Les vins de Porto

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°530 Décembre 1997Rédacteur : Laurens DELPECH

Si la ville de Por­to est – comme son nom l’indique – au bord de la mer, le vignoble est à une cen­taine de kilo­mètres à l’intérieur des terres, le long du fleuve Dou­ro. Ce ter­roir schis­teux, culti­vé en ter­rasses, convient remar­qua­ble­ment bien à la pro­duc­tion de vins de qua­li­té. Il existe des por­tos blancs, qui peuvent faire un apé­ri­tif aimable, mais les plus grands por­tos sont rouges.

La vinification

Le por­to est ce qu’on appelle un vin “ muté ”, ce qui signi­fie qu’on a ajou­té de l’alcool pour arrê­ter la fer­men­ta­tion. Au départ, le por­to est vini­fié comme n’importe quel vin rouge, mais aus­si­tôt que la moi­tié du sucre natu­rel du rai­sin a été trans­for­mée en alcool (il reste alors approxi­ma­ti­ve­ment 90 grammes de sucre rési­duel par litre de moût) on vide les cuves pour en répar­tir le conte­nu dans des bar­riques déjà rem­plies d’alcool (un alcool neutre titrant 77°) au cin­quième de leur capa­ci­té. La fer­men­ta­tion s’arrête alors instantanément.

Le vin ain­si obte­nu titre 20° et, comme il a conser­vé le sucre qui n’a pas été trans­for­mé en alcool par le pro­ces­sus de fer­men­ta­tion, il a beau­coup de moel­leux et un remar­quable poten­tiel de vieillis­se­ment. Dès la vini­fi­ca­tion ache­vée, le por­to est trans­fé­ré pour y être éle­vé et mis en bou­teilles dans les entre­pôts des dif­fé­rents pro­prié­taires et négo­ciants, qui sont tous situés à Vil­la­no­va de Gaia, en face de la ville de Por­to, sur la rive oppo­sée du Douro.

Les différents types de portos

La plu­part des por­tos vieillissent en bar­riques (les Anglais les appellent des “wood-ports ”). Ce sont des vins d’assemblage (assem­blage de vins de plu­sieurs années et de plu­sieurs ter­roirs) et ils sont mis en bou­teilles quand ils sont prêts à boire. Ce n’est pas le cas des plus grands des por­tos, les vin­tages, qui pro­viennent d’un mil­lé­sime pré­cis (vin­tage signi­fie mil­lé­sime en anglais) et des meilleurs ter­roirs de l’appellation, passent peu de temps en bar­riques, et sont mis presque immé­dia­te­ment en bou­teilles, comme nos grands crus. D’ailleurs, comme les grands vins de Bor­deaux ou de Bour­gogne, il faut savoir les attendre plu­sieurs années (sou­vent au moins vingt ans), si on veut les appré­cier dans l’incomparable éclat de leur maturité.

En allant du bas en haut de l’échelle, on dis­tingue plu­sieurs types de vins, qui sont presque tous des assem­blages de crus et d’années dif­fé­rents, sauf cer­tains d’entre eux, que nous signalons :

Le ruby, un vin simple et léger qui, s’il est ven­du par une mai­son connue, aura pas­sé deux à trois ans en bar­riques avant d’être mis en vente. Un cer­tain nombre de ruby s’appellent vin­tage cha­rac­ter ports, pour ten­ter de capi­ta­li­ser sur le pres­tige des vin­tages, il s’agit en fait d’un ruby ayant vieilli un peu plus (de quatre à cinq ans) et qui pro­vient de vignes situées dans la région de Cima Cor­go, où se trouvent les meilleurs vignobles, alors qu’un simple ruby pro­vien­dra géné­ra­le­ment de vignes situées dans la région de Baixa Cor­go, moins cotée. Le même type de ruby amé­lio­ré est aus­si ven­du sous les déno­mi­na­tions “ Spe­cial ”, “ Super­ior ” ou “ Reserve ”. L’appellation vin­tage cha­rac­ter crée une cer­taine confu­sion, car elle s’applique éga­le­ment à cer­tains taw­nies, elle désigne alors, comme pour un ruby, une qua­li­té par­ti­cu­liè­re­ment sélectionnée.

Le taw­ny est appe­lé ain­si par ce qu’il a pris une cou­leur pâle due au vieillis­se­ment en fût (taw­ny désigne en anglais la cou­leur de la queue du renard). La plu­part des taw­nies sont des dix ans d’âge, mais on trouve aus­si des vingt ans d’âge, des trente ans d’âge et des qua­rante ans d’âge. Ils sont net­te­ment supé­rieurs aux rubies car ils viennent de meilleures vignes et ont été éle­vés avec un soin par­ti­cu­lier. Les taw­nies pro­ve­nant d’un seul mil­lé­sime s’appellent des col­hei­tas et la date du mil­lé­sime figure sur l’étiquette (le mot col­hei­ta signi­fie récolte en por­tu­gais). Ils ont vieilli au moins sept ans en fût de chêne.

Le late-bot­tled vin­tage est une sorte de com­pro­mis entre le vin­tage et le taw­ny. Comme le vin­tage, il pro­vient de la récolte d’une seule année et de ter­roirs répu­tés, mais il a vieilli en bar­riques pen­dant trois à six ans avant d’être mis en bou­teilles, il est donc prêt à boire dès qu’il appa­raît sur le mar­ché. On pour­rait en fait assi­mi­ler le late-bot­tled vin­tage à un col­hei­ta qui aurait été mis en bou­teilles assez tôt.

Nous avons déjà vu ce qu’est le vin­tage port. Pré­ci­sons que – comme en Cham­pagne – chaque année n’est pas mil­lé­si­mée. Les grandes mai­sons déclarent des vin­tages en moyenne quatre fois par décen­nie. Les vin­tages peuvent pro­ve­nir de l’assemblage de plu­sieurs vins de haute qua­li­té, mais qui doivent tous être du même millésime.

Le fin du fin est le vin­tage port, qui pro­vient d’une seule vigne, par­ti­cu­liè­re­ment répu­tée. Le plus célèbre de tous est le Quin­ta da Noval “ Nacio­nal ” que les connais­seurs du monde entier s’arrachent lors des ventes aux enchères orga­ni­sées par Christie’s ou Sothe­by. Les vin­tages sont des très grands vins, issus de ter­roirs d’exception, ils ont notam­ment un frui­té extra­or­di­naire qui a été pré­ser­vé grâce à une mise en bou­teilles rapide.

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