L’histoire de Nova Southeastern University

Dossier : Les X en Amérique du NordMagazine N°617 Septembre 2006
Par Jacques LEVIN (58)
Par Abraham FISCHLER

Introduction et traduction d’après les propos du Dr Abraham Fischler, Président d’honneur à Nova Southeastearn University par Jacques LEVIN (58)

Mon expérience aux États-Unis

Introduction et traduction d’après les propos du Dr Abraham Fischler, Président d’honneur à Nova Southeastearn University par Jacques LEVIN (58)

Mon expérience aux États-Unis

Après plusieurs séjours aux États-Unis, en Cal­i­fornie et au Michi­gan, je me suis finale­ment établi en Floride, depuis trente ans. On m’a demandé, en tant que prési­dent du groupe X‑US/Canada, d’or­gan­is­er la pré­pa­ra­tion du numéro spé­cial de La Jaune et la Rouge sur les États-Unis. Un petit groupe s’est con­sti­tué en Comité de rédac­tion de ce numéro spé­cial, dans le but de partager nos expéri­ences et de racon­ter ce qui nous a con­duits, pour cer­tains d’en­tre nous, à émi­gr­er. C’est cette expéri­ence per­son­nelle, et plus spé­ciale­ment celle des trente années que je viens de pass­er à Nova South­east­ern Uni­ver­si­ty, que j’aimerais décrire ici.

En 1978, la société d’in­for­ma­tique Bur­roughs Cor­po­ra­tion, pour laque­lle je tra­vail­lais, avait été con­tac­tée par le Dr Abra­ham Fis­chler, alors prési­dent de Nova Uni­ver­si­ty, dans l’e­spoir de recruter des pro­fesseurs adjoints. Ce fut le début de mon asso­ci­a­tion avec cette uni­ver­sité par­ti­c­ulière­ment dynamique qui, créée il y a quar­ante-deux ans, accueille aujour­d’hui 27 500 étu­di­ants. Ce qui m’a le plus frap­pé, c’est l’e­sprit de créa­tiv­ité et de dynamisme avec lequel ses dirigeants ont intro­duit de nou­veaux mod­èles édu­cat­ifs, exploitant les nou­velles tech­nolo­gies pour attein­dre leur but. Ce qui m’a tou­jours éton­né, c’est la tenac­ité avec laque­lle l’U­ni­ver­sité s’est battue dans ses moments les plus dif­fi­ciles, pour vain­cre l’adversité.

J’ai été per­son­nelle­ment asso­cié à une par­tie de cette expéri­ence lorsque, en 1984, j’ai rejoint le Dr John Scigliano, doyen du Cen­ter for Com­put­er Based Learn­ing, ou CBL. J’avais la charge d’en­seign­er une par­tie des cours d’in­for­ma­tique dans les clus­ters que le CBL avait à Wilm­ing­ton dans le Delaware, à Saint Louis dans le Mis­souri, et à Los Ange­les en Cal­i­fornie. Tous les trois mois, je par­tais avec mon épouse pour en faire la tournée, pour ren­con­tr­er les nou­veaux élèves, pré­par­er la salle de con­férences dans laque­lle j’al­lais faire mes démon­stra­tions et don­ner mes cours, et organ­is­er les exa­m­ens. Entre les cours, toute com­mu­ni­ca­tion avec les élèves se fai­sait par télé­com­mu­ni­ca­tions à tra­vers le serveur Unix que l’U­ni­ver­sité venait d’acquérir.

Au fil des années, l’U­ni­ver­sité a con­stam­ment exploité les dernières tech­nolo­gies pour en faire prof­iter l’en­seigne­ment. J’ai été fier d’en faire par­tie, et surtout de créer des pro­grammes qui ont per­mis à plusieurs généra­tions de pro­fes­sion­nels d’in­tro­duire ces tech­nolo­gies dans leur environnement.

Ce qui m’a frap­pé chez les Améri­cains, c’est leur esprit de ” moteurs de change­ments ” (Agents of Change). Il me sem­ble que Nova South­east­ern Uni­ver­si­ty est un exem­ple typ­ique de cet esprit.

J’ai demandé au Dr Abraham Fischler, président fondateur de Nova Southeastern University, de bien vouloir nous raconter l’histoire de l’Uni­versité, ce qu’il a accepté de faire dans les pages suivantes.

