Pour financer les PME

Dossier : Le tissu des PME françaisesMagazine N°522 Février 1997
Par Gérard de LIGNY (43)

Trois sources de difficultés

On a beau­coup par­lé des pertes subies par les ban­ques dans le finance­ment des PME, au cours des années 70 et 80 ; d’où découle leur pru­dence actuelle. De fait, per­son­ne n’a pub­lié le mon­tant de ces pertes, com­par­a­tive­ment aux trafal­gar des gross­es affaires, et il est curieux que la banque la plus engagée dans le finance­ment des PME — coopéra­tives et entre­pris­es privées — soit aujour­d’hui la plus prospère.

Néan­moins, on ne peut nier que le finance­ment des PME com­porte des dif­fi­cultés spé­ci­fiques. Retenons-en trois :

1 - l’aspi­ra­tion des ressources des épargnants par les grands sys­tèmes de col­lecte et de réemploi ;
2 - la néces­sité de lier le finance­ment, le con­seil, et le con­trôle, et le coût pro­hibitif de cette triple inter­ven­tion com­par­a­tive­ment à la taille des dossiers ;
3 - l’am­bi­tion du chef d’en­tre­prise de détenir tout le pou­voir mal­gré un apport financier minoritaire.

Dans l’ex­a­m­en de ces dif­fi­cultés, nous ne fer­ons pas une dis­tinc­tion tranchée entre le cas des fonds pro­pres et celui des crédits, car l’o­rig­ine des freins est la même. Nous ne per­dons pas de vue pour autant que l’in­suff­i­sance des fonds pro­pres est la plus grave mal­adie des entre­pris­es françaises. 

1 — Le manque de ressources

Au-delà des incon­di­tion­nels du bas de laine, les Français ont, pen­dant plusieurs généra­tions, cher­ché à plac­er leurs économies dans des affaires pro­posées par des par­ents, des amis, leur notaire, ou leur ban­quier local.

C’est ce qui se fait encore mas­sive­ment, en Grande-Bre­tagne. Mais en France, “ça ne se fait plus”. Une CCI d’Au­vergne nous citait récem­ment les pro­pos tenus par le déten­teur d’un porte­feuille con­fort­able, “en tant que père de famille, je ne peux pas pren­dre de risque sur de petites affaires locales, je dois faire des place­ments sûrs par l’in­ter­mé­di­aire d’étab­lisse­ments financiers solides, présents à Paris et Francfort.”

C’est ain­si que les guichets des grandes ban­ques, implan­tés désor­mais dans les chefs-lieux de can­ton, col­lectent l’é­pargne locale et l’en­voient à Paris. Certes, une par­tie redescend dans la région d’où elle est venue, mais pour des pro­jets qui, vus de Paris, en valent la peine. Et les petits pro­jets, que seul un con­nais­seur proche du ter­rain (mais plus per­spi­cace que le chef d’a­gence local d’une banque nationale) pour­rait éval­uer sans étude lourde, sont bien enten­du délaissés.

Le pal­li­atif uni­versel à la pénurie de cap­i­taux pour les PME est l’ap­pel aux fonds publics, sous toutes formes : sub­ven­tions, primes, con­struc­tions de bâti­ments, boni­fi­ca­tion d’in­térêts, avances rem­boursables. Cela a per­mis beau­coup de réal­i­sa­tions, mais sou­vent mal ori­en­tées et à faible rendement. 

2 — Instruction de dossier et parrainage trop coûteux

Alors que les pro­jets des grandes entre­pris­es mobilisent des états-majors impor­tants, les petits pro­jets de PME — pro­jets de créa­tion ou de développe­ment — sont générale­ment portés par un homme ou une petite équipe ent­hou­si­aste, tous com­pé­tents sur cer­tains aspects, mais inex­péri­men­tés sur beau­coup d’autres.

La maintenance, une activité pas très gourmande en capitaux.
La main­te­nance, une activ­ité pas très gour­mande en capitaux.

Avant de financer, il faut donc tra­vailler longue­ment avec les por­teurs de pro­jets : leur faire appro­fondir les points obscurs ou nég­ligés, pro­pos­er des mod­i­fi­ca­tions qui aug­mentent leurs chances de réus­site, pré­cis­er les étapes de réal­i­sa­tion, repren­dre les cal­culs. Et plus que tout : éval­uer la capac­ité des entre­pre­neurs, prévoir l’as­sis­tance qu’il fau­dra leur apporter.

