Optimiser la gestion des déchets

Dossier : Les secrets de la Supply ChainMagazine N°700 Décembre 2014
Par Bruno RIVET (81)

REPÈRES

Le déchet (du latin dis-cadere : tomber) est ce qu’on laisse tomber, car il n’a pas de valeur, ni de vente, ni d’usage. La définition juridique par le Code de l’environnement (article L541‑1) qualifie de déchet « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien, meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ».

La déf­i­ni­tion offi­cielle du déchet rejoint l’idée intu­itive. Un déchet est le négatif d’un pro­duit, un pro­duit étant défi­ni du point de vue du pro­duc­teur comme le résul­tat d’un proces­sus de pro­duc­tion, ou du point de vue de l’utilisateur par son usage. D’où la dis­tinc­tion entre déchets indus­triels (la pre­mière par­tie de la déf­i­ni­tion) et déchets des ménages (la sec­onde partie).

L’ÉCO-CONTRIBUTION

Une directive européenne, transposée en droit français en 2005, a imposé la collecte spécifique des DEEE. Celle-ci est indiquée au consommateur par le symbole « poubelle barrée » figurant sur ces appareils.
En même temps a été instaurée l’éco-contribution, payée par le consommateur lors de l’achat du produit, et servant à financer la collecte et le traitement de ces appareils.

Le déchet n’a pas de valeur : en fait, pas for­cé­ment. Dans les domaines indus­triels, par exem­ple, la dif­férence entre des sociétés per­for­mantes et les autres, dans des secteurs à faible marge et con­som­ma­tion de matières pre­mières impor­tante, se fait au prof­it de celles qui savent val­oris­er au mieux leurs déchets.

Un déchet est ce que l’on a l’intention d’abandonner. Et cela quelle qu’en soit la rai­son. Un con­som­ma­teur com­pul­sif décide de se débar­rass­er d’un pro­duit pour acquérir sa dernière ver­sion. L’ancienne ver­sion qui fonc­tionne encore par­faite­ment devient un déchet.

En revanche, vous avez gardé pour leur valeur sen­ti­men­tale les faux cols en cel­lu­loïd de votre Grand U : ce ne sont pas des déchets, puisque vous n’avez pas l’intention de vous en débarrasser.

Un anti-produit

Un déchet est donc un anti-pro­duit. La régle­men­ta­tion européenne sur les pro­duits ne s’applique pas aux déchets. Un pro­duit peut cir­culer libre­ment dans l’Union européenne, un déchet ne le peut pas.

“ Un déchet est ce qu’on a l’intention d’abandonner ”

Cela ne sig­ni­fie pas qu’il ne peut pas franchir une fron­tière intraeu­ropéenne :mais il ne peut pas le faire libre­ment, c’est-à-dire sans rem­plir cer­taines con­di­tions préalables.

Le déchet est aus­si ce qu’on ne veut pas voir. Sa col­lecte et son traite­ment sont sou­vent con­fiés à des per­son­nes qui ne sont pas situées au plus haut de l’échelle sociale, et cela dans tous les pays : chif­fon­niers du Caire, Buraku­min au Japon, Roms en Europe.

Les cen­tres de col­lecte et de traite­ment sont dis­simulés, situés à l’écart de pop­u­la­tions, alors même que les nui­sances qu’ils causent n’ont plus rien à voir avec celles d’autrefois.

Un million de tonnes de “ DEEE ”

Charge­ment de gros électroménager.

Les « Déchets d’équipements élec­triques et élec­tron­iques » (DEEE) sont une caté­gorie bien spé­ci­fique de la grande famille des déchets, dont les ménages pro­duisent cepen­dant plus de un mil­lion de tonnes par an.

On y dis­tingue les lam­pes, les écrans (de télévi­sion et d’ordinateurs), le gros élec­tromé­nag­er froid (les réfrigéra­teurs), le gros élec­tromé­nag­er hors froid (lave-vais­selle, lave-linge, etc.) et le PAM (petits appareils en mélange : des aspi­ra­teurs aux télé­phones porta­bles en pas­sant par les postes de radio ou les sèche-cheveux).

Ces pro­duits con­ti­en­nent des com­posants dan­gereux pour la san­té ou pour l’environnement : il con­vient donc de ne pas les relâch­er incon­sid­éré­ment dans la nature ; mais ils con­ti­en­nent aus­si des matières « pré­cieuses », qu’il est utile de récupér­er pour les recy­cler et éviter d’en acheter, ce qui per­met à la fois de lim­iter leur con­som­ma­tion pri­maire, de réduire le déficit de la bal­ance com­mer­ciale et de lim­iter les dégâts engen­drés par l’exploitation.

