Formules chimiques

Lysogene lutte contre les maladies rares neurodégénératives de l’enfant

Dossier : Dossier FFEMagazine N°726 Juin 2017
Par Karen AIACH

Karen Aiach est diplô­mée d’une grande école (ESSEC). Elle est pas­sée par un grand cabi­net de consul­ting avant de créer son propre cabi­net. Elle est aus­si la mère d’Ornella, diag­nos­ti­quée à six mois à peine de la mala­die de San­fi­lip­po A. 

« NOUS AVONS CRÉÉ LA PREMIÈRE SOCIÉTÉ DE BIOTECHNOLOGIE AU MONDE SPÉCIALISÉE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE THÉRAPIES GÉNIQUES POUR TRAITER LES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL CHEZ L’ENFANT », INDIQUE KAREN AIACH.

Le constat est ter­rible : il n’existe aucun trai­te­ment pour cette mala­die. Face au des­tin, Karen Aiach aurait pu bais­ser les bras. Elle décide de se battre et doit faire face au manque de trai­te­ment et d’intérêt de la recherche publique et pri­vée, car cette mala­die rare de niche n’est pas « rentable ». 

« Je suis une per­sonne très dyna­mique qui croit plus en l’action qu’aux paroles », explique Karen Aiach. « Face à la triste réa­li­té, l’initiative pri­vée m’est appa­rue comme inévi­table pour faire face avec rapi­di­té à une situa­tion exi­geant sens de l’urgence et agi­li­té dans la prise de décision. » 

L’ACTION PRIVÉE ÉTAIT INÉVITABLE

Avec l’aide de Gad Aiach, son mari, Karen Aiach prend contact avec les équipes scien­ti­fiques qui tra­vaillent sur ces mala­dies lyso­so­males, dans le monde entier, en Aus­tra­lie et en France. 

MALADIE DE SANFILIPPO A

La maladie de Sanfilippo de type A est une maladie lysosomale rare et irrémédiablement fatale. Les manifestations cliniques sont principalement neurologiques avec des premiers symptômes habituellement observés au cours des 2 premières années de vie. Elles sont la cause d’une détérioration progressive des capacités cognitives et motrices du patient tout au long de la première décennie de vue et entraînent le décès au cours de la deuxième décennie.
Un retard profond de développement, des troubles du sommeil et des problèmes de comportement sévères sont les symptômes les plus importants de la maladie, engendrant une détérioration importante de la qualité de vie des patients et de leurs familles. En France, la maladie de Sanfilippo de type A concerne environ une naissance sur 100 000 et il n’y a actuellement aucun traitement disponible sur le marché.

En 2006, Pr Oli­vier Danos les rejoint. Cet expert en thé­ra­pie génique de renom­mée mon­diale a long­temps diri­gé Géné­thon, le labo­ra­toire de recherche de l’AFM-Téléthon. « Karen Aiach est une vision­naire. Elle pos­sède une éner­gie et une volon­té qui ont bous­cu­lé la recherche et le déve­lop­pe­ment de nou­veaux trai­te­ments pour les mala­dies lysosomales. 

Son exper­tise est aujourd’hui recon­nue par les meilleurs spé­cia­listes au niveau inter­na­tio­nal, et les tra­vaux menés par Lyso­gene ouvrent des pers­pec­tives thé­ra­peu­tiques inédites pour les patients », confie Oli­vier Danos. 

Ensemble, Karen et ses asso­ciés vont alors réflé­chir à une approche de thé­ra­pie génique pour trai­ter la mala­die de San­fi­lip­po de type A. « Dès lors que notre méthode thé­ra­peu­tique était viable et claire dans notre esprit, il fal­lait ima­gi­ner une struc­ture orga­ni­sa­tion­nelle pour la por­ter et la déve­lop­per. C’est ain­si qu’est née la pre­mière socié­té́ de bio­tech­no­lo­gie au monde spé­cia­li­sée dans le déve­lop­pe­ment de thé­ra­pies géniques pour trai­ter les mala­dies du sys­tème ner­veux cen­tral chez l’enfant. »

LA THÉRAPIE GÉNIQUE

Grâce à une struc­ture d’entreprise légère, agile et inno­vante, Karen Aiach passe de la phase de recherche à la phase cli­nique, en moins de 4 ans. « Ma fille a été la pre­mière patiente à rece­voir le trai­te­ment, sui­vie de trois autres petits patients. Les pre­miers résul­tats se sont avé­rés pro­met­teurs », précise-t-elle. 

Des résul­tats suf­fi­sam­ment encou­ra­geants pour pou­voir désor­mais élar­gir le spectre des tra­vaux de recherche à la mala­die de Gau­cher, la mala­die de Nie­mann-Pick, la mala­die de Fabry ou encore la mala­die de Pompe. 