Cette démarche est indis­pens­able, elle peut faire pass­er la prob­a­bil­ité de suc­cès de 30 à 80 %. Mais elle est coû­teuse — sans pro­por­tion­nal­ité avec l’en­jeu financier — et elle réclame des com­pé­tences pointues.

Com­ment fait-on face aujour­d’hui à ce prob­lème majeur ? soit par la com­plai­sance soit par le rejet :
— cer­tains déten­teurs de cap­i­taux bien­veil­lants se con­tentent de dossiers som­maires sur les pro­jets présen­tés et acceptent de courir le risque. Il s’ag­it d’une part des déten­teurs de fonds publics qui exi­gent surtout des dossiers “en règle”, d’autre part les suiveurs con­fi­ants appor­teurs de “love money” ;
— par con­tre les pro­fes­sion­nels du place­ment et du crédit (Ban­ques, Sociétés de cap­i­tal-risque…) sont enclins à rejeter sans exa­m­en appro­fon­di les pro­jets dont l’ex­cel­lence n’est pas évidente.

À moins que ne leur soit apportée la cau­tion d’un groupe d’ex­perts réputés très fiables, qui effectuent gra­tu­ite­ment la démarche d’ac­cueil des por­teurs de pro­jet que nous avons décrite ci-dessus.

De tels experts exis­tent ; on les trou­ve soit dans des organ­ismes para­publics qui en assu­ment la charge (ANCE, CCI, Comité d’ex­pan­sion), soit dans des asso­ci­a­tions de bénév­oles motivés par le développe­ment de l’emploi, telles que sont les plates-formes FIR (France ini­tia­tive réseau), lancée par notre cama­rade Michel Pin­ton (58), (voir encadré page 53).

On notera cepen­dant que cette assis­tance au lance­ment du pro­jet, est rarement suff­isante. La suite de la réal­i­sa­tion, avec apport de com­pé­tences com­plé­tant celles du dirigeant, est générale­ment indis­pens­able à la jeune PME ; le groupe d’ex­perts ini­tial doit donc être pro­longé par une équipe de par­rainage, tra­vail­lant en con­fi­ance avec le chef d’entreprise.

Dans de nom­breux cas, ce par­rainage peut être léger, mais il exige tou­jours une com­pé­tence et un savoir-faire de pro­fes­sion­nel. Le financier ne peut pas le fournir “par-dessus le marché”. 

3 — Propriété et pouvoir

Le chef d’en­tre­prise estime générale­ment que pour avoir les coudées franch­es, il doit détenir une solide majorité dans le Cap­i­tal. Ce n’est pas tou­jours jus­ti­fié, car dans la PME l’ac­tion­naire dépend du man­ag­er — pra­tique­ment irrem­plaçable -, beau­coup plus que le man­ag­er ne dépend de l’ac­tion­naire. On observe même que, dans les jeunes PME inno­vantes et explo­sives, le man­ag­er-pio­nnier a intérêt à attir­er le max­i­mum de cap­i­taux extérieurs pour ali­menter sa crois­sance et val­oris­er sa pro­pre part.

Mais la con­vic­tion du chef d’en­tre­prise français étant ce qu’elle est, com­ment parvient-il à con­cili­er la faib­lesse de ses ressources per­son­nelles avec la maîtrise de la majorité financière ?

Par trois moyens :
a) en sous-esti­mant les fonds propres,
b) en récoltant le max­i­mum de subventions,
c) en souscrivant des emprunts per­son­nels non gagés sur l’entreprise.

Ain­si pour un besoin réel de fonds pro­pres de 2 000 KF, le chef d’en­tre­prise qui ne dis­pose que de 400 KF d’é­pargne personnelle :
— réé­val­ue le besoin à 1 500 KF,
— se fait octroy­er 350 KF de primes et sub­ven­tions, + 150 KF de prêt personnel.