Écrire l’his­toire de Nova South­east­ern Uni­ver­si­ty ne manque pas d’in­térêt, tant il est mirac­uleux qu’elle soit arrivée à sur­vivre et qu’elle se soit même hissée, en seule­ment quar­ante-deux ans, au sep­tième rang des uni­ver­sités indépen­dantes améri­caines. À l’o­rig­ine, elle devait con­stituer le couron­nement du ” South Flori­da Edu­ca­tion Com­plex “, ou SFEC, un pro­jet des­tiné à offrir une for­ma­tion à cha­cun, de sa nais­sance à sa mort. Il était prévu que le SFEC invente de nou­velles tech­niques éduca­tives, qu’il les mette en place, les répande et en éval­ue l’ef­fi­cac­ité. Le point d’orgue devait être que la Nova Uni­ver­si­ty of Advanced Tech­nol­o­gy — tel était son nom à l’o­rig­ine — pré­pare aux diplômes du Bach­e­lor’s, du Mas­ter’s et du Doctorat.

La disponi­bil­ité, au titre de sur­plus mil­i­taire, d’un ter­rain d’en­traîne­ment pour des pilotes de la Marine améri­caine pen­dant la Sec­onde Guerre mon­di­ale, a été le point de départ de la créa­tion du SFEC. Trois habi­tants du comté de Broward ont alors pro­posé à deux hommes poli­tiques, le représen­tant Spes­sard Hol­land et le séna­teur George Smath­ers, de con­sacr­er ce ter­rain à une œuvre d’in­térêt pub­lic en per­me­t­tant la con­struc­tion du SFEC.

On trans­féra alors du cen­tre-ville vers ce com­plexe le Broward Commu­nity Col­lege ain­si que deux étab­lisse­ments d’en­seigne­ment sec­ondaire, une Mid­dle School et une High School, env­i­ron 60 hectares restant disponibles pour con­stru­ire une uni­ver­sité : ce fut, en décem­bre 1964, la Nova Uni­ver­si­ty of Advanced Techno­logy. Son Con­seil d’ad­min­is­tra­tion voulait en faire le MIT du Sud. Trois départe­ments furent créés — Océano­graphie, Sci­ences physiques et Sci­ences de l’en­seigne­ment — et 17 doc­tor­ants recrutés. Employés comme assis­tants d’en­seigne­ment, ils devaient béné­fici­er de droits d’in­scrip­tion financés par des con­trats que leurs pro­fesseurs étaient chargés d’obtenir. Ce fut le cas en Océanogra­phie, mais non pas en Sci­ences physiques, tan­dis que les Sci­ences de l’en­seigne­ment offrirent des postes dans des étab­lisse­ments où les pro­fesseurs tra­vail­laient à des recherch­es appliquées.

Vers la fin de 1968, il devint évi­dent aux admin­is­tra­teurs que l’on allait vers un échec. Il fal­lut se sépar­er des pro­fesseurs de Sci­ences physiques, tan­dis que les étu­di­ants reçurent une bourse d’une année pour rejoin­dre une autre uni­ver­sité. À la place, un Germ-Free Lab­o­ra­to­ry fut créé, sur des fonds du Gou­verne­ment, pour pro­duire des souris stériles, à des fins de recherch­es, et quelques pro­fesseurs réus­sirent à financer plusieurs doc­tor­ants en Biolo­gie. Quant au départe­ment des Sci­ences de l’en­seigne­ment, il se trans­for­ma en Behav­ioral Sci­ence Cen­ter (Cen­tre des sci­ences com­porte­men­tales) en élar­gis­sant son champ d’activités.

En 1969, le prési­dent de l’u­ni­ver­sité don­na sa démis­sion, tan­dis que le directeur du Behav­ioral Sci­ence Center en deve­nait, pour l’an­née, le vice-prési­dent exé­cu­tif. Les admin­is­tra­teurs se mirent alors en quête d’un nou­veau prési­dent, mais il apparut, dès le mois de mai 1970, qu’ils ne trou­veraient per­son­ne pour occu­per ce poste, alors qu’en même temps il deve­nait impos­si­ble de rassem­bler les fonds néces­saires au fonc­tion­nement de l’in­sti­tu­tion. Trois pistes furent alors explorées : faire repren­dre l’u­ni­ver­sité par l’É­tat de Floride, pass­er un accord avec un autre étab­lisse­ment privé ou, enfin, lever un mil­lion et demi de dol­lars. En cas d’in­suc­cès de ces trois options, il ne resterait plus qu’à met­tre la clef sous la porte.

