L’ARE : un acteur incontournable de la prévention des difficultés des entreprises

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°770 Décembre 2021
Par Virginie VERFAILLIE

Depuis 2020, l’Association pour le Retour­ne­ment des Entre­prises (ARE), forte de ses 270 membres, a su se renou­ve­ler pour main­te­nir son enga­ge­ment, ses actions et son impli­ca­tion dans l’écosystème du restruc­tu­ring mal­gré la crise. Le point avec Vir­gi­nie Ver­faillie Tan­guy, Pré­si­dente de l’ARE.

Quelles sont vos missions ?

Depuis 2002, nous regrou­pons les pro­fes­sion­nels (avo­cats, conseils finan­ciers et opé­ra­tion­nels, man­da­taires ad hoc/conciliateurs, ban­quiers, fonds d’investissement, mana­gers de crise, com­mu­ni­cants…) impli­qués de façon régu­lière dans les opé­ra­tions de retour­ne­ment, de refi­nan­ce­ment ou de restructuration. 

Notre pre­mière mis­sion est de pro­mou­voir les mesures de pré­ven­tion des dif­fi­cul­tés des entre­prises, qui peuvent consis­ter à restruc­tu­rer une entre­prise ou à négo­cier des dettes. Dans ce cadre, nous menons de nom­breux tra­vaux en comi­tés ou au sein du think tank de l’ARE sur les lois, les tech­niques, les pra­tiques néces­saires à la sor­tie de crise… L’idée est véri­ta­ble­ment d’être en veille per­ma­nente pour contri­buer et par­ti­ci­per à la défi­ni­tion des nou­veaux cadres et solu­tions, y com­pris sur le plan légis­la­tif. Cela se tra­duit par des articles, des pro­po­si­tions, des col­loques en par­te­na­riat avec des tri­bu­naux de com­merce ou encore des formations.

Nous avons un comi­té qui se concentre sur les par­te­na­riats uni­ver­si­taires au tra­vers duquel nous inter­ve­nons dans les grandes écoles et uni­ver­si­tés. C’est un levier impor­tant qui nous per­met de dif­fu­ser notre expé­rience et de pro­mou­voir ces solu­tions de prévention. 

Grâce à un comi­té dédié, nous pro­po­sons éga­le­ment des for­ma­tions qui sont ouvertes aux membres et à leurs col­la­bo­ra­teurs. Nous réa­li­sons éga­le­ment des for­ma­tions en par­te­na­riat avec d’autres associations. 

Au tra­vers de notre think tank, nous tra­vaillons sur la conver­gence des dif­fé­rents cadres dans les­quels ces entre­prises en crise évo­luent. Notre rôle est de contri­buer à une réflexion com­mune avec une dimen­sion inter­na­tio­nale et de valo­ri­sa­tion des bonnes pratiques.

Cette année est marquée par une mobilisation et une implication très forte de l’ARE dans la gestion de sortie de crise. Qu’en est-il ? 

L’ARE est l’un des signa­taires du plan d’action sur l’accompagnement des entre­prises en sor­tie crise publié le 1er juin der­nier et por­té par les minis­tères de l’Économie et des Finances, et de la Jus­tice. À nos côtés, on retrouve ain­si par­mi les prin­ci­paux signa­taires l’État, l’URSSAF, la DGFIP, la Banque de France, Bpi­France, le média­teur du cré­dit, le média­teur des entre­prise, la Fédé­ra­tion ban­caire fran­çaise, le Mou­ve­ment des entre­prises de France, l’Union des entre­prises de proxi­mi­té, le Mou­ve­ment des entre­prises de taille inter­mé­diaire, le Conseil natio­nal des admi­nis­tra­teurs judi­ciaires et des man­da­taires judi­ciaires, l’Ordre des experts-comp­tables, la Confé­dé­ra­tion des petites et moyennes entre­prises, l’Association fran­çaise des entre­prises pri­vées, le Conseil natio­nal des bar­reaux, le Conseil natio­nal des gref­fiers des tri­bu­naux de com­merce, la Com­pa­gnie natio­nale des com­mis­saires aux comptes, l’Association syn­di­cale pro­fes­sion­nelle des admi­nis­tra­teurs judiciaires… 

Le prin­ci­pal volet du plan tourne autour de la détec­tion pré­coce des dif­fi­cul­tés des entre­prises avec le déve­lop­pe­ment d’un algo­rithme par la DGFIP et la Direc­tion géné­rale des entre­prises à Ber­cy afin d’avoir une meilleure iden­ti­fi­ca­tion de ces entre­prises et un « sco­ring » sur lequels un repré­sen­tant de l’État pour­ra s’appuyer pour contac­ter les chefs d’entreprises concer­nés et leur pro­po­ser une solu­tion adaptée. 