De la sorte sa majorité est assurée à 60 % (sous réserve bien enten­du qu’il trou­ve des minori­taires, pour cou­vrir les 40 % restants). Mal­heureuse­ment la sous-esti­ma­tion des fonds pro­pres et la charge de son emprunt lui créeront de graves dif­fi­cultés dès que le besoin en fonds de roule­ment va croître.

Quelques voies de progrès

Notre objec­tif est bien évidem­ment de grossir le nom­bre et le vol­ume des pro­jets ayant un bon poten­tiel. Il serait néfaste de dur­cir beau­coup la sélec­tion ini­tiale en vue de réduire dras­tique­ment le taux d’échec, car la voca­tion des PME est de mul­ti­pli­er les audaces.

À titre indi­catif pour les créa­tions d’en­tre­pris­es on pour­rait vis­er un taux de réus­site de 60 à 65 % (ce qui est le taux des Alle­mands) mais pas beau­coup plus. Avec un tel taux, il reste très dif­fi­cile, dans notre con­texte européen, d’équili­br­er le coût des échecs par le prof­it des réus­sites, au cours des années de lance­ment (trois à cinq ans).

Donc une aide sur fonds publics est néces­saire, et elle se jus­ti­fie large­ment par l’ap­port des entre­pris­es à l’é­conomie nationale dès qu’elles accè­dent à l’âge de la maturité.

Mais cette aide devrait être limitée :
— à réalis­er des infra­struc­tures gar­dant une bonne par­tie de leur valeur quel que soit le sort des entre­pris­es qui les occasionnent,
— à réduire les risques par des actions préven­tives tant au stade du pro­jet qu’au stade de l’exploitation,
— à cou­vrir les risques sub­sis­tants, ou du moins les diluer.

Le difficile engrenage de l’épargnant et de l’entrepreneur.
Le dif­fi­cile engrenage de l’épargnant et de l’entrepreneur.

Le principe de l’aide publique étant acquis, le plus gros des investisse­ments doit être assuré par les cap­i­taux privés et des pro­grès doivent être réal­isés sur trois axes :
— accroître le vol­ume des ressources disponibles et les intro­duire dans un proces­sus de finance­ment clas­sique visant la rentabilité,
— en com­pen­sa­tion affecter large­ment des fonds publics à la cou­ver­ture des frais d’as­sis­tance, de con­trôle, et de garantie,
— utilis­er plus large­ment les béné­fices de la prox­im­ité pour alléger les coûts d’as­sis­tance et de con­trôle, et pour en accroître l’efficacité.

Nous allons exam­in­er suc­ces­sive­ment ces trois axes.

Accroître le volume des ressources disponibles

  • Pour les pro­jets de développe­ment, c’est l’en­tre­prise elle-même qui devrait dévelop­per ses capac­ités d’in­vestisse­ments grâce notam­ment à l’é­pargne de son pro­pre per­son­nel. Le sys­tème ital­ien du TFR, observé sur le ter­rain par notre cama­rade Barache (47), est prob­a­ble­ment le meilleur (voir encadré n° l). Mais les sys­tèmes français d’in­téresse­ment et de par­tic­i­pa­tion per­me­t­tent d’autres formes d’ac­cu­mu­la­tion de l’é­pargne du per­son­nel, avec des FCP “mai­son”. En out­re le développe­ment des fonds de pen­sion — s’il voit le jour — devrait apporter de nou­velles possibilités.
     
  • Pour les créa­tions d’en­tre­pris­es, la mobil­i­sa­tion de l’é­pargne de prox­im­ité n’est aujour­d’hui ni organ­isée, ni encour­agée. L’ob­ser­va­tion de nos voisins bri­tan­niques, qui la pra­tiquent à grande échelle, pour­rait nous aider à la décu­pler ou la cen­tu­pler, mal­gré notre hand­i­cap de “ter­riens”. D’ores et déjà deux types d’opéra­tions devraient être lancés :
    — une infor­ma­tion mutuelle, très soutenue médi­a­tique­ment, des épargnants et des por­teurs de pro­jets : aujour­d’hui chaque camp ignore les oppor­tu­nités que l’autre camp peut lui apporter. Des méth­odes de mise en rela­tion ont été testées avec un cer­tain suc­cès par notre cama­rade Boby (59). Elles doivent se mul­ti­pli­er et se diver­si­fi­er, tout en don­nant les apaise­ments néces­saires à la COB dont la régle­men­ta­tion anti- escrocs décourage aus­si les hon­nêtes gens (voir encadré n° 2) :
    — l’é­pargnant a deux autres besoins : la sécu­rité et la liq­uid­ité de ses place­ments. Bien enten­du ce ne seront pas celles de la Caisse d’é­pargne : le souscrip­teur d’ac­tions échange l’e­spoir de plus-val­ue con­tre un risque de moins-val­ue, mais il veut être garan­ti con­tre la perte totale de son épargne. Une garantie à 60 % de sa mise suf­fi­rait sou­vent à l’a­pais­er. C’est là que les fonds publics doivent intervenir.
     