Une logistique “ C to B ”

Pour un pro­duit, le fab­ri­cant con­naît, voire maîtrise sa chaîne de dis­tri­b­u­tion au con­som­ma­teur final. Pour un déchet, il s’agit de faire l’inverse et de pass­er du B to C au C to B.

Dans la pre­mière approche, cha­cun trou­ve son intérêt bien com­pris dans l’accomplissement de la tâche cor­re­spon­dant à sa por­tion de la chaîne logis­tique : l’industriel, le grossiste, le com­merçant et le con­som­ma­teur final qui max­i­malise sa fonc­tion d’utilité en allant effectuer son acte d’achat. Dans le sec­ond cas, la moti­va­tion est dif­férente : il s’agit de sens civique et d’intérêt général.

Le premier pas

Une zone de déchets d’équipements électriques et électroniques.
Une zone de déchets d’équipements élec­triques et électroniques.

D’où des défis par­ti­c­uliers. Le pre­mier d’entre eux n’est pas le moin­dre : il faut con­va­in­cre le con­som­ma­teur d’effectuer le pre­mier pas. Lui, qui n’hésitera pas à se déplac­er dans un mag­a­sin pour effectuer son achat et ramen­er chez lui le pro­duit qu’il y a acheté, se mon­tre par­fois moins volon­taire pour effectuer le chemin en sens inverse et l’amener à un point de col­lecte une fois celui-ci devenu déchet.

Il est plus sim­ple de met­tre, comme on l’a tou­jours fait avec les autres déchets, son DEEE à la poubelle. Il peut aus­si ignor­er la régle­men­ta­tion, et quels sont les points de col­lecte à sa dis­po­si­tion. D’autant plus que ceux-ci sont par­fois rares dans cer­taines régions.

En zone urbaine, il est courant de dépos­er ses déchets sur le trot­toir – où une col­lecte informelle se charg­era de les faire disparaître.

Composants dangereux et matières précieuses ”

Pour que la chaîne soit effi­cace, il faut que les flux soient bien aigu­il­lés et triés dès le départ. En effet, chaque type de déchet subit un traite­ment spé­ci­fique, le plus sou­vent dans un cen­tre de traite­ment dédié. L’optimisation sup­pose donc un tri dès l’endroit de dépose.

Cela implique de min­imiser dès le départ les erreurs de tri. Non seule­ment, par exem­ple, le flux de DEEE doit être pur de toute autre caté­gorie de déchet, mais de plus il doit lui-même être trié par­mi les cinq dif­férentes catégories.

Mobiliser l’ensemble des acteurs

D’AUTRES DÉFIS

Quand vous livrez un entrepôt depuis une usine vous savez ce que vous allez envoyer. Quand vous faites une tournée de déchetteries pour aller y collecter des DEEE, vous ne savez jamais ce que vous allez y trouver.
Des DEEE certes, mais en quelle quantité ? Ont-ils été pillés pendant la nuit, rendant votre déplacement inutile ?
Vous ne pouvez vous fier qu’à votre connaissance de l’historique de production de la déchetterie et à votre science de l’optimisation des tournées.

Dans le but d’assurer les objec­tifs nationaux de col­lecte, com­ment faire pour mobilis­er l’ensemble des acteurs, col­lec­tiv­ités locales, pou­voirs publics, asso­ci­a­tions, col­lecteurs, indus­triels, afin d’assurer cette con­nais­sance du bon geste de tri per­me­t­tant de récupér­er et d’aiguiller cor­recte­ment les flux de déchets ?

Et cela sans effectuer une col­lecte « en porte à porte » au coût prohibitif ?

Quand il s’agit des déchets des entre­pris­es, la sit­u­a­tion se com­plique encore. En général, l’entreprise, pas plus que le par­ti­c­uli­er, ne con­naît ses oblig­a­tions en matière de déchets.

Mais, plus que le par­ti­c­uli­er, elle est habituée à un cal­cul économique et est donc moins dis­posée à effectuer gra­tu­ite­ment cette pre­mière démarche d’apport de ses déchets à un point de col­lecte. La dif­fi­culté aug­mente donc d’un cran.

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