Des moines savourant le vin

Les bordeaux d’AXA millésimes

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°521 Janvier 1997Rédacteur : Laurens DELPECH

Claude Bébéar (55) est d’origine bor­de­laise. C’est peut-être la rai­son pour laquelle, dès 1984, avec l’achat du châ­teau Franc-Mayne, il a lan­cé une poli­tique de diver­si­fi­ca­tion patri­mo­niale qui a conduit AXA à inves­tir dans de grands vignobles de Bor­deaux et de Bour­gogne (Nuits-Saint-Georges Pre­mier Cru Clos de l’Arlot) mais aus­si de Hon­grie (Tokay) et AXA Mil­lé­simes, socié­té hol­ding qui ras­semble l’ensemble du patri­moine viti­cole du groupe. AXA Mil­lé­simes est diri­gé par Jean-Michel Cazes, ami d’enfance de Claude Bébéar et pro­prié­taire du châ­teau Lynch-Bages à Pauillac ain­si que du châ­teau Les Ormes-de-Pez à Saint-Estèphe.

Nous allons pas­ser en revue les pro­prié­tés bor­de­laises du groupe, ce qui nous per­met­tra de faire un voyage ini­tia­tique de la Rive Droite à la Rive Gauche, en finis­sant dans le Sauternais.

Le châ­teau Petit-Vil­lage est situé au plus haut du pla­teau de graves qui consti­tue le cœur de l’appellation Pome­rol. Les gels de 1956 y pro­vo­quèrent de tels dégâts qu’il fal­lut replan­ter les vignes en tota­li­té. Celles-ci ont donc atteint main­te­nant leur âge opti­mal. C’est un vin colo­ré et savou­reux, qui repré­sente bien ce que l’on attend d’un Pome­rol. Le 83 est res­té très jeune par son aspect visuel. Sa robe com­mence cepen­dant à se tui­ler légè­re­ment. Il met un cer­tain temps à s’ouvrir sur des arômes de cham­pi­gnons et de truffes avec des nuances de com­pote de cerises. En bouche, les tan­nins sont bien fondus.

Le châ­teau Can­te­nac-Brown a été acquis en 1987 par la Com­pa­gnie du Midi et est donc deve­nu pro­prié­té d’AXA Mil­lé­simes après la fusion en 1989. Le ter­roir de Can­te­nac-Brown forme un superbe ensemble de 32 hec­tares au coeur de l’appellation Mar­gaux. De gros inves­tis­se­ments y ont été consen­tis : Can­te­nac-Brown dis­pose d’installations de vini­fi­ca­tion par­ti­cu­liè­re­ment modernes. Le 90 a une belle cou­leur rubis et un nez de feuille de cas­sis écra­sée et de vanille. Il se dis­tingue par sa finesse et son élé­gance. Il est rare de voir un mariage bois/vin aus­si remar­qua­ble­ment réussi.

Situé aux portes de Pauillac, le châ­teau Lynch- Bages est un des plus beaux domaines du Médoc, entre Mou­ton-Roth­schild et Lafite-Roth­schild au nord, Pichon-Com­tesse et Pichon-Baron au sud. Ses 85 hec­tares de croupes gra­ve­leuses pro­duisent un vin déli­cieux connu dans le monde entier : de New York à Tokyo, en pas­sant par Londres et Zurich, les ama­teurs plé­bis­citent Lynch-Bages. Le mil­lé­sime 88 est à la hau­teur de la répu­ta­tion du châ­teau, très supé­rieure à son clas­se­ment (c’est un 5e cru clas­sé du Médoc). D’une cou­leur pourpre très sou­te­nue, presque noire, il a un nez de fruits noirs avec une pointe de zan et des fla­veurs de cas­sis. En bouche, il est riche et plein, très savoureux.

Le châ­teau Pichon-Baron (2e cru clas­sé du Médoc) se trouve juste en face de Pichon-Com­tesse – dont il a été sépa­ré au XIXe siècle, à l’occasion d’une suc­ces­sion – et de Latour. Ce noble voi­si­nage ne l’a pas empê­ché de pro­duire des vins rela­ti­ve­ment médiocres dans les der­nières décen­nies. Beau­coup de choses ont chan­gé depuis l’acquisition de cette belle pro­prié­té de 50 hec­tares par AXA Mil­lé­simes, qui a notam­ment construit à Pichon- Baron un des chais les plus modernes et les plus fonc­tion­nels du Médoc. Le 91 est souple et gras, fine­ment boi­sé. Dans ce petit mil­lé­sime, Pichon-Baron a pro­duit un très bon Pauillac.

Le châ­teau Les Ormes-de-Pez (Cru bour­geois) est depuis long­temps un des meilleurs rap­ports qua­li­té-prix du Bor­de­lais. Cet excellent Saint-Estèphe étend ses 32 hec­tares autour du vil­lage de Pez, pro­dui­sant bon an mal an 180 000 bou­teilles d’un vin dense, colo­ré et profond.

En rai­son de la pro­por­tion rela­ti­ve­ment éle­vée de mer­lot qui entre dans les assem­blages, il est suf­fi­sam­ment souple pour qu’on puisse com­men­cer à le boire jeune, mais il vieillit très bien pen­dant dix ou quinze ans. Le 91 a des tan­nins fon­dus, bien équi­li­brés par son fruit. D’une belle lon­gueur en bouche, il fait mer­veille sur les viandes rôties. Ce n’est pas par hasard que Les Ormes-de-Pez a rem­por­té, en 1994, la dixième coupe des crus bour­geois du Médoc.

Magni­fique domaine de 200 hec­tares, dont 100 de vignes, le châ­teau Sudui­raut, un pre­mier cru clas­sé, se trouve à deux pas d’Yquem. À Sudui­raut, comme dans tous les grands châ­teaux du Sau­ter­nais, la cueillette des rai­sins se fait par tries suc­ces­sives et les ren­de­ments sont très faibles, de l’ordre de un verre par cep. Le Sudui­raut 83 a une belle robe dorée et un nez de miel et de mar­me­lade d’orange. Il est ample et gras au palais, avec une belle per­sis­tance épi­cée très agréable.

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