Militaires, Toréadors et autres gourmets

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°683 Mars 2013Rédacteur : Lady GastronomiX

Lorsque j’entre Chez Car­men, à Tou­louse, la salle est bon­dée, le gar­çon me cherche « un coin de table ». Il n’a pas été facile pour moi de choi­sir un endroit à votre conve­nance dans cette ville où abondent les bonnes adresses. J’ai donc sui­vi les conseils de vos cama­rades gascons.

« Qu’est-ce qu’on mange ? »

Pre­mière impres­sion : une clien­tèle élé­gante et sur­tout mas­cu­line a rem­pla­cé les che­villards. À l’évidence, on ne vient pas Chez Car­men pour un repas fru­gal ou une petite salade.

Restaurant "Chez Carmen" à ToulouseLe ser­veur revient vers moi : « Alors qu’est-ce qu’on mange ? » Il est tou­lou­sain, cela ne fait aucun doute, fami­lier comme il se doit en ces lieux où la chère est bonne et abon­dante, res­tau­rant tra­di­tion­nel­le­ment populaire.

M. et Mme Car­men ont ouvert cette « affaire » située en face des anciens abat­toirs de la ville de Tou­louse, dans le quar­tier Saint- Cyprien, alors que veaux, vaches, cochons beu­glaient et gro­gnaient encore à la porte.

« Alors qu’est-ce qu’on mange ? » Le choix est dif­fi­cile, la carte est riche, toutes sortes de pièces de viande, bien enten­du. La mai­son a conser­vé sa tra­di­tion bouchère.

On n’abat plus les ani­maux juste en face, les che­villards n’apportent plus à Mme Car­men leurs mor­ceaux « pré­le­vés direc­te­ment sur la bête» ; mal­gré cela, son fils et main­te­nant son petit-fils ont su conser­ver cette qua­li­té incomparable.

J’ai le plai­sir et le pri­vi­lège d’être ser­vie par Oli­vier, le petit-fils des fon­da­teurs de cette ins­ti­tu­tion, qui compte aujourd’hui trois adresses dans la Ville rose et, si j’en crois la rumeur poly­tech­ni­cienne, toutes trois géné­reuses aux gosiers.

Secrets de fabrication

Pour l’entrée, j’ai choi­si une salade de pot-au-feu : ori­gi­nal et suc­cu­lent, j’en suis encore tout émue. Je ques­tionne le patron, c’est tel­le­ment bon. Mais mal­gré mes menaces, il gar­de­ra jalou­se­ment le secret de cette vieille recette concoc­tée par sa grand-mère.

Bien que repue, le devoir m’entraînant aux pires excès, j’ai choi­si un plat. Le gar­çon m’apporte un onglet à l’échalote, rien à dire : cuis­son par­faite, viande tendre et goû­teuse, sauce exac­te­ment assai­son­née. C’est accom­pa­gné d’un joli bol en terre cuite rem­pli de frites mai­son, je n‘en laisse pas une. Mes voi­sins non plus.

La carte des vins est plu­tôt riche, presque trop. Il y en a de toutes les régions, pour tous les goûts et tous les por­te­feuilles ; de quoi étour­dir don José. J’aurais pré­fé­ré un choix plus res­treint et plus « ciblé », je me contente d’un pichet de cabar­dès AOC à cinq euros. Olé !

Agaceries tripières et plats canailles

Çà et là, on sert : ter­rine de pieds de cochon ou de veau arran­gée au piment d’Espelette, côtes, entre­côtes, cas­so­lettes d’escargots, décli­nai­sons de foie gras, pot-au-feu et son os à mœlle, sou­ris d’agneau rôtie à l’ail, langue de veau, canards et j’en passe, toutes aga­ce­ries tri­pières et plats canailles de l’abattoir.

Bien que trop ras­sa­siée, mais on ne vient pas ici pour les des­serts, je finis sur un café gour­mand res­pec­table. Je n’ai pas osé le baba au rhum ou le mille-feuille que me recom­man­dait très chau­de­ment le garçon.

Les capitouls ont tranché

Les clients s’attardent, les tablées sont joviales, voire chan­tantes, cou­vées par le patron et les gar­çons à la pré­sence cha­leu­reuse et prévenante.

Le tout dans un décor simple qui n’oublie pas les anciennes géné­ra­tions de Car­men : tableaux, pho­tos d’antan, tro­phées, et même le diplôme d’honneur de la ville. Les capi­touls ont tran­ché : c’est ici qu’il faut se sustenter.

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Chez Car­men, 97, allée Charles-Fitte 31300 Toulouse
Tél. : 0561590659.
www.chezcarmen.fr

4 Commentaires

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Ano­nymerépondre
10 avril 2013 à 14 h 28 min

Bien vu, cette rubrique nous
Bien vu, cette rubrique nous fait rire ! Nous allons essayer ce restaurant.

Ano­nymerépondre
10 avril 2013 à 17 h 30 min

chez Car­men
Bra­vo pour cet article, très drôle et diver­tis­sant. je note 5/5

Ano­nymerépondre
10 avril 2013 à 17 h 31 min

bra­vo, et mer­ci pour cet
bra­vo, et mer­ci pour cet article par­fai­te­ment ecrit et très amu­sant. Cela donne vrai­ment envie d’y aller.

WAECHTERrépondre
13 avril 2013 à 8 h 48 min

Mili­taires, toréa­dors et autres
Chez Car­men, le plai­sir des papilles est donc au ren­dez-vous ! C’est impor­tant « car men » aime les bons plats ! Inef­fables par­fums de rouges fruits confits, déli­cates saveurs âpres de rai­sins mûrs. Pied de cochon sans son évêque. Il vien­dra encore à la table s’ajouter l’intime cha­leu­reux et le vin ver­millon. L’ivresse est pro­fonde et la nar­cose embel­lit l’instant si fugace au potron-jac­quet azur sans tra­mon­tane pour l’ad­di­tion. Bra­vo pour cet article qui me fait pen­ser à un Pud­lows­ki des grands moments. 18 sur 20 est lar­ge­ment mérité !…

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