Portrat Luise Fleischer polytechnicienne promotion 2013

Louise Fleischer (2013), les yeux au firmament

Dossier : TrajectoiresMagazine N°736 Juin 2018
Par Pierre LASZLO

À l’École, cette rug­by­woman généreuse eut un apport com­pa­ra­ble à tout ce qu’elle en reti­ra, tant des enseigne­ments que de la vie col­lec­tive. Ain­si, dans le cadre d’Astro­nau­tiX, qui réu­nit élèves, enseignants et chercheurs pour dévelop­per le spa­tial à l’École, elle organ­isa une semaine entière sur les enjeux de l’espace.

Pour nos ser­vices diplo­ma­tiques, elle rédi­gea une note sur OneWeb, ce pro­jet com­mun aux Améri­cains, Européens et Russ­es de « nations unies » par un réseau de 648 satellites.

“Un projet personnel depuis l’enfance : devenir astronaute”

Elle par­tic­i­pa, dans le cadre du remod­e­lage du plateau de Saclay, au pro­jet Inven­ter des riv­ières, dont elle garde un sou­venir mit­igé. Elle fit enten­dre sa flûte – dont elle joue depuis l’âge de six ans – dans des con­certs au sein de plusieurs groupes. Bref, à la fois enjouée et très sérieuse, elle fut pour l’X une recrue de choix.

Aupar­a­vant, son stage de for­ma­tion humaine et mil­i­taire de pre­mière année se déroula, de décem­bre 2013 à mars 2014, en Nou­velle-Calé­donie, après onze semaines à Saint-Cyr Coëtquidan, dans le cadre du ser­vice mil­i­taire adap­té : elle y encadrait 30 volontaires.

Sous le signe de la diversité

Mais d’où vient cette per­son­ne, au regard fixé sur le fir­ma­ment ? Elle tient de sa mère « le goût pour l’aventure et les voy­ages. Je ressem­ble énor­mé­ment à ma mère. Et de ma grand-mère, je tiens un très pro­fond attache­ment affec­tif à la famille et à l’Auvergne. »

Dessin : Lau­rent Simon

Son père, sud-africain, et sa mère, française, se ren­con­trèrent en Suisse. Aus­si Louise, comme ses deux frères, est bilingue anglais-français. Elle apprend à présent le russe, afin de mieux con­vers­er avec les cos­mo­nautes, comme avec les ingénieurs et tech­ni­ciens de leur plate­forme logis­tique de Baïkonour.

Elle vécut son enfance à Opio, vil­lage per­ché proche de Grasse, voisin de Val­bonne-Sophia-Antipo­lis. Elle fit sa sco­lar­ité, sept années enchan­tées au Cen­tre inter­na­tion­al de Val­bonne où elle vécut dans la diver­sité et la cul­ture inclu­sive en côtoy­ant des fils et filles d’expatriés de tous pays. Par­mi nom­bre d’enseignants dont elle garde un sou­venir ému, ou amusé, il y eut notam­ment : « M. Ségur, mon prof de physique de cinquième, qui me don­na le goût de l’astronomie et qui ani­mait le club d’astro dont je fai­sais partie. »

Pour la pré­pa, faute d’être accep­tée à Ginette, elle devint lazo – le lycée privé « Aux Lazaristes », sur la colline de Fourvière, met l’accent sur la sol­i­dar­ité au sein des élèves, et l’épanouissement per­son­nel dans la vie de groupe. Elle garde un excel­lent sou­venir de « tous mes profs de deux­ième année de pré­pa avec qui nous avions des rela­tions presque famil­iales, tant nous pas­sions de temps ensemble ».

En route pour les étoiles

Après l’X, ce fut Stan­ford, où elle étudie depuis sep­tem­bre 2016. Elle y accom­plit un mas­tère en aéro­nau­tique et astro­nau­tique. Au nom­bre des cours qu’elle y suit, l’astrodynamique, la con­cep­tion de con­trôles et leur fab­ri­ca­tion, les flux com­press­ibles, la con­cep­tion et l’élaboration d’une start-up dans le champ des aéronefs autonomes… une atmo­sphère de con­stante inno­va­tion, où elle est comme un pois­son dans l’eau.

Por­teuse vigoureuse de cette utopie, elle con­sacr­era son exis­tence à l’exploration de la Lune ou de Mars, à l’habitation col­lec­tive de sta­tions spa­tiales en orbite.

On sait, en out­re, que la planète Mars, déserte, apparem­ment inhos­pi­tal­ière, a néan­moins moult attraits. L’eau y reste présente en abon­dance, sous la forme de couch­es de glace enfouies sous d’autres sédi­ments. Il y eut, de par le passé, des fleuves et des riv­ières, dont maintes traces sont vis­i­bles. Itou, pour des coulées de boues. Autres reliques de ce passé hydrique, des argiles omniprésentes, avec des sul­fates qui leur sont superposés.

Le vol­can­isme – Mars a le plus grand vol­can du sys­tème solaire – fit des basaltes et andésites. Le sol, sou­vent sablon­neux, très oxy­dant et oxy­dé (hématite, respon­s­able de la couleur rouge de la planète), riche en car­bon­ates et per­chlo­rates, est recou­vert de pous­sières que les vents dis­persent. L’atmosphère est faite à 98 % de CO2, l’argon et l’azote y ont des teneurs inférieures à 2 %.

D’où la néces­sité, pour les astro­nautes qui, tôt ou tard, y établiront une sta­tion, d’user de pan­neaux pho­to­voltaïques pour con­ver­tir l’énergie solaire en hydrogène et oxygène, par pho­to­cli­vage de l’eau.

La joie d’apprendre

L’impatience de Louise à pour­suiv­re sa for­ma­tion vers son terme, sa joie d’apprendre, qu’il s’agisse de nav­i­ga­tion plané­taire et de vols habités, du fonc­tion­nement d’une fusée par le menu, ou encore de coloni­sa­tion d’un objet astronomique, relèvent de son apti­tude à s’enthousiasmer pour le pro­jet per­son­nel qu’elle porte depuis l’enfance : devenir astronaute.

Comme l’écrivirent en 1936 Raïs­sa et Jacques Mar­i­tain, sa fer­veur s’exprime par « le sens de l’abondance de l’être, la joie de la con­nais­sance du monde et de la liber­té et l’élan vers la décou­verte sci­en­tifique, l’enthousiasme créa­teur et la dilec­tion de la beauté des formes sensibles ».

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