Formules chimiques

Lysogene lutte contre les maladies rares neurodégénératives de l’enfant

Dossier : Dossier FFEMagazine N°726 Juin/Juillet 2017
Par Karen AIACH

Karen Aiach est diplômée d’une grande école (ESSEC). Elle est passée par un grand cab­i­net de con­sult­ing avant de créer son pro­pre cab­i­net. Elle est aus­si la mère d’Ornella, diag­nos­tiquée à six mois à peine de la mal­adie de San­fil­ip­po A. 

« NOUS AVONS CRÉÉ LA PREMIÈRE SOCIÉTÉ DE BIOTECHNOLOGIE AU MONDE SPÉCIALISÉE DANS LE DÉVELOPPEMENT DE THÉRAPIES GÉNIQUES POUR TRAITER LES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL CHEZ L’ENFANT », INDIQUE KAREN AIACH.

Le con­stat est ter­ri­ble : il n’existe aucun traite­ment pour cette mal­adie. Face au des­tin, Karen Aiach aurait pu baiss­er les bras. Elle décide de se bat­tre et doit faire face au manque de traite­ment et d’intérêt de la recherche publique et privée, car cette mal­adie rare de niche n’est pas « rentable ». 

« Je suis une per­son­ne très dynamique qui croit plus en l’action qu’aux paroles », explique Karen Aiach. « Face à la triste réal­ité, l’initiative privée m’est apparue comme inévitable pour faire face avec rapid­ité à une sit­u­a­tion exigeant sens de l’urgence et agilité dans la prise de décision. » 

L’ACTION PRIVÉE ÉTAIT INÉVITABLE

Avec l’aide de Gad Aiach, son mari, Karen Aiach prend con­tact avec les équipes sci­en­tifiques qui tra­vail­lent sur ces mal­adies lyso­so­ma­les, dans le monde entier, en Aus­tralie et en France. 

MALADIE DE SANFILIPPO A

La maladie de Sanfilippo de type A est une maladie lysosomale rare et irrémédiablement fatale. Les manifestations cliniques sont principalement neurologiques avec des premiers symptômes habituellement observés au cours des 2 premières années de vie. Elles sont la cause d’une détérioration progressive des capacités cognitives et motrices du patient tout au long de la première décennie de vue et entraînent le décès au cours de la deuxième décennie.
Un retard profond de développement, des troubles du sommeil et des problèmes de comportement sévères sont les symptômes les plus importants de la maladie, engendrant une détérioration importante de la qualité de vie des patients et de leurs familles. En France, la maladie de Sanfilippo de type A concerne environ une naissance sur 100 000 et il n’y a actuellement aucun traitement disponible sur le marché.

En 2006, Pr Olivi­er Danos les rejoint. Cet expert en thérapie génique de renom­mée mon­di­ale a longtemps dirigé Généthon, le lab­o­ra­toire de recherche de l’AFM-Téléthon. « Karen Aiach est une vision­naire. Elle pos­sède une énergie et une volon­té qui ont bous­culé la recherche et le développe­ment de nou­veaux traite­ments pour les mal­adies lysosomales. 

Son exper­tise est aujourd’hui recon­nue par les meilleurs spé­cial­istes au niveau inter­na­tion­al, et les travaux menés par Lyso­gene ouvrent des per­spec­tives thérapeu­tiques inédites pour les patients », con­fie Olivi­er Danos. 

Ensem­ble, Karen et ses asso­ciés vont alors réfléchir à une approche de thérapie génique pour traiter la mal­adie de San­fil­ip­po de type A. « Dès lors que notre méth­ode thérapeu­tique était viable et claire dans notre esprit, il fal­lait imag­in­er une struc­ture organ­i­sa­tion­nelle pour la porter et la dévelop­per. C’est ain­si qu’est née la pre­mière société́ de biotech­nolo­gie au monde spé­cial­isée dans le développe­ment de thérapies géniques pour traiter les mal­adies du sys­tème nerveux cen­tral chez l’enfant. »

LA THÉRAPIE GÉNIQUE

Grâce à une struc­ture d’entreprise légère, agile et inno­vante, Karen Aiach passe de la phase de recherche à la phase clin­ique, en moins de 4 ans. « Ma fille a été la pre­mière patiente à recevoir le traite­ment, suiv­ie de trois autres petits patients. Les pre­miers résul­tats se sont avérés promet­teurs », précise-t-elle. 