Encadré n° 1
Sys­tème TFR (Ital­ie)

observé par Jacques Barache (47)

Chaque année, I’en­tre­prise pro­vi­sionne, au prof­it de cha­cun de ses salariés, une somme sen­si­ble­ment égale à un mois de salaire.
Cette pro­vi­sion reste dans les caiss­es de l’en­tre­prise tant que le salarié con­tin­ue à y tra­vailler. Elle lui est resti­tuée le jour de son départ quelle que soit la rai­son de ce départ.
Le fonds ain­si con­sti­tué fig­ure au pas­sif de l’en­tre­prise. Étant à échéance indéfinie, il ren­force les cap­i­taux permanents.
Pour par­er aux défail­lances de l’en­tre­prise, les salariés sont cou­verts par un fonds de garantie, ali­men­té par une con­tri­bu­tion des entre­pris­es. Fis­cale­ment, la pro­vi­sion est déductible du béné­fice impos­able et le salarié ne fait l’ob­jet d’une retenue à la source qu’au moment où il perçoit sa “cagnotte”. Pour les entre­pris­es à per­son­nel sta­ble, les sommes ain­si pro­vi­sion­nées atteignent facile­ment 30 à 40 % des cap­i­taux permanents.
Par con­séquent, aux cap­i­taux apportés par les action­naires avec risque s’a­joutent les cap­i­taux apportés par le per­son­nel sans risque.

Ils le font déjà — via la Sofaris qui fait pay­er sa garantie 20 % de ce qu’elle coûte réelle­ment — mais, il faut aller plus loin, non seule­ment au béné­fice des emprunts mais aus­si des fonds propres.

Quant à la liq­uid­ité, elle réclame un marché bour­si­er par­ti­c­uli­er, sur lequel inter­vi­en­nent des organ­ismes financiers pra­ti­quant le portage tem­po­raire des actions, ou à défaut, des “monts-de-piété”. De tels organ­ismes sont plus dévelop­pés en Alle­magne et aux USA qu’en France. S’ils ne sont pas soutenus au départ par des fonds publics, ils ne décol­lent pas.

Cela suf­fi­ra-t-il à financer la masse des créa­tions et des développe­ments d’en­tre­pris­es dont notre pays a besoin ? ce n’est pas sûr, car les com­porte­ments humains à l’é­gard de l’ar­gent évolu­ent lente­ment. Aus­si a‑t-on envis­agé de forcer un peu la main aux souscrip­teurs : souscrire serait pour eux le moyen de s’ac­quit­ter de cer­taines dettes fis­cales, comme il en est par exem­ple de la taxe d’ap­pren­tis­sage, que cha­cun verse à des écoles pro­fes­sion­nelles libre­ment choisies.

L’ap­pren­tis­sage des entre­pris­es serait donc traité comme celui des salariés, via des Fonds com­muns de place­ment agréés qui, tout en étant con­cur­rents entre eux, devraient respecter des cahiers des charges spé­ci­fiques où les critères indus­triels s’a­jouteraient aux critères financiers.

Quelles que soient les dif­fi­cultés de principe de ce dernier type de solu­tion, il appa­raît que des moyens exis­tent pour faire assur­er par l’ar­gent privé la cou­ver­ture des besoins de finance­ment des entre­pris­es petites et moyennes aux­quelles le grand cap­i­tal ne s’in­téresse pas.

