Château Olivier, retour vers le futur

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°601 Janvier 2005Rédacteur : Laurens DELPECH

Con­traire­ment à de nom­breux domaines viti­coles, la récente renais­sance de Château Olivi­er n’est pas due à un change­ment de pro­prié­taire. Le château est en effet dans la même famille depuis pas moins de cent dix-huit ans. Un ancêtre fut maire de Bor­deaux, un autre pos­sé­da le Château Gru­aud-Larose. L’actuel pro­prié­taire, Jean-Jacques de Beth­man, est celui qui a su pos­er les fonde­ments de la renais­sance du cru, notam­ment par le recrute­ment en 2002 d’un jeune ingénieur agronome et oeno­logue, Lau­rent Lebrun, qui, dès son arrivée, a com­mandé une étude pédologique et géologique. Cette étude a mis au jour, out­re la diver­sité des sous-sols, l’existence d’une croupe par­ti­c­ulière­ment qual­i­ta­tive et riche en graves. Elle con­stitue une par­celle de 8 ha du nom de Bel-Air, et atteint 55 mètres de hau­teur (le point cul­mi­nant du domaine) à l’extrême ouest du vig­no­ble. Sa com­po­si­tion (60% de graves agglomérées par une matrice sablo-argileuse) est celle du ter­roir arché­typ­ique qui a fait la répu­ta­tion des vins de Bor­deaux. On con­naît les atouts des graves, ces galets roulés qui réfléchissent la lumière sur les grappes tout en emma­gasi­nant la chaleur du jour pour la restituer la nuit. L’argile, quant à elle, four­nit l’approvisionnement hydrique néces­saire, sans excès.

Curieuse­ment, la par­celle Bel-Air est actuelle­ment plan­tée de pins. L’histoire du vig­no­ble de Château Olivi­er est en effet inex­tri­ca­ble­ment mêlée à celle de ses forêts. Il a été dif­fi­cile d’arbitrer entre ces deux richess­es pour une famille pénétrée de principes de bonne ges­tion (n’oublions pas qu’il y a seule­ment quar­ante ans le vin de bor­deaux se vendait à un très faible prix. La hausse des grands crus a réelle­ment com­mencé il y a env­i­ron vingt ans, avec le mil­lésime 1982).

Sur les 220 hectares de la pro­priété, 180 sont classés en appel­la­tion Pes­sac-Léog­nan mais seule­ment 55 sont en pro­duc­tion. Les zones boisées, quant à elles, sont pour la plu­part des Espaces boisés à con­serv­er. La chance est pour­tant du côté de Château Olivi­er car en 2003 le Plan local d’urbanisation de la com­mune de Léog­nan était en révi­sion. M. de Beth­man a donc demandé la lev­ée des servi­tudes sur cer­taines zones boisées et l’a obtenue en décem­bre, après une étude d’impact sur l’environnement. Dès avril 2004, 2 des 8 ha de la par­celle déboisée sont plan­tés en caber­net sauvi­gnon ; le reste sera plan­té par tranch­es de 2 ha tous les ans. Le choix du cépage s’est imposé de lui-même, d’abord parce que l’on avait beau­coup plan­té de mer­lot à Olivi­er ces dernières années, ensuite et surtout parce que le ter­roir est idéal pour le caber­net sauvignon.

Château Olivi­er con­naît donc un vrai renou­veau. L’intérêt porté au ter­roir va de pair avec une réno­va­tion du cuvi­er. Les cuves en inox inau­gurées pour les ven­dan­ges 2003 sont de forme tron­conique, de tailles var­iées et éch­e­lon­nées de 80 à 100 hl. Elles sont alignées dans une superbe halle du XVI­I­Ie à laque­lle les vieilles poutres con­fèrent beau­coup de charme. Asso­ciée à des pra­tiques qui ont fait leurs preuves (ven­dan­ges en cagette, pigeage, trans­port du raisin par grav­i­ta­tion, macéra­tion à froid etc.), la nou­velle cuver­ie per­met une vini­fi­ca­tion par­cel­laire plus pointue. Ain­si, en 2003, 25 lots ont été vinifiés séparé­ment, en fonc­tion du cépage et du sol. Le proces­sus de sélec­tion des meilleurs lots est facil­ité depuis 2000 par la créa­tion d’un sec­ond vin bap­tisé “ la seigneurie d’Olivier ”.

L’accent est claire­ment mis sur les rouges qui représen­tent 80% de la pro­duc­tion, même si le cru est classé dans les deux couleurs. Château Olivi­er est sans doute le “ nou­v­el espoir ” des Graves, car la mise en pro­duc­tion pro­gres­sive d’un très grand ter­roir aura for­cé­ment un impact très fort sur la qual­ité du vin. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut boire avec plaisir un vin déjà excel­lent et qui a un grand avenir devant lui…

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