Des résul­tats suff­isam­ment encour­ageants pour pou­voir désor­mais élargir le spec­tre des travaux de recherche à la mal­adie de Gauch­er, la mal­adie de Nie­mann-Pick, la mal­adie de Fab­ry ou encore la mal­adie de Pompe. 

« Si elles restent large­ment mécon­nues, plus de la moitié de ces mal­adies ont des com­posantes neu­rologiques majeures, et sont la cause la plus fréquente de neu­rodégénéra­tion en pédiatrie. » 

Pour lut­ter con­tre ces patholo­gies, Lyso­gene a opté pour la thérapie génique. « Dans ce domaine, la France est l’un des lead­ers mon­di­aux. Cette approche thérapeu­tique con­siste à don­ner à l’organisme du malade les moyens de pro­duire lui-même une enzyme essen­tielle qui lui manque, ou en d’autres ter­mes de lui don­ner les moyens d’imiter la nature pour combler son déficit protéique. 

Pour ce faire, nous appor­tons à l’organisme un gène fonc­tion­nel qui rem­place le gène défectueux à l’origine de la mal­adie, et va agir comme une usine pro­téique locale et pérenne. Le “vecteur” qui trans­porte le gène est délivré directe­ment au niveau du cerveau au moyen d’une opéra­tion neurochirurgicale ». 

LA GANGLIOSIDOSE À GM1

La gangliosidose à GM1 ou maladie de Landing est une maladie lysosomale rare et irrémédiablement fatale. Elle est caractérisée par une déficience d’une enzyme, la ß‑galactosidase. Cette déficience entraîne une accumulation toxique de gangliosides dans les tissus, et notamment dans le système nerveux central.
Il existe trois formes de gangliosidose à GM1 : une forme infantile grave d’évolution rapide débutant avant 6 mois (type 1), une forme d’apparition plus tardive dans l’enfance, entre 7 mois et 3 ans (type 2) et une forme tardive de l’adulte (type 3) caractérisée par une dystonie généralisée.
En France, cette maladie concerne environ une naissance sur 200 000 et il n’existe actuellement aucun traitement. Source : Orphanet

UNE OPÉRATION NEUROCHIRURGICALE

L’opération est déli­cate. L’injection est réal­isée par un neu­rochirurgien sous anesthésie générale « Le gène fonc­tion­nel est replacé dans les cel­lules neu­ronales qui retrou­vent un fonc­tion­nement normal. » 

Devant les pro­grès réal­isés, Lyso­gene développe actuelle­ment deux pro­duits : l’un pour traiter la mal­adie de San­fil­ip­po de type A, et l’autre pour traiter la mal­adie de Land­ing ou gan­gliosi­dose à GM1. 

« Nous avons con­sti­tué une équipe d’experts recon­nus dans la con­cep­tion de pro­grammes de recherche et de développe­ment clin­ique et qui tra­vail­lent en totale osmose entre nos deux local­i­sa­tions de Paris et de Cam­bridge (Mass­a­chu­setts) ».

Pour financer ses pre­miers développe­ments clin­iques, Lysogène a été tout d’abord aidé par des fonds phil­an­thropiques puis par des fonds insti­tu­tion­nels. « Au moment où nous avons apporté les preuves de con­cept de notre approche, nous avons levé 16,5 mil­lions d’euros, en mai 2014, lors d’un tour de table mené par Sofinno­va Part­ners, investis­seur his­torique, qui a réu­ni Bpifrance, via le fonds Inno­bio, et Novo A/S (hold­ing du groupe danois Novo Nordisk). » 

Cette année, Lyso­gene a franchi une étape sup­plé­men­taire. « Au regard de la pro­gres­sion de notre pro­gramme con­tre la mal­adie San­fil­ip­po A, nous avons levé 22,6 mil­lions d’euros sur le marché Euronext à Paris. » « Notre approche et notre expéri­ence sont trans­pos­ables à d’autres mal­adies rares. La régle­men­ta­tion nous autorise à procéder à des essais clin­iques sur beau­coup moins de patients et de con­serv­er l’exclusivité du médica­ment durant douze ans en Europe et sept ans aux États-Unis. » 

Aujourd’hui, Ornel­la a 12 ans. Cer­tains de ses symp­tômes ont dis­paru grâce au traite­ment de thérapie génique de Lyso­gene. Elle est beau­coup plus sere­ine, sa famille aus­si. Ces résul­tats obtenus sont très encour­ageants pour la prochaine étape clin­ique de phase III qui doit démar­rer prochainement.

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