Réorienter l’affectation des fonds publics

Entreprise ROVIP à Chavannes-sur-Suran, dans l'Ain.
Entre­prise ROVIP à Cha­vannes-sur-Suran, dans l’Ain. L’u­sine à la cam­pagne ne peut compter que sur le cap­i­tal de proximité.

Les fonds publics actuelle­ment affec­tés aux primes et sub­ven­tions pour­raient alors se reporter sur d’autres besoins, très insuff­isam­ment cou­verts. Quels sont ces besoins ? nous en retien­drons trois : les infra­struc­tures cul­turelles, la préven­tion des risques, et l’al­lége­ment des épreuves subies par l’épargnant.

  • Par infra­struc­tures cul­turelles, nous visons non seule­ment la for­ma­tion, ini­tiale et con­tin­ue, du per­son­nel engagé dans la marche des entre­pris­es, mais la dif­fu­sion de l’e­sprit d’en­tre­prise et de la cul­ture d’en­tre­prise dans la pop­u­la­tion environnante.
  • La préven­tion des risques com­mence par la sélec­tion et l’a­mende­ment des pro­jets, elle se pour­suit par le con­trôle — pro­fes­sion­nel autant que financier — de leur réal­i­sa­tion, et par l’as­sis­tance au chef d’en­tre­prise. Toutes opéra­tions qui récla­ment des com­pé­tences, de la disponi­bil­ité, et de la moti­va­tion, et peu­vent coûter très cher.
  • “L’al­lége­ment des épreuves de l’é­pargnant” vise les besoins de sécu­rité et de liq­uid­ité que nous avons évo­qués plus haut, donc des fonds de garantie à plusieurs étages, et des fonds de cap­i­tal tampon.


Les pre­miers sont con­damnés à s’éroder puisque la com­mis­sion de garantie est très inférieure au taux de sin­istre, les deux­ièmes sont en rota­tion per­ma­nente, avec des tar­ifs de rachat d’ac­tions qui les pro­tè­gent con­tre les moins-values.

Et les “coudées franches” du chef d’entreprise ?

Si réelle­ment les con­cours financiers se mul­ti­plient, com­ment con­servera-t-il sa lib­erté de manoeu­vre avec une par­tic­i­pa­tion per­son­nelle très minori­taire ? Le statut SA à Direc­toire et Con­seil de Sur­veil­lance peut l’y aider en ce qui con­cerne la direc­tion quo­ti­di­enne de son entre­prise. L’oc­troi du vote dou­ble aux parts du fon­da­teur lui don­nera en out­re la minorité de blocage avec 20 % seule­ment du cap­i­tal. Est-il souhaitable d’aller plus loin ? si ceux qui risquent leurs cap­i­taux n’ont droit qu’à des “amen” au man­ag­er, y aura-t-il beau­coup de volon­taires ? Par con­tre la for­mule du prêt per­son­nel au créa­teur d’en­tre­prise, pour l’aider à grossir sa mise dans son affaire, est tout à fait saine, et à développer.

Encadré n° 2
Un mail­lon essen­tiel du cap­i­tal de proximité 
par Mar­cel BOBY (59), cofon­da­teur de PROXICAP et col­lab­o­ra­teur de l’AIMVER

