Brasseur optique Completel.

Maîtrise des infrastructures et spécialisation :

Dossier : TélécommunicationsMagazine N°616 Juin/Juillet 2006
Par Thierry PODOLAK (84)

Bref rappel historique

Bref rappel historique

Avec l’ar­rêt du mono­pole de France Tele­com sur la four­ni­ture de ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tions fixes (voix fixe, don­nées, Inter­net), la fin des années 90 a vu l’es­sor en France, comme dans la plu­part des pays déve­lop­pés, de nom­breux pro­jets d’in­ves­tis­se­ment dans le sec­teur. Ain­si, ce sont plu­sieurs dizaines d’o­pé­ra­teurs qui ont été créés à cette époque, à par­tir de capi­taux pri­vés réunis­sant des fonds de quelques mil­lions d’eu­ros jus­qu’à des mon­tants pou­vant atteindre un mil­liard d’eu­ros. Le foi­son­ne­ment tech­no­lo­gique (fibre optique, boucle locale radio, lignes de cuivre DSL, etc.), la diver­si­té des modèles finan­ciers et des cibles de clien­tèles (du rési­den­tiel aux très grandes entre­prises) ont don­né à cha­cun de ces pro­jets une tra­jec­toire particulière.

Force est de consta­ter, que la plu­part des socié­tés issues de cette vague n’ont pas sur­vé­cu aux dif­fi­cul­tés de finan­ce­ment liées à l’é­cla­te­ment de la bulle Inter­net, et à cer­tains modèles de déve­lop­pe­ment à faible marge dont la pres­sion concur­ren­tielle a eu rapi­de­ment rai­son. Plus spé­ci­fi­que­ment dans le sec­teur des opé­ra­teurs de télé­com­mu­ni­ca­tions d’en­tre­prise, la tren­taine d’o­pé­ra­teurs qui s’é­taient lan­cés sur le mar­ché fran­çais s’est réduite, par dis­pa­ri­tion et conso­li­da­tions suc­ces­sives, à un cercle res­treint de quelques acteurs soit héri­tiers des anciens mono­poles his­to­riques (FT, BT), soit issus de l’ou­ver­ture des mar­chés (Veri­zon pour les USA, Colt pour le Royaume-Uni, 9Cegetel et Com­ple­tel pour la France).

Des constantes dans les modèles de développement : la maîtrise des infrastructures de boucle locale

Une grille de lec­ture simple à deux cri­tères per­met de dis­cer­ner les modèles éco­no­miques matures, de ceux qui n’ont pas survécu.


Bras­seur optique Com­ple­tel. © COMPLETEL

D’une part, seuls les opé­ra­teurs dis­po­sant de leur propre infra­struc­ture de télé­com­mu­ni­ca­tions se sont déve­lop­pés : le métier d’o­pé­ra­teur, quoique métier de ser­vices, néces­site de façon incon­tour­nable un réseau de pro­duc­tion géné­rant, moyen­nant un inves­tis­se­ment ini­tial très impor­tant, l’es­sen­tiel des marges com­mer­ciales, par la maî­trise en propre d’un outil com­pé­ti­tif, inno­vant et de qua­li­té. À l’op­po­sé des ten­dances connues dans le monde indus­triel, il n’y a pas de modèle d’o­pé­ra­teur » fab-less » ou vir­tuel qui ait réus­si son déve­lop­pe­ment en France, dans l’ac­ti­vi­té entre­prise comme dans le domaine du résidentiel.

D’autre part, la créa­tion durable de valeur ne s’ef­fec­tue que dans les extré­mi­tés des réseaux, la fameuse boucle locale, quelle qu’en soit la tech­no­lo­gie (fibre optique ou cuivre DSL en géné­ral). Le surin­ves­tis­se­ment dans les infra­struc­tures optiques longue dis­tance (entre villes, pays voire conti­nents), com­bi­né aux évo­lu­tions tech­no­lo­giques (débits sur fibre optique longue dis­tance de plus en plus éle­vés) a déva­lo­ri­sé le trans­port d’in­for­ma­tions à longue dis­tance, sur les artères les plus banalisées.