Dans le cadre du plan, les dif­fé­rents conseils s’engagent à pro­po­ser à leurs clients des diag­nos­tics à des prix acces­sibles. Il met éga­le­ment en place une boîte à outils finan­cière avec notam­ment la pro­lon­ga­tion de la dis­po­ni­bi­li­té des PGE (Bru­no Le Maire a même annon­cé une nou­velle pro­lon­ga­tion jusque fin juin 2022) et des ins­tru­ments de sou­tien à l’export, la pro­ro­ga­tion des prêts à taux boni­fiés ou d’avances rem­bour­sables jusqu’au 31 décembre 2021 ; un fonds de tran­si­tion pour les entre­prises de taille signi­fi­ca­tive de 3 mil­liards d’euros ; un amé­na­ge­ment des dettes sociales et fis­cales qui peut aller jusque 48 mois pour les entre­prises importantes…

Le plan pré­voit éga­le­ment un maillage ter­ri­to­rial avec des comi­tés dépar­te­men­taux de sor­tie de crise qui regroupent les prin­ci­paux acteurs ter­ri­to­riaux (États, caisses sociales, orga­ni­sa­tions patro­nales, banques, tri­bu­naux du commerce…). 

L’ARE fait par­tie de ces comi­tés grâce aux nou­veaux membres que nous accueillons en région. Au niveau juri­dique, le plan d’action a mis en place une pro­cé­dure ori­gi­nale et attrac­tive : un man­dat ad hoc de sor­tie de crise pour faci­li­ter la re-négo­cia­tion des dettes des petites entre­prises ain­si qu’une pro­cé­dure dite de « trai­te­ment de sor­tie de crise » d’une durée de trois mois réser­vée aux entre­prises de moins de 20 sala­riés et dont le total du pas­sif « hors capi­taux propres » est infé­rieur à 3 mil­lions d’euros, per­met­tant au tri­bu­nal d’étaler le pas­sif sur un délai maxi­mum de 10 ans. 

Avec ce plan, nous assis­tons à un ren­ver­se­ment des cultures avec l’État qui est à l’écoute et qui va au-devant des entre­prises en dif­fi­cul­té qui ne sont plus seule­ment per­çues comme des contri­buables, mais comme des enti­tés qu’il faut sou­te­nir en cette période de sor­tie de crise. 

Si les entre­prises béné­fi­cient de l’ensemble de ces mesures d’accompagnement et de sou­tien qui font leur preuve, elles sont tou­te­fois confron­tées à des pro­blé­ma­tiques propres à ce contexte de reprise : dis­po­ni­bi­li­té de la main d’œuvre, aug­men­ta­tion du prix des matières pre­mières, raré­fac­tion du trans­port et aug­men­ta­tion du coût, dif­fi­cul­té d’approvisionnement…

Comment appréhendez-vous ce contexte au sein de l’ARE ?

Depuis le début de la crise, l’activité des acteurs du redres­se­ment et du retour­ne­ment des entre­prises s’est plus por­tée sur la pré­ven­tion et le M&A que sur les pro­cé­dures col­lec­tives type sau­ve­garde ou redres­se­ment judi­ciaire. En effet, les mesures gou­ver­ne­men­tales de sou­tien aux entre­prises ont per­mis de conte­nir signi­fi­ca­ti­ve­ment les défaillances. D’ailleurs, le taux d’entreprises en redres­se­ment ou en sau­ve­garde a consi­dé­ra­ble­ment bais­sé en 2020 par rap­port à 2019. L’activité de pré­ven­tion est, quant à elle, res­tée constante, voire a aug­men­té si on consi­dère le nombre de sala­riés concer­nés. Et les opé­ra­tions de M&A, notam­ment de ces­sion d’entreprises ont for­te­ment aug­men­té avec des cabi­nets qui ont même ren­for­cé leurs équipes. 

Aujourd’hui, nous sommes bien évi­dem­ment mobi­li­sés autour de la pro­mo­tion des dif­fé­rents dis­po­si­tifs et mesures por­tés par l’État notam­ment dans le cadre du plan d’action pré­cé­dem­ment men­tion­né, mais nous tra­vaillons aus­si sur la néces­si­té de sen­si­bi­li­ser les entre­prises à l’importance de s’organiser en amont afin d’être en mesure de rem­bour­ser les PGE ou d’étaler les échéances si besoin. 

