ARE : femme et retournement d'entreprise

L’ARE : un formidable outil à la rescousse des entreprises

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°759 Novembre 2020
Par Virginie VERFAILLIE

L’asso­cia­tion pour le retour­ne­ment des entre­prises (ARE), regroupe plus de 250 membres, tous pro­fes­sion­nels du redres­se­ment des entre­prises en dif­fi­cul­té. Qu’ils soient admi­nis­tra­teurs judi­ciaires, audi­teurs et conseillers finan­ciers, avo­cats, ban­quiers, inves­tis­seurs, mana­gers de tran­si­tion et conseils opé­ra­tion­nels ou uni­ver­si­taires, la même volon­té les anime : pro­mou­voir l’excellence, pré­ser­ver les entre­prises et l’emploi et favo­ri­ser l’investissement. Sa pré­si­dente, Vir­gi­nie Ver­faillie, nous en dit davan­tage sur cette association.

Vous avez pris vos fonctions à la tête de l’ARE début 2020. Pouvez-vous nous rappeler les missions de l’ARE pour commencer ?

L’association pour le retour­ne­ment des entre­prises (ARE) a été consti­tuée en 2002. Elle a pour voca­tion de regrou­per l’ensemble des pro­fes­sion­nels (avo­cats, experts-comp­tables, conseillers, man­da­taires ad hoc, conci­lia­teurs, ban­quiers, fonds d’investissement, mana­gers de crise…) impli­qués de façon régu­lière dans les opé­ra­tions de retour­ne­ment, de refi­nan­ce­ment ou de restruc­tu­ra­tion. Elle a pour objec­tif pre­mier de pro­mou­voir ce que nous, les pro­fes­sion­nels nous appe­lons les mesures de pré­ven­tion des dif­fi­cul­tés des entreprises. 

Ces mesures consistent à restruc­tu­rer votre entre­prise ou à négo­cier des dettes notam­ment et peuvent néces­si­ter l’accompagnement par exemple d’un man­da­taire ad hoc ou d’un conci­lia­teur. Notre asso­cia­tion explique ce qu’est la pré­ven­tion dans tous ses aspects.

Concrè­te­ment, nous menons de nom­breux tra­vaux en comi­tés ou au sein du think tank de l’ARE créé en plein confi­ne­ment sur les lois, les tech­niques, les pra­tiques néces­saires à la sor­tie de crise… L’idée est de res­ter en veille per­ma­nente pour contri­buer et par­ti­ci­per à la défi­ni­tion des nou­veaux cadres et solu­tions, y com­pris sur le plan législatif.

Par exemple, cela se tra­duit par des articles, des pro­po­si­tions, des col­loques en par­te­na­riat avec des tri­bu­naux de com­merce ou encore des formations.

“En dépit du fait qu’il y ait beaucoup moins de femmes au sein de l’ARE,
notre gouvernance est un parfait exemple de mixité.”

Nous avons aus­si un comi­té de par­te­na­riats uni­ver­si­taires au tra­vers duquel nous inter­ve­nons dans les écoles et uni­ver­si­tés. C’est un moteur impor­tant de l’association, car il nous per­met de dif­fu­ser notre expé­rience cumu­lée et de pro­mou­voir ces solu­tions de pré­ven­tion. Via un autre comi­té, nous pro­po­sons des for­ma­tions qui sont ouvertes aux membres et à leurs col­la­bo­ra­teurs. Nous réa­li­sons éga­le­ment des for­ma­tions en par­te­na­riat avec d’autres asso­cia­tions. Cette année, nous avons orga­ni­sé une for­ma­tion en par­te­na­riat avec la CCEF, un grou­pe­ment de conseils et d’experts financiers.

Nous avons aus­si le think tank de l’ARE. Nous tra­vaillons aus­si sur la conver­gence des dif­fé­rents cadres dans les­quels ces entre­prises en crise évo­luent. L’idée, en lien avec la direc­tive euro­péenne sur l’insolvabilité, est de pou­voir faire émer­ger une réflexion com­mune avec une dimen­sion inter­na­tio­nale ain­si que de bonnes pra­tiques où les dif­fé­rences, d’un pays à un autre, ne repré­sen­te­raient plus un frein pour aider les entre­prises à sor­tir de la crise. Pour mener à bien nos mis­sions, nous avons des avo­cats spé­cia­li­sés en la matière, des experts finan­ciers, des conseils opé­ra­tion­nels, des fonds et des admi­nis­tra­teurs judiciaires.

Au cours des dernières années, comment a évolué le monde de la restructuration ? Quelles ont été les évolutions les plus marquantes ?

Tout d’abord, il s’est de plus en plus spé­cia­li­sé ! Bien qu’une vision glo­bale de l’entreprise soit conser­vée, il est désor­mais néces­saire d’avoir des équipes de pro­jets pour chaque spé­cia­li­té qui puissent s’occuper de chaque aspect (chiffre, droit, opérationnel…).

