Mon combat contre la violence

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°610 Décembre 2005Par : Jean-Marie PETITCLERC (71)Rédacteur : Jacques BOURDILLON (41)

Ce petit ouvrage pas­sion­nant a été écrit par un de nos cama­rades Jean-Marie Petit­clerc, intel­lectuel, prêtre et édu­ca­teur devenu un de nos meilleurs spé­cial­istes de l’univers des banlieues.

L’auteur sait que l’agressivité est tapie en nous, et que la con­vivi­al­ité et la paix ne sont pas naturelles ; il nous pro­pose de dis­tinguer trois types de vio­lence : le cri d’explosion émo­tive, le besoin d’être recon­nu, la vio­lence pen­sée (mode d’action) pour intimider ou pour rack­et­ter. Il nous rap­pelle que le con­traire de la vio­lence, c’est le respect.

Il nous indique les trois endroits où il faut com­bat­tre cette vio­lence : la famille (cul­ture d’origine), l’école (cul­ture répub­li­caine) et la rue (une cer­taine con­cep­tion de l’honneur). Le jeune est influ­encé par ces trois cul­tures, le mal­heur, c’est que les adultes (acteurs de ces trois lieux) passent leur temps à se dis­créditer les uns les autres (enseignants dénonçant les par­ents démis­sion­naires et les voy­ous de la rue, familles reprochant aux enseignants de ne pas assur­er la dis­ci­pline et en plus de don­ner des con­seils aux par­ents, jeunes dis­ant aux plus petits que la for­ma­tion sco­laire ne leur apportera rien). Une bonne équipe éduca­tive doit donc aller à la ren­con­tre de l’enfant dans ces trois secteurs.

Je me pro­pose de ten­ter en quelques lignes un décryptage de sa pen­sée pro­fonde sur l’éducation et sur la vio­lence des jeunes.

• Il tente de met­tre en per­spec­tive les con­séquences des analy­ses qui sont faites à pro­pos de la vio­lence : si nous dis­ons que les jeunes des cités sont vio­lents à cause du chô­mage, de l’exclusion, et de l’entassement dans les immeubles, ce dis­cours est per­ti­nent d’un point de vue soci­ologique, mais il est désas­treux d’un point de vue péd­a­gogique, car il ôte toute respon­s­abil­ité au jeune qui com­met des vio­lences, si on laisse les jeunes s’enfermer dans ce dis­cours de l’irresponsabilité col­lec­tive, plus rien ne les limite.

• Pour lui, il ne faut jamais dire “ la pre­mière fois, ce n’est pas grave ” et penser “ qu’il est seule­ment grave de recom­mencer”. À ses yeux, sanc­tion­ner la pre­mière trans­gres­sion est beau­coup plus effi­cace au niveau édu­catif. Il nous invite d’ailleurs à con­stater que 80 % des jeunes mineurs que l’on sanc­tionne dès leur pre­mier délit ne récidi­vent pas alors que 75 % des mineurs incar­cérés récidi­vent dans les trois mois qui suiv­ent leur sor­tie de prison.

• Il estime que la vio­lence des jeunes est le résul­tat d’un déficit édu­catif. Il veut donc pro­mou­voir une poli­tique d’écoute et de val­ori­sa­tion des jeunes. Mais il s’empresse d’ajouter qu’il est égale­ment indis­pens­able simul­tané­ment de faire preuve de la plus grande fer­meté face à des com­porte­ments inacceptables.

• Il estime égale­ment qu’il est grand temps de sor­tir du “ tout ou rien ”, ce mal français qui, depuis quar­ante ans, oppose les par­ti­sans de la répres­sion aux ten­ants de la préven­tion sans que les deux camps acceptent d’aborder le prob­lème dans toutes ses dimensions.

• Il rap­pelle enfin que notre morale répub­li­caine repose sur trois notions : lib­erté, égal­ité, fra­ter­nité, qui ne sont pas de même nature. Les deux pre­mières sont de l’ordre du droit, la troisième du devoir. Les deux pre­mières sont men­acées lorsque la troisième s’estompe, laque­lle englobe à la fois l’égalité des droits et la lib­erté pour cha­cun de pou­voir être soi-même.

Je crois enfin utile de m’interroger sur la façon dont ces idées ont ou non pro­gressé depuis env­i­ron trente ans dans les dif­férentes couch­es de notre société :

– on peut regret­ter que cer­tains employeurs refusent tou­jours d’embaucher des jeunes d’origine maghrébine ou africaine : ce genre de com­porte­ment génère de la vio­lence et ali­mente la violence ;

– on peut égale­ment regret­ter que les poli­tiques aient sou­vent man­qué de dis­cerne­ment : ils ont vu dans la vio­lence l’expression du mal-être sans dis­cern­er que cer­tains utilisent la vio­lence dans des actions froide­ment délibérées pour obtenir des biens et du pou­voir. Or on sait que toutes les straté­gies d’achat de la paix sociale ont tou­jours con­duit à des échecs cuisants ;

– néan­moins, même si tout reste à faire, on a aujourd’hui l’impression que bon nom­bre d’idées que Jean-Marie Petit­clerc développe depuis des années com­men­cent à être enten­dues par nos respon­s­ables poli­tiques : le Con­seil général des Yve­lines a eu la bonne idée de le choisir comme con­seiller per­ma­nent, le min­istre de la Cohé­sion sociale, Jean-Louis Bor­loo, l’a nom­mé mem­bre du Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale de réno­va­tion urbaine. On doit y voir deux signes d’encouragement.

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