Enfin, nous nous ren­for­çons aus­si avec de nou­veaux par­te­na­riats uni­ver­si­taires notam­ment avec l’université Pan­théon-Assas Paris-II ou encore Lyon-III. Nous déve­lop­pons nos groupes de tra­vail avec une impli­ca­tion et une par­ti­ci­pa­tion tou­jours plus fortes de nos membres qui par­ti­cipent à l’effort col­lec­tif en cette période de sor­tie de crise. 

L’ordonnance du 15 septembre dernier est venue réformer le droit des entreprises en difficulté en transposant en droit français la directive européenne « Restructuration et Insolvabilité », mais également en pérennisant des règles prévues par les ordonnances prises pendant la crise. Que faut-il en retenir ?

Nous avons été consul­tés en amont puis dans le cadre de la consul­ta­tion publique. Nous consi­dé­rons que cette évo­lu­tion légis­la­tive va modi­fier les équi­libres entre les dif­fé­rentes par­ties pre­nantes avec un pou­voir plus impor­tant octroyé aux créanciers. 

Elle com­porte éga­le­ment une amé­lio­ra­tion au béné­fice de la cau­tion per­sonne phy­sique qui, pour les pro­cé­dures ouvertes depuis le 1er octobre 2021, va pou­voir béné­fi­cier des délais du plan arrê­té en redres­se­ment judi­ciaire et plus seule­ment en plan de sau­ve­garde. On retrouve aus­si une péren­ni­sa­tion des dis­po­si­tions qui faci­litent, en conci­lia­tion, l’octroi de délais pou­vant aller jusque 24 mois… 

Malgré le contexte, l’ARE a organisé la 11e édition de son Prix Ulysse. Comment cela s’est-il passé et qui sont les lauréats en 2021 ? 

Depuis 2011, le prix Ulysse récom­pense le meilleur retour­ne­ment d’entreprise. C’est un prix qui vient dis­tin­guer une entre­prise qui aura non seule­ment effec­tué un retour­ne­ment spec­ta­cu­laire, mais éga­le­ment ins­crit son redres­se­ment dans la durée et don­né un nou­vel élan à son acti­vi­té. Toutes les com­po­santes (sociales, indus­trielles et finan­cières) sont prises en compte pour l’attribution de ce prix. La céré­mo­nie de remise du prix Ulysse, orga­ni­sée chaque année au pre­mier tri­mestre, est un évé­ne­ment de pres­tige qui ras­semble entre­prises, pro­fes­sion­nels du retour­ne­ment, per­son­na­li­tés du monde des affaires et repré­sen­tants des pou­voirs publics. Pour cette 11e édi­tion, nous avons fil­mé la céré­mo­nie dans un stu­dio télé et retrans­mis en direct le prix Ulysse ce qui nous a per­mis de tou­cher une plus grande audience. Les déli­bé­ra­tions du jury se sont, quant à elles, tenues en visio.

Sous le par­rai­nage du Garde des Sceaux, le prix Ulysse 2021 a été remis à Vert­bau­det, une marque emblé­ma­tique de la vente à dis­tance de pro­duits des­ti­nés aux enfants. L’entreprise qui fai­sait de la vente sur cata­logue a opé­ré une trans­for­ma­tion remar­quable en chan­geant tota­le­ment son modèle et en fai­sant le pari ris­qué de tout miser sur le digi­tal. Dans le monde du retour­ne­ment, la plus grande dif­fi­cul­té est jus­te­ment de se remettre tota­le­ment en ques­tion et chan­ger son modèle. En récom­pen­sant Vert­bau­det, nous met­tons à l’honneur cette belle réus­site qui est une véri­table source d’inspiration dans ce contexte de crise. 

Le prix des lec­teurs du maga­zine Chal­lenges a été remis à CÔTE, une entre­prise de Rhône-Alpes, spé­cia­li­sée dans le génie élec­trique et les auto­ma­tismes. Très recon­nue pour son savoir-faire, elle a dû faire face à une crise dont elle est sor­tie brillam­ment. Après un plan de sau­ve­garde de 10 ans, l’entreprise a rem­bour­sé l’ensemble de ses dettes et renoue avec la crois­sance. C’est un très bel exemple de rési­lience qui force l’admiration.

Et par­mi les nomi­nés, il y avait éga­le­ment ASI Inno­va­tion, un groupe qui opère dans le sec­teur de l’avionique, et qui a su se sépa­rer d’une acti­vi­té en perte de vitesse pour sau­ver l’entreprise.

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