Par ailleurs, nous consta­tons que l’aspect social a une place de plus en plus pré­pon­dé­rante dans le monde du restruc­tu­ring avec les impé­ra­tifs de droit social et notam­ment la néces­si­té d’un dia­logue avec les ins­ti­tu­tions repré­sen­ta­tives du personnel.

Lorsque j’ai démar­ré ma car­rière, les pra­ti­ciens du restruc­tu­ring ne s’occupaient pas des restruc­tu­ra­tions sociales qui s’imposaient, parce que c’était très simple. Il était pos­sible de restruc­tu­rer son entre­prise facilement.

Aujourd’hui, nous sommes dans un régime très enca­dré et les règles sont deve­nues très com­pli­quées et la stra­té­gie est aus­si en consi­dé­ra­tion des enjeux sociaux et du droit du travail.

De plus, nous avons aus­si dans le monde du restruc­tu­ring des fonds d’investissement spé­cia­li­sés en retour­ne­ment qui se sont déve­lop­pés. De ce fait, il est désor­mais pos­sible de trou­ver des finan­ce­ments, ce qui aide beau­coup les entreprises.

Enfin, nous avons éga­le­ment des échanges avec les ser­vices du minis­tère de l’Économie et des Finances et de la chancellerie. 

Très sou­vent, nous fai­sons appel aux com­mis­saires aux restruc­tu­ra­tions et pré­ven­tion des dif­fi­cul­tés des entreprises.

ARE : REMISE DU PRIX 10EME ULYSSE A L' AUTOMOBILE CLUB DE FRANCE
Patrick Kraif, Canal Toys, lau­réat du prix Ulysse 2020, Peter Poor­tin­ga, Duc, lau­ré du prix des lec­teurs et Alain Boit­tiaux, Grain de Malice,
nomi­né prix Ulysse 2020 entourent la présidente.

Le début de votre mandat est marqué par la Covid-19 et la crise annoncée qui risque de toucher de nombreuses entreprises françaises. À ce stade, quelle sont votre lecture et votre analyse de la situation actuelle ?

Jusqu’ici, grâce aux mesures qui ont été mises en place par le gou­ver­ne­ment, comme les PGE (prêts garan­tis par l’état), les avances rem­bour­sables, l’activité par­tielle, le fonds de soli­da­ri­té, le report et l’exonération de cer­taines charges, le nombre de pro­cé­dures de sau­ve­garde, de redres­se­ment et de liqui­da­tion judi­ciaires n’a pas aug­men­té, au contraire.

Cepen­dant, tôt ou tard, les entre­prises devront rembourser.

En paral­lèle, les condi­tions de l’activité par­tielle vont être plus strictes. Il faut se remettre au travail !

Je pense donc qu’en cette fin de deuxième semestre ou au pre­mier tri­mestre 2021, de nom­breuses entre­prises fran­çaises vont être tou­chées. Dans ce cadre, comme je vous l’indiquais l’ARE a mis en place un think tank qui tra­vaille sur les pro­blé­ma­tiques cen­trales, qui sont celles de ren­for­ce­ment des fonds propres des entre­prises, avec un cer­tain nombre d’actions à mener par filière en col­la­bo­ra­tion avec les ter­ri­toires. Nous avons aus­si beau­coup tra­vaillé sur la pro­blé­ma­tique de baisse du cré­dit four­nis­seur notam­ment en réflé­chis­sant à des idées pour ren­for­cer le cré­dit four­nis­seur avec le main­tien de l’assurance crédit.

Enfin, nous réflé­chis­sons à des pro­po­si­tions pour enca­drer la res­pon­sa­bi­li­té des diri­geants et tous les sujets essen­tiels pour désa­mor­cer les effets de cette crise.

Bien sûr, vous avez des sec­teurs plus impac­tés que d’autres comme l’aéronautique, le tou­risme, l’hôtellerie-restauration, l’automobile… qui aujourd’hui doivent être sou­te­nus. L’état tra­vaille sur ces filières et les sou­tient. Il faut conti­nuer si nous vou­lons évi­ter les défaillances en série.

Comment accompagnez-vous les entreprises dans ce cadre ? Quelles sont les initiatives que vous portez ou auxquelles vous contribuez ?

Dès l’annonce du décon­fi­ne­ment, nous avons com­men­cé à pen­ser au sou­tien et à l’aide que nous pou­vions appor­ter aux petites et moyennes entre­prises. Bien qu’elles aient leur expert-comp­table (mais pas tou­jours), elles n’ont pas for­cé­ment suf­fi­sam­ment de moyens pour payer des pres­ta­tions com­plé­men­taires et se faire accom­pa­gner. Nous sommes l’association pour le retour­ne­ment des entre­prises. Il est de notre devoir de mettre à dis­po­si­tion des plus faibles tout le savoir de nos membres et d’apporter notre aide au plus grand nombre d’entreprises pou­vant connaître ou connais­sant des dif­fi­cul­tés. Ain­si, nous nous sommes rap­pro­chés d’autres asso­cia­tions, comme l’AJR (asso­cia­tion des jeunes pro­fes­sion­nels du restruc­tu­ring) et les WIR (women in restruc­tu­ring) pour créer un site inter­net, « SOS entre­prises Coronavirus ».