En juin 1970, le directeur exé­cu­tif ren­con­tra le prési­dent du New York Insti­tute of Tech­nol­o­gy, ou NYIT, le Dr Alexan­der Schure, qui accep­ta de fédér­er les deux entités : Nova assur­erait le cycle supérieur, tan­dis que le NYIT se charg­erait du cycle under­grad­u­ate sur le cam­pus de Nova, tout en payant à cette dernière, à titre d’a­vance sur loy­er, un mil­lion et demi de dol­lars, ce qui lui per­me­t­trait d’a­pur­er ses dettes. Le Dr Schure devint recteur de la fédéra­tion, tan­dis que le prési­dent exé­cu­tif de Nova, le Dr Abra­ham Fis­chler, prit le titre de prési­dent de Nova Uni­ver­si­ty.

En décem­bre 1970, Nova Uni­ver­si­ty reçut l’a­gré­ment de la South­ern Asso­ci­a­tion of Col­leges, ou SACS, et en jan­vi­er 1971, le pre­mier diplôme de spé­cial­istes en Enseigne­ment, ou Edu­ca­tion­al Lead­ers, dis­pen­sé hors cam­pus, fut recon­nu par cette même SACS, à titre expéri­men­tal et sous con­di­tion d’être con­trôlé chaque année.

C’é­tait là un pro­gramme conçu pour fonc­tion­ner par groupes : 25 à 30 directeurs d’é­coles se réu­nis­saient toutes les qua­tre semaines avec un con­férenci­er chevron­né, chargé du con­tenu de l’en­seigne­ment. Au sein de chaque groupe et entre les réu­nions plénières, un coor­don­na­teur se devait d’or­gan­is­er des réu­nions en plus petit comité. Le con­férenci­er arrivait le ven­dre­di soir, dînait avec quelques par­tic­i­pants, et pre­nait son petit-déje­uner le lende­main avec quelques autres, avant de s’adress­er à l’ensem­ble du groupe, pen­dant huit heures. À cette époque, con­férenci­er et par­tic­i­pants com­mu­ni­quaient essen­tielle­ment, en dehors des réu­nions de groupe, par cour­ri­er ou par télé­phone. La plu­part des con­férenciers, recrutés comme pro­fesseurs adjoints, avaient dans d’autres insti­tu­tions un rôle de pre­mier plan, mais ils avaient accep­té de jouer le jeu de cette expéri­ence. Ils devaient, par ailleurs, enseign­er le même cur­sus, quels que fussent le groupe auquel ils s’adres­saient et l’en­droit où ils le faisaient.

Les par­tic­i­pants devaient s’in­scrire chaque année dans trois dis­ci­plines, suiv­re une ses­sion d’été d’une semaine et réalis­er un pro­jet : choisir un prob­lème ren­con­tré dans leur pro­pre école, effectuer les recherch­es néces­saires à la mise au point d’une stratégie pour le résoudre, la met­tre en œuvre et, finale­ment, soumet­tre l’ensem­ble au juge­ment d’un pro­fesseur à temps plein de Nova. Les con­férenciers avaient pour con­signe d’ap­pli­quer aux par­tic­i­pants les mêmes stan­dards que dans leur pro­pre insti­tu­tion. Entre cha­cun des mod­ules de trois mois, qua­tre semaines d’in­ter­rup­tion per­me­t­taient à ces derniers de lire les cours et de se pré­par­er pour le mod­ule suiv­ant. En trois ans, ce sont 600 directeurs d’é­cole qui ont suivi le pro­gramme et payé leurs droits d’inscription.

Une année après le pre­mier, un sec­ond diplôme pour spé­cial­istes en Enseigne­ment fut lancé, un peu dif­férent du pre­mier, puisque des­tiné spé­ci­fique­ment aux pro­fesseurs des Com­mu­ni­ty Col­leges. Il est arrivé que les 25 par­tic­i­pants d’un groupe appar­ti­en­nent tous au même étab­lisse­ment, et y devi­en­nent ain­si de véri­ta­bles moteurs de change­ments. C’est l’époque où les Junior Col­leges ont pris le nom de Com­mu­ni­ty Col­leges. Quant aux pro­jets réal­isés, ils se sont appelés Major Applied Research Practicum.

Le troisième pro­gramme de ter­rain offert fut un doc­tor­at en Adminis­tration publique, des­tiné aux per­son­nels des col­lec­tiv­ités locales, villes et État. Le suc­cès des deux autres pro­grammes, décrits ci-dessus, était tel qu’il fut conçu pour s’adress­er à des respon­s­ables de haut niveau. Beau­coup des con­férenciers étaient des pro­fesseurs de ges­tion renom­més, issus de divers­es insti­tu­tions, ou des per­son­nes ayant une longue expéri­ence de la vie publique.