A contra­rio, la rare­té des infra­struc­tures d’ac­cès (le réseau local) com­bi­née à la mon­tée des débits a assu­ré un déve­lop­pe­ment impor­tant des acteurs les déte­nant et les opé­rant. L’exemple le plus frap­pant de faillite d’o­pé­ra­teur longue dis­tance est celui, en 2002, de KPN­Q­west, pour­tant l’un des prin­ci­paux trans­por­teurs du réseau Inter­net, qui n’a pas pu péren­ni­ser ses marges et rem­bour­ser ses dettes sur un mar­ché pour­tant en plein développement.

Le très haut débit : au-delà de Paris, Lyon et Marseille

Dès l’ou­ver­ture des mar­chés fixes, la cou­ver­ture des agglo­mé­ra­tions de Paris, Lyon et Mar­seille par des infra­struc­tures de boucle locale optique a été effec­tuée à diverses échelles par les nou­veaux entrants. Tou­te­fois la grande majo­ri­té des opé­ra­teurs alter­na­tifs s’est arrê­tée là, quitte à main­te­nir à l’é­cart du très haut débit les entre­prises de la grande dis­tri­bu­tion lil­loise, de l’aé­ro­nau­tique tou­lou­saine, de la micro-élec­tro­nique gre­no­bloise, etc. !

Dans le cas de Com­ple­tel, le déve­lop­pe­ment dès 1998 d’un modèle finan­cier et géo­mar­ke­ting détaillé (éva­lua­tion des bud­gets de télé­com, den­si­té des bâti­ments d’en­tre­prises, etc.) a per­mis de déployer la tech­no­lo­gie optique du très haut débit, sur fonds pri­vés, dans six autres grandes villes fran­çaises sans renon­cer aux objec­tifs de ren­ta­bi­li­té de l’entreprise.

Depuis lors, la mon­tée inexo­rable de la demande par les entre­prises, en très haut débit (100 Mbit/s en moyenne pour la demande en trans­port Ether­net, sur un panel de 1400 sites), a ren­for­cé la per­ti­nence de cet investissement.

La course au très haut débit pour les entre­prises, quoique moins média­ti­sée que pour les ser­vices haut débit grand public, n’en est pas moins tan­gible. Le recen­se­ment des accès optiques très haut débit en France en début 2006 est pré­sen­té dans la figure ci-dessous.

La poursuite du modèle de développement : focalisation et spécialisation

Deux constats carac­té­risent la nou­velle phy­sio­no­mie du pay­sage fran­çais des opé­ra­teurs de télé­com­mu­ni­ca­tions fixes d’en­tre­prises. D’une part, le mar­ché, bien qu’ou­vert depuis près d’une décen­nie, n’a pas encore toutes les marques d’un mar­ché mature : un petit nombre d’o­pé­ra­teurs alter­na­tifs croissent face à un opé­ra­teur his­to­rique très puis­sant, France Tele­com, dont la part de mar­ché est encore consi­dé­rable (près de 80 %).

D’autre part, les stra­té­gies de déve­lop­pe­ment adop­tées par les acteurs alter­na­tifs en France sont toutes bien distinctes.

La stra­té­gie de foca­li­sa­tion de l’in­ves­tis­se­ment sur une infra­struc­ture optique et DSL à très forte capil­la­ri­té natio­nale (Com­ple­tel, 9Cegetel) se dif­fé­ren­cie du posi­tion­ne­ment inter­na­tio­nal de Colt, BT ou Veri­zon. La stra­té­gie de l’o­pé­ra­teur domes­tique géné­ra­liste, trai­tant du mar­ché rési­den­tiel aux grandes entre­prises (9Cegetel), se confronte à celle des acteurs très spé­cia­li­sés de chaque seg­ment de mar­ché, en par­ti­cu­lier à celle de Colt et de Com­ple­tel pour le mar­ché des entreprises.

Toutes ces stra­té­gies témoignent de la dyna­mique d’un sec­teur ani­mé par la concur­rence et l’in­no­va­tion, et de la diver­si­té des par­cours des acteurs en pré­sence. Maî­trise d’une infra­struc­ture natio­nale optique et DSL déte­nue en propre, foca­li­sa­tion sur le mar­ché fran­çais et spé­cia­li­sa­tion sur le mar­ché des entre­prises : avec plus de 20 % de crois­sance annuelle, Com­ple­tel affirme, avec constance, ses choix.

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