« Si elles res­tent lar­ge­ment mécon­nues, plus de la moi­tié de ces mala­dies ont des com­po­santes neu­ro­lo­giques majeures, et sont la cause la plus fré­quente de neu­ro­dé­gé­né­ra­tion en pédiatrie. » 

Pour lut­ter contre ces patho­lo­gies, Lyso­gene a opté pour la thé­ra­pie génique. « Dans ce domaine, la France est l’un des lea­ders mon­diaux. Cette approche thé­ra­peu­tique consiste à don­ner à l’organisme du malade les moyens de pro­duire lui-même une enzyme essen­tielle qui lui manque, ou en d’autres termes de lui don­ner les moyens d’imiter la nature pour com­bler son défi­cit protéique. 

Pour ce faire, nous appor­tons à l’organisme un gène fonc­tion­nel qui rem­place le gène défec­tueux à l’origine de la mala­die, et va agir comme une usine pro­téique locale et pérenne. Le “vec­teur” qui trans­porte le gène est déli­vré direc­te­ment au niveau du cer­veau au moyen d’une opé­ra­tion neurochirurgicale ». 

LA GANGLIOSIDOSE À GM1

La gangliosidose à GM1 ou maladie de Landing est une maladie lysosomale rare et irrémédiablement fatale. Elle est caractérisée par une déficience d’une enzyme, la ß‑galactosidase. Cette déficience entraîne une accumulation toxique de gangliosides dans les tissus, et notamment dans le système nerveux central.
Il existe trois formes de gangliosidose à GM1 : une forme infantile grave d’évolution rapide débutant avant 6 mois (type 1), une forme d’apparition plus tardive dans l’enfance, entre 7 mois et 3 ans (type 2) et une forme tardive de l’adulte (type 3) caractérisée par une dystonie généralisée.
En France, cette maladie concerne environ une naissance sur 200 000 et il n’existe actuellement aucun traitement. Source : Orphanet

UNE OPÉRATION NEUROCHIRURGICALE

L’opération est déli­cate. L’injection est réa­li­sée par un neu­ro­chi­rur­gien sous anes­thé­sie géné­rale « Le gène fonc­tion­nel est repla­cé dans les cel­lules neu­ro­nales qui retrouvent un fonc­tion­ne­ment normal. » 

Devant les pro­grès réa­li­sés, Lyso­gene déve­loppe actuel­le­ment deux pro­duits : l’un pour trai­ter la mala­die de San­fi­lip­po de type A, et l’autre pour trai­ter la mala­die de Lan­ding ou gan­glio­si­dose à GM1. 

« Nous avons consti­tué une équipe d’experts recon­nus dans la concep­tion de pro­grammes de recherche et de déve­lop­pe­ment cli­nique et qui tra­vaillent en totale osmose entre nos deux loca­li­sa­tions de Paris et de Cam­bridge (Mas­sa­chu­setts) ».

Pour finan­cer ses pre­miers déve­lop­pe­ments cli­niques, Lyso­gène a été tout d’abord aidé par des fonds phi­lan­thro­piques puis par des fonds ins­ti­tu­tion­nels. « Au moment où nous avons appor­té les preuves de concept de notre approche, nous avons levé 16,5 mil­lions d’euros, en mai 2014, lors d’un tour de table mené par Sofin­no­va Part­ners, inves­tis­seur his­to­rique, qui a réuni Bpi­france, via le fonds Inno­bio, et Novo A/S (hol­ding du groupe danois Novo Nordisk). » 

Cette année, Lyso­gene a fran­chi une étape sup­plé­men­taire. « Au regard de la pro­gres­sion de notre pro­gramme contre la mala­die San­fi­lip­po A, nous avons levé 22,6 mil­lions d’euros sur le mar­ché Euro­next à Paris. » « Notre approche et notre expé­rience sont trans­po­sables à d’autres mala­dies rares. La régle­men­ta­tion nous auto­rise à pro­cé­der à des essais cli­niques sur beau­coup moins de patients et de conser­ver l’exclusivité du médi­ca­ment durant douze ans en Europe et sept ans aux États-Unis. » 

Aujourd’hui, Ornel­la a 12 ans. Cer­tains de ses symp­tômes ont dis­pa­ru grâce au trai­te­ment de thé­ra­pie génique de Lyso­gene. Elle est beau­coup plus sereine, sa famille aus­si. Ces résul­tats obte­nus sont très encou­ra­geants pour la pro­chaine étape cli­nique de phase III qui doit démar­rer prochainement.

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