Pour qu’un épargnant souscrive directe­ment au cap­i­tal d’une entre­prise — que celle-ci soit en cours de créa­tion ou en développe­ment — il faut qu’il se sente en har­monie avec le méti­er de cette entre­prise, avec son pro­jet, avec son patron.
Récipro­que­ment, I’en­tre­pre­neur, qui se méfie de l’ac­tion­naire anonyme tout autant que de l’ac­tion­naire col­lec­tif, donne la préférence aux per­son­nes dont il con­naît le vis­age, les inten­tions, et la sit­u­a­tion personnelle.
Or il n’y a pas de sys­tème pour organ­is­er la ren­con­tre des deux types de personnages.
Pour combler cette lacune, une équipe de con­sul­tants Iyon­nais a mon­té un cab­i­net spé­cial­isé dans la fonc­tion d’en­tremet­teur : PROXICAP (*). C’est un pro­to­type qui devrait se repro­duire en nom­breux exem­plaires si l’on veut que le cap­i­tal de prox­im­ité se développe.
PROXICAP mène en per­ma­nence une dou­ble prospec­tion, auprès des por­teurs de cap­i­taux et des por­teurs de pro­jets. Comme il ne peut met­tre en con­tact que des per­son­nes dont il a véri­fié la solid­ité et la com­plé­men­tar­ité, il est obligé de pos­er des ques­tions très indis­crètes, donc de mérit­er pleine­ment leur confiance.
C’est ain­si qu’il est con­duit à ne garder que 10 à 15 % des pro­jets qui lui sont présen­tés, mal­gré une assis­tance soutenue à la con­sti­tu­tion des dossiers.
Il con­sulte ensuite les investis­seurs sus­cep­ti­bles d’être intéressés, en deux étapes : d’abord avec une fiche syn­thé­tique sur le pro­jet, puis avec un dossier com­plet. À la suite de quoi il organ­ise les ren­con­tres qui lui parais­sent utiles. Au-delà, sa mis­sion s’ar­rête, au moins offi­cielle­ment, et il ne sera rémunéré que si un accord est con­clu entre les deux partenaires.
L’autre mode de ren­con­tre organ­isé par PROXICAP est le “Salon du Cap­i­tal de Prox­im­ité” : pen­dant une ou deux journées, des por­teurs de pro­jets reçoivent des por­teurs de cap­i­taux à leur stand où les élé­ments les plus par­lants de leur pro­jet sont exposés.
Une telle man­i­fes­ta­tion, qui réu­nit 10 à 20 exposants et une bonne cen­taine de vis­i­teurs, per­met de con­clure quelques affaires immé­di­ate­ment et d’amorcer des con­tacts qui pro­duiront des fruits dans les mois suiv­ants. C’est en out­re une occa­sion de pop­u­laris­er dans la pop­u­la­tion locale les place­ments de prox­im­ité, et de pré­par­er les esprits à de nou­velles opportunités.
(*) 1, rue Louis Jut­tet, 69410 Champagne-au-Mont-d’Or.

Jouer l’atout de la proximité

Out­re la col­lecte des cap­i­taux prévus, les presta­tions dans lesquelles doivent inter­venir les fonds publics doivent être réal­isées dans des con­di­tions opti­males de sim­plic­ité et de coût.

UNE INITIATIVE DE MICHEL PINTON (58)
FRANCE INITIATIVE ROSEAU (FIR)

FIR est une fédéra­tion de 90 Asso­ci­a­tions locales d’aide à la créa­tion d’entreprises.

Ces Asso­ci­a­tions, d’o­rig­ines divers­es, sont pour la plu­part reliées à une col­lec­tiv­ité locale (Cham­bre con­sulaire, Comité d’ex­pan­sion…) près de laque­lle siè­gent des représen­tants d’autres col­lec­tiv­ités et de ban­ques, des chefs d’en­tre­prise, des experts-compt­a­bles… L’en­gage­ment de tous est per­son­nel et bénévole.
Chaque Asso­ci­a­tion dis­pose d’un fonds de quelques mil­lions de francs (par­fois moins) ali­men­té par des dons des col­lec­tiv­ités publiques et/ou des entre­pris­es implan­tées locale­ment. Elle accueille des por­teurs de pro­jets (créa­teurs d’en­tre­prise ou chefs d’en­tre­prise inno­vants) et les aident à éla­bor­er, s’ils ne l’ont pas déjà fait, leur plan de financement.
Si le pro­jet est val­able, si le por­teur de pro­jet est fiable et si un “coup de pouce” sur les fonds pro­pres est néces­saire, l’As­so­ci­a­tion accorde à l’en­tre­pre­neur un prêt d’hon­neur, sans garantie, rem­boursable sans intérêts (sauf excep­tion) dans un délai de deux à cinq ans : un prêt mod­este — de l’or­dre de 50 KF — qui per­met surtout au béné­fi­ci­aire de décrocher d’autres con­cours financiers.
En con­trepar­tie de ce prêt l’en­tre­pre­neur s’en­gage à col­la­bor­er avec un “par­rain” — con­seiller de ges­tion bénév­ole, lui-même chef d’en­tre­prise — qui aura accès à toutes les infor­ma­tions rel­a­tives à l’en­tre­prise. Ce par­rainage est con­sid­éré par FIR comme une pièce maîtresse de son action.
L’As­so­ci­a­tion recon­stitue chaque année son fonds par les rem­bourse­ments des prêts antérieurs plus une mise annuelle pour com­penser les impayés (10 à 20 %).
La taille des entre­pris­es aidées dif­fère selon que la poli­tique de l’As­so­ci­a­tion a une dom­i­nante sociale (TPE) ou économique (ME).