Confron­tés à la crise éco­no­mique en cours, de nom­breux entre­pre­neurs se retrouvent face à une mul­ti­tude de com­mu­ni­ca­tions. Nous avons vou­lu en sim­pli­fier l’accès et don­ner les pre­mières clés à toutes celles et ceux qui sont désar­més face à la situa­tion. Ce site met à dis­po­si­tion de tous les entre­pre­neurs un maxi­mum de recom­man­da­tions pra­tiques et d’actualités régu­liè­re­ment mises à jour pour les aider à tra­ver­ser la crise du Coro­na­vi­rus. Neuf thèmes sont ici trai­tés avec des expli­ca­tions didac­tiques et des liens vers les sites offi­ciels et leur docu­men­ta­tion en ligne. Les sta­tis­tiques démontrent que l’onglet le plus visi­té a été celui des TPE… ce qui prouve que nous avions rai­son en pen­sant aux plus petits.

« De nombreux entrepreneurs se retrouvent face à une multitude de communications. »

Par ailleurs, nous avons créé un fil d’actualités réser­vé aux membres de l’ARE sur lequel nous échan­gions sur toutes les mesures exis­tantes et sur la com­pré­hen­sion qu’il fal­lait en avoir. D’ailleurs, le Think Tank de l’ARE a pour voca­tion le Think Tank de l’ARE, qui a pour voca­tion d’être le cata­ly­seur de cette somme d’expériences et de savoir-faire, afin de pro­duire les articles, tri­bunes et notes tech­niques per­met­tant à cha­cun d’appréhender au mieux les fac­teurs clés de suc­cès de la pré­ven­tion et du trai­te­ment des dif­fi­cul­tés des entreprises.

Enfin, nous avons éga­le­ment mis en place un guide sur notre site, à l’attention des diri­geants sur la manière de gérer le confi­ne­ment et le déconfinement.

L’ARE remet également chaque année le prix Ulysse pour récompenser un redressement spectaculaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce prix et les derniers lauréats ?

Tous les ans depuis 2011, l’ARE décerne le prix Ulysse qui récom­pense le meilleur retour­ne­ment d’entreprise de l’année écou­lée. Véri­table prix d’excellence, le prix Ulysse dis­tingue une entre­prise qui aura non seule­ment effec­tué un retour­ne­ment spec­ta­cu­laire, mais éga­le­ment ins­crit son redres­se­ment dans la durée et don­né un nou­vel élan à son acti­vi­té. Toutes les com­po­santes (sociales, indus­trielles et finan­cières) sont en effet prises en compte pour l’attribution de ce prix.

La céré­mo­nie de remise du prix Ulysse, chaque année au mois de jan­vier, est un évé­ne­ment de pres­tige qui ras­semble des entre­prises et entre­pre­neurs, pro­fes­sion­nels du retour­ne­ment et per­son­na­li­tés du monde des affaires et repré­sen­tants des pou­voirs publics.

Cette année, le choix a été dif­fi­cile. Nous avions trois for­mi­dables can­di­dats : Canal Toys, Duc et Grain de Malice.

Acteur du mar­ché du jouet, Canal Toys a su se réin­ven­ter com­plè­te­ment en 10 ans pour sur­mon­ter la crise de 2008 : nou­veau busi­ness modèle, ren­for­ce­ment de l’actionnariat, même diri­geant ! C’est en effet un par­fait exemple de rési­lience, assez rare à trouver.

Duc nous a mon­tré un tra­vail d’équipe, qui nous a beau­coup plu, et Grain de Malice a été un bon exemple d’application pra­tique des méthodes de mana­gers de tran­si­tion asso­ciant le per­son­nel au retournement.

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Vous êtes aussi la première femme à présider l’association. Comment percevez-vous la question de la mixité et de la diversité dans le monde du retournement et de la restructuration d’entreprises ?

En dépit du fait qu’il y ait beau­coup moins de femmes au sein de l’ARE, notre gou­ver­nance est un par­fait exemple de mixi­té. Notre délé­guée géné­rale, Itha­ca de Bon­court, est éga­le­ment une femme. Le bureau de l’association compte de nom­breuses femmes. Nous savons que les hommes et les femmes n’ont pas tou­jours les mêmes sen­si­bi­li­tés et que nous sommes extrê­me­ment com­plé­men­taires dans nos approches. C’est ce qui nous per­met d’avancer effi­ca­ce­ment dans le retour­ne­ment de l’entreprise en dif­fi­cul­té, tous sec­teurs confondus. 

Plus géné­ra­le­ment, j’ai conscience de la confiance qui m’a été accor­dée par les membres de l’ARE ain­si que de la res­pon­sa­bi­li­té qui en découle. 

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