Il ne fal­lut pas longtemps pour que les États dans lesquels Nova Uni­ver­si­ty dis­pen­sait cet enseigne­ment passent une loi l’oblig­eant à se faire enreg­istr­er en tant qu’in­sti­tu­tion étrangère à l’É­tat. La demande d’a­gré­ment devait recueil­lir l’avis du Départe­ment de l’É­d­u­ca­tion, avant de pou­voir être soumise à son Départe­ment d’É­tat : un proces­sus de plus en plus aléa­toire, à mesure que ceux qui étaient chargés de décider se rendaient compte de l’hos­til­ité qu’une réponse favor­able leur vaudrait de la part des uni­ver­sités de l’É­tat en ques­tion. Quant aux con­séquences élec­torales d’un refus à Nova Uni­ver­si­ty, ils savaient bien qu’elles étaient faibles.

L’ex­em­ple suiv­ant est une illus­tra­tion de ces dif­fi­cultés : Nova Uni­ver­si­ty se vit inter­dire par la Car­o­line du Nord de con­tin­uer à y enseign­er, et dut, pour pro­téger les intérêts des par­tic­i­pants inscrits à un groupe, y engager un procès auprès du Board of Regents, chargé de l’en­seigne­ment supérieur. Nova finit par avoir gain de cause, et put con­tin­uer à opér­er dans cet État.

Les années pas­sant, l’or­di­na­teur se révéla être un out­il des plus impor­tants, qu’il fal­lut inté­gr­er au sys­tème d’en­seigne­ment, et il fut décidé de créer un nou­veau pro­gramme et un nou­veau cen­tre, le Cen­ter for Com­put­er Based Learn­ing. Son directeur se vit con­fi­er deux tâch­es. Il lui fal­lut bâtir un cur­sus des­tiné à des bib­lio­thé­caires désireux de pré­par­er un doc­tor­at. Il fut aus­si chargé d’aider ses col­lègues uni­ver­si­taires à intro­duire l’in­for­ma­tique comme moyen d’en­seigne­ment, de recherche et de com­mu­ni­ca­tion, ce dont Nova béné­fi­cia dans tous les secteurs : les pro­fesseurs dev­in­rent plus proches de leurs étu­di­ants, qui virent le délai de réponse à leurs ques­tions se réduire con­sid­érable­ment. Ce fut le début de l’in­va­sion de l’en­seigne­ment par l’élec­tron­ique, avec des pro­fesseurs qui purent lim­iter leurs déplace­ments, pour arriv­er à ce que l’on appelle main­tenant une salle de classe virtuelle. Ce fut une époque où Nova opérait dans 32 États et plusieurs pays autres que les États-Unis.


Le cam­pus de Nova South­east­ern Uni­ver­si­ty.

C’est grâce à cela que Nova put faire ren­tr­er de l’ar­gent dans ses caiss­es et pro­cur­er un enseigne­ment de qual­ité à un coût raisonnable, et elle en prof­i­ta pour ouvrir plusieurs départe­ments. Elle changea son nom en Nova Uni­ver­si­ty, lais­sant tomber le qual­i­fi­catif d’Advanced Tech­nol­o­gy. Par­al­lèle­ment, elle se fixa un nou­v­el objec­tif, celui de se trans­former en une uni­ver­sité plus com­plète, et de dis­penser à la fois un enseigne­ment tra­di­tion­nel sur cam­pus et un enseigne­ment à dis­tance, sur de nom­breux programmes.

Aujour­d’hui, Nova offre un choix des plus larges : des for­ma­tions pro­fes­sion­nelles en Droit, Médecine, Phar­ma­cie, Den­tis­terie, Optométrie, Psy­cholo­gie, Enseigne­ment et Océano­graphie ; une gamme com­plète de for­ma­tions under­grad­u­ate ; des class­es allant de la mater­nelle jusqu’à la fin des études sec­ondaires ; un vil­lage d’en­fants pour les moins de cinq ans et un cen­tre de for­ma­tion pour retraités. Dans cha­cune des dis­ci­plines, elle offre encore un enseigne­ment sous mode virtuel, tout par­ti­c­ulière­ment en Enseigne­ment et en Développe­ment humain.

Les étu­di­ants accueil­lis par Nova South­east­ern Uni­ver­si­ty avoisi­nent les 27 500, avec plusieurs cen­tres répar­tis à tra­vers les États-Unis et dans plusieurs autres pays.

Commentaire

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Jacques Levinrépondre
25 janvier 2010 à 20 h 19 min

Dr
mer­ci de m’en­voy­er l’article

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