­tés et de banques, des chefs d’en­tre­prise, des experts-comp­tables… L’en­ga­ge­ment de tous est per­son­nel et bénévole.
Chaque Asso­cia­tion dis­pose d’un fonds de quelques mil­lions de francs (par­fois moins) ali­men­té par des dons des col­lec­ti­vi­tés publiques et/ou des entre­prises implan­tées loca­le­ment. Elle accueille des por­teurs de pro­jets (créa­teurs d’en­tre­prise ou chefs d’en­tre­prise inno­vants) et les aident à éla­bo­rer, s’ils ne l’ont pas déjà fait, leur plan de financement.
Si le pro­jet est valable, si le por­teur de pro­jet est fiable et si un « coup de pouce » sur les fonds propres est néces­saire, l’As­so­cia­tion accorde à l’en­tre­pre­neur un prêt d’hon­neur, sans garan­tie, rem­bour­sable sans inté­rêts (sauf excep­tion) dans un délai de deux à cinq ans : un prêt modeste – de l’ordre de 50 KF – qui per­met sur­tout au béné­fi­ciaire de décro­cher d’autres concours financiers.
En contre­par­tie de ce prêt l’en­tre­pre­neur s’en­gage à col­la­bo­rer avec un « par­rain » – conseiller de ges­tion béné­vole, lui-même chef d’en­tre­prise – qui aura accès à toutes les infor­ma­tions rela­tives à l’en­tre­prise. Ce par­rai­nage est consi­dé­ré par FIR comme une pièce maî­tresse de son action.
L’As­so­cia­tion recons­ti­tue chaque année son fonds par les rem­bour­se­ments des prêts anté­rieurs plus une mise annuelle pour com­pen­ser les impayés (10 à 20 %).
La taille des entre­prises aidées dif­fère selon que la poli­tique de l’As­so­cia­tion a une domi­nante sociale (TPE) ou éco­no­mique (ME).

Sans nous étendre sur les pro­blèmes d’in­fra­struc­tures, nous nous cen­trons sur ce qui touche direc­te­ment l’é­par­gnant et l’entrepreneur.

Cha­cun d’eux réclame un support :
pour l’é­par­gnant : un col­lec­teur de fonds qui le conseille, l’in­forme, et réponde à son besoin de sécurité-liquidité,
pour l’en­tre­pre­neur : un assis­tant per­ma­nent, qui est en même temps res­pon­sable devant l’é­par­gnant – ou devant le col­lec­teur de fonds – de la pré­ven­tion des risques.

Si ces fonc­tions sont dis­tri­buées entre plu­sieurs ins­ti­tu­tions, et sur plu­sieurs étages (local, dépar­te­men­tal, régio­nal), aucun des deux béné­fi­ciaires – l’é­par­gnant et l’en­tre­pre­neur – ne sera encou­ra­gé à aller de l’a­vant, et on retrou­ve­ra les « coûts pro­hi­bi­tifs de la ges­tion des dossiers ».

Les Alle­mands résolvent le pro­blème par la « Haus­bank » qui cumule plus ou moins les deux fonc­tions et consti­tue un accom­pa­gna­teur per­ma­nent de l’en­tre­prise. Les condi­tions de trans­po­si­tion en France – mal­gré la règle de « non-ingé­rence dans la ges­tion » impo­sée à nos ban­quiers – devraient être plus sérieu­se­ment étudiées.

À défaut, le modèle de nos fonds d’in­ves­tis­se­ment, dépar­te­men­taux ou locaux, jume­lés avec des groupes de par­rai­nage, aux trois quarts béné­voles, devrait ser­vir de base à la construc­tion d’un réseau de Fonds com­muns de Pla­ce­ment, doté de moyens trois ou quatre fois plus impor­tants que les fonds d’in­ves­tis­se­ments actuels ; ce réseau serait jume­lé avec des réseaux de conseillers d’en­tre­prises, tels que les réseaux anglais « Busi­ness Links » et « Rural Deve­lop­ment Commission ».

En tout cas, seule la rela­tion de proxi­mi­té peut appor­ter la sim­pli­ci­té et l’é­co­no­mie de fonc­tion­ne­ment indis­pen­sables. Proxi­mi­té géo­gra­phique le plus sou­vent, mais quel­que­fois aus­si proxi­mi­té pro­fes­sion­nelle ; certes celle-ci peut poser quelques pro­blèmes de concur­rence, mais elle garan­tit la com­pé­tence dans l’é­va­lua­tion des pro­jets et du mana­ge­ment, et elle peut conduire à des alliances utiles. Les asso­cia­tions d’en­tre­prises qui com­mencent à naître sur notre ter­ri­toire ont un rôle à jouer dans ce domaine.

Trop de voies, pas assez d’issues ?

Nous n’a­vons pas, dans cet article, déve­lop­pé les condi­tions d’ap­pli­ca­tion des sug­ges­tions pré­sen­tées. Mais il n’y en a aucune qui n’ait don­né lieu, en France ou à l’é­tran­ger, soit à des expé­ri­men­ta­tions durables soit à des études de fonc­tion­ne­ment appro­fon­dies. Nous nous trou­vons même sur un chan­tier très encom­bré par des for­mules variées qui donnent une impres­sion de grand bri­co­lage, mais qui ont cha­cune une petite zone d’efficacité.

Il faut donc faire émer­ger pro­gres­si­ve­ment les for­mules qui per­met­tront de chan­ger de vitesse dans le déve­lop­pe­ment des PME. La prise de conscience de l’im­por­tance de ce déve­lop­pe­ment dans les milieux d’af­faires et dans les milieux poli­tiques va cer­tai­ne­ment por­ter des fruits dans les pro­chaines années. Les mesures déjà prises par le minis­tère des Entre­prises, notam­ment la Banque de Déve­lop­pe­ment des PME, sont le signe d’un mou­ve­ment en marche.

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