Sans nous éten­dre sur les prob­lèmes d’in­fra­struc­tures, nous nous cen­trons sur ce qui touche directe­ment l’é­pargnant et l’entrepreneur.

Cha­cun d’eux réclame un support :
pour l’é­pargnant : un col­lecteur de fonds qui le con­seille, l’in­forme, et réponde à son besoin de sécurité-liquidité,
pour l’en­tre­pre­neur : un assis­tant per­ma­nent, qui est en même temps respon­s­able devant l’é­pargnant — ou devant le col­lecteur de fonds — de la préven­tion des risques.

Si ces fonc­tions sont dis­tribuées entre plusieurs insti­tu­tions, et sur plusieurs étages (local, départe­men­tal, région­al), aucun des deux béné­fi­ci­aires — l’é­pargnant et l’en­tre­pre­neur — ne sera encour­agé à aller de l’a­vant, et on retrou­vera les “coûts pro­hibitifs de la ges­tion des dossiers”.

Les Alle­mands résol­vent le prob­lème par la “Haus­bank” qui cumule plus ou moins les deux fonc­tions et con­stitue un accom­pa­g­na­teur per­ma­nent de l’en­tre­prise. Les con­di­tions de trans­po­si­tion en France — mal­gré la règle de “non-ingérence dans la ges­tion” imposée à nos ban­quiers — devraient être plus sérieuse­ment étudiées.

À défaut, le mod­èle de nos fonds d’in­vestisse­ment, départe­men­taux ou locaux, jumelés avec des groupes de par­rainage, aux trois quarts bénév­oles, devrait servir de base à la con­struc­tion d’un réseau de Fonds com­muns de Place­ment, doté de moyens trois ou qua­tre fois plus impor­tants que les fonds d’in­vestisse­ments actuels ; ce réseau serait jumelé avec des réseaux de con­seillers d’en­tre­pris­es, tels que les réseaux anglais “Busi­ness Links” et “Rur­al Devel­op­ment Commission”.

En tout cas, seule la rela­tion de prox­im­ité peut apporter la sim­plic­ité et l’é­conomie de fonc­tion­nement indis­pens­ables. Prox­im­ité géo­graphique le plus sou­vent, mais quelque­fois aus­si prox­im­ité pro­fes­sion­nelle ; certes celle-ci peut pos­er quelques prob­lèmes de con­cur­rence, mais elle garan­tit la com­pé­tence dans l’é­val­u­a­tion des pro­jets et du man­age­ment, et elle peut con­duire à des alliances utiles. Les asso­ci­a­tions d’en­tre­pris­es qui com­men­cent à naître sur notre ter­ri­toire ont un rôle à jouer dans ce domaine.

Trop de voies, pas assez d’issues ?

Nous n’avons pas, dans cet arti­cle, dévelop­pé les con­di­tions d’ap­pli­ca­tion des sug­ges­tions présen­tées. Mais il n’y en a aucune qui n’ait don­né lieu, en France ou à l’é­tranger, soit à des expéri­men­ta­tions durables soit à des études de fonc­tion­nement appro­fondies. Nous nous trou­vons même sur un chantier très encom­bré par des for­mules var­iées qui don­nent une impres­sion de grand brico­lage, mais qui ont cha­cune une petite zone d’efficacité.

Il faut donc faire émerg­er pro­gres­sive­ment les for­mules qui per­me­t­tront de chang­er de vitesse dans le développe­ment des PME. La prise de con­science de l’im­por­tance de ce développe­ment dans les milieux d’af­faires et dans les milieux poli­tiques va cer­taine­ment porter des fruits dans les prochaines années. Les mesures déjà pris­es par le min­istère des Entre­pris­es, notam­ment la Banque de Développe­ment des PME, sont le signe d’un mou­ve­